COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53D
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUIN 2017
R.G. N° 15/07586
AFFAIRE :
[N] [Q]
C/
Sté.coopérative Banque Pop. Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du LANG
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Octobre 2015 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre : 01
N° Section :
N° RG : 2014F00036
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15.06.17
à :
Me Martine DUPUIS,
Me Guillaume NICOLAS,
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1555232 et par Maître D. HERVEY, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANT
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Sté.coopérative Banque Pop. Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du LANG Société Coopérative à capital et personnel variables, CRCAML représentée par son représentant légal domicilié de droit audit siège - N° SIRET : MON TPE LLI ER 49
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représenté(e) par Maître Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 140023 et par Maître A. LYONNET, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Avril 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aude RACHOU, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
Afin de financer l'acquisition d'un appartement dans le cadre d'une opération de défiscalisation et suivant l'offre émise par la Caisse du Crédit agricole mutuel du Languedoc (ci-après 'le Crédit agricole') le 6 mai 2010 et acceptée le 2 juin 2010, M. [N] [Q] a souscrit, dans un seul et même contrat de prêt conclu le 20 juillet 2010 sous la forme authentique :
- un prêt amortissable portant le numéro 013RNH015PR pour un montant de 108.586 € et une durée de 180 mois, au taux de 3,750 % et un taux effectif global dans l'offre et le contrat de prêt de 4,461% l'an,
- un prêt dit « in fine » portant le numéro 013RNH025PR pour un montant de 192.266 € d'une durée de 180 mois au taux de 4,200 % et un TEG mentionné dans l'offre et le contrat de prêt de 4,610% l'an.
Considérant que plusieurs irrégularités affectaient le TEG, M. [Q] a assigné le Crédit agricole devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel par jugement du 14 octobre 2015 s'est déclaré compétent, a débouté M. [Q] et l'a condamné au paiement d'une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Q] a fait appel et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 avril 2017, il demande à la cour d'infirmer le jugement, de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts des deux prêts, d'ordonner la substitution du taux d'intérêt légal applicable lors de la souscription des deux prêts, soit 0,65 %, au taux d'intérêt conventionnel depuis la conclusion des prêts le 20 juillet 2010, de condamner le Crédit agricole à lui restituer la somme de 51.186,47 € à parfaire au titre du trop-perçu résultant de la substitution des taux d'intérêt et de condamner la banque au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Il soutient que la stipulation d'intérêts conventionnelle doit être annulée en raison de la méthode de calcul du TEG utilisée et de l'omission d'éléments qui auraient dû y être inclus, ces erreurs ayant un impact largement supérieur à une décimale sur le TEG qui lui a été présenté.
Il prétend en invoquant l'article R. 313-1 du code de la consommation que la méthode d'équivalence et l'utilisation du mois normalisé de 30,4166 jours, applicables aux crédits à la consommation, sont exclues pour les prêts immobiliers seule la méthode proportionnelle devant s'appliquer, que seule la méthode d'équivalence renvoie à l'utilisation du mois normalisé prévue par l'annexe à l'article R. 313-1, qu'en l'espèce la banque ne contestant pas avoir utilisé le mois normalisé le TEG mentionné dans le contrat est erroné.
M. [Q] fait ensuite valoir que le Crédit agricole n'a pas intégré au TEG les frais liés au contrat d'assurance-vie et à son nantissement en garantie du prêt in fine alors qu'ils constituent des conditions de l'octroi du prêt, soit une somme totale de 4.669,18 €, que le montant des frais de garantie estimé dans l'offre de prêt à un total pour les deux prêts de 4.395 € a été maintenu dans le contrat de prêt alors que le relevé des frais du notaire fait apparaître un montant total de 2.037,84 € cette erreur devant être prise en compte quand bien même les frais ont été surévalués et non sous estimés, qu'enfin aucun détail relatif aux frais de dossier compris dans le TEG (546,44 € pour le premier prêt et 553,56 € pour le second prêt) et à leur affectation n'est fourni dans le contrat de prêt.
M. [Q] soutient que la nullité du taux conventionnel n'est pas subordonnée à un impact de l'erreur affectant le TEG supérieur à une décimale, que la possibilité offerte à la banque d'exprimer le TEG calculé avec une exactitude d'au moins une décimale ne l'autorise pas, si elle fait le choix d'exprimer le taux du crédit avec une exactitude de deux ou trois décimales, à ce que ces décimales soient erronées, et que la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnelle en cas d'erreur sur le TEG est automatique. Il ajoute qu'en tout cas pour le premier prêt le cumul des erreurs relatives aux frais de dossier et de garantie fait passer le TEG de 4,46 % à 4,26 %, soit un impact de 0,20 %, et pour le prêt in fine le cumul des trois erreurs fait passer le TEG de 4,61 % à 4,73 %, soit un impact de 0,12 %.
