COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 14 DECEMBRE 2016
R.G. N° 15/00709
AFFAIRE :
[E] [W]
C/
SAS DERICHEBOURG SOURCING AERO & ENERGY
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° RG : 11/01109
Copies exécutoires délivrées à :
Me François AJE
la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[E] [W]
SAS DERICHEBOURG SOURCING AERO & ENERGY,
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me François AJE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413 substitué par Me Emilie GATTONE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/014497 du 21/01/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
SAS DERICHEBOURG SOURCING AERO & ENERGY
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0208
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Madeleine MATHIEU, Président,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
Monsieur [E] [W] a été engagé, à partir du 2 mars 2000, par la SAS DERICHEBOURG INTÉRIM AÉRONAUTIQUE, devenue DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy et dénommée ci-après DERICHEBOURG, dans le cadre de contrats de mission, en qualité de magasinier fret, d'agent de piste ou d'agent de service. Il a été essentiellement placé au sein de l'entreprise AIR FRANCE CARGO et son dernier contrat a pris fin le 26 mai 2007.
Les relations contractuelles étaient régies par les accords nationaux des entreprises de travail temporaire et des personnels intérimaires et permanents.
La société DERICHEBOURG et la société AIR FRANCE CARGO employaient, chacune, habituellement plus de 10 salariés au moment de la fin de la relation contractuelle.
Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY le 12 novembre 2010 afin d'obtenir la condamnation de la société DERICHEBOURG à lui verser un rappel de salaire ainsi qu'une indemnité en réparation du préjudice lié à l'absence de visite médicale.
Par jugement du 06 septembre 2012, le Conseil a condamné la société DERICHEBOURG à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :
- 149,58 euros de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires,
-14,96 euros de congés payés afférents,
- 1.000,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,
- 900,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a également ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à sa décision.
Monsieur [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe le 09 octobre 2012. Il demandait à la Cour de confirmer le jugement déféré en ses dispositions qui lui étaient favorables mais de le réformer pour le surplus.
Il sollicitait, pour la première fois en cause d'appel, la nullité des contrats de travail temporaire conclus avec la société DERICHEBOURG et la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée tant auprès de cette dernière qu'à l'égard de la société AIR FRANCE CARGO. Il réclamait ainsi :
1°) la condamnation de la société DERICHEBOURG à lui verser les sommes suivantes:
- 40.000,00 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions L1251-16 et L1251- 17 du Code du travail,
- 23.007,60 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.849,12 euros d'indemnité légale de licenciement,
- 2.556,40 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 255,64 euros de congés payés afférents,
- 30.000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur la médecine du travail et violation de l'obligation de sécurité,
- 1.043,66 euros à titre de rappel de salaire lié à la majoration des heures supplémentaires,
- 104,36 euros de congés payés afférents,
- 7.669,20 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 30.000,00 euros d'indemnité pour non-respect des temps de repos,
2°) la condamnation de la société AIR FRANCE CARGO à lui verser les sommes suivantes :
- 50.000,00 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes non travaillées séparant deux contrats de mission,
- 23.007,60 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.849,12 euros d'indemnité légale de licenciement,
- 2.556,40 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 255,64 euros de congés payés afférents.
Monsieur [W] sollicitait également la condamnation in solidum des sociétés DERICHEBOURG et AIR France CARGO à lui verser la somme de 40.000,00 euros d'indemnité de requalification et 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy demandait à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle sollicitait qu'il soit déclaré irrecevable en son action en requalification pour les missions de travail temporaire achevées avant le 12 novembre 2005 et de le débouter de toutes les demandes en découlant.
La société AIR FRANCE CARGO, intervenante forcée, citée par Monsieur [W], soulevait l'irrecevabilité des demandes de ce dernier, aux motifs, d'une part, que n'étant pas partie en première instance, elle ne pouvait être utilement appelée devant la présente Cour que par voie d'assignation et, d'autre part, qu'elles étaient prescrites.
A titre subsidiaire, elle concluait au rejet des prétentions du salarié et sollicitait de la Cour la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par arrêt du 15 juin 2015, la Cour, statuant sur les exceptions de procédure, a :
- déclaré irrecevable la demande d'intervention forcée de la société AIR FRANCE CARGO,
- dit que les demandes en requalification de la relation de travail pour les contrats conclus antérieurement au 12 novembre 2005 sont prescrites,
- condamné Monsieur [W] à payer à la société AIR FRANCE CARGO la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 02 novembre 2016, Monsieur [W] demande à la Cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a condamné la société DERICHEBOURG, sur le principe, à lui verser un rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et des dommages et intérêts pour défaut de visite médicale, mais de l'infirmer pour le surplus. Il entend que soit prononcée la nullité des contrats de travail temporaire conclus avec la société DERICHEBOURG et qu'ils soient requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2005.
