COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 66C
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2017
R.G. N° 15/03222
AFFAIRE :
[X] [G] [T], veuve de Monsieur [J] [C] [A]
C/
[R], [K], [U] [I]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mars 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : Pôle Famille
Section : 3
N° RG : 13/10080
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Elisabeth ROUSSET,
Me Marie-christine MERCIER,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [G] [T], veuve de Monsieur [J] [C] [A]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Elisabeth ROUSSET, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 313
Représentant : Me Jérôme LE MEUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0091
APPELANTE
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Monsieur [R], [K], [U] [I]
né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentant : Me Marie-christine MERCIER, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 127
INTIME
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mars 2017, Madame Véronique BOISSELET, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
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[J] [A] est né en [Date naissance 3] du mariage de [S] [N] et [T] [A], qui ont divorcé en 1952. Il a épousé Mme [X] [T] en [Date mariage 1]. Le couple n'a pas eu d'enfants. [S] [N], qui s'était remariée avec [C] [I] en [Date mariage 1], a institué légataire universel M. [R] [I], cousin de son époux décédé, et est décédée en [Date décès 1].
Exposant s'être occupée de [S] [N], sa belle-mère, depuis le décès de son époux en [Date décès 2], Mme [T] a assigné le 7 août 2013 M. [R] [I] (M. [I]) devant le tribunal de grande instance de Nanterre, auquel elle demandait de juger qu'elle était créancière sur la succession de [S] [N], de la somme de 200 000 euros, à raison de cette assistance.
Par jugement du 19 mars 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- déclaré recevable la demande fondée sur l'enrichissement sans cause,
- débouté Mme [T] de sa demande,
- condamné Mme [T] aux dépens,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Mme [T] en a relevé appel le 27 avril 2015, et prie la cour, par dernières écritures du 23 juillet 2015, de :
- condamner M. [I], ès qualités de légataire universel de [S] [N], à lui payer la somme de 200 000 euros, ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.
Les conclusions déposées dans l'intérêt de M. [I] le 9 octobre 2015 ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 19 novembre 2015 devenue définitive.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2017.
SUR QUOI LA COUR :
Le tribunal a retenu que, l'assignation ayant été délivrée moins de cinq ans après le jour où Mme [T] a connu les faits lui permettant d'agir, soit en l'espèce moins de cinq ans après le décès de [S] [N], la prescription prévue par l'article 2224 du code civil n'était pas acquise.
Au fond, il a considéré que, s'il était établi que Mme [T] avait prodigué à sa belle-mère des soins allant au delà de la piété filiale, Mme [T] ne démontrait pas l'appauvrissement qui en était résulté pour elle, relevant au contraire qu'elle avait recueilli tout le mobilier de la défunte, ainsi que deux contrats d'assurance vie pour la somme totale de 200 000 euros. Il a ajouté que l'enrichissement en ayant résulté pour la défunte n'était pas davantage démontré, puisque des assistantes de vie s'étaient succédées auprès d'elle malgré les visites et conseils de Mme [T].
Mme [T] expose que [S] [N] était devenue dépendante à compter de 2003, et que c'était elle qui réglait les difficultés quotidiennes qui se présentaient, avec la seule aide d'une femme de ménage, Mme [V], qui était également la gardienne de l'immeuble. Elle fait valoir que l'assistance qu'elle a fournie, qui a consisté à être l'interlocutrice des médecins et auxiliaires de vie qui se succédaient auprès de [S] [N], a obéré sa vie personnelle, puisqu'elle y a sacrifié des week-ends et des vacances pendant les sept dernières années de la vie de la défunte. Elle a également été empêchée d'investir comme il aurait fallu dans sa vie professionnelle, ce qui l'a privée de toute évolution sur les vingt dernières années. Elle observe que l'enrichissement en résultant pour [S] [N] est reconnu, puisque M. [I] a admis que cette aide a pu contribuer au maintien à domicile de la défunte, et qu'à défaut de production de la déclaration de succession, l'affirmation selon laquelle les charges liées à l'assistance à domicile ont lourdement grevé le patrimoine de [S] [N] n'est pas démontrée. Elle rappelle qu'elle n'avait aucune obligation naturelle d'assistance à l'égard de sa belle-mère à la suite du décès de son époux en [Date décès 2]. Elle conteste que les deux contrats d'assurance vie dont elle a bénéficié aient eu pour objet l'indemnisation de cette assistance, puisqu'ils ont été souscrits antérieurement et procèdent d'une volonté purement libérale, et qu'en outre les prélèvements fiscaux subis les rendent bien insuffisants. Le mobilier était de faible valeur, et son déménagement a été en outre à l'origine de nombreux frais. Enfin, la transaction proposée par M. [I] montre bien que ce dernier avait conscience du bien fondé de sa demande.
