COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
6e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 17 OCTOBRE 2017 PROROGE AU 24 OCTOBRE 2017
R.G. N° 16/00317
AFFAIRE :
Me [Q] [Y] - Mandataire liquidateur de la SNC CL INNOVATION SANTE
C/
[W] [J]
DÉLÉGATION UNEDIC AGS - CGEA IDF OUEST...
EURL PHARMAFIELD FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Activités diverses
N° RG : 13/02527
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP HADENGUE et Associés
Me Christine ANDREANI
Me Florence DEMAISON
Me Laure SERFATI
Copies certifiées conformes délivrées à :
[W] [J]
DÉLÉGATION UNEDIC AGS - CGEA IDF OUEST...
EURL PHARMAFIELD FRANCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Me [Y] [Q] (SCP B.T.S.G.) - es-qualité de mandataire liquidateur de la SNC CL INNOVATION SANTE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substituée par Me Carine COOPER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 640
APPELANTE SUR LE PRINCIPAL
INTIMEE SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Madame [W] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME SUR LE PRINCIPAL
APPELANT SUR L'APPEL INCIDENT
DÉLÉGATION UNEDIC AGS - CGEA IDF OUEST
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Laure SERFATI de l'AARPI d'Andurain et Serfati Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2348 - N° du dossier 6623
EURL PHARMAFIELD FRANCE
Siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Son gérant : Monsieur [E]
non comparant- non représenté régulièrement convoqué
INTIMEES SUR LE PRINCIPAL
APPELANTES SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée du 8 décembre 2001, succédant à un contrat à durée déterminée en date du 5 juin 2001, Mme [J] a été embauchée en qualité de déléguée médicale par la société VALMEDYS, reprise par la société CL INNOVATION SANTE en juillet 2005, dont l'activité consistait à promouvoir les spécialités pharmaceutiques auprès des médecins et des centres hospitaliers.
Est applicable au contrat de travail la convention collective de l'industrie pharmaceutique.
La moyenne de ses 12 derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2 357,51 € brut/mois.
Les actions de la société CL INNOVATION SANTE sont détenues à 99,99 % par la société holding "CELIMOX" (sans activité propre) et à 0,10% par la société " SFE PHARMA", laquelle n'a jamais eu de salariés ni d'activité propre (selon l'attestation de son gérant M. [W]).
Le 31 juillet 2012, la société « CL INNOVATION SANTE » a cédé à la société PHARMAFIELD FRANCE (devenue société PHARMAFIELD GROUPE depuis le 1er décembre 2015) six de ses 7 filiales: les sociétés DOMPHARM ANTILLES, DOMPHARM OCEAN INDIEN, PHARMINOV, DISTRINOV, PROMINOV et PRESTINOV, selon le rapport de l'administrateur judiciaire en date du 20 novembre 2012.
La septième filiale, la société SELITIS, la plus endettée, employant 4 personnes, a fait l'objet d'une déclaration de cessation des paiements avec demande de liquidation en novembre 2012.
Le 22 août 2012, suite au dépôt d'une déclaration de cessation de paiement par la société, le tribunal de commerce de NANTERRE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société
CL INNOVATION SANTE , avec une période d'observation de six mois, désignant Maître [Z] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [Y] en qualité de mandataire judiciaire, et fixant provisoirement au 15 juillet 2012 la date de cessation des paiements, date de départ de la période suspecte.
Le 16 octobre 2012, une ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce a ordonné la suppression de 231 emplois sur 482.
Par jugement du 22 novembre 2012, à effet au 31 décembre 2012, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE, désigné Maître [Y] en qualité de mandataire liquidateur, après avoir constaté qu'aucune offre de reprise valable n'avait été remise à l'administrateur judiciaire et qu'un plan de redressement s'avérait impossible.
Le 13 décembre 2012, la société SFE PHARMA était placée en liquidation judiciaire, tandis que la société CELIMOX faisait l'objet d'une liquidation à l'amiable.
Par courrier du 10 janvier 2013, Mme [J] a été licenciée pour motif économique, alors qu'elle avait une ancienneté de 11 ans 7 mois.
Son salaire de base des 12 derniers mois était de 2 357,51 €/mois.
C'est dans ce contexte, que le 23 juillet 2013 elle a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 5] aux fins de se voir octroyer la somme de 30 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, tant pour aggravation par l'employeur de ses propres difficultés économiques (faillite frauduleuse) que pour non respect de l'obligation de reclassement.
L'AGS et Mme [J] ont appelé en garantie la société ou EURL PHARMA FIELD FRANCE.