Il entend également que la rupture des relations contractuelles soit considérée comme un licenciement abusif et, en conséquence, que la société DERICHEBOURG soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :
- 40.000,00 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions L1251-16 et L1251-17 du Code du travail,
- 23.007,60 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 393,08 euros d'indemnité légale de licenciement,
- 1.278,20 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 127,82 euros de congés payés afférents,
- 30.000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur la médecine du travail et violation de l'obligation de sécurité,
- 858,92 euros de rappel de majoration d'heures supplémentaires,
- 85,89 euros de congés payés afférents,
- 7.669,20 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 30.000,00 euros d'indemnité forfaitaire pour non-respect des temps de repos,
- 5.000,00 euros au titre de l'article 37 de la loi du 9 juillet 1991,
le tout assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Monsieur [W] sollicite en outre la condamnation de la société DERICHEBOURG à lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, les bulletins de paye correspondant à la période du 2 mars 2000 au 26 mai 2007 et un reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard et par document.
La société DERICHEBOURG demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation de la décision critiquée.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA COUR :
Sur la nullité des contrats de travail temporaire :
Monsieur [W] soutient qu'il n'a jamais reçu l'intégralité de ses contrats de mission et que certains d'entre eux ne lui ont pas été transmis dans les délais légaux. Il affirme en outre que la société DERICHEBOURG ne lui a jamais communiqué ces contrats par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge.
L'article L1251-1 du Code du travail dispose que « Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission. Chaque mission donne lieu à la conclusion:
1°) d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit "entreprise utilisatrice' ;
2°) d'un contrat de travail, dit "contrat de mission " entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire';
L'article L 1251-16 du Code du Travail qui dispose : « Le contrat de mission est établi par écrit. Il comporte notamment :
1° La reproduction des clauses et mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l'article L. 1251-43 ;
2° La qualification professionnelle du salarié ;
3° Les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L. 1251-32 ;
4° La durée de la période d'essai éventuellement prévue ;
5° Une clause de rapatriement du salarié à la charge de l'entrepreneur de travail temporaire lorsque la mission s'effectue hors du territoire métropolitain. Cette clause devient caduque en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié ;
6° Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance dont relève l'entreprise de travail temporaire ;
7° La mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite' »
L'article L1251-17 du Code du travail, précise que 'le contrat de mission doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition'.
Ces dispositions étant d'ordre public, leur violation entraînent, à la demande du salarié, et sauf fraude de sa part, non pas la nullité des contrats de mission mais leur requalification en un contrat de travail à durée indéterminée.
Enfin, l'article L1251-41 du Code du travail dispose que 'Si le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée'.
En l'espèce, s'il n'est pas contestable que Monsieur [W] a été lié à l'entreprise DERICHEBOURG par de nombreux contrats de mission, entre le 2 mars 2000 et le 26 mai 2007, il n'indique pas ceux qui ne lui auraient pas été remis. Il ne produit pas davantage de bulletins de salaire qui ne seraient pas liés à un contrat de mission afin de démontrer la réalité de ses reproches.
Par ailleurs, contrairement aux allégations de Monsieur [W], il n'est nullement exigé de l'entreprise de travail temporaire qu'elle transmette le contrat de mission par lettre recommandée avec demande de réception ou par remise en main propre contre décharge, son unique obligation étant d'établir et d'envoyer au travailleur temporaire le contrat dans les 2 jours ouvrables suivant sa mise à disposition. En l'espèce, Monsieur [W] ne précise pas les contrats qui seraient entachés de cette irrégularité, alors même qu'il n'est pas contesté qu'il a toujours accepté et exécuté les missions qui lui étaient proposées et qu'il a toujours perçu une rémunération et des indemnités de précarité pour leur réalisation. Il n'est pas davantage contesté que Monsieur [W] ne s'est jamais plaint auprès de l'entreprise de travail temporaire de ne pas avoir reçu certains contrats, évoquant ce grief pour la première fois au cours de la procédure prud'homale soit plus de trois ans après la fin de la relation contractuelle.
Les irrégularités invoquées par Monsieur [W] n'étant pas établies, il convient, dès lors de rejeter sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, et, en conséquence, sa demande d'indemnité de requalification.