Il soutient que l'erreur dans le calcul du TEG figurant dans le contrat de prêt entraîne, sur le fondement de l'article 1907 du code civil, la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels et la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur lors de la souscription du prêt au taux conventionnel, et ce depuis la conclusion de la convention de prêt, que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge prévue par les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation est une sanction attachée au TEG erroné figurant dans l'offre de prêt et non celui figurant dans le contrat de prêt, qu'en tout cas en l'espèce le TEG erroné figure à la fois dans l'offre de prêt et dans le contrat de prêt et qu'il démontre que le Crédit agricole a commis à la fois des erreurs en sa faveur et d'autres à son détriment, la moyenne des erreurs lui étant défavorable de sorte qu'il est légitime à s'en prévaloir.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 avril 2017, le Crédit agricole demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [Q] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Il soutient que la méthode proportionnelle applicable aux crédits immobiliers n'est pas incompatible avec l'emploi de mois normalisés, qu'aucun texte légal ou réglementaire n'exclut l'utilisation de mois normalisés pour le calcul du TEG des crédits immobiliers, que les 'remarques' comprises dans l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui définissent notamment le mois normalisé, ont vocation à s'appliquer à tous les prêts étant d'ordre général et l'article R. 313-1 faisant partie du chapitre III du code de la consommation relatif aux dispositions communes applicables aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers. Il fait observer en outre que l'emploi de mois normalisés est plus favorable à M. [Q] que celui des mois calendaires.
Le Crédit agricole fait valoir que les frais de dossier ne faussent pas le calcul du TEG observant au surplus qu'il a facturé des frais de dossier inférieurs à ceux fixés dans ses conditions tarifaires à la suite d'un accord commercial, que ces frais correspondent à l'étude et au montage du dossier de crédit et que leur affectation ne pose donc aucune question. Il soutient que M. [Q] n'a pas d'intérêt à soulever l'erreur du TEG tirée de la surestimation des frais de garantie mis à sa charge dans l'offre de prêt puisqu'elle lui est favorable, qu'en tout cas il n'est pas établi que les frais notariés auraient pu être déterminés avec précision antérieurement à la conclusion du contrat de prêt et que l'estimation de ces frais dans l'offre de prêt se justifiait. Le Crédit agricole prétend que les frais inhérents au premier versement sur le contrat d'assurance-vie n'ont pas à être intégrés dans le calcul du TEG, seul le nantissement du dit contrat étant une condition d'octroi du prêt, et qu'il en est de même des frais payés au titre de chaque versement mensuel opéré par M. [Q] ces frais demeurant étrangers à ceux intervenus à l'occasion de l'octroi du prêt dont ils sont indépendants et n'ayant pas conditionné l'octroi du prêt mais étant exclusivement relatifs à l'exécution du contrat d'assurance-vie et au demeurant inconnus avec précision à l'avance. Il précise que la formalisation du nantissement n'a pas donné lieu à la perception de frais.
Le Crédit agricole fait observer que les calculs de M. [Q] quant aux écarts de TEG du premier prêt reposent sur l'exclusion des frais de dossier alors que ces frais doivent être pris en compte puisque conditionnant l'octroi du prêt et que l'erreur de calcul alléguée est favorable à M. [Q] de sorte qu'il n'est pas légitime à s'en plaindre. Il ajoute s'agissant du second prêt qu'un nouveau calcul du TEG prenant en compte les frais de dossier, que M. [Q] a exclus à tort, et les frais de garantie pour leur montant définitif aboutit à un TEG de 4,53 % favorable à l'emprunteur au regard d'un TEG initialement mentionné de 4,61 % et à un écart inférieur à la décimale et qu'un autre calcul fait pour les besoins du raisonnement incluant les frais afférents au premier versement sur le contrat d'assurance-vie aboutit à un TEG de 4,58 % toujours favorable à l'emprunteur au regard du TEG initialement mentionné et à un écart inférieur à la décimale.