Par jugement du 15 décembre 2015, dont La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Q] [Y], ès- qualité de mandataire liquidateur de la société CL INNOVATION SANTE a interjeté appel, le conseil a mis hors de cause la société PHARMA FIELD, a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation de reclassement, lui allouant la somme de 15 000 € fixée au passif à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 13 juin 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu ainsi qu'il suit:
La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Q] [Y], ès- qualité de liquidateur de la société CL INNOVATION SANTE conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et au débouté de l'intimée en toutes ses demandes.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de réduire la créance à fixer au passif, de préciser que cette créance est brute de charges sociales, et de dire que le jugement de liquidation a arrêté le cours des intérêts.
Il ne forme aucune demande à l'égard de la société PHARMA FIELD GROUPE, ou même à l'égard de la société PHARMA FIELD seule convoquée.
Mme [J] demande la confirmation du jugement quant au principe de déclaration de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l'allocation des sommes suivantes, à fixer au passif de la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE :
20.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, demande nouvelle, 40.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour faillite frauduleuse et non respect de l'obligation de reclassement, 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle prie la cour d'ordonner au mandataire liquidateur de la société de procéder au versement des cotisations de retraite complémentaire au titre des années 2012 et 2013 et jusqu'à la fin du contrat, et que l'AGS garantisse le paiement des créances fixées au passif (demande nouvelle).
Elle ne forme aucune demande à l'égard de la société PHARMA FIELD GROUPE ou même à l'égard de la société PHARMA FIELD.
L'AGS CGEA IDF OUEST, ci-après l'AGS, demande à la cour de débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle demande que sa garantie ne couvre pas les cotisations sociales impayées, pour lesquelles les caisses ont un droit de créance, tout en décidant que cette garantie ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles.
Elle sollicite également que sa garantie soit plafonnée à l'un des trois plafonds prévus par le code du travail, et que les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile ne soient pas mises à sa charge. Enfin, elle demande à ce que la garantie ne couvre pas les dommages-intérêts réclamés à raison des fautes commises par l'employeur.
Elle ne forme aucune demande à l'égard de la société PHARMA FIELD GROUPE ou même à l'égard de la société PHARMA FIELD.
La société PHARMA FIELD située à [Localité 6], dont la dénomination est incertaine, a été convoquée mais n'a pas comparu, et la société PHARMA FIELD GROUPE, non convoquée par la cour, n'intervient pas dans la présente procédure, mais seulement dans les 5 autres dossiers plaidés à la même audience.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre préalable, il convient de constater que le greffe de la cour a convoqué la "société PHARMA FIELD", dénomination ne correspondant à aucune société et domiciliée [Adresse 5], qui est en réalité l'EURL PHARMA FIELD FRANCE, domiciliée à cette même adresse à Courbevoie et ayant comme gérant M. [E], au vu de son extrait Kbis.
La cour rectifiera donc d'office le jugement, tant dans sa première page que dans ses motifs et son dispositif, pour que la mention la "société PHARMA FIELD"soit remplacée par "l'EURL PHARMA FIELD FRANCE".
Mention sera ordonnée de cette rectification sur le jugement.
Les parties ne formant aucune demande à son égard, il y a lieu de confirmer sa mise hors de cause par le conseil.
L''accusé de réception de la convocation étant revenu signé, le jugement sera réputé contradictoire à l'égard de l'EURL PHARMA FIELD FRANCE.
Sur la faillite frauduleuse et l'exécution déloyale du contrat de travail:
Le conseil n'a pas statué sur la faillite frauduleuse pourtant invoquée par Mme [J].
La demande liée à l'exécution déloyale du contrat de travail est nouvelle en appel.
Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, « le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ».
Le salarié appelant soutient que l'employeur a organisé frauduleusement les conditions d'insolvabilité de son entreprise, que le dirigeant a effectué au titre de sa rémunération des prélèvements trop importants sur les comptes de la société, que des dépenses excessives ont été faites en décembre 2011 lors d'un séminaire à [Localité 7], et qu'il a ainsi exécuté le contrat de travail de façon déloyale en mettant en échec le redressement judiciaire.
Il demande des indemnités distinctes réparant l'exécution déloyale d'une part, et la faillite frauduleuse, d'autre part.
Le mandataire liquidateur et l'AGS réfutent les faits avancés par l'appelante pour justifier de la faillite frauduleuse et de l'exécution déloyale; ils soutiennent que le motif économique est incontestable, compte tenu des difficultés économiques rencontrées par la société.
Or, les difficultés économiques rencontrées par la société sont indéniables et ont conduit à la liquidation rapide de la société, trois mois après l'ouverture de la procédure, la cession des filiales n'ayant pas été déterminante dans la faillite de la société CL INNOVATION SANTE, comme jugé plus haut.
