COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 18 OCTOBRE 2017
R.G. N° 15/03195
AFFAIRE :
[T] [U],
...
C/
SELARL [S]
...
[V] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 11/00235
Copies exécutoires délivrées à :
Me Alina PARAGYIOS
Me Dominique GAUTHERAT
Me Catherine OLIVE
Me Anne VAN DETH-TIXERONT
Copies certifiées conformes délivrées à :
[H] [B]
[T] [U]
SELARL [S]
[U] [N]
[V] [C]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [T] [U]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Catherine OLIVE, avocat au barreau de PARIS
Madame [H] [B]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374
APPELANTS
****************
SELARL [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique GAUTHERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0245
Monsieur [U] [N]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Anne VAN DETH-TIXERONT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0068
INTIMÉS
****************
Madame [V] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique GAUTHERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0245
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Claire GIRARD, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [H] [B] a été embauchée par M. [T] [U], avocat, selon contrat à durée indéterminée à temps plein à effet au 26 mai 2008 en qualité de secrétaire juridique, technicien, coefficient 300, échelon 3, moyennant une rémunération mensuelle brute qui était en dernier lieu de 2 251,78 euros selon les parties.
M. [T] [U], avocat, exerce sa profession en nom propre dans un cabinet groupé avec mise en commun des moyens matériels d'exercice avec deux autres confrères : M. [U] [N] et Mme [V] [C], gérante de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) à associé unique dénommée [S].
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des salariés des cabinets d'avocats et M. [T] [U] employait habituellement moins de onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2010, Mme [H] [B] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 13 septembre 2010 et mise à pied à titre conservatoire.
Mme [H] [B] a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2010 pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [H] [B] a saisi le 9 février 2011 le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) qui a, par jugement du 23 avril 2013 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties :
- mis hors de cause M. [U] [N] et la SELARL [S],
- dit que le salaire mensuel moyen brut de Mme [H] [B] est de 2 251,78 euros,
- dit que le licenciement de Mme [H] [B] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [T] [U] à payer à Mme [H] [B] les sommes suivantes :
* 4 503,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 450,30 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 375,29 euros à titre de rappel de 13ème mois,
* 37,52 euros au titre des congés payés sur rappel de 13ème mois,
* 836,36 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
* 83,63 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire,
* 4 503,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal du jour de la saisine, soit le 16 février 2011, pour les créances à caractère salarial et du jour de la présente décision pour celles ayant un caractère indemnitaire,
- débouté Mme [H] [B] du surplus de ses demandes,
- mis à la charge de M. [T] [U] les dépens.
Mme [H] [B] a régulièrement relevé appel de la décision le 16 mai 2013. M. [T] [U] a également régulièrement relevé appel de la décision le 23 mai 2013. Les deux procédures enregistrées à la suite de ces appels ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction rendue le 3 mars 2015 qui a également ordonné la radiation de l'affaire du rôle des affaires en cours et dit que les parties ne pourront procéder à la réinscription de l'affaire que sur justification du dépôt des demandes au soutien de l'appel et notification à l'adversaire. Par courrier recommandé du 17 avril 2015, Mme [H] [B] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle des affaires en cours qui a eu lieu le 16 juillet 2015.
Aux termes de ses conclusions du 12 septembre 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [H] [B] demande à la cour de :
- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner solidairement M. [U], M. [N] et Mme [C] à lui verser les sommes suivantes :
* 872,29 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
* 87,22 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire,
* 503,20 euros à titre de rappel de 13ème mois,
* 471,06 euros à titre de complément de maladie,
* 100,93 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés du mois de mai 2010,
* 23 080 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer les sommes de :
* 4 967 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 4 617 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- condamner solidairement M. [U], M. [N] et Mme [C] aux dépens et au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 12 septembre 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [T] [U] demande à la cour de :
à titre principal
- confirmer le jugement concernant sa qualité d'employeur exclusif,
- prononcer la mise hors de cause de M. [U] [N] qui n'a pas la qualité de co- employeur,
- condamner Mme [H] [B] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le surplus et dire que la faute grave est établie,
- débouter Mme [H] [B] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [H] [B] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire
- dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- dire que Mme [H] [B] ne justifie pas du quantum de ses demandes,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes,
- ordonner la restitution des condamnations versées au titre de l'exécution provisoire sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner Mme [H] [B] aux éventuels dépens.