- Sur la fin de la relation contractuelle :
Il n'est pas contesté que le dernier jour de travail de Monsieur [W] a eu lieu le 26 mai 2007, date à laquelle plus aucune mission ne lui sera proposée. Pour autant, cette fin de relation contractuelle ne peut être considérée comme un licenciement, le salarié n'étant pas lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'agit, en réalité, d'une fin de mission, la société DERICHEBOURG n'ayant, par ailleurs, aucune obligation de lui fournir un travail régulièrement.
Monsieur [W] doit donc être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement des indemnités de rupture.
- Sur le défaut de visite médicale :
L'article L1251-22 du Code du travail dispose que les obligations relatives à la médecine du travail sont à la charge de l'entreprise de travail temporaire.
Aux termes de l'article R.4624-10 du Code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
Aux termes de l'article R.4624-16 du Code du travail le salarié bénéficie d'examen médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.
L'article R 4624-12 du Code du travail dispense de la réalisation de cette visite d'embauche si le salarié exerçait, dans le cadre de son précédent emploi, des fonctions identiques présentant les mêmes risques d'exposition et s'il n'avait pas fait l'objet d'un avis d'inaptitude dans les 12 derniers mois.
Il n'est pas contestable que la SAS DERICHEBOURG ne peut fournir la fiche d'aptitude de la visite médicale d'embauche, étant rappelé que la première mission de Monsieur [W] date du 02 mars 2000. Sont par contre produites les fiches relatives aux visites organisées pour les années 2005 et 2007 dans le cadre du suivi régulier du travailleur, ainsi que celle consécutive à l'accident du travail survenu le 06 août 2006, qui ne mentionne aucune inaptitude.
C'est donc par une exacte appréciation du préjudice subi que le Conseil des Prud'hommes a condamné la société DERICHEBOURG à verser à Monsieur [W] la somme de 1.000,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, étant précisé que, s'agissant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, le salarié ne peut invoquer sa maladie professionnelle, laquelle été reconnue plus de deux ans après la fin de leur relation de travail sans qu'il n'ait été associé à la procédure instruite à cet égard par la Caisse primaire d'assurance maladie.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
- Sur les heures supplémentaires :
La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du Code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.
Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, le Conseil de Prud'hommes a accordé à Monsieur [W] un rappel d'heures supplémentaires pour un montant de 149,88 euros correspondant à la période qu'il sollicitait à l'époque, soit celle du premier trimestre 2006. En cause d'appel, Monsieur [W] modifie sa demande et réclame désormais le paiement des majorations d'heures supplémentaires pour un montant de 1.034,66 euros, correspondant à la période du 12 novembre 2005 au 31 décembre 2006.
Monsieur [W] explique qu'il occupait simultanément deux postes de travail sur la même journée, celui de magasinier le matin et celui d'agent de fret l'après midi ou inversement. Effectuant ces missions suivant deux contrats distincts, l'entreprise de travail temporaire n'a jamais calculé la durée de travail journalière cumulée, le privant de la majoration applicable aux heures supplémentaires.
Pour étayer ses dires, Monsieur [W] produit ses bulletins de salaire et les contrats de mission définissant ses conditions de travail.
Il s'ensuit que le salarié produit des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
La société DERICHEBOURG estime que Monsieur [W] a été rempli de ses droits au titre des majorations dues pour les heures supplémentaires qu'il a effectuées et indique qu'elle l'a rémunéré, en toute bonne foi, en fonction des relevés d'heures qui lui étaient transmis par l'entreprise utilisatrice.
Pour autant, la lecture des contrats de mission et des bulletins de salaire montre que, comme le souligne Monsieur [W], celui-ci a bien réalisé des heures supplémentaires dans les proportions suivantes :
- sur la période du 12 novembre au 31 décembre 2005 : 22 heures,
- sur la période du 01er janvier au 31 décembre 2006 : 256,91 heures.
La société DERICHEBOURG ne peut valablement s'exonérer de son obligation de paiement en soutenant qu'elle a payé Monsieur [W] en fonction des éléments fournis par la société AIR FRANCE CARGO, puisque le salarié doit être payé pour le travail qu'il a exécuté et que la simple lecture des contrats de mission qu'elle lui faisait signer mettait en évidence ces dépassements d'horaire.
Pour l'année 2005, le SMIC était de 8,03 euros l'heure. La majoration à 25 % d'une heure représentait la somme de 2,00 euros et la majoration à 50 % la somme de 4,00 euros .
Pour l'année 2006, le SMIC était de 8,27 euros l'heure. La majoration à 25 % d'une heure représentait la somme de 2,06 euros et la majoration à 50 % la somme de 4,13 euros.