Concernant la fixation du prix de cession, bien que jugé trop bas par le cabinet d'audit Explicite mandaté par le comité d'entreprise, il tenait compte de l'absence potentielle de renouvellement de certains contrats avec des laboratoires et a été validé par le juge commissaire du tribunal de commerce.
Par ailleurs, Mme [J] reproche également à la société de ne pas avoir informé le comité d'entreprise de la vente de ces cinq filiales intervenue le 31 juillet 2012, comme l'impose l'article L. 2323-19 du code du travail en cas de cession, ce qui démontre une volonté de dissimulation.
Le mandataire liquidateur fait valoir que cette consultation n'était pas obligatoire, car les cessions n'affectaient pas l'organisation de la société CL INNOVATION SANTE mais celle de ses filiales.
Or, selon l'article L. 2323-19 du code du travail," le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce.
L'employeur indique les motifs des modifications projetées et consulte le comité d'entreprise sur les mesures envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci..."
L'absence de consultation du comité d'entreprise constitue une faute de la part de la société, faute ayant entraîné un préjudice pour les salariés comme Mme [J], lequel pouvait être le cas échéant reclassé au sein des sociétés filiales avant ou juste après leur cession.
En outre, comme le soutient valablement Mme [J], si le comité d'entreprise avait été informé avant le mois de juillet 2012 de la situation économique de la société et de la vente de ses principales filiales, il aurait pu prendre des mesures urgentes pour le reclassement des salariés, notamment par la saisine immédiate des organismes conventionnels (CPNEIS et LEMM).
Enfin, selon le rapport d'audit du cabinet Explicite et les autres pièces produites par Mme [J], malgré de sérieuses difficultés économiques depuis 2006 (résultat net toujours négatif) la société CL INNOVATION SANTE continuait, malgré tout, à faire des dépenses importantes et peu pertinentes, telles que:
- rémunérations élevées des dirigeants:
La société holding CELIMOX « a continué de bénéficier de versements de frais de siège significatifs », de la part de la société CL INNOVATION, lesquels ont aussitôt été consommés.
Il y a lieu de préciser que la société CELIMOX, avec pour président Mr [W], avait 3 salariés: M. [W], M. [O] [K], et M. [T] (salaire mensuel de 12 000 € avec prime de 100 000 €/an versée en janvier 2012).
Le rapport souligne aussi que « l'évolution des charges de fonctionnement se situe au niveau des rémunérations brutes, qui valorisent les fonctions dirigeantes », ce qui en d'autres termes signifie que la rémunération des dirigeants était importante et a été augmentée, alors que la société se trouvait d'ores et déjà en difficulté.
- versement, par la société CL INNOVATION « d'importantes dépenses, non détaillées par carte bancaire , d'un salaire et de frais de mission au profit de M. [O] [K], dont nous n'avons pas pu clairement identifier le rôle dans la société."
- organisation d'un séminaire d'une semaine à [Localité 7] du 2 au 6 janvier 2012 pour 500 salariés, avec logement dans des hôtels de luxe ([I] et Carlton) tout frais payés, information non démentie par le mandataire liquidateur, laissant croire aux élus du personnel et aux salariés que la situation économique de la société pouvait permettre ce type de frais somptuaires.
En outre, par un courriel en date du 12 février 2012 adressé à tous les salariés, un membre de l'équipe des dirigeants de la société les félicitait pour la progression du volume d'activité sur toutes les régions et disait que de ce fait il était confiant, ce qui n'avait pas permis aux salariés de se douter de l'importance des difficultés économiques.
Ces différents éléments, sans établir à ce jour et au vu des pièces produites une faillite frauduleuse, suffisent à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur, qui a aggravé les difficultés structurelles et anciennes de la société, tout en dissimulant aux représentants du personnel la cession des six sociétés filiales - effectuée en période suspecte- emportant toute chance de reclassement de ses salariés notamment au sein des filiales cédées, au besoin avec un accompagnement/une formation pour Mme [J], afin de lui permettre de s'adapter au nouveau poste de délégué pharmaceutique.
Un tel comportement a fait perdre une chance à Mme [J] de se voir reclassée dans une des sociétés cédées avant ou juste après leur cession, ou dans d'autres sociétés grâce à la saisine en amont des organismes conventionnels, qui n'ont été finalement actionnés qu'en décembre 2012, après le jugement de liquidation.
Dès lors, la cour fera droit dans son principe à la demande de Mme [J] tendant au versement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et rejetera sa demande relative à des dommages intérêts pour faillite frauduleuse de l'employeur la société CL INNOVATION.
