COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 MAI 2017
R.G. N° 16/08319
AFFAIRE :
SAS MULTIPASS WONDERBOX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
C/
SMARTBOX GROUP LTD agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Novembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 2016R00968
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Bertrand LISSARRAGUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS MULTIPASS WONDERBOX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 479 678 153
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2016366
assistée de Me Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0108
APPELANTE
****************
SMARTBOX GROUP LTD société de droit irlandais agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 463 103
[Adresse 2],
[Localité 2]
Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1656847
assistée de Me Yohann TOREAU de l'AARPI GOWLING WLG (FRANCE) AARPI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mars 2017, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
FAITS ET PROCÉDURE,
Les sociétés concurrentes Multipass SAS (la société Multipass) et Smartbox group Ltd (la société Smartbox) ont pour activité la commercialisation de coffrets contenant des «chèques-cadeaux», échangeables contre un panel d'activités et de prestations négociées auprès de divers partenaires commerciaux.
Les produits de la société Multipass sont dénommés «Wonderbox» ; ceux de la société Smartbox, «Smartbox».
En octobre 2015, la société Smartbox a acquis la marque «Dakotabox» et commercialise depuis les coffrets Dakotabox aux côtés des produits Smartbox.
Au début de l'année 2016, la société Multipass a mis à jour sa charte graphique. Ces nouvelles éditions ont été présentées aux revendeurs à compter de mai 2016.
Quelques semaines plus tard, la société Smartbox a introduit sur le marché de nouvelles éditions des coffrets «Dakotabox», après en avoir modifié le «packaging» (format, conditionnement, charte graphique) ainsi que les intitulés thématiques.
Le 26 septembre 2016, la société Smartbox, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé à la société Multipass, une lettre recommandée aux termes de laquelle elle considérait que la présentation nouvelle des coffrets Wonderbox suggéraient une reprise de certaines caractéristiques de ses propres produits.
Le 27 septembre 2016, la société Multipass, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé à la société Smartbox une lettre recommandée aux termes de laquelle elle considérait que les produits Dakotabox, nouvellement présentés, constituaient une copie des produits Wonderbox, que leur commercialisation était faite en fraude de ses droits et mettait en demeure sa concurrente de retirer les produits incriminés au plus tard le 3 octobre 2017.
Par lettre recommandée 27 septembre 2016, la société Smartbox a accusé réception du courrier du 27 septembre 2016 de la société Multipass, a rappelé les convergences relevées entre les deux coffrets et a mis en demeure la société Multipass de retirer des magasins, du site internet en France et en Espagne les coffrets litigieux dans un délai de trente jours.
Par acte du 13 octobre 2016, la société Multipass a fait assigner la société Smartbox devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, statuant en référé, aux fins notamment de voir ordonner la cessation sous astreinte de la commercialisation des coffrets 'Dakotabox', condamner la société Smartbox au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant des agissements déloyaux commis par elle et ordonner la publication d'un communiqué.