***
Le tribunal a justement rappelé que l'action en répétition de l'enrichissement sans cause est admise lorsque le patrimoine d'une personne s'est enrichi au détriment d'un autre et que l'appauvrissement corrélatif qui en est résulté ne trouve pas de justification.
Il ne peut être tiré aucune conclusion du projet de protocole d'accord entre M. [I] et Mme [T], puisque ce document n'a jamais été signé.
La cour, après examen des pièces, ne peut que constater que, s'il est en effet établi que Mme [T] a entouré de son affection sa belle-mère à la fin de sa vie, en lui rendant souvent visite et en veillant à son confort, il n'est pas démontré, comme elle le soutient, qu'elle aurait organisé sa vie personnelle et professionnelle en fonction des impératifs des soins à lui apporter, lesquels étaient prodigués par des assistantes de vie se relayant en permanence auprès d'elle et coordonnés dans un premier temps par Mme [V], jusqu'à son départ au Portugal, puis par Mme [J], devenue, selon son attestation, sa 'garde principale'. S'il est vrai que l'une des auxiliaires de vie, Mme [O], relate que Mme [T] ne partait pas loin en vacances, et pas plus de 15 jours au Touquet pour pouvoir revenir rapidement en cas de problème, ce seul élément ne permet pas à lui seul de caractériser la charge importante alléguée par Mme [T], même si elle était, comme indiqué par ce même témoin, 'souvent sollicitée'. Au demeurant, toutes les attestations, malgré leur évident parti pris en faveur de Mme [T], qui est cependant dépeinte par l'une d'elles comme fortement intéressée par les dispositions testamentaires prises par la défunte, montrent que M. [I], certes moins présent et moins proche de cette dernière, n'était pas moins associé aux décisions à prendre, et ne s'est jamais désintéressé du sort de [S] [N]. Les affirmations de Mme [T] sur le préjudice professionnel qu'elle aurait subi à raison de sa moindre disponibilité pour son travail à raison de l'assistance prodiguée à [S] [N] ne sont pas non plus corroborées par la moindre pièce. Il a enfin été justement rappelé que Mme [T] a été gratifiée de deux contrats d'assurance vie (pièces 35 et 36) et a ainsi perçu, selon ces pièces, un capital après impôts de 158 680 euros, outre le mobilier de la défunte. La circonstance que ces contrats aient été souscrits respectivement en 1996 et en 2003, soit antérieurement à l'état de dépendance de [S] [N], n'exclut pas, bien au contraire, que la volonté libérale ainsi manifestée ait participé du souci de [S] [N] de récompenser par avance une assistance future dont elle ne doutait pas à raison des liens affectifs entretenus avec sa belle-fille, et ils ont été justement retenus pour exclure tout appauvrissement non causé de Mme [T].
Aucun appauvrissement de Mme [T] n'est ainsi établi.
Par ailleurs, ainsi que justement relevé, rien ne démontre l'enrichissement corrélatif du patrimoine de la défunte, qui a supporté les frais importants liés à une assistance à domicile continue pendant plusieurs années, et le seul fait que l'assistance de Mme [T] ait pu permettre à sa belle-mère de ne pas être placée en maison de retraite ne suffit pas à le caractériser.
Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.
Compte tenu du sens du présent arrêt, la demande de Mme [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera également rejetée.
Succombant en son appel, elle en supportera également les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,