Aux termes de ses conclusions du 2 août 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [U] [N] demande à la cour de :
à titre principal
- confirmer les dispositions du jugement concernant la qualité d'employeur exclusif de M. [T] [U],
- prononcer sa mise hors de cause, n'étant pas co-employeur de Mme [H] [B],
- condamner Mme [H] [B] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire
- dire que la faute grave est établie,
- condamner Mme [H] [B] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre infiniment subsidiaire
- dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- dire que Mme [H] [B] ne justifie pas du quantum de ses demandes, l'en débouter et ordonner la restitution des condamnations versées au titre de l'exécution provisoire,
- condamner Mme [H] [B] aux éventuels dépens.
Aux termes de ses conclusions du 2 août 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la SELARL [S] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement concernant la qualité d'employeur exclusif de M. [T] [U],
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner Mme [H] [B] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- infirmer la décision et dire que la faute grave est établie,
- débouter Mme [H] [B] de l'ensemble de ses demandes tendant à la voir condamner au paiement de diverses sommes,
- condamner Mme [H] [B] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour écarterait la faute grave,
- fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme de 2 251,78 euros,
- dire que les seules sommes qui pourraient être dues s'établissent comme suit :
* 4 503,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 4 503,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 375,29 euros à titre de rappel de 13ème mois sur la période de préavis,
* 836,36 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,
- débouter Mme [H] [B] du surplus de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour dirait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dire que Mme [H] [B] ne justifie d'aucun préjudice justifiant l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à six mois de salaire, soit 13 510,68 euros, et la débouter du surplus de sa demande.
Aux termes de ses conclusions du 2 août 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [V] [C], intervenante volontaire, demande à la cour de :
- dire Mme [H] [B] irrecevable en ses demandes à son encontre,
- condamner Mme [H] [B] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 12 septembre 2017,
Vu la lettre de licenciement,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'employeur
Mme [H] [B] forme des demandes de condamnation solidaire à l'encontre de M. [T] [U], de M. [U] [N] et de Mme [V] [C], étant précisé que celle-ci intervient volontairement devant la cour d'appel tandis que devant les premiers juges, Mme [H] [B] avait formé ses demandes à l'encontre des seuls M. [T] [U], M. [U] [N] et la SELARL [S].
M. [T] [U], M. [U] [N], Mme [V] [C] et la SELARL [S] s'accordent unanimement sur la qualité d'employeur exclusif de M. [T] [U].
Il est observé en liminaire qu'aucune demande de condamnation n'est plus formée par Mme [H] [B] à l'encontre de la SELARL [S] qui sera dès lors mise hors de cause, la décision entreprise sera confirmée à ce titre.
Il appartient à celui qui revendique l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve et de caractériser l'existence d'une activité rémunérée et d'un lien de subordination. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l'espèce, la situation de salariée de Mme [H] [B] à l'égard de M. [T] [U] ne fait litige pour aucune des caractéristiques sus-énoncées : le contrat de travail a été signé par celui-ci qui a seul établi les bulletins de paie, fixé les horaires et les congés de sa salariée ainsi que pris l'initiative du licenciement.