Par ordonnance du 9 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté la société Multipass de l'ensemble de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 novembre 2016, la société Multipass a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 27 février 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, la société Multipass demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 9 novembre 2016 ;
Et, statuant à nouveau,
- constater qu'il y a urgence à voir ordonner la cessation de la commercialisation par la société Smartbox des nouvelles éditions des coffrets cadeaux vendus sous la marque 'Dakotabox';
En conséquence,
- faire interdiction à la société Smartbox de fabriquer, distribuer, commercialiser et promouvoir la nouvelle édition des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque «Dakotabox» sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, en France, comme en Espagne et sur tout autre territoire, sous astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner à la société Smartbox de retirer du marché l'intégralité des nouvelles éditions des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque «Dakotabox» sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, en France, comme en Espagne et sur tout autre territoire, sous astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que le retrait devra être opéré dans un délai de quarante-huit heures à compter de la signification de l'arrêt ;
- condamner la société Smartbox à verser à la société Multipass une somme de 100 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant des agissements déloyaux par elle commis ;
A titre subsidiaire,
- infirmer partiellement l'ordonnance de référé du 9 novembre 2016, en ce qu'elle a débouté la société Multipass de ses demandes concernant les coffrets suivants :
- «Émotions et aventures» ; « Pilotage sur circuit », «Adrénaline et pilotage»,
«Frissons et adrénaline» ;
- «3 jours idylliques» et «3 jours d'évasion insolites» ;
- «Escapade relaxante en amoureux» et «Week-end relaxant» ;
- «Bien-être d'exception», «Bulle de douceur» et «Bien-être en duo» ;
- «Tentations gourmandes», «Échappée gourmande» et «Week-end Charme et Délices» ;
Et, statuant à nouveau,
- constater qu'il y a urgence à voir ordonner la cessation de la commercialisation par la société Smartbox des nouvelles éditions des coffrets cadeaux vendus sous la marque «Dakotabox» suivants :
- «Émotions et aventures» ; «Pilotage sur circuit», «Adrénaline et pilotage»,
«Frissons et adrénaline» ;
- «3 jours idylliques» et «3 jours d'évasion insolites» ;
- «Escapade relaxante en amoureux» et «Week-end relaxant» ;
- «Bien-être d'exception», «Bulle de douceur» et «Bien-être en duo» ;
- «Tentations gourmandes», «Échappée gourmande» et «Week-end Charme et Délices» ;
En conséquence,
- faire interdiction à la société Smartbox de fabriquer, distribuer, commercialiser et promouvoir la nouvelle édition des coffrets cadeaux susvisés commercialisés sous la marque « Dakotabox » sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, en France, comme en Espagne et sur tout autre territoire, sous astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner à la société Smartbox de retirer du marché l'intégralité des nouvelles éditions des coffrets cadeaux susvisés commercialisés sous la marque «Dakotabox» sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, en France, comme en Espagne et sur tout autre territoire, sous astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que le retrait devra être opéré dans un délai de quarante-huit heures à compter de la signification de l'arrêt ;
En toute hypothèse,
- ordonner la publication d'un communiqué informant les internautes de l'illicéité des agissements de la société Smartbox ainsi que du dispositif de l'ordonnance à intervenir, en français, sur le site Internet http://www.[Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1].fr/ et, en espagnol, sur le site Internet http://www.[Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1][Site Web 1].es/, aux frais de la société Smartbox, au sein d'un encart visible en haut de chacune des pages desdits sites Internet, en caractères lisibles de taille 12 ;
- condamner la société Smartbox à verser à la société Multipass une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Multipass soutient essentiellement:
Sur l'article 872 du code de procédure civile
- que l'alignement des coffrets «Dakotabox» sur les coffrets concurrents «Wonderbox» dans leur format, leur conditionnement intérieur et extérieur et la charte graphique, avec les nouvelles éditions des coffrets Wonderbox, mais aussi et surtout avec l'ancienne version de ces coffrets, est de nature à rendre leur distinction impossible pour un consommateur d'attention moyenne ;
- que cette ressemblance a été constatée par des revendeurs spécialisés et par un huissier de justice ; elle a aussi été relevée par des consommateurs dont l'opinion a été sollicitée, par un bureau d'étude, et ressort encore des constatations de l'ordonnance sur requête du 11 octobre 2016 qui a autorisé la société Multipass à faire réaliser des mesures de constat dans les locaux de la société Smartbox à [Localité 3] et dans ceux de la société Dakota Editions à [Localité 4] ;
