COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 18 OCTOBRE 2017
R.G. N° 15/05611
AFFAIRE :
[L] [W]
C/
SASU FRANCE BOISSONS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° RG : 13/00179
Copies exécutoires délivrées à :
Me Thierry VANHOUTTE
la SCP G & D
Copies certifiées conformes délivrées à :
[L] [W]
SASU FRANCE BOISSONS
POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [L] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Thierry VANHOUTTE, avocat au barreau de LILLE
APPELANTE
****************
SASU FRANCE BOISSONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe GENTILHOMME de la SCP G & D, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1210
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Madame Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
La société FRANCE BOISSONS SAS exerce son activité dans le domaine de la distribution de boissons aux professionnels au sein du marché dit 'hors domicile' : cafés, brasseries, restaurants, hôtels, clubs de loisirs. Depuis 1987, la société FRANCE BOISSONS est la filiale du groupe HEINEKEN international et son siège, comme celui des sociétés HEINEKEN France et HEINEKEN Entreprise, est situé à [Localité 1].
La société, qui emploie plus de 10 salariés, applique l'accord du groupe HEINEKEN Entrepriseses - FRANCE BOISSONS.
Par lettre contractuelle en date du 19 décembre 2008 à effet au 26 janvier 2009, Mme [L] [W] a été engagée à durée indéterminée en qualité de Responsable Développement Ressources Humaines, catégorie Cadre, sous l'autorité hiérarchique du DRH et affectée au siège de la société à [Localité 1].
Par lettre contractuelle-avenant en date du 23 février 2011, Mme [W] a été nommée au poste de Responsable Développement des Ventes, sous l'autorité de M. [J] directeur commercial.
Le 30 avril 2012, Mme [W] est partie en congé maternité jusqu'au 17 septembre 2012.
A son retour, Mme [W] a partagé son temps de travail entre le siège social de [Localité 1] et les locaux d'une filiale de la société sur [Localité 2].
Son employeur lui a demandé, le 15 octobre 2012, de signer un document formalisant cette 'dérogation temporaire et partielle' accordée jusqu'au 31 décembre 2012, ce que la salariée a refusé.
Par lettres recommandées des 8, 13 et 16 novembre 2012, son employeur lui a demandé de maintenir son lieu de travail à temps plein à [Localité 1] et de justifier de ses absences en ce lieu des 13, 15 et 16 novembre puis lui a notifié un avertissement le 20 novembre 2012 pour insubordination.
Après avoir été convoquée le 30 novembre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec notification d'une mise à pied conservatoire, Mme [W] a été licenciée pour faute grave le 13 décembre 2012, pour insubordination réitérée.
C'est dans ce contexte qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 23 janvier 2013 aux fins de contester son licenciement et d'obtenir paiement de diverses sommes au titre notamment du harcèlement moral et de la rémunération variable.
Par jugement rendu le 19 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, laquelle a interjeté appel de la décision et demande à la cour :
- d'annuler l'avertissement du 20 novembre 2012 ;
- de juger que son licenciement est nul et, à tout le moins, abusif ;
- de condamner la société FRANCE BOISSONS à lui verser les sommes suivantes :
- 84.220,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et abusif,
- 14.036,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 21.055,19 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.105,52 euros à titre de congés payés sur préavis,
- 8.315,44 euros bruts au titre du solde de sa rémunération variable pour l'exercice 2012,
-14.036,80 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination relative à la situation familiale,
-10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives aux conventions de forfait jours,
En tout état de cause :
- de constater l'absence de faute grave et de condamner la société FRANCE BOISSONS à lui verser les sommes suivantes :
- 14.036,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 21.055,19 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.105,52 euros à titre de congés payés sur préavis,
- de dire que les condamnations salariales et l'indemnité de licenciement porteront intérêts à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, avec capitalisation ;
- de condamner la société au paiement de 3.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de 1ère instance et 3.000,00 euros pour ceux exposés en cause d'appel.
La société FRANCE BOISSONS demande à la Cour :
- de confirmer le jugement du 19 novembre 2015 en toutes ses dispositions,
- de juger prescrite la demande de dommages et intérêts au titre de l'invalidité partielle du contrat de travail de Mme [W] afférente à la durée forfaitaire du travail,
Subsidiairement,
- de juger Mme [W] mal fondée en sa demande de dommages intérêts au titre de l'invalidité partielle du contrat de travail afférente à la durée forfaitaire du travail,
En tout état de cause,
- de juger Mme [W] irrecevable et en tout cas mal fondée en l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur l'avertissement et le licenciement pour faute grave
Il est reproché à la salariée la même faute d'insubordination pour justifier l'avertissement et le licenciement pour faute grave.