S'agissant de M. [U] [N] et de Mme [V] [C] à l'encontre desquels Mme [H] [B] formule des demandes, faute de contrat écrit les liant, il appartient à Mme [H] [B] qui se prévaut d'un contrat de travail à l'appui de ses demandes de condamnation d'en établir l'existence. À ce titre, Mme [H] [B] affirme que des tâches lui étaient aussi confiées par M. [U] [N] et Mme [V] [C] et verse notamment aux débats pour en justifier :
- la justification de ce que l'adresse mail ayant pour terminaison@victoravocat.fr est commune à toutes les membres du cabinet utilisant en outre l'intitulé « [S] »,
- l'existence de cartes de v'ux au nom de « cabinet [S] » et de « réunion cabinet »,
- l'information par mail à tous les membres du cabinet groupé de la venue d'un stagiaire,
- des captures d'écran de dossiers de plaidoirie,
- divers courriels adressés à elle-même,
- la mise en place d'un planning de vacances pour 2010.
Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats par la SELARL [S] que celle-ci a été immatriculée le 28 novembre 2003 et que le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris a autorisé Mme [V] [C] à exercer sa profession d'avocat en SELARL, de telle sorte que les demandes de Mme [H] [B] formées pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de Mme [V] [C] à titre personnel sont irrecevables.
En ce qui concerne l'utilisation de moyens d'identification communs, reprochée par Mme [H] [B], il est justifié de ce que la SELARL [S] est titulaire du contrat relatif au serveur informatique et à sa maintenance, ayant pour prestataire informatique la société Addjust, de telle sorte que l'intitulé « [S] » appliqué à l'ensemble des adresses mail s'explique par la structure d'exercice du cabinet groupé. Il en est de même du regroupement des trois noms d'avocats sur le papier à en-tête sous l'intitulé « [S] », dans la mesure où sont précisées les qualités de chacun : M. [T] [U] et M. [U] [N], ayant la qualité d'avocats au barreau de Paris en cabinet groupé tandis que seule Mme [V] [C] y est mentionnée comme étant membre du cabinet [S]. De même la présentation de cartes de v'ux au nom de « cabinet [S] » n'est pas davantage de nature à justifier de l'existence d'un lien de subordination autre que celui liant M. [T] [U], appartenant au cabinet groupé, à Mme [H] [B].
Enfin, s'agissant de ce que Mme [H] [B] décrit comme étant une « gestion de travail en commun », soit l'établissement d'un calendrier général de présence ou de plannings de vacances ou encore de l'information donnée sur la venue d'un stagiaire : ces éléments s'expliquent par la structure de cabinet groupé avec partage des locaux, de même que les quelques demandes de transmettre des appels à d'autres membres du cabinet groupé que son employeur dont il est justifié en nombre extrêmement minime au regard de la durée d'emploi de Mme [H] [B]. Enfin, les mails que celle-ci s'adresse à elle-même pour justifier que des tâches lui auraient été confiées par M. [U] [N] ou Mme [V] [C], de même que les captures d'écran de dossiers de plaidoirie, n'ont aucune valeur probante de sa situation de salariée à l'égard de M. [U] [N].
Dès lors, faute pour Mme [H] [B] de justifier de la réalité d'une situation de subordination moyennant rémunération la liant à M. [U] [N], celui-ci sera mis hors de cause, la décision entreprise sera confirmée à ce titre.
Sur le licenciement
Aux termes des dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L'article L.1235-1 du code du travail précise qu'en cas de litige et à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il est ajouté que, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la preuve de la réalité des faits allégués incombe à l'employeur. Il convient enfin de rappeler que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. En l'espèce, les termes en sont les suivants :
« Je fais suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement qui s'est tenu le lundi 13 septembre 2010. Au cours de cet entretien, vous étiez assistée de Monsieur [T] [E], conseiller du salarié.
Je suis au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les faits exposés au cours de cet entretien, et repris ci-après.
J'ai en effet à déplorer de votre part, une insubordination caractérisée depuis la fin du mois de juillet :
-Vous refusez de répondre aux appels téléphoniques entrants du cabinet et de distribuer le courrier,
-Vous refusez d'ouvrir la porte aux clients, postiers, coursiers et stagiaires du cabinet,
-Vous refusez de vous déplacer à mon bureau pour m'apporter les courriers que je vous ai donnés à taper,
-Vous refusez de dire bonjour en arrivant à mon cabinet et au revoir en le quittant.