Sur l'obligation de reclassement:
Aux termes de l'article L.1233-4 du code du travail, « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».
Par ailleurs, en amont et selon l'article L.1233-62 du code du travail, l'entreprise dans laquelle un licenciement économique collectif est envisagé, doit mettre en oeuvre des actions favorisant le reclassement externe dans le cadre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE), actions qui se combinent avec l'obligation de reclassement interne, à l'intérieur de l'entreprise et au sein du groupe auquel elle appartient.
En l'espèce, il est établi qu'aucun poste n'était disponible au sein des dernières sociétés du groupe, une fois les filiales cédées; en effet, les deux dernières sociétés du groupe ne pouvaient offrir de poste de reclassement, la société SELITIS étant en état de cessation des paiements (un dépôt de bilan sera régularisé en novembre 2012) et la société CELIMOX (société holding de lasociété CL INNOVATION SANTE) n'avait pas de salarié.
L'AGS, comme le mandataire liquidateur, soutiennent valablement qu'en ce qui concerne les licenciements au sein du groupe, les filiales de la société CL INNOVATION SANTE ont été, soit placées en liquidation judiciaire, soit cédées, de sorte qu'elles ne faisaient plus partie du groupe et que le reclassement interne était impossible.
C'est pourquoi l'administrateur judiciaire a recherché un reclassement externe.
Licenciée le 10 janvier 2013, Mme [J] soutient que la société CL INNOVATION SANTE n'a pas mis en oeuvre les mesures de reclassement externe prévues par le PSE en date du 26 septembre 2012, ni fait de proposition d'offre de postes en reclassement externe, alors que des offres d'emplois ont été émises par les sociétés cédée entre octobre 2012 et janvier 2013.
Par la suite, le mandataire liquidateur se serait borné à envoyer le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures, 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, ce qui ne serait pas une recherche de reclassement sérieuse.
Or, si Mme [J] n'a reçu de sa part aucune proposition de reclassement externe, le mandataire liquidateur s'en explique, en précisant qu'il avait déjà interrogé en vain les filiales cédées.
Le mandataire liquidateur soutient aussi, sans être contredit, que la DIRECCTE a refusé de financer la cellule de reclassement prévue dans le PSE, cellule que la société n'avait pas les moyens de financer; en effet, faute de participation de la société, la DIRECCTE a estimé suffisant de financer le CSP.
En outre, Mme [J] estime que la recherche de reclassement externe a été tardive mais en outre mal dirigée, des postes étant disponibles entre octobre 2012 et janvier 2013 au sein des sociétés du groupe CLI cédées en juillet 2012.
Le mandataire liquidateur réplique valablement que l'obligation individuelle de reclassement externe n'est pas imposée par le code du travail.
Or, la cour constate que dès le 7 septembre 2012, le gérant de la société CL INNOVATION SANTE a interrogé les sociétés DOMPHARM et PHARMINOV au sujet des postes disponibles, en donnant la liste des postes recherchés. Ces deux sociétés ont répondu n'avoir pas de poste disponible.
Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que la société cédée PHARMINOV, qui avait encore son siège social au siège de la société CL INNOVATION SANTE, a émis deux offres d'emploi le 18 octobre et le 8 novembre 2012 pour le poste de délégué pharmaceutique, alors qu'à cette période, l'administrateur judiciaire et le gérant de la société CL INNOVATION SANTE d'une part, mais aussi Maître [Y] mandataire puis liquidateur judiciaire d'autre part, savaient que des licenciements allaient être diligentés (vu l'ordonnance du juge commissaire du 16 octobre 2012 autorisant 231 licenciements économiques et le rapport de Maître [Z] en date du 20 novembre 2012 excluant toute reprise de la société) et que les recherches de reclassement internes étaient vaines.
Dès le 24 octobre 2012 Mme [J] était informée que, sans faire partie des premiers salariés licenciés, elle ne pouvait plus travailler sur son secteur et être maintenue dans son poste, la société CL INNOVATION SANTE lui précisant même par courriel du 31 octobre 2012 que des collègues avaient plus de points qu'elle en ce qui concerne les critères d'ordre des licenciements; c'est dire si déjà à cette époque il aurait été nécessaire pour la société de lui faire des propositions de reclassement.
Au lieu de celà, la société lui a demandé de travailler jusqu'au 21 décembre 2012 sur son secteur, de solder ses congés payés, puis Mme [J] a été dispensée de travail à compter du 1er janvier 2013.