L'avertissement du 20 novembre 2012 mentionnait plus précisément :
'(...) Par courrier recommandé en date du 8 novembre dernier que vous avez reçu le 10 novembre suivant, nous vous avions pourtant très clairement signifié que votre lieu de travail demeurait à temps plein à [Localité 1]. En décidant malgré tout de travailler sur le site de [Localité 3] vous avez ainsi délibérément ignoré nos instructions et enfreint dans le même temps les stipulations de votre contrat de travail. Votre insubordination n'est pas admissible. Nous sommes donc contraints de vous notifier le présent avertissement.
Nous attirons par ailleurs votre attention sur le fait que nous ne tolérerons aucun nouvel écart de comportement de votre part et serions, dans une telle hypothèse, amenés à envisager votre licenciement pour faute grave'.
La lettre de licenciement du 13 décembre 2012 rappelait notamment que :
- Mme [W], depuis son embauche, avait son lieu de travail fixé à [Localité 1], au siège de la société, ce qu'elle avait accepté et qui était indispensable à l'exécution de ses missions,
- en prévision de son retour de congé maternité le 17 septembre 2012, il avait été accédé à son souhait d'exercer au sein de la filiale près de [Localité 2] deux à trois jours par semaine jusqu'au 31 décembre 2012,
- la salariée avait refusé de signer l'avenant contractuel soumis le 15 octobre 2012 aux fins d'organiser cette période transitoire,
- la société lui avait alors demandé par lettre recommandée du 8 novembre 2012 de se conformer à ses conditions habituelles de travail et en particulier de maintenir son lieu de travail à [Localité 1],
- les 13, 15 et 16 novembre suivants, elle avait néanmoins travaillé depuis les locaux de [Localité 3], sans avertir son employeur,
- malgré l'avertissement du 20 novembre 2012, elle s'était à nouveau présentée dans la filiale nordiste les 27 et 28 novembre suivants, toujours sans prévenir son employeur,
avant de conclure que : 'en plus d'ignorer les stipulations de votre contrat de travail en faisant varier unilatéralement votre lieu de travail, vous violez délibérément les consignes de votre hiérarchie et faites preuve d'une attitude de défiance totalement incompatible avec votre niveau de responsabilité et le devoir d'exemplarité qu'il requiert. Votre insubordination réitérée est clairement constitutive d'une faute grave'.
La société FRANCE BOISSONS soutient que faute pour Mme [W] d'avoir signé l'avenant contractuel lui permettant de fixer son lieu de travail partiellement sur [Localité 2], elle devait respecter les termes de son contrat et se rendre uniquement au siège de l'entreprise à [Localité 1].
La salariée rétorque qu'elle n'avait pas souhaité signer le document présenté parce qu'il limitait dans le temps l'aménagement de son lieu de travail mais qu'ayant obtenu l'accord de son employeur jusqu'à la fin de l'année 2012, elle n'avait commis aucune insubordination.
En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'employeur, Mme [W] n'a pas organisé son temps de travail entre le siège social et la filiale de [Localité 2] de son propre chef et sans l'accord de sa hiérarchie à son retour de congé maternité le 17 septembre 2012, puisqu'il ressort au contraire des pièces produites qu'elle avait obtenu un accord verbal pour cet aménagement jusqu'au 31 décembre 2012.
Ainsi, dans son attestation, M. [J], directeur commercial national, supérieur hiérarchique de la salariée confirmait que celle-ci lui avait fait part dès son entretien annuel du 27 février 2012 de son souhait de travailler 2 ou 3 jours par semaine sur le site lillois à son retour de congé maternité et il ajoutait qu'il lui avait donné un : 'accord de principe pour cet aménagement' qui devait rester temporaire, pour lui permettre de reprendre sereinement le travail après la naissance de son enfant.
Il ne peut en outre être sérieusement soutenu que l'accord donné à cette modification du lieu de travail était conditionné à la signature d'un avenant puisque par mail du 17 septembre 2012, Mme [W] informait son équipe de son retour avec deux jours de présence au siège et trois jours à [Localité 2] et que ce mail adressé à son supérieur M. [J] le 20 septembre suivant n'avait entraîné aucune observation. Ce n'est d'ailleurs que le 15 octobre 2012, soit un mois après sa reprise, que le Directeur des Ressources Humaines a demandé à la salariée de donner son accord écrit à cette dérogation temporaire et partielle dans un courrier libellé comme suit :
'Suite à nos récentes discussions et conformément à votre demande auprès de votre supérieur hiérarchique, il a été convenu qu'à compter de votre retour de congé maternité (le 17 septembre 2012) et cela jusqu'au 31 décembre 2012, vous aurez la possibilité d'exercer à hauteur de 2 à 3 jours par semaine votre fonction de Responsable du Développement des Ventes du Groupe FRANCE BOISSONS au sein de notre filiale de [Localité 2] située [Adresse 3].