- que cette ressemblance suffit à caractériser l'existence d'un différend au sens de l'article 872 du code de procédure civile ;
-que l'urgence résulte de la nécessité de faire cesser la présence sur le marché de produits susceptibles de provoquer une confusion dans l'esprit des consommateurs sur leur origine qui pourrait les induire en erreur sur l'identité de la personne qui les commercialise réellement dans des conditions qui nuisent à l'un des concurrents concernés ;
Alternativement, sur l'article 873
- que la coexistence de coffrets «Dakotabox» et «Wonderbox» avec une telle ressemblance n'est fortement préjudiciable qu'à la société Multipass, dans la mesure où les coffrets Wonderbox occupent une part de marché bien plus significative que ceux de la société Smartbox (48% contre 4% au moment de l'acquisition par la société Smartbox de la marque Dakotabox) ;
- que si les nouveaux formats, conditions et présentations des coffrets Wonderbox s'inscrivent dans la continuité des formats anciens, les nouveaux formats Dakotabox sont en complète rupture avec leurs éditions précédentes ;
-que l'étude des chiffres permettent de constater une chute anormale des ventes des coffrets ciblés par l'offre concurrente «Dakotabox' ; que le préjudice qui en résulte pour la société Multipass ne pourra que s'accroître ; que le retrait du marché des nouvelles éditions des coffrets «Dakotabox» s'impose d'autant plus que leur commercialisation est manifestement illicite ; que ces éléments caractérisent un dommage imminent auquel il convient de mettre un terme ;
- que les agissements de la société Smartbox, consistant à imiter les coffrets «Wonderbox» pour la nouvelle édition des «Dakotabox», - notamment dans leurs formats, leur conditionnement, leurs visuels, leurs présentations graphiques, leurs intitulés, - et ce afin de provoquer une confusion, dans l'esprit des consommateurs de moyenne attention, avec les produits de son concurrent dans le but d'en capter la clientèle, sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale et caractérisent l'existence d'un trouble manifestement illicite.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 8 mars 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, la société Smartbox demande à la cour de :
- constater que l'urgence n'est pas caractérisée ;
- constater qu'il existe une contestation sérieuse ;
- constater l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent ;
- dire n'y avoir lieu à référé ;
En conséquence,
déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société Multipass ;
- débouter la société Multipass de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- confirmer l'ordonnance entreprise dans son dispositif ;
- condamner la société Multipass à payer à Smartbox la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La société Smartbox soutient essentiellement :
- que les 'packagings' des coffrets Dakotabox ont été arrêtés dès le mois d'avril 2016 et qu'il était par conséquent chronologiquement impossible qu'ils reprennent la charte graphique de la nouvelle collection des coffrets Wonderbox, commercialisés plus tard, au mois d'août 2016 ; que la société Multipass modifie en appel son argumentaire en avançant la ressemblance avec l'ancienne version des coffrets ;
- que les quelques similitudes entre les coffrets résultent soit de l'utilisation de standards du métier, soit de la convergence des coffrets Wonderbox vers les coffrets Smartbox, ce depuis octobre 2015 ;
- que la société Multipass a copié les principaux éléments différenciant de la charte graphique Smartbox dès septembre 2015 ;
- que la société Multipass ne démontre pas l'existence de la condition d'urgence mais se contente de la tirer de la seule existence d'un différend ;
- que le dommage imminent et l'urgence doivent être appréciés au moment où la décision est rendue ; qu'elle n'est appuyée d'aucun élément probant et se trouve contredite par les derniers chiffres sur la période ; que l'analyse des chiffres montrent qu'aucune perte ou préjudice n'a été subi par la société Multipass qui serait imputable au lancement des nouveaux coffrets en septembre 2016 ;
- que l'objectif poursuivi par la société Multipass consiste à déstabiliser la société Smartbox avec des demandes disproportionnées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur la demande d'interdiction et de retrait du marché des coffrets Dakotabox
Selon l'article 872 du code de procédure civile, ' dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend'.
Selon l'alinéa 1er de l'article 873 du code de procédure civile, 'le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
1. Rappel des règles de droit applicables
Il est constant que conformément au principe de liberté qui prévaut en l'absence de droit privatif, la seule copie servile ou la seule imitation d'un objet ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale. Il n'y a donc pas en soi faute à reproduire des objets qui ne sont pas protégés. Le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent n'est pas de ce seul fait fautif, si la copie dénoncée n'est pas de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit des acheteurs.