Il apparaît donc que le poste de délégué pharmaceutique au sein de la société PHARMINOV, disponible le 8 novembre 2012, époque où le licenciement de Mme [J] se profilait déjà, aurait pu lui être proposé par la société CL INNOVATION SANTE (alors en période d'observation entre le 22 août et le 21 novembre 2012) au titre du reclassement externe.
Par ailleurs, le fait que la société CL INNOVATION SANTE ait accepté un paiement partiellement différé des prix de cession et ne justifie pas de la perception de l'intégralité de ces prix, a empêché le financement d'une cellule de reclassement, ce qui a engendré une perte de chance de reclassement au préjudice des salariés, Mme [J] compris.
Par ailleurs, le fait que le Maître [Y] es qualité de mandataire liquidateur ait adressé seulement le 8 janvier 2013 des lettres circulaires à des sociétés extérieures dans le domaine pharmaceutique disant rechercher un emploi pour l'ensemble des salariés menacés de licenciement, Mme [J] inclue, soit 2 jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, ce qui ne peut être considéré comme une démarche sérieuse.
Ces manquements, sans constituer un non respect de l'obligation de reclassement, sont constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail, qui vient s'ajouter aux faits évoqués plus haut du même chef.
La cour déboutera Mme [J] de sa demande d'indemnité pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, le motif économique étant avéré et l'obligation de reclassement interne ayant été respectée, mais, contrairement au juge, lui allouera au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, au vu de son préjudice économique; en effet, Mme [J] âgée de 47 ans en 2013, dont l'ancienneté était de 11 ans 7 mois, et qui avait un salaire de 2 357 € brut/ mois primes non incluses, a bénéficié du CSP pendant un an, dans le cadre duquel elle a effectué une formation (master en sciences humaines et sociales), ce qui lui a seulement permis de retrouver un emploi d'enseignante vacataire (contrat à durée déterminée) à temps partiel; elle a perçu un revenu imposable de 17 780 € en 2014 (soit 1481 € par mois) donc subi un préjudice économique et professionnel non négligeable, perdant environ 900 mois et accumulant de ce fait des dettes (arriéré d'impôts, découvert bancaire en 2014 et 2015, au vu des pièces produites).
Cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE.
Il n'y a pas lieu de dire, comme le demande le mandataire liquidateur, que cette créance est brute de charges sociales, vu son caractère indemnitaire et son montant; il convient en revanche de préciser que le jugement de liquidation a arrêté le cours des intérêts.
Le conseil sera donc infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation de reclassement, la cour faisant droit par ailleurs à la demande nouvelle au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail .
Sur la régularisation des cotisations sociales obligatoires par le mandataire liquidateur pour les années 2012 et 2013 (demande nouvelle)
La salariée soutient que l'employeur et le mandataire n'ont pas reversé aux organismes sociaux les cotisations sociales salariales dues au titre du contrat de travail, pour la période du 1er janvier au 22 août 2012, en ce qui concerne l'employeur, et pour la période du 23 août 2012 au 10 janvier 2013, pour ce qui concerne le mandataire liquidateur.
Le mandataire liquidateur et l'AGS soutiennent que les cotisations sociales correspondant à cette période ont bien été payées aux organismes de sécurité sociale après l'ouverture de la procédure collective, et qu'en tout état de cause les droits du salarié sont préservés dans la mesure où les cotisations ont été précomptées sur le salaire.
Or, à la lecture du relevé de carrière de Mme [J] édité le 22 janvier 2017 qui est versé aux débats, il apparaît quHYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"'HYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"aucune cotisation sociale nHYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"'a été versée au titre de la retraite de base (versée par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse ou CNAV) et de la retraite complémentaire AGIRC/ARRCO par la société CL INNOVATION SANTE, pour l'année 2012 et janvier 2013.
Par ailleurs, le mandataire liquidateur produit un relevé des dettes sociales de la société quHYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"'HYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"il a payées au titre des cotisations sociales à lHYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"'URSSAF et aux organismes de retraite AGIRC/ARRCO, entre février 2013 et septembre 2015, pour les montants totaux respectifs de 291 946,34 € et 106 681,42 €, sans que l'on puisse distinguer pour quel salarié et quelles périodes ces sommes ont été versées, et surtout à quel titre (cotisations retraite ou autres cotisations).
Si le mandataire liquidateur produit la déclaration unique de cotisations sociales datée du 15 janvier 2013 tant à l'URSSAF qu'aux caisses complémentaires pour les périodes d'octobre à décembre 2012, aucun élément n'est fourni pour la période antérieure de janvier à septembre 2012 et aucun détail n'est donné sur l'affectation des déclarations (pas de mention qu'il s'agit des retraites de base