Ainsi, vous continuerez à travailler dans les locaux de FRANCE BOISSONS SAS situés [Adresse 2] à hauteur de 2 ou 3 jours par semaine.
Cet aménagement temporaire et exceptionnel vous est accordé consécutivement à votre retour récent de congé maternité mais ne saurait en aucun cas modifier votre lieu de travail initial fixé contractuellement à [Localité 1]. Cette dérogation temporaire et partielle prendra fin le 31 décembre 2012 au soir sans aucune formalité.
A partir de cette date, vous serez de nouveau basée à temps plein au siège social de FRANCE BOISSONS SAS à [Localité 1].
Nous vous remercions de nous remettre un exemplaire de la présente dûment signé avec la mention manuscrite 'lu et approuvé - bon pour accord'.
Le refus par la salariée de signer ce document n'emportait pas de conséquence puisque son lieu de travail restait fixé à [Localité 1], conformément au souhait de son employeur qui n'entendait pas accéder à sa demande d'un aménagement pérenne sur les deux sites.
En outre, il ressort des propres courriers de la société et des attestations qu'elle produit que Mme [W], si elle n'était pas présente les 13, 15, 16, 27 et 28 novembre 2012 au siège de l'entreprise se trouvait bien au sein de la filiale liloise.
Il convient également de relever que Mme [W] exerçait des fonctions de responsable d'une équipe, elle même disséminée sur le territoire, et qu'elle était soumise à un forfait jours et à des déplacements, bénéficiant ainsi d'une certaine autonomie dans l'organisation de son temps de travail.
Il n'est enfin pas justifié de ce qu'elle aurait refusé de répondre à une quelconque demande de son supérieur hiérarchique, notamment de présence au siège en plus des jours qu'elle avait précisé à son équipe lors de sa reprise.
Ainsi, les développements de l'employeur sur la modification du contrat, l'absence de clause de mobilité géographique ou la nécessité de maintenir le poste au siège de l'entreprise sont inopérants puisqu'il est incontestable qu'un accord a été donné à la salariée avant sa reprise le 17 septembre 2012 pour l'aménagement de son travail sur deux lieux, jusqu'au 31 décembre 2012, laquelle s'est organisée en conséquence pour la garde de son enfant, accord que l'employeur ne pouvait se dispenser de respecter, au surplus après un mois de mise en oeuvre sans aucune observation, sauf à exécuter de mauvaise foi le contrat de travail.
Il en ressort que la demande de l'employeur de revenir à une exécution stricte du contrat de travail, avant même le 31 décembre 2012, est abusive et doit s'analyser comme une mesure de rétorsion à la suite du refus de Mme [W] de signer le courrier actant l'aménagement temporaire mis en oeuvre pourtant depuis plusieurs semaines.
Les faits d'insubordination ne sont donc pas établis et l'avertissement du 22 novembre 2012 sera annulé.
Pour solliciter la nullité de son licenciement à titre principal, Mme [W] soutient que celui-ci était en réalité motivé par sa situation familiale, son employeur ne voulant pas conserver une salariée venant d'accoucher et domiciliée à [Localité 2] et alors que d'autres de ses collègues avaient été autorisés de façon pérenne à travailler à partir de chez eux en région.
En application des articles L.1132-1 et L. 1132-4 du code du travail : 'Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié (...) en raison de son sexe ou de sa situation de famille ou de sa grossesse', et tout acte pris en méconnaissance de cette disposition est nul. L'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La cour constate en premier lieu que la salariée se compare à des collègues qui n'occupaient pas les mêmes postes qu'elle, à savoir M. [V] directeur national vin, M. [N] directeur grands comptes, M. [B] responsable national fidélisation clients, Ms. [I] et [R] responsable grands comptes, M. [G] chef de projet. En outre, certains d'entre eux résidaient non pas en province mais en région parisienne ou étaient affectés non pas au siège mais en région.
Ainsi, la salariée ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à son égard et la nullité du licenciement n'est donc pas encourue.
Toutefois, comme soutenu à titre subsidiaire, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de faute de la salariée.