Toutefois, celui qui est dépourvu de droit privatif peut exercer une action en concurrence déloyale, à la condition, conformément au droit commun de la responsabilité civile, de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. La faute peut résulter de la volonté de susciter une confusion pour le consommateur.
L'originalité du produit n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale à raison de sa copie, cette circonstance n'étant que l'un des facteurs possibles d'appréciation du risque de confusion.
2. Les coffrets Wonderbox et Dakotabox
a) description des coffrets avant l'édition 2016
* le coffret Wonderbox
- le coffret Wonderbox a toujours eu le même format: 200mm X140 mm ;
- il est commercialisé sous la forme d'un coffret de couleur noire mat au grammage particulier, portant la marque Wonderbox inscrite en police blanche, enveloppé dans un fourreau cartonné sur lequel la charte graphique est imprimée ;
- le recto du fourreau comporte une photographie illustrant la prestation proposée, occupant la plus grande partie de la couverture ;
- un bandeau supérieur de couleur noire porte l'inscription, en couleur blanche, de la marque Wonderbox, sous laquelle est indiqué le thème du coffret ;
- un bandeau figure également en bas de couverture mentionnant le nombre d'offres proposées et un bref texte explicatif.
* l'ancien coffret Dakotabox
- le coffret est de format rectangulaire, aux dimensions supérieures à celles de la Wonderbox (205mmX157mm) ;
- le boîtier s'ouvre comme un livre sur la couverture duquel la charte graphique est directement imprimée et il n'y a pas de fourreau cartonné enveloppant ;
- une photographie occupe approximativement 50% de la couverture en sa partie supérieure ;
- le texte descriptif du coffret est inscrit en bas de page, et n'est pas présenté sous forme d'encadré ;
b) les points saillants de rapprochement des nouvelles collections 2016
La nouvelle Dakotabox, livrée au mois de septembre 2016, présente une similitude frappante avec les coffrets Wonderbox:
* le format des coffrets Dakotabox (199mmX137,5 mm) et Wonderbox (200mm X140 mm) est désormais presque identique, au lieu du format historique de la Dakotabox qui était de 205X157mm.
Contrairement aux allégations de la société Smartbox, le format DVD de la Wonderbox est un format original sur le marché particulier des chèques-cadeaux échangeables avec des activités et des prestations, les coffrets Fnac, Meetic et Stadium ou Michelin cités par la société
Smartbox concernant d'autres fournitures ou services.
La société Smartbox soutient encore sans en rapporter la preuve que le format rectangulaire ne serait pas associé aux coffrets Wonderbox, car il répond à une contrainte de place dans les linéaires permettant de référencer l'ensemble de la gamme, alors qu'elle-même commercialise et continue à utiliser un coffret de format carré.
* le conditionnement des coffrets Dakotabox est désormais présenté sous forme de coffrets de couleur noire mat au grammage, identique à celui des Wonderbox, marqué de la marque Dakotabox en police de couleur blanche, à l'instar de Wonderbox, enveloppé d'un fourreau cartonné sur lequel est imprimée la charte graphique.
Si, ainsi que l'a souligné le premier juge, cet emballage est exempt de nouveauté et s'il ne constitue pas un code véritablement identitaire des coffrets Wonderbox, le nouveau conditionnement de la Dakotabox contribue à favoriser son identification au coffret Wonderbox qui dispose désormais de dimensions similaires.
* la présentation graphique des Dakotabox, les intitulés et la présentation des contenus des coffrets empruntent par ailleurs fortement aux éléments composant la charte graphique des Wonderbox.
Ainsi la présentation graphique du recto des Dakotabox, à la différence des éditions précédentes, reprend le bandeau noir présent dans la partie supérieure de la couverture de la Wonderbox, et comporte un bandeau de couleur dans la partie inférieure de la couverture, présentant de gauche à droite, dans une typographie blanche, le nombre d'options contenues dans l'offre puis le détail de l'offre.
