COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
OF
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUIN 2017
R.G. N° 16/03633
AFFAIRE :
[F] [F] [A]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES
N° RG : 13-00510
Copies exécutoires délivrées à :
la AARPI BJMR Avocats
la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES
Me Sophie TASSEL
Copies certifiées conformes délivrées à :
[F] [F] [A]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS, CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F] [F] [A]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Bertrand JOLIFF de l'AARPI BJMR Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0730 substitué par Me BOUTES Vincent, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Me Sophie TASSEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0173
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 20 Avril 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Delphine HOARAU
Mme [F] [A] est médecin angiologue.
Elle a exercé, pendant sept années, les fonctions d'assistante généraliste des hôpitaux, à temps plein, à l'hôpital [Établissement 1], à [Localité 4].
Après avoir fait l'objet d'un licenciement économique, le 28 janvier 2009, Mme [F] [A] a entamé des démarches, dès mars 2009, auprès de l'agence des professionnels de santé de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (ci-après CPAM75) pour exercer en clientèle libérale en secteur à honoraires différents (secteur II).
Le 2 juillet 2009, la caisse national d'assurance maladie des travailleurs salariés (ci-après CNAMTS) a émis un avis défavorable pour l'accès au secteur II du docteur [F] [A].
Par courrier du 30 juillet 2009, la CPAM75 a fait part à Mme [F] [A] de l'avis défavorable de la CNAMTS, au motif que les fonctions exercées au sein de l'hôpital [Établissement 1] n'étaient pas équivalentes avec l'article 4-3 de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes.
Mme [F] [A] a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision de refus devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Par décision notifiée le 8 mars 2010, la commission de recours amiable a confirmé la décision de refus.
Le 26 avril 2010, Mme [F] [A] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris afin de solliciter l'annulation de la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 20 octobre 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a fait droit aux demandes de Mme [F] [A] et a dit qu'elle pouvait opter pour le secteur à honoraires différents et pouvait exercer dans ledit secteur. Ce jugement est devenu définitif.
C'est dans ces conditions que Mme [F] [A] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (TASS78) afin d'engager la responsabilité pour faute de la CPAM75.
Par jugement avant dire droit du 15 janvier 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines a ordonné la mise en cause de la CNAMTS.
Mme [F] [A] a finalement demandé au tribunal de :
- condamner solidairement la CPAM75 et la CNAMTS à lui verser une somme de 195 045 euros ;
- les condamner à verser en outre la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir compte tenu de l'ancienneté de la créance et du préjudice subi.
La CPAM de Paris a demandé au tribunal de :
- débouter Mme [F] [A] de son recours,
- rejeter l'ensemble des demandes du Docteur [F] [A],
- rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile, au motif que le principe expressément énoncé par l'article R144-10 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose que ' la procédure est gratuite et sans frais ' et le ministère d'un avocat n'est pas obligatoire.
La CNAMTS, intervenante forcée, a demandé au tribunal de :
- déclarer recevable la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés en ses conclusions ;
- la déclarer bien fondée ;
- dire et juger que l'action en responsabilité formée à l'encontre de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés est prescrite depuis le 30 juillet 2014 ;
- déclarer en conséquence Mme [F] [A] irrecevable en ses demandes ;
Subsidiairement,
- dire et juger que les conditions d'application des dispositions de l'article 1382 du code civile ne sont pas établies en l'espèce ;
- débouter en conséquence, Mme [F] [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- la condamner à verser à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de Mme [F] [A] à l'encontre de la caisse nationale d'assurance maladie ;
- débouté Mme [F] [A] de sa demande forcée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la caisse nationale d'assurance maladie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 juillet 2016, Mme [F] [A] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions écrites, Mme [F] [A] demande à la cour de :
-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner solidairement les défenderesses à verser à Mme [F] [A] une somme de 195 045 euros ;
- les condamner à verser en outre la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir compte tenu de l'ancienneté de la créance et du préjudice subi.
La CPAM75 sollicite, par ses conclusions écrites, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, le débouté de Mme [F] [A] de toutes ses demandes et la condamnation de celle-ci à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CNAMTS, dans ses conclusions écrites, demande à la cour de la recevoir en ses conclusions, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; subsidiairement de :
. dire et juger que les conditions de l'article 1382 du code civil ne sont pas réunies en l'espèce ;
. débouter en conséquence Mme [F] [A] de toutes ses demandes fins et conclusions ;
. condamner Mme [F] [A] à payer à la CNAMTS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Vu les conclusions déposées, tant pour Mme [F] [A] que pour la CPAM75 et la CNAMTS, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties,
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 20 avril 2017,
MOTIFS,
Sur la recevabilité des demandes de Mme [F] [A]
A titre préliminaire, il convient de relever que, à l'audience, la cour a soulevé d'emblée la question de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines et celle de la cour d'appel de céans, au regard des demandes formulées par Mme [F] [A].
Celle-ci répond qu'elle demeure dans les Yvelines, que le TASS78 n'a pas soulevé son incompétence.
Le conseil de la CNAMTS n'a présenté aucune observation sur ce point.
Le conseil de la CPAM75 a répliqué que l'action de Mme [F] [A] étant fondé sur l'article 1382 du code civil, c'est le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui était compétent.