- Sur les demandes pécuniaires liées à la rupture du contrat
Les articles 27 et 28 de l'accord du groupe HEINEKEN concernant les cadres prévoient une indemnité de licenciement de 5/10ème de mois par année d'ancienneté et un préavis de trois mois.
Compte tenu de son ancienneté de 4 ans et 1 mois et de son salaire moyen sur les 12 derniers mois de 7.018,40 euros, bonus et 13ème mois inclus, Mme [W] peut prétendre à une indemnité de licenciement de 14.036,79 euros et à une indemnité compensatrice de préavis de 21.055,19 euros, outre les congés payés afférents.
Enfin, Mme [W] ayant une ancienneté de plus de deux ans dans l'entreprise qui employait habituellement au moins onze salariés, peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.
La salariée justifie avoir perçu des allocations pôle emploi après son licenciement jusqu'en avril 2013 et déclare avoir retrouvé un emploi, sans plus de précision. Eu égard également à son ancienneté, à son âge lors du licenciement et à la rémunération qui lui était versée, la cour dispose des éléments suffisants pour lui allouer la somme de 45.000 euros à titre d'indemnité.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société FRANCE BOISSONS aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [W] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.
- Sur la demande d'indemnité au titre d'un harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Si la salariée établit avoir reçu des courriers recommandés et un avertissement injustifiés, force est de constater qu'ils ont été adressés dans un même trait de temps et relativement au même reproche de son employeur concernant son lieu de travail. Ils sont donc insuffisants à laisser présumer un harcèlement moral qui suppose des agissements répétés de nature différente.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- Sur la rémunération variable
Mme [W] sollicite le solde de sa rémunération variable sur l'année 2012 en faisant valoir qu'elle avait atteint ses objectifs, que son employeur ne lui avait pas permis de mener à terme ses missions et enfin qu'il n'était pas justifié objectivement de sa fixation à la somme de 1.242,56 euros.
L'avenant au contrat de travail de Mme [W] prévoit l'attribution d'un bonus annuel pouvant atteindre 12 % de son salaire fixe de base en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs. Au titre de l'année 2012, elle aurait donc pu prétendre à un bonus maximum de 9.558 euros, à condition de réaliser 100 % de ses objectifs.
Mme [W] ne conteste pas avoir reçu notification de ses objectifs pour l'année 2012.
S'agissant de leur atteinte, la société FRANCE BOISSONS produit un tableau récapitulant les objectifs donnés et fixant pour chacun d'eux un taux d'atteinte, avec un total de 13 % correspondant à la somme allouée en décembre 2012.
La cour relève que Mme [W] ne produit aucune pièce justifiant de sa demande en paiement de l'intégralité de sa rémunération variable et ne conteste pas plus les éléments d'appréciation mentionnés par l'employeur dans ses conclusions.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'un solde.
- Sur le forfait jours
Il n'est pas contesté que Mme [W] était assujettie à une convention de forfait jours.
Celle-ci fait valoir au soutien de sa demande de dommages-intérêts qu'elle n'a jamais bénéficié des entretiens périodiques prévus dans ce cadre et qu'elle travaillait parfois tard le soir.
En premier lieu, aucune prescription n'est encourue, la salariée ayant saisi le conseil de prud'hommes le 23 janvier 2013 quant à l'exécution de sa convention de forfait jour qui n'a pris fin que le 13 décembre 2012 avec son licenciement.
Au fond, si effectivement la société ne justifie d'aucun entretien avec la salariée relativement à son temps de travail, force est de constater que Mme [W] qui ne propose ni décompte de ses horaires tardifs, ni évaluation d'une surcharge de travail, ne justifie d'aucun préjudice.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- Sur les autres demandes
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 28 janvier 2013. Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts à compter de la décision qui les ordonne. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée.
Partie succombante, la société FRANCE BOISSONS supportera les entiers dépens, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à la salariée la somme globale de 3.000 euros pour les deux instances.
PAR CES MOTIFS
La COUR, Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la discrimination, du harcèlement moral, de la rémunération variable et de la convention de forfait jours ;
Statuant à nouveau :
ANNULE l'avertissement du 20 novembre 2012,
DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société FRANCE BOISSONS à payer à madame [W] les sommes suivantes:
- 14.036,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 21.055,19 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.105,52 euros à titre de congés payés sur préavis,
- 45.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
RAPPELLE que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2013 et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
ORDONNE le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [W] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois ;
CONDAMNE la société FRANCE BOISSONS à verser à Mme [W] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande qu'elle a formée sur le même fondement ;
CONDAMNE la société FRANCE BOISSONS aux dépens de première instance et d'appel.
- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Mme Dominique DUPERRIER, Président et par Mme BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,