La présentation graphique du verso des Dakotabox reprend en haut de page le bandeau de couleur annonçant le mode d'emploi à observer en trois étapes, ainsi que le bandeau horizontal composé de photographies choisies parmi les offres proposées dans le coffret et la mention 'échange gratuit et illimité', les offres étant par ailleurs proposées avec la même carte de France composée de points de couleur signalant la situation géographique des partenaires.
Les intitulés des coffrets Dakotabox et Wonderbox présentent aussi, pour des thèmes comparables, une proximité que l'on ne retrouve pas dans les intitulés de la Smartbox pour les mêmes produits.
La société Multipass a certes sélectionné une partie seulement de sa gamme, pour les besoins de sa démonstration, et l'ordonnance relève justement que les intitulés et les contenus concernés ne présentent pas de grande originalité, qu'il s'agisse des couleurs ou des polices de caractère utilisés.
Toutefois, la reproduction d'éléments graphiques et d'intitulés propres aux coffrets Wonderbox renforcent l'impression de similitude entre les coffrets commercialisés par les deux marques et contribue au risque de confusion entre les deux produits concurrents.
* les visuels illustrant les coffrets
La photographie au recto du coffret Dakotabox occupe également et désormais non plus la moitié mais la plus grande part de la page de couverture, à l'instar du coffret Wonderbox.
Pour l'une de ses Dakotabox, la société Multipass utilise une photo identique à celle figurant sur la Wonderbox équivalente, représentant la maison du [Localité 5], qui est reproduite sur le coffret Wonderbox 'Week-end en amoureux' depuis septembre 2013 et qui a fait l'objet de quatre versions différentes.
Plusieurs visuels illustrant d'autres Dakotabox sont pareillement proches de ceux présentés par la société Multipass, et il est indifférent que certaines photos utilisées en couverture des coffrets soient tirées de banques d'images utilisées à la fois par Wonderbox et Smartbox ou qu'il ne soit pas justifié par l'appelante d'une présomption de titularité de droits.
Ainsi, la collection 2016 des coffrets Dakotabox présente-t-elle avec les coffrets Wonderbox de très singuliers points de similitudes, qu'il s'agisse du format, du conditionnement, de la charte graphique et des intitulés ou encore des visuels photographiques.
3. Le coffret Dakotabox et le coffret Smartbox
La société Smartbox expose qu'elle a simplement repris pour la gamme Dakotabox les formats et les codes de son coffret Smartbox.
Il suffit, pour se convaincre du contraire, de comparer comme il a été vu ci-dessus les formats, les codes couleur ainsi que le bandeau noir supérieur figurant sur le recto des coffrets Dakotabox, qui n'a jamais figuré sur le coffret Smartbox.
Il sera aussi relevé, s'agissant du format, que la société Multipass reconnaît elle-même dans ses écritures que si un format doit être retenu comme différent et différenciant, c'est bien celui des coffrets carrés Smartbox (16cmX16cm).
4. Le coffret Wonderbox et le coffret Smartbox
Il est encore soutenu par la société Smartbox que la société Multipass aurait copié la Smartbox dès sa mise à jour en octobre 2015, en reprenant les codes des visuels Smartbox pour des coffrets aux thématiques identiques.
La société intimée ne peut cependant tout à la fois affirmer que les intitulés, les visuels et le format des coffrets ne sont que des standards de marché sur lesquels les acteurs s'alignent et reprocher à la société Multipass la reprise des éléments de sa charte graphique.
Au surplus, les points de similitudes signalés par la société Smartbox, réduction du bandeau noir de la Wonderbox, positionnement du titre du coffret, visuel photo sur la surface la plus importante possible, réduction de la taille et l'importance de la marque au profit du titre du coffret, bannière descriptive du contenu produit en bas de page notamment, ne font pas ressortir avec évidence un alignement délibéré de la présentation de ses coffrets sur celle de la société concurrente l'appropriation des fruits de son investissement.
5. La différence de prix entre les deux coffrets Wonderbox et Dakotabox
Le premier juge a relevé que les 'stickers' de prix des coffrets et les différentes options proposées apparaissaient clairement pour un même thème et que les prestations étaient différentes dans leur composition, justifiant des prix très différents.