La cour, soulignant d'une part, que la question posée par Mme [A] étant celle de la responsabilité de la CPAM75 dans le refus qui lui a été opposé à son droit d'exercer en libéral en secteur II, et, d'autre part, que Mme [F] [A] a dirigé sa demande initiale exclusivement à l'encontre de la CPAM75, il n'appartenait pas au TASS78 d'appeler en la cause la CNAMTS et c'est le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui était normalement compétent pour statuer.
S'agissant de la demande de Mme [F] [A] proprement dite, la cour ne peut que constater qu'elle a été, d'emblée, mal dirigée.
En effet, Mme [F] [A] a attrait en responsabilité la CPAM75 alors que celle-ci n'a pris aucune décision la concernant, outre qu'il aurait appartenu à Mme [F] [A] de démontrer que la CPAM75 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, ce qu'elle ne fait en aucune manière.
Il est à cet égard symptomatique que, dans les pièces qu'elle produit, Mme [F] [A] ne soumette à l'attention de la cour aucune décision de la CPAM75 ou de la CNAMTS, aucun avis de leur part, aucun courrier d'aucune sorte.
La cour doit, en outre, relever que la décision qui a privé - certes indument puisque le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris va, par jugement du 20 octobre 2011, infirmer cette décision - Mme [F] [A] du droit d'exercer libéralement en secteur 2 a été prise, non pas par la CNAM75, mais par la CNAMTS.
La CPAM75 n'a d'ailleurs aucune compétence pour prendre une telle décision.
Elle s'est contentée d'informer Mme [F] [A], par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juillet 2009, que « les Services de la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie, après examen de (son) dossier, (venaient) d'émettre un avis défavorable à (sa) demande de secteur II » (souligné par la cour). La cour note ici que l'argument du conseil de la CPAM75 que celle-ci n'avait jamais informé Mme [F] [A] est au demeurant inepte puisque c'est précisément l'information donnée, au travers de cette lettre, par la CPAM75 qui est à l'origine du litige.
Les termes de cette lettre sont dépourvus de toute ambiguïté.
Ils indiquent clairement que la décision est celle de la caisse nationale et non de la caisse primaire.
La confusion vient, peut-être, d'une double circonstance : la voie de recours mentionnée dans cette lettre est la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire, dans le délai de deux mois ; la convention nationale des médecins, dans son article 4-3, dispose que l'équivalence des titres pour pourvoir exercer « est reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie du lieu d'implantation du cabinet principal du médecin conformément aux décision de la Caisse nationale d'assurance maladie ». En d'autres termes, une caisse primaire d'assurance maladie se trouve dans un cas de compétence liée : elle ne peut que suivre la décision de la CNAMTS.
Au demeurant Mme [F] [A] a exercé un recours contre la décision de la commission de recours amiable de la CPAM et elle a d'ailleurs finalement obtenu gain de cause contre la CNAMTS, à savoir le droit d'exercer en secteur II (droit qu'elle n'a, finalement, jamais exercé au demeurant).
Mme [F] [A] n'était ainsi aucunement fondée à intenter une quelconque action à l'encontre de la CPAM75, sauf à démontrer une erreur manifeste d'appréciation de la commission de recours amiable de cette caisse, erreur qui lui aurait causé un préjudice, ce qu'elle ne fait en aucune manière : elle invoque l'obligation de transmettre une demande mal adressée à l'autorité compétente et le fait que la CPAM75 ne l'ait pas informée de la saisine d'une autorité incompétente. Or la CPAM75 n'avait pas à informer Mme [F] [A] de quoi que ce soit puisque précisément Mme [F] [A] a régulièrement saisi la commission de recours amiable de la caisse puis, la décision de refus étant confirmée, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris. La CPAM75 n'a ce faisant commis aucune faute d'aucune sorte.
L'action engagée par Mme [F] [A] à l'encontre de la CPAM75 est donc irrecevable et elle devrait en tout état de cause en être déboutée.
Quoi qu'il en soit, encore une fois, la décision de refus initiale a été prise par la CNAMTS et non par la CPAM.
Pour les raisons expliquées ci-dessus, Mme [F] [A] le savait depuis la réception de la lettre du 30 juillet 2009.
Elle n'a saisi le TASS78 d'une action en responsabilité qu'à l'encontre de la CPAM75.
C'est le TASS78 qui, à tort, appelé en la cause la CNAMTS, par jugement avant dire droit en date du 15 janvier 2016.
Or, à cette date, une éventuelle action en responsabilité de Mme [F] [A] à l'encontre de la décision de la CNAMTS est nécessairement prescrite, puisque la décision date de 2009, soit de plus de cinq ans, ce que le TASS78 a d'ailleurs décidé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'action principale de Mme [F] [A] étant prescrite et en tout état de cause mal fondée, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [F] [A] sera condamnée à payer à la CPAM75 et à la CNAMTS, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure.
La cour ne peut que rappeler à Mme [F] [A] que la présente procédure est exempte de dépens.
Sur l'exécution provisoire
Mme [F] [A] demande l'exécution provisoire de l'arrêt.
La cour ne peut que la débouter de cette demande, rappelant que l'arrêt n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation, lequel n'est pas suspensif, outre que dans la mesure où elle succombe, une telle exécution provisoire serait dépourvue d'intérêt pour elle.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, par décision contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit prescrite l'action en responsabilité de Mme [F] [F] [A] à l'encontre de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevables et en tout cas non fondées les demandes de Mme [F] [A] à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;
Condamne Mme [F] [A] à payer à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, chacune, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Mademoiselle Delphine Hoarau, Greffier placé, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,