Vous avez d'ailleurs indiqué, dans votre lettre RAR en date du 30 juillet 2010, que vous avez décidé de refuser à compter du 28 juillet d'accomplir ces tâches. Votre lettre RAR du 23 juillet affirmait également votre refus.
Pourtant :
-Vous accomplissiez ces tâches depuis votre entrée à mon cabinet le 26 mai 2008 jusqu'à présent,
-Ces tâches font indiscutablement partie intégrante de vos fonctions, ce que vous ne manquiez d'ailleurs pas de relever dans votre courriel du 24 août 2009 : « l'accueil, la réception et le standard m'ont été affectés ».
Un tel comportement est particulièrement inacceptable, puisqu'il perturbe le bon fonctionnement du cabinet. Ce sont en effet les avocats du cabinet qui doivent interrompre leur travail pour accomplir les tâches qui vous sont dévolues.
Par courriel du 2 septembre 2010 à 17 h 48, je vous ai demandé de bien vouloir respecter mes instructions sur ce point, ce que vous avez refusé de faire. Il s'agit donc d'une insubordination caractérisée.
Lors de notre entretien préalable du 13 septembre dernier, vous avez refusé en bloc les griefs que je vous présentais sans souhaiter toutefois donner un début de commencement d'explication à votre comportement.
Cette insubordination est également illustrée par le fait que vous n'avez pas respecté les dates de congés payés que j'avais fixées conformément aux dispositions légales, et que j'ai portées à votre connaissance plus d'un mois à l'avance.
Ainsi, vous vous êtes présentée à mon cabinet le mercredi 1er septembre dernier alors que vous deviez le faire le lundi 23 août dernier.
Or, vous ne pouvez contester que je vous avais informé de mon retour au cabinet le 23 août (ne prenant depuis des années que 3 semaines de repos au mois d'août) et de la présence de ma collaboratrice à cette même date.
Du fait de votre absence non motivée, ma collaboratrice et moi avons du faire face pour la période du lundi 23 au mardi 31 août à un surcroît de travail de secrétariat.
En dépit de ma lettre RAR du 26 août vous demandant de bien vouloir m'informer de la raison de votre absence et d'un message téléphonique laissé sur votre répondeur personnel lundi 30 août pour vous demander si vous étiez souffrante et la date effective de votre reprise, vous n'avez pas cru devoir répondre à mes demandes.
Votre absence non programmée et non justifiée a eu des conséquences sur la bonne marche de mon cabinet et l'absence de toute visibilité sur la date de votre retour m'a interdit d'avoir recours à une intérimaire.
J'ai par ailleurs eu l'occasion d'attirer à de multiples reprises votre attention sur les nombreuses fautes que vous commettiez dans l'accomplissement de votre travail. Celles-ci ont notamment motivé un avertissement que je vous avais notifié le 5 mai 2010. J'observe que vous n'avez jamais réfuté la réalité de ces reproches, qui ont perduré malgré l'avertissement précité :
-multiples fautes de frappe dans les courriers que vous tapiez,
-cotes manquantes dans des dossiers de plaidoirie,
-pièces non jointes à une lettre envoyée le 30 juillet à monsieur le juge commissaire Cacaux du Tribunal de commerce de Beauvais.
Ces incidents à répétition ont très certainement terni l'image de mon cabinet auprès des tiers, à commencer par mes clients.
Je ne peux que relever à cet égard, pour le regretter aussitôt, que les 12 lettres RAR que vous m'avez adressées depuis le 2 mai dernier ne comportent elles aucune faute de frappe ou de présentation.
Malgré mes nombreuses remarques et mises en garde écrites et orales, vous n'avez pas su ou vous n'avez pas voulu vous ressaisir.