Le Crédit agricole fait valoir enfin que l'article 1907 du code civil concerne l'indication du taux d'intérêt conventionnel et non du TEG et qu'en l'espèce le taux d'intérêt conventionnel a bien été mentionné au contrat de sorte que la substitution du taux légal au taux contractuel est inapplicable. Il soutient que la sanction de la supposée inexactitude du TEG résultant de l'inobservation de l'article L. 312-8 du code de la consommation, texte spécial qui déroge à l'article 1907 du code civil, est la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 312-33, que le contrat de prêt est formé dès l'acceptation de l'offre et non au moment de sa réitération notariée de sorte que la distinction faite par M. [Q] entre l'offre et le contrat de prêt est inopérante, qu'il incombe dès lors au juge de déterminer l'étendue d'une éventuelle sanction, le prononcé d'une sanction n'étant qu'une faculté, et que M. [Q] n'a subi aucun préjudice de l'emploi des mois normalisés ou des erreurs de calcul de TEG alléguées ni ne prouve une perte de chance de contracter auprès d'un autre établissement de crédit à des conditions plus avantageuses.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que la sanction de la mention dans le contrat de prêt d'un taux effectif global erroné est la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels ; que l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans un prêt n'est pas susceptible d'entraîner la nullité de la clause relative aux intérêts dès lors que le taux effectif global est inférieur à celui qui est stipulé de sorte que l'erreur alléguée ne vient pas au détriment des emprunteurs ; qu'il en est de même dès lors que l'écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt et celui résultant de la correction des erreurs affectant le dit taux est inférieur à la décimale l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause et son annexe, applicables aux crédits immobiliers, imposant une exactitude du taux effectif global d'au moins une décimale ;
Considérant que l'utilisation de mois normalisés (un mois comprenant 30,41666 jours) dans le calcul du TEG d'un prêt immobilier n'étant prohibée par aucun texte légal ou réglementaire le TEG mentionné dans le contrat de prêt souscrit par M. [Q] n'est affectée d'aucune erreur de calcul ;
Considérant que seules les garanties exigées comme une condition d'octroi du crédit doivent être prises en compte dans le calcul du taux effectif global ; que M. [Q] a souscrit un contrat d'assurance-vie le 6 mai 2010 avant d'avoir accepté l'offre de prêt le 2 juin 2010 et régularisé le contrat de prêt par acte notarié le 20 juillet 2010 ; que la souscription d'un contrat d'assurance-vie est indépendante de l'opération de prêt le souscripteur bénéficiant des fruits de cette épargne indépendamment du sort du prêt ; que son antériorité à la conclusion du prêt empêche d'autant plus de la considérer comme ayant été imposée par la banque comme une condition d'octroi du prêt, à la différence du nantissement consenti le 31 mai 2010, de sorte que le Crédit agricole n'avait à prendre en compte dans le calcul du TEG ni les frais de gestion relatifs au versement initial ni ceux afférents aux versements mensuels ; que le Crédit agricole affirme ne pas avoir facturé de frais de nantissement ; que M. [Q] n'établit pas l'existence d'une telle facturation dont il n'évoque pas de montant et qu'il n'inclut pas dans ses calculs du TEG qui comprennent les seuls frais de gestion afférents aux versements initial et mensuels en exécution du contrat d'assurance-vie ; qu'ainsi aucune omission n'affecte le TEG mentionné dans le contrat de prêt ;
Considérant que les frais de dossier ont été dûment pris en compte dans le calcul du TEG dans le contrat de prêt à hauteur de 546,44 € pour le premier prêt et de 553,66 € pour le second prêt ; que M. [Q] ne peut pas se prévaloir d'une irrégularité née d'un défaut de détail des frais de dossier ces frais n'étant pas constitués d'une pluralité de composantes ;
Considérant que les frais de garantie ont été pris en compte dans le calcul du TEG dans le contrat de prêt à hauteur de 1.586,28 € pour le premier prêt (frais de prêteur de deniers) et de 2.808,72 € pour le second prêt (frais d'hypothèque et de prêteur de deniers), soit une somme totale de 4.395 €, ces montants étant des estimations ; que le coût effectif de ces sûretés est inférieur en ayant été fixé au montant de 2.037,84 € selon le relevé des frais du notaire du 23 février 2011 ; que le TEG effectivement appliqué est donc inférieur au coût annoncé dans l'acte de prêt de sorte que l'erreur alléguée par M. [Q] ne vient pas à son détriment ; que dès lors l'erreur affectant le TEG mentionné dans le contrat de prêt n'est pas de nature à entraîner la nullité de la stipulation d'intérêts ;
Considérant en définitive que l'ensemble des prétentions de M. [Q] est écarté ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 14 octobre 2015 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [Q] à payer à la Caisse du Crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [N] [Q] aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,