Dès lors, la société DERICHEBOURG doit être condamnée à verser à Monsieur [W] la somme de 858,92 euros à titre de rappel de majoration d'heures supplémentaires augmentée de celle de 85,89 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être modifié en ce sens.
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L.8221-5, 2 , du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture.
La demande en paiement d'heures supplémentaires n'a pas pour effet de rendre irrecevable la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire.
Le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, le seul fait pour l'entreprise de travail temporaire de ne pas avoir réglé les heures supplémentaires au taux majoré ne saurait suffire à démontrer une intention frauduleuse, étant rappelé que le salarié n'a évoqué leur non paiement qu'à l'occasion de la procédure prud'homale, soit trois ans après la fin de la dernière mission.
Monsieur [W] doit être débouté de sa demande de ce chef.
- Sur le non respect des temps de repos :
L'article L3131-1 du Code du travail fixe la durée minimale du repos quotidien à 11 heures consécutives.
L'article L3132-1 du même code interdit de faire travailler le salarié plus de 6 jours par semaine, ce qui porte la durée du repos minimal hebdomadaire à 24 heures consécutives.
En l'espèce, si les fiches de paye de Monsieur [W] indiquent qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires, elles ne font nullement apparaître qu'il aurait été privé du jour de repos hebdomadaire prévu au minimum par la loi.
Au contraire, comme cela ressort des contrats de mission, Monsieur [W] a travaillé selon des horaires décalés, du lundi au dimanche, et , sur les périodes litigieuses, il a disposé des temps de repos suivants :
- du 19 novembre au 2 décembre 2005, il a bénéficié de 2 jours de repos les 25 et 29 novembre 2005 puisqu'il a terminé son travail à 05 heures les 24 et 28 novembre, pour ne le reprendre que le lendemain à 22 heures,
- du 8 au 16 décembre, il a bénéficié de 2 jours de repos, les 12 et 14 décembre 2005, puisqu'il a terminé son travail à 05 heures les 11 et 13 décembre pour ne le reprendre que le lendemain à 16 heures,
- du 18 décembre 2005 au 9 janvier 2006, il a bénéficié de 4 jours de repos les 20, 26 et 31 décembre 2005 ainsi que le 5 janvier 2006,
- du 10 au 16 avril 2006, il a bénéficié d'un jour de repos, le 13 avril 2006, puisqu'il a terminé sa journée de travail le 13 avril à 05 heures pour ne la reprendre que le lendemain à 14 heures,
- du 19 au 25 juin 2006, il a bénéficié de 3 jours de repos les 19, 24 et 25 juin 2006,
- du 27 juin au 5 juillet 2006, il a bénéficié d'un jour de repos, le 27 juin 2006,
- du 23 au 31 décembre 2006, il a bénéficié d'un jour de repos, le 30 décembre 2006.
Dans ces conditions, Monsieur [W] doit être débouté de la demande de ce chef.
- Sur la remise des documents de fin de contrat :
Il convient d'ordonner à la société DERICHEBOURG la remise, à Monsieur [W], d'un solde de tout compte, d'une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une astreinte.
- Sur les demandes annexes :
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, la créance indemnitaire, à compter de la décision qui la fixe.
Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Si Monsieur [W], qui succombe à l'instance, doit supporter les dépens, l'équité commande par contre de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles par elle exposés.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 06 septembre 2012 par le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY,
Y AJOUTANT,
DIT que les contrats de mission ne souffrent d'aucune irrégularité,
DÉBOUTE Monsieur [W] de sa demande de requalification de la relation de travail et d'indemnité en découlant,
DIT que les relations contractuelles entre Monsieur [W] et la société DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy se sont terminées à l'échéance de la dernière mission, le 26 mai 2007,
DÉBOUTE Monsieur [W] de ses demandes d'indemnité de rupture,
DÉBOUTE Monsieur [W] de sa demande au titre du travail dissimulé,
DIT que la société DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy a respecté les temps de repos hebdomadaire,
CONDAMNE la société DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :
- 858,92 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires effectuées entre le 12 novembre 2005 et le 31 décembre 2006,
- 85,89 euros de congés payés afférents,
ORDONNE à la société DERICHEBOURG Sourcing Aero et Energy de délivrer à Monsieur [W], un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paye conformes à cette décision,
RAPPELLE que les sommes ayant un caractère de salaire bénéficient des intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et les autres sommes à compter de la décision de première instance,
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 37 de la Loi du 09 juillet 1991,
CONDAMNE Monsieur [W] aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Madeleine MATHIEU, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,