Il en a déduit que la coexistence des collections n'était pas de nature à engendrer de confusion pour un consommateur moyen, raisonnablement attentif notamment au prix affiché et à la différence des prestations proposées
Cependant, il ne peut être nié que la différence de prix peut induire en erreur une clientèle normalement avisée, attirée par un produit de type chèque-cadeau moins coûteux, correspondant à une prestation qui ressemble à s'y méprendre à celle de la société concurrente.
6. Le risque de confusion entre le coffret Wonderbox et le coffret Dakotabox
Le risque de méprise ressortant de l'examen des coffrets est corroboré par deux messages électroniques adressés à la société Multipass le 19 septembre 2016 par le chef de service de l'enseigne Cultura de Saint-Malo et le 23 septembre 2016 par le responsable du service clients de la Fnac Strasbourg, tous deux s'inquiétant des ressemblances constatées entre les deux coffrets.
L'appelante produit aussi en ce sens une enquête d'opinion réalisée le 9 novembre 2016 à sa demande auprès d'un échantillon de consommateurs confirmant le risque de confusion tenant plus spécialement au format du coffret et à la présence de la couleur noire.
Le risque de confusion dans l'esprit du consommateur doit être apprécié en tenant compte de tous les éléments pertinents du cas d'espèce et du comportement d'un consommateur normalement attentif et raisonnablement averti pour des produits de consommation courante.
Ce risque apparaît au cas d'espèce caractérisé, compte tenu de l'impression d'ensemble que donne la tonalité des ressemblances constatées.
7. L'existence d'une faute et d'un préjudice
La société Smartbox n'a pas seulement utilisé des standards du métier ou puisé des photographies dans des bases de données.
Elle a mis sur le marché des coffrets similaires à ceux commercialisés par une société concurrente dans des conditions constitutives d'agissements mettant en évidence à tout le moins une faute d'imprudence de nature à générer un dommage.
Le risque de dommage est suffisamment établi au vu des données Gfk produites dont il ressort, pour cinq séries de coffrets, une perte de marché en décembre 2016 par rapport au même mois de l'année 2015.
Il résulte ainsi des agissements de la société Smartbox une violation manifeste de la règle de droit et un trouble illicite qu'il convient de faire cesser, de même qu'un risque de dommage imminent qu'il importe de prévenir.
L'ordonnance sera par suite infirmée et il sera fait interdiction à la société Smartbox de mettre sur le marché la nouvelle édition des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque 'Dakotabox', dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt.
II - Sur les autres demandes
Selon l'alinéa 2 de l'article 873 du code de procédure civile, 'dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
La société Multipass sollicite l'allocation d'une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant des agissements déloyaux de la société Smartbox.
Elle ne fournit pas d'autres éléments que les données 'Gfk' déjà évoquées, qui montrent une baisse des ventes de cinq séries de coffrets fin 2016.
Il sera octroyé à la société Multipass une provision limitée à la somme de 10 000 euros.
La publication d'un communiqué n'apparaît pas nécessaire pour faire cesser le trouble constaté ou pour prévenir tout dommage pour la société Multipass.
Il sera enfin fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Multipass.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME l'ordonnance ;
STATUANT à nouveau:
FAIT INTERDICTION à la société Smartbox Group Ltd de mettre sur le marché la nouvelle édition des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque 'Dakotabox', sous quelque forme et de quelque manière que ce soit ;
ORDONNE en conséquence à la société Smartbox Group Ltd de retirer du marché l'intégralité des nouvelles éditions des coffrets cadeaux commercialisés sous la marque 'Dakotabox' sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, un mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant quatre mois ;
DIT n'y avoir lieu à ordonner la publication d'un communiqué ;
CONDAMNE la société Smartbox Group Ltd à payer à la société Multipass SAS la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice ;
CONDAMNE la société Smartbox Group Ltd à payer à la société Multipass SAS la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de la société Smartbox Group Ltd de ce chef ;
DIT que la société Smartbox Group Ltd supportera la charge des dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,