Le dernier acte d'insubordination que je vous reproche est constitué par votre refus manifeste les 1er, 2 et 3 septembre de respecter et de vous conformer aux horaires que je vous avais fixés dans l'exercice de mon pouvoir de direction.
Enfin, le ton et les termes insultants à mon encontre comme à celle de mes confrères [V] [C] et [U] [N] que vous croyez pouvoir utiliser dans les 12 lettres RAR que vous m'avez adressées (« malignité, association de malfaiteurs, perversité, malveillance, acharnement démoniaque, falsification»...) sont également inacceptables. Vous n'avez pas de plus à vous faire juge de l'opportunité des décisions que je prends dans l'exercice de mon activité professionnelle, de la qualité de mon travail ou du niveau de ma facturation !
Vous n'avez pas plus à écrire dans votre lettre RAR du 2 septembre : « ... pour effectuer le peu de travail que vous me confiez, c'est-à-dire, les innombrables corrections de projets incohérents et incomplets de facture, pour ma part, sans grand intérêt intellectuel ».
Tous ces éléments rendent impossible votre maintien dans l'entreprise et me contraignent à vous licencier pour faute grave.
La date de première présentation de cette lettre marquera en conséquence la rupture de nos relations contractuelles, sans préavis, ni indemnité de licenciement.[...] »
Sont ainsi reprochés à Mme [H] [B] par M. [T] [U] aux termes de la lettre de licenciement :
- des manquements professionnels,
- des actes d'insubordination,
- une absence injustifiée,
- le non-respect des horaires de travail,
- des propos injurieux et insultants.
Aux fins de justifier de la réalité des griefs, M. [T] [U] verse notamment aux débats :
- un avertissement par mail du 5 mai 2010 rappelant la fixation des congés payés durant les trois premières semaines du mois d'août et mettant en garde la salariée compte tenu de son comportement inacceptable et de la dégradation de la qualité de son travail,
- la lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par Mme [H] [B] à son employeur le 23 juin 2010 mentionnant que ses congés payés s'étaleront du 5 au 23 juillet,
- la réponse de l'employeur du 28 juin 2010 par lettre recommandée avec accusé de réception rappelant la date des congés payés, mettant en garde la salariée quant à son comportement professionnel et fixant ses nouveaux horaires de travail à compter du 1er septembre 2010,
- l'avis d'arrêt de travail du 30 juin 2010 au 8 juillet 2010 ainsi que sa prolongation jusqu'au 28 juillet 2010,
- la lettre recommandée de l'employeur du 12 juillet 2010 rappelant la date de retour de congés payés : 23 août ainsi que les nouveaux horaires à compter du 1er septembre 2010,
- le courriel de l'employeur du 30 juillet 2010 reprochant à la salariée des manquements professionnels : ne dit pas bonjour, ne répond pas aux appels téléphoniques, n'ouvre pas la porte du cabinet aux clients, postiers et coursiers et lui rappelant la date de retour au cabinet : 23 août,
- la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 26 août 2010 par l'employeur aux fins de justification des raisons de son absence depuis le 23 août 2010,
- le courriel de l'employeur du 2 septembre 2010 reprochant à la salariée des manquements professionnels : ne dit pas bonjour, ne répond pas aux appels téléphoniques, n'ouvre pas la porte du cabinet aux clients, postiers et coursiers et ne respecte pas les nouveaux horaires de travail,
- la lettre recommandée avec accusé de réception de la salariée du 2 septembre 2010 reprochant notamment à son employeur un acharnement démoniaque et un abus d'autorité,
- quelque courriers dactylographiés par Mme [H] [B] comportant des fautes,
- la lettre recommandée avec accusé de réception de la salariée du 6 septembre 2010 reprochant notamment à son employeur une tentative d'extorsion de signature en bande organisée sinon en association de malfaiteurs, par chantage, intimidation et force ainsi qu'une attitude despotique et humiliante.
