COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DA
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2017
R.G. N° 16/04329
AFFAIRE :
SASU ALIANTIS
C/
SARL AUTOMOBILE CARROSSERIE DE BAGNEUX
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2014F01146
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Claire JAGER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SASU ALIANTIS
N° SIRET : 422 233 684
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Représentant : Me Bernard BONTOUX de la SELASU BONTOUX ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0106 - substitué par Me GHAZAL
APPELANTE
****************
SARL AUTOMOBILE CARROSSERIE DE BAGNEUX
N° SIRET : 479 311 169 00011
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Claire JAGER de la SCP LC2J, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 752
Représentant : Me Assia BENNEZZAR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A833
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Juin 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
FAITS :
En relation commerciale depuis 2000 avec la société Aliantis, qui a pour activité l'achat et la vente de tous véhicules et fournitures de services exploitée sous la concession de la marque Audi, et qui fut cédée à un nouvel actionnaire en 2008, la société Automobile carrosserie de Bagneux (société Automobile de Bagneux), qui a pour activité la réparation de véhicules automobiles, a connu à compter de mai 2012, une baisse continue de ses commandes de travaux de carrosserie et de peinture avant que son activité ne cesse en avril 2013.
Se prévalant du préavis de trois mois stipulé pour la dénonciation d'un contrat à durée indéterminée qu'elle soutient avoir passé le 15 septembre 2000 avec la société Aliantis, ainsi que d'une lettre d'intention de cette dernière du 29 septembre 2004 déclarant poursuivre les relations commerciales, la société Automobile de Bagneux a reproché le 26 septembre 2013 à la société Aliantis la rupture brutale de leurs relations commerciales en violation du préavis, et l'a mise en demeure de l'indemniser de la prise en charge du licenciement de ses deux salariés ainsi que du préjudice moral, avant de l'assigner, le 5 juin 2014, devant le tribunal de commerce de Pontoise pour réclamer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, sa condamnation à lui payer les sommes de 99 000 euros de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive de la relation commerciale et 30 000 euros pour l'indemnisation du licenciement d'un salarié et de son préjudice moral.
La société Aliantis a pour sa part dénié avoir convenu un préavis, conclu à l'incompétence de la juridiction au lieu de celle du tribunal de commerce de Paris pour connaître de la demande en application des articles L. 442.6 et D. 442-3 du code de commerce, et contesté avoir abusivement rompu les relations commerciales.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 mars 2016 qui a :
- dit la société Aliantis mal fondée en sa demande d'irrecevabilité,
- dit que la société Aliantis a fautivement rompu la relation contractuelle et a causé un préjudice à la société Automobile de Bagneux,
- condamné la société Aliantis à payer à la société Automobile de Bagneux de 84 960 euros de dommages et intérêts,
- rejeté le surplus des demandes,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- condamné la société Aliantis à payer à la société Automobile de Bagneux la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboulant pour le surplus de la demande,
- condamné la société Aliantis aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 9 juin 2016 par la société Aliantis ;
* *
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 2 décembre 2016 pour la société Aliantis aux fins de voir, au visa des articles 1108, 1325 et 1147 du code civil :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le contrat du 15 septembre 2000 invoqué par la société Automobile de Bagneux comporte de nombreuses incertitudes quant à la matérialisation du consentement et ne peut être retenu comme élément probant,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé sur le fondement de l'article 1147 du code civil que la société Aliantis a fautivement rompu la relation contractuelle et a causé un préjudice à la société Automobile de Bagneux fixé à 84 960 euros de dommages et intérêts,
à titre subsidiaire,
- dire que la société Aliantis a informé préalablement la société Automobile de Bagneux de sa décision de rompre les relations commerciales et a respecté un préavis raisonnable avant de rompre lesdites relations commerciales,
- dire que la société Automobile de Bagneux n'a subi aucun préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Automobile de Bagneux de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices distincts,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Aliantis à verser des frais irrépétibles,
- condamner la société Automobile de Bagneux a payer à la société Aliantis la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Automobile de Bagneux à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Rol conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 7 octobre 2016 pour la société Automobile carrosserie de Bagneux aux fins de voir, au visa de l'article 1147 du code civil :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exclusion des montants des condamnations allouées,
- dire que la juridiction de Nanterre compétente pour connaître de l'affaire,
- condamner la société Aliantis à régler 99 000 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive de la relation commerciale (non-respect du préavis contractuel),
- condamner la société Aliantis à régler 30 000 euros au titre de dommages et intérêts à la société Automobile de Bagneux pour préjudices distincts (licenciement d'un salarié et préjudice moral),
- condamner la société Aliantis au paiement de la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Aliantis aux dépens, dont distraction au profit de la société d'avocats AJA Avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 20 avril 2017 ;
Vu les observations transmises le 9 juin 2017 par le RPVA pour la société Automobile carrosserie de Bagneux sur le moyen tiré d'office par la cour relatif au défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Nanterre pris en application de l'article L. 442-6 du code de commerce.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
1. Sur le fondement contractuel ou délictuel de la rupture brutale du contrat
Considérant que pour voir confirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Aliantis dans la rupture brutale de leurs relations commerciales sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la société Automobile de Bagneux conclut, en premier lieu au contraire des motifs des premiers juges, à l'existence du contrat de sous-traitance et de sa clause paragraphe V.1. stipulant l'obligation de le dénoncer 'après un préavis de 3 mois précédent la fin de l'année en cours', et dont elle prétend établir la preuve que ce contrat a régulièrement été signé le 15 septembre 2000 par la société Aliantis et fait l'objet d'un avenant le 3 juillet 2002 en se prévalant, d'une part, de l'attestation de Monsieur [B] déclarant 'reconnaître mon écriture et me rappeler que par ma fonction j'ai été amené à faire signer contrat de sous-traitance à la société [Automobile de Bagneux]', d'autre part, de l'attestation du gérant de société Automobile de Bagneux déclarant que la société Aliantis 'ne pouvait ignorer l'existence du contrat de sous-traitance dès lors qu'il est imposé par Audi France à son réseau pour obtenir le label ISO', et enfin, de la lettre d'intention de la société Aliantis du 29 septembre 2004 indiquant à la société Automobile de Bagneux : 'Nous faisons suite à notre conversation du 28 septembre courant concernant le partenariat engagé entre nos deux sociétés. Nous vous confirmons par la présente notre intention de continuer nos relations avec votre entreprise et vous maintenir comme sous-traitant de notre activité de carrosserie. Cette décision est liée à l'historique de nos relations et de la qualité du travail fourni par votre entreprise, et du service offert par celle-ci. Nous espérons que nos relations commerciales continueront de la même manière pour le futur' ;
Mais considérant que, par des motifs des premiers juges que la cour adopte, à l'exception de celui tiré de la formalité du double exemplaire de la convention de l'article 1325 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 qui n'est pas applicable entre commerçants, le 'contrat de sous-traitance' communiqué par la société Automobile de Bagneux ne comporte aucun tampon, ni cachet d'entreprise, que les deux signatures apposées ne sont précédées d'aucun nom permettant d'identifier les signataires, que l'attestation de Monsieur [B], dont il est soutenu qu'il aurait été employé de la société Aliantis, n'est pas signée, sa pièce d'identité n'étant par ailleurs pas lisible, que la société Aliantis met aux débats l'attestation de Monsieur [Z] aux termes de laquelle il dénie sa signature apposée sur le contrat de sous-traitance, de sorte que ce document ne peut constituer une présomption au sens des articles, ensemble, 1349 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 110-3 du code de commerce ;
Qu'alors que la lettre d'intention ne se réfère pas au contrat de sous-traitance écrit, ni ne reprend la condition du préavis conventionnel dont la société Automobile de Bagneux se prévaut, les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande sur le fondement du manquement au préavis conventionnel de trois mois ;
Considérant que la société Automobile de Bagneux se prévaut, en second lieu, de la nature, de l'étendue et de l'ancienneté des relations commerciales, attestées par ses salariés, du cahier des charges et des obligations organisationnelles et des conditions financières que lui imposait unilatéralement la société Aliantis, et enfin, de l'absence de preuve que la société Aliantis ait délivré à la société Automobile de Bagneux un préavis dans la durée raisonnable de douze mois, et dont les premiers juges ont retenu les moyens pour faire supporter la responsabilité de la société Aliantis dans la réduction du chiffre d'affaires de la société Automobile de Bagneux et pour la condamner ;
Considérant qu'en application de l'article 12 du code de procédure civile, 'le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée' ;
Considérant que les moyens de la société Automobile de Bagneux, comme les motifs des premiers juges qui les ont adoptés, qui tendent, ensemble ou séparément, à établir la preuve de la rupture brutale des relations commerciales, hors tout préavis conventionnel écarté ci-dessus, entrent, par nature, dans l'appréciation des pratiques restrictives de concurrence définies à l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
Et considérant qu'aux termes des dispositions impératives de l'article L. 442-6, III du code de commerce, seules les juridictions spécialisées visées à l'article D. 442-3 de ce code, à l'exclusion de toute autre, peuvent connaître de la matière des pratiques restrictives de concurrence régies par l'article L. 442-6 ;
Qu'alors que le tribunal de commerce de Pontoise ne figure pas au nombre de ces juridictions spécialisées, il en résulte qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel d'apprécier celles des demandes qui entraient dans les prévisions de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce, de sorte qu'elles doivent être déclarées irrecevables.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société Automobile de Bagneux succombe à l'action, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Aliantis au paiement de frais irrépétibles et aux dépens ; que statuant à nouveau, il est équitable de laisser à chacune des parties, les frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner société Automobile de Bagneux aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté la preuve d'un préavis conventionnel entre la société Automobile carrosserie et la société Aliantis ;
Déclare irrecevables les demandes de la société Automobile carrosserie de Bagneux devant le tribunal de commerce de Pontoise relevant de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Automobile carrosserie de Bagneux aux dépens de première instance et d'appel ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique Rosenthal, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président