COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DA
Code nac : 58F
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2017
R.G. N° 16/01982
AFFAIRE :
SA PROFINA
...
C/
[Z] [K]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Janvier 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2013F02999
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie CHANOIR
Me Franck LAFON
Me Valérie BOULESTEIX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA PROFINA
N° SIRET : B 3 93 994 07474
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Stéphanie CHANOIR, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 143
Représentant : Me Sébastien DUFAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0265
SAS COMPAGNIE FINANCIERE ANTILLES GUYANE (COFAG)
N° SIRET : B 4 09 975 79494
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Stéphanie CHANOIR, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 143
Représentant : Me Sébastien DUFAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0265
APPELANTES
****************
Monsieur [Z] [K]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160143
Représentant : Me Tanguy BOELL de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0118
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 2] 1960 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160143
Représentant : Me Tanguy BOELL de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0118
Monsieur [V] [G]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 3] (ALGÉRIE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160143
Représentant : Me Tanguy BOELL de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0118
Monsieur [U] [J]
né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160143
Représentant : Me Tanguy BOELL de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0118
Monsieur [T] [O]
né le [Date naissance 5] 1937 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618
Représentant : Me Tanguy BOELL de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0118
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Venant aux droits de la société COVEA RISKS
N° SIRET : 775 65 2 1 266
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentant : Me Valérie BOULESTEIX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 354
Représentant : Me Philippe GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010
SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS
N° SIRET : 440 04 8 8 822
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentant : Me Valérie BOULESTEIX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 354
Représentant : Me Philippe GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Juin 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
FAITS :
La société Profina, qui a pour activité la réalisation pour le compte d'autrui d'investissements industriels dans les départements d'outremer ouvrant droit à réduction d'impôt, a constitué la société en nom collectif Sumac 14 ('SNC') dont elle a confié la gestion à sa filiale, la société Compagnie financière Antilles Guyane (Cofag). Le 7 mars 2008, la SNC a, d'une part, commandé à la société Car import trois camionnettes Isuzu Dmax D/C Benne LS et deux véhicules Mercedes Luxury Avantgarde moyennant le prix de 229 509 euros, et d'autre part, confié la location des véhicules à la société Auto avenir pour une durée de quatre ans moyennant un loyer semestriel payable d'avance de 15 491 euros et d'un dépôt de garantie de 22 950,90 euros.
Par l'intermédiaire de la société Profina, les parts sociales de la SNC ont été acquises en mai 2008 au prix de 23 105 euros pour Monsieur [K], de 19 299,20 euros pour Monsieur [F], de 30 852,70 euros pour Monsieur [J], de 1 087,80 euros pour Monsieur [O], et de 61 568,30 euros pour Monsieur [G] ('les investisseurs').
A la suite du contrôle des comptes de la SNC, l'administration fiscale a retenu que l'acquisition des véhicules et leur location déclarées au titre de la réduction d'impôt n'étaient pas établies dans les conditions de l'article 199 undecies B h) du code général des impôts, et lui a en conséquence notifié le 15 décembre 2011 une proposition de rectification de l'impôt.
Estimant avoir été victime d'une escroquerie de la part de Monsieur [T], gérant des sociétés Car import et Auto avenir, la société Profina a déclaré le sinistre à la société Covea Risks, assureur en responsabilité civile professionnelle ('l'assureur'), et la société Cofag a déposé plainte au nom de la SNC devant le juge d'instruction à Fort-de-France le 21 juin 2012.
Après avoir acquitté à la fin de l'année 2012 le redressement de l'impôt pour les sommes, y compris les intérêts de retard et les pénalités, de 28 560 euros pour Monsieur [K], de 33 182 euros pour Monsieur [J], de 23 855 euros pour Monsieur [F], de 76 104 euros pour Monsieur [G] et de 1 344 euros pour Monsieur [O], ces investisseurs ont vainement mis en demeure le 28 février 2013 les sociétés Profina, Cofag et leur assureur de les indemniser pour la somme totale de 163 045 euros et les ont assignés le 25 juin 2013 devant le tribunal de commerce de Nanterre en responsabilité et garantie.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 janvier 2016 qui a :
- débouté la société Covea Risks de sa demande de sursis à statuer,
- dit que les sociétés Profina et Cofag ont engagé leur responsabilité civile professionnelle a l'égard de Messieurs [K], [F], [J], [O] et [G],
- dit que la garantie de la société Covea Risks est acquise aux sociétés Profina et Cofag,
- condamné solidairement les sociétés Profina et Cofag et la société Covea Risks, dans la limite de sa police, à payer à Monsieur [K] la somme de 23 105 euros, à Monsieur [F] la somme de 19 299,20 euros, à Monsieur [J] la somme de 30 852,70 euros à Monsieur [O] la somme de 1 087,80 euros et à Monsieur [G] la somme de 61 568,30 euros,
- condamné solidairement les sociétés Profina, Cofag et Covea Risks à payer à Messieurs [K], [F], [J], [O] et [G], la somme de 1 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- condamné solidairement les sociétés Profina, et Covea Risks aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 17 mars 2016 par les sociétés Profina et Compagnie financière Antilles Guyane ;
* *
Vu les conclusions transmises le 18 mai 2017 par le RPVA pour les sociétés Profina et Compagnie financière Antilles Guyane aux fins de voir :
- infirmer le jugement,
- dire que la société Cofag n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité à l'égard des investisseurs,
- dire que la société Profina n'a pour sa part, pas commis de faute concernant la mise en oeuvre et le suivi de l'opération d'investissement relative aux véhicules en cause, pour lesquels un contrat de location a été conclu avec la société Auto avenir, et n'a donc pas engagé sa responsabilité à ce titre,
- débouter les investisseurs de toutes leurs prétentions,
dans l'hypothèse où la responsabilité des sociétés Profina et/ou Cofag serait retenue et que l'une au moins de ces sociétés se trouverait condamnée au profit des demandeurs,
- condamner solidairement MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à garantir la société Profina et la société Cofag de l'intégralité des suites de la présente action, et à ce titre de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, de telle sorte qu'elles ne subissent la moindre conséquence contraire à leurs intérêts du jugement à intervenir,
- dire à tout le moins que le montant de la franchise, soit 22 000 euros, qui viendrait à être déduite du montant de l'indemnisation mise à la charge de MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, devra être fixée qu'après avoir été recalculée au prorata des parts détenues par chaque associé dans le capital de la société SUMAC 14,
- débouter MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de toutes prétentions dirigées contre les sociétés Profina et Cofag,
- condamner, les parties qui succombent dans leurs prétentions, à payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;
* *
Vu les dernières conclusions transmises le 28 avril 2017 par le RPVA pour Messieurs [K], [F], [J], [O] et [G] aux fins de voir, au visa des articles 4 du code de procédure pénale, 1134 et 1147 du code civil et L. 113-1 et suivants et L.124-3 du code des assurances :
- confirmer le jugement du 14 janvier 2016 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les sociétés Profina et Cofag ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à l'égard des investisseurs, dit qu'il existait un lien de causalité entre la faute commise par les sociétés Profina et Cofag et le préjudice allégué par les investisseurs, dit que la garantie de la société Covea Risks est acquise aux sociétés Profina et Cofag et qu'il a condamné solidairement les sociétés Profina et Cofag et leur assureur à payer les frais irrépétibles et les dépens aux investisseurs,
sur appel incident,
- condamner solidairement les sociétés Profina et Cofag et leur assureur à payer 28 560 euros à Monsieur [K], 33 182 euros à Monsieur [J], 23 855 euros à Monsieur [F], 76 104 euros à Monsieur [G] et 1 344 euros à Monsieur [O], le tout avec intérêt au taux égal de la BCE pour ses opérations de refinancement majoré de 7 points, jusqu'au jour du parfait paiement, à compter du 28 février 2013,
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- condamner solidairement les sociétés Profina et Cofag et leur assureur, à payer à chacun des investisseurs la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Profina et Cofag et leur assureur, aux dépens dont distraction au profit de Maître Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
* *
Vu les conclusions transmises le 14 mars 2017 par le RPVA pour les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, aux fins de voir, au visa des articles 378 du code de procédure civile, 4 du code de procédure pénale et 1147 du code civil :
in limine litis,
- constater que la décision à venir qui sera rendue par la juridiction pénale compétente a une influence sur les allégations des Investisseurs ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer,
- prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue dans le cadre de la procédure pénale mettant en cause Monsieur [T],
au fond,
- donner acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles de ce qu'elles viennent aux droits de la compagnie Covea Risks ;
- constater que la société Profina n'a commis aucune faute à l'égard des Investisseurs ;
- constater que le préjudice des Investisseurs n'est pas établi ;
- constater que toute garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Profina le du 1er avril 2005 serait exclue dans le cas où la Cour devait relever une faute intentionnelle ou dolosive de la société PROFINA ou un manquement de cette dernière à une obligation de résultat ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à indemniser les investisseurs,
- débouter les investisseurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de l'assureur,
subsidiairement,
- constater qu'une franchise d'un montant de 22 000 euros est stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par la société Profina,
- dire que la somme correspondant à la franchise restant à la charge de la société Profina doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des assureurs, dans le cas où la cour devait retenir la responsabilité de la société Profina,
- condamner les investisseurs la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les investisseurs aux dépens de l'instance ;
* *
Vu l'ordonnance de clôture du 13 juin 2017.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
1. Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de sursis à statuer à l'action des investisseurs, les assureurs se prévalent de l'instruction pénale ouverte à [Localité 5] à l'encontre de Monsieur [T], dirigeant des sociétés Car import chargée de l'importation des véhicules, et de la société Auto avenir, chargée de les louer, des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux ;
Qu'en droit, ils se prévalent des dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale et de la jurisprudence d'après laquelle le sursis à statuer n'est pas subordonné à la preuve d'une dépendance des procédures, mais à l'existence d'une simple influence, même indirecte, de la décision à intervenir au pénal sur la décision au civil ;
Qu'ils relèvent encore que de nombreuses juridictions civiles ou commerciales saisies des défaillances des produits de défiscalisation ont retenu le sursis à statuer au motif que l'enquête pénale pouvait éclairer les conditions dans lesquelles l'intermédiaire a pu avoir connaissance des fraudes affectant le montage proposé, ainsi que sur le contenu de l'information que l'intermédiaire était tenu de communiquer à ses clients ; qu'il a aussi été pris en considération le fait que la garantie de l'assureur ne pourrait être retenue tant qu'un doute subsisterait sur l'implication de l'intermédiaire dans les faits à l'origine de l'escroquerie ;
Qu'en fait, les assureurs soutiennent que l'issue de la procédure d'instruction éclairera le tribunal de commerce sur les circonstances de la commission de l'escroquerie et lui permettra de déterminer l'origine du préjudice allégué par Monsieur [M], ce qui aura une influence déterminante sur les allégations à l'encontre des sociétés Profina et Cofag et par conséquent sur la garantie recherchée des assureurs ;
Qu'ils notent par ailleurs, que les investisseurs n'auraient pas assigné la société Profina, si les opérations de défiscalisation auxquelles ils ont souscrit n'avaient pas été requalifiées par l'administration fiscale ;
Mais considérant que si l'enquête pénale est susceptible d'établir la preuve que les sociétés Profina et Cofag, et la SNC avec elles, ont été victimes de faits d'escroquerie imputables à Monsieur [T], elle ne peut avoir pour objet ou pour effet de déterminer, voire d'influencer, l'appréciation des manquements à leur obligation de garantir l'éligibilité des véhicules et de leur location prescrites par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et à laquelle les investisseurs soutiennent qu'elles étaient tenues ;
Qu'au surplus, la cour relève que la réparation des conséquences des manquements des sociétés Profina et Cofag à l'égard des investisseurs échappe à la compétence d'attribution des juridictions répressives d'après l'article 2 du code de procédure pénale qui n'autorise la réparation des dommages causés par un délit qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Qu'enfin, il n'est pas soutenu que les assureurs se soient constitués partie civile devant le juge d'instruction, tandis qu'aux termes de ses conclusions, ils ne dénient pas leur garantie au prétexte d'une complicité de la société Profina avec Messieurs [T] ;
Et considérant que les autres moyens tendent à discuter les responsabilités que les investisseurs reprochent aux sociétés Profina et Cofag, de sorte que par ces motifs, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de sursis à statuer.
2. Sur les responsabilités des sociétés Profina et Cofag
Considérant que pour voir écarter leur responsabilité et leur garantie, les sociétés Profina et Cofag avec leurs assureurs concluent, ensemble ou séparément, qu'aucune faute ne peut leur être reprochée, qu'elles n'étaient pas tenues à une obligation de résultat et qu'aucun lien de causalité entre des manquements et le préjudice n'est établi, alors que pour ce qui concerne la société Profina, tenue à une simple obligation d'information et de renseignement, elle a été diligente dans l'exécution de ses obligations pour la constitution de la SNC, la recherche et la sélection des véhicules achetés puis loués, ainsi que dans la recherche des investisseurs domiciliés en France avant de les intégrer au capital de la SNC ; qu'en l'absence de convention particulière, le régime des conseillers en gestion de patrimoine applicable à la société Profina exclut le contrôle de la mise en 'uvre du projet et de sa bonne exécution et que la société Profina ne peut être tenue responsable des défaillances des professionnels intervenus dans la réalisation de l'opération ;
Considérant qu'ils estiment ainsi, et en premier lieu, que la SNC a conclu conformément à son objet social, un contrat de vente avec la société Car import pour l'acquisition des six véhicules que celle-ci a régulièrement importés, ainsi qu'un contrat de location avec la société Auto avenir d'une durée de cinq ans et dont la SNC était titulaire ; qu'en l'absence de convention particulière, le régime des conseillers en gestion de patrimoine applicable à la société Profina exclut le contrôle de la mise en 'uvre du projet et de sa bonne exécution, de sorte qu'elle ne peut être tenue responsable des défaillances des professionnels intervenus dans la réalisation de l'opération ; que les contrats de vente et de location ont été signés par la société Cofag, représentant la SNC, et non par la société Profina intervenue en simple qualité de concepteur de l'opération ; qu'enfin, la SNC a régulièrement recueilli les factures d'achat et d'acheminement des véhicules ainsi que les procès-verbaux attestant de leur mise à disposition à leurs locataires ;
Considérant qu'ils contestent, en second lieu, devoir répondre de la décision de l'administration fiscale de remettre en cause l'opération de défiscalisation, alors que le premier des griefs qu'elle a retenu tenant à l'exclusion des trois camionnette Isuzu, au motif qu'elles n'entraient pas dans la définition des voitures particulières, est contredit par la doctrine administrative qui, dans sa publication au bulletin officiel des finances publiques-impôts relative à la taxe sur les véhicules de sociétés, assimile les véhicules de la catégorie 'N1' destinés au transport de passagers et de leurs bagages ou de leur biens et qui comprennent les camionnettes, à des voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007, repris à l'article 1010 du code général des impôts ;
Que les deuxième et troisième griefs tenant à la cession des trois camionnettes Isuzu sélectionnées par la société Profina avant l'expiration du délai de cinq ans ainsi que l'exploitation des six véhicules par des particuliers autres que la société Auto avenir désignée pour leur location sont aussi inopposables, alors que les sociétés Profina et Cofag ne supportaient pas la charge de suivre l'exécution des contrats de location, et que ces détournements des conditions du bénéfice de la réduction de l'impôt sont le résultat des manoeuvres du gérant des sociétés Car import et Auto avenir auprès du service des cartes grises de la préfecture de [Localité 6] et de la cession des véhicules par l'intermédiaire d'une filiale de la société Auto avenir ;
Qu'à cet égard, les sociétés Profina et Cofag se prévalent d'un arrêt de la cour d'appel de Cayenne qui, dans des affaires similaires, a jugé qu''il n'est pas démontré que la société SUMAC 34 était partie prenante à la mise en place de l'opération illicite ni qu'elle a pu avoir connaissance avant les vérifications opérées par l'administration fiscale de ce que les véhicules n'avaient jamais été exploités par Auto Avenir ' que 'la la signature du contrat de location par Auto Avenir, la remise du procès-verbal de prise en charge du matériel et de l'attestation de paiement à Sumac 34, l'établissement des certificats d'immatriculation à son nom, l'attestation annuelle d'état du matériel d'Auto Avenir certifiant que les biens ont été exploités en 2010, l'attestation d'assurance pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 mentionnant également les véhicules objet du contrat de location ne pouvaient que convaincre Sumac 34 de ce que le contrat de location s'exécutait correctement' ;
Qu'enfin, la décision de l'administration fiscale est d'autant moins opposable aux sociétés Profina et Cofag, que les investisseurs n'ont pas engagé les recours à l'encontre de celle-ci, alors qu'ils en avaient seuls le pouvoir ;
Mais considérant, en droit, qu'aux termes de l'article L. 541-1 I 4° du code monétaire et financier, sont assimilées à des conseillers en investissements financiers les personnes exerçant à titre de profession habituelle le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1 I. 1er ; qu'il résulte de l'article L. 533-12 du même code applicable à tous les prestataires de services d'investissement que, I. toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ; que II. les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause ;
Considérant, en fait, et d'une part, que les sociétés Profina et Cofag, professionnelles spécialisées dans l'offre de produit de défiscalisation dans les départements d'outre-mer, ne peuvent prétendre offrir des services financiers fondés sur un avantage fiscal sans s'assurer, préalablement et notamment auprès de l'administration fiscale, des conditions d'éligibilité des produits et services éligibles à la réduction d'impôt promise aux investisseurs, étant relevé, que la doctrine de l'administration fiscale dont les appelantes se prévalent assimile les camionnettes de la catégorie 'N1' aux véhicules de la catégorie 'M1' pour le régime de la taxe des véhicules de société, et non pour la définition des véhicules de tourisme ouvrant droit à la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B h) du code général des impôts ;
Et considérant d'autre part, que la société Profina, en indiquant dans son dossier commercial communiqué aux investisseurs pour la souscription des parts sociales de la SNC, être spécialisée dans l'activité de 'la vente de produits de défiscalisation dans le cadre de la loi Girardin' et 'financer plus de 430 millions d'euros de matériels industriels dans les départements d'outremer, assurant ensuite par le biais de sa filiale Cofag, un suivi très strict des investissements', il se déduit que la personnalité juridique de la SNC ne déliait de leurs obligations, ni la société Profina de répondre des investissements dont elle a personnellement doté la SNC, ni la société Cofag de suivre les investissements pour la défiscalisation dont la SNC était l'objet ;
Qu'il résulte des constatations de l'administration fiscale que la SNC n'avait enregistré aucun flux financier après la période d'acquisition des véhicules, ce dont il se déduit la preuve, que la société Profina n'a recherché de garantie sur l'effectivité des locations par la SNC, de simples factures et attestations de livraison ne pouvant tenir lieu de preuves sérieuses pour cette garantie, ni davantage par la société Cofag pendant la durée de location de cinq ans à laquelle était subordonné le bénéfice de la réduction d'impôt ;
Que la société Profina, notamment par le truchement de sa filiale Cofag, ne communique pas de justificatifs de nature à apprécier la compatibilité et le sérieux de l'activité de la société de Monsieur [T] pour tout à la fois importer et louer les véhicules éligibles à la réduction fiscale, préalablement au paiement par la SNC, du prix d'acquisition et de location des véhicules, ce dont il résulte que le risque d'escroquerie imputé aux intermédiaires qui s'est matérialisé n'a pu être raisonnablement prévenu ; qu'il se déduit ainsi les preuves des manquements des sociétés Profina et Cofag à leur obligation d'information et de conseil et de surveillance de l'emploi des moyens donnant droit à la réduction d'impôt à laquelle elles étaient tenues en leur qualité de conseiller en investissement financier, ainsi que celles du lien de causalité direct de ce manquement avec le sinistre ;
Qu'enfin, en l'absence d'information sérieuse outre ou contre les constatations de l'administration fiscale, aucun recours à l'encontre de sa décision n'était de nature à les contester, de sorte que par ces motifs, il convient de confirmer le jugement qui a retenu la responsabilité contractuelle des sociétés Profina et Cofag.
3. Sur le préjudice indemnisable
Considérant que pour s'opposer à l'indemnisation des préjudices réclamée par les investisseurs, les sociétés Profina et Cofag prétendent, en premier lieu, ensemble ou séparément avec les assureurs, que le préjudice fiscal ne peut être indemnisé, alors que le principal d'un impôt ne constitue pas un préjudice, que la réparation ne peut avoir pour objet de procurer une situation meilleure à la prétendue victime et qu'enfin, les investisseurs ne font pas la preuve que, s'ils avaient été dûment informés, ils auraient alors renoncé à l'opération financière, et qu'il n'établissent pas non plus qu'ils auraient pu se soustraire au paiement des impôts sur le revenu sur les sommes déduites, équivalent au montant du redressement fiscal ; que subsidiairement, les investisseurs ne peuvent prétendre qu'à l'indemnisation d'une perte de chance ;
Mais considérant que la demande des investisseurs a pour objet la réduction de l'impôt correspondant aux investissements dont ils ont été privés en raison des manquements des sociétés Profina et Cofag, et non la base de leurs revenus susceptibles d'être soumis à l'impôt ;
Qu'il se déduit des manquements à l'information et au conseil retenus dans les motifs adoptés ci-dessus, la preuve que les investisseurs ont été trompés sur la définition de certains véhicules ainsi que sur la régularité de leur location comme étant les conditions matérielles et de temps pour le bénéfice de la réduction d'impôt, ainsi que par conséquent, dans l'appréciation qu'ils devaient pouvoir faire avant d'apporter leur concours à l'investissement de garantir le bénéfice de la réduction d'impôt que la loi leur garantissait ; qu'à défaut d'avoir suppléé cette carence dans l'information par la recherche des renseignements utiles, il se déduit la preuve d'un lien direct et de la perte certaine entre les manquements et la rectification fiscale qui en est résultée ;
Et considérant enfin, et en suite des motifs retenus ci-dessus, que les manquements des sociétés Profina et Cofag à leurs obligations sont indépendants dans leur principe et leur portée du recours qu'elles reprochent aux investisseurs de ne pas avoir exercé, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté de l'indemnisation les indemnités de retard et pénalités afférentes aux remboursements de la réduction d'impôt, et de faire droit aux demandes des investisseurs tendant à voir fixer leur préjudice à 28 560 euros pour Monsieur [K], 33 182 euros pour Monsieur [J], 23 855 euros pour Monsieur [F], 76 104 euros pour Monsieur [G] et 1 344 euros pour Monsieur [O].
4. Sur la garantie des assureurs et l'application de la franchise
Considérant que pour dénier leur garantie, les assureurs se prévalent des stipulations de la police d'assurance selon lesquelles 'sont exclusifs de toute assurance les sinistres résultant, d'une part, de la faute intentionnelle ou dolosive de la société Profina' ainsi que celles d'après lesquelles sont exclues de la garantie les 'réclamations et dommages découlant d'une obligation de résultat ou de performance commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément' ;
Mais considérant qu'aux termes de la police d'assurance, les sociétés Profina et Cofag il est convenu que sont '[garanties] les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile que l'Assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, retards, omissions, commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables' ;
Qu'alors enfin, qu'il ne résulte d'aucun document contractuel la preuve que la société Profina ou la société Cofag se soient expressément engagées à garantir le résultat de l'investissement à l'égard des investisseurs, ni des motifs adoptés aux paragraphes 2 et 3 ci-dessus, que les responsabilités des sociétés Profina et Cofag ont été retenues en raison d'un manquement à une obligation de résultat, ni pour l'une ou l'autre des causes exonératoires de garantie invoquées par les assureurs, mais en considération de leur négligence, il convient de confirmer le jugement qui a retenu cette garantie ;
Considérant que pour prétendre appliquer la franchise de 22 000 euros stipulée à la police d'assurance au prorata des parts sociales détenues par les investisseurs dans le capital de la SNC, et la limiter en conséquence à la proportion des parts sociales détenues par chacun des investisseurs, les sociétés Profina et Cofag se prévalent des termes de l'article XII du contrat d'assurance qui définissent le sinistre comme 'tout dommage ou ensemble de dommages causé à autrui, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable ' ;
Mais considérant que cette définition n'intègre pas au fait dommageable, le partage de la valeur de l'investissement selon la répartition des parts sociales détenues dans la SNC et ne déroge pas à la détermination de la franchise par sinistre fixée au point C c) du contrat à 22 000 euros dont la cause réside pour chaque 'opération fiscale supérieure à 100 001 euros', de sorte qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef ;
5. Sur les intérêts appliqués aux condamnations, les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que le jugement a omis de statuer sur la demande d'application du taux d'intérêt réclamé par les investisseurs, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de chef et d'ordonner la capitalisation des intérêts par année échue après le 29 juillet 2016, date des premières conclusions aux termes desquelles elle est réclamée ;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, tandis qu'en cause d'appel, il est équitable de condamner les sociétés Profina, Cofag et les assureurs à verser à chacun des investisseurs la somme de 1 000 euros à chacun d'eux et de les condamner à supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Donne acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles de leur intervention aux droits de la société Covea Risks ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a écarté du préjudice indemnisable, les indemnités de retard et pénalités afférentes aux remboursements des réductions d'impôt ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe la condamnation solidaire des sociétés Profina et Compagnie financière Antilles Guyane et la garantie des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, dans la limite de la police, à :
28 560 euros pour Monsieur [K],
33 182 euros pour Monsieur [J],
23 855 euros pour Monsieur [F],
76 104 euros pour Monsieur [G],
1 344 euros pour Monsieur [O],
le tout, avec intérêts égal au REFI de la Banque centrale européenne majoré de sept points depuis le 28 février 2013, jusqu'au jour du parfait paiement, et avec capitalisation des intérêts par année échue à compter du 29 juillet 2016 ;
Condamne in solidum les sociétés Profina, Compagnie financière Antilles Guyane, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, à verser à Messieurs [K], [F], [J], [O] et [G], chacun, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Profina, Compagnie financière Antilles Guyane, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique Rosenthal, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président