Les propos injurieux et insultants tenus par la salariée à l'encontre de son employeur sont suffisamment établis au regard des éléments susmentionnés : la lettre recommandée avec accusé de réception de Mme [H] [B] du 2 septembre 2010 ainsi que celle du 6 septembre 2010.
S'agissant de nouveaux horaires de travail depuis le 1er septembre 2010, Mme [H] [B] ne conteste pas ne pas les avoir respectés mais prétend qu'ils n'avaient pas été contractualisés. Le contrat de travail mentionne une durée hebdomadaire de travail fixée à 35 heures sans préciser d'horaires contractualisés, de telle sorte que la fixation des horaires de travail ressort du pouvoir de direction de l'employeur qui les avait portés en temps utile à la connaissance de la salariée par lettres recommandées avec accusés de réception des 28 juin et 12 juillet 2010, ainsi qu'il en est justifié.
Mme [H] [B] ne conteste pas son absence injustifiée entre le 23 août 2010 (date de la fin des congés payés fixés par l'employeur dans les délais prévus par la convention collective applicable et rappelée à plusieurs reprises à la salariée ainsi qu'il résulte des éléments ci-dessus mentionnés) et le 1er septembre 2010, prétendant aux termes de ses conclusions qu'elle 'était en congés du 1er au 31 août 2010", alors même qu'elle avait été destinataire d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par son employeur le 26 août 2010 aux fins de justification des raisons de son absence depuis le 23 août 2010, lettre à laquelle elle ne justifie pas avoir répondu.
Dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs supplémentaires de manquements professionnels et insubordination, la cour considère que les trois reproches ci-dessus développés sont établis et qu'ils sont de nature à constituer une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans son emploi, de telle sorte que la décision entreprise ayant seulement reconnu l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement sera infirmée à ce titre.
Sur les demandes pécuniaires
S'agissant d'un licenciement intervenu pour faute grave, la décision sera également infirmée en ce qu'elle a alloué à Mme [H] [B] les sommes de 4 503,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 450,30 euros à titre de congés payés sur préavis, 375,29 euros à titre de rappel de 13ème mois, 37,52 euros au titre des congés payés sur rappel de 13ème mois, 836,36 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire, 83,63 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire et 4 503,56 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Par ailleurs, compte tenu de la faute grave retenue, Mme [H] [B] sera déboutée de sa demande à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la décision déférée sera confirmée de ce chef.
Enfin, pas plus devant la cour d'appel que devant les premiers juges Mme [H] [B] ne soutient aucune argumentation à l'appui de ses demandes de rappel de salaire formées à titre de complément de maladie et de complément d'indemnité de congés payés, permettant d'en apprécier le bien-fondé, de telle sorte qu'elle en sera déboutée, la décision entreprise sera confirmée sur ces points.
Mme [H] [B] devra donc restituer la somme allouée par les premiers juges ayant fait l'objet d'un règlement, étant précisé qu'il n'est pas nécessaire de prononcer une condamnation à ce titre, le présent arrêt infirmatif sur ce point constituant le titre exécutoire permettant la restitution.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Mme [H] [B].
Seule la demande formée en cause d'appel par M. [T] [U], M. [U] [N] et Mme [V] [C] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 500 euros chacun.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 23 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à la mise hors de cause de M. [U] [N] et de la SELARL [S], au débouté de Mme [H] [B] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, demandes de rappel de salaire formées à titre de complément de maladie et de complément d'indemnité de congés payés, dispositions qui seront confirmées,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que les demandes formées à l'encontre de Mme [V] [C] sont irrecevables,
Dit que le licenciement dont Mme [H] [B] a fait l'objet repose sur une faute grave,
Condamne Mme [H] [B] à payer à M. [T] [U], M. [U] [N] et Mme [V] [C] la somme de 500 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Mme [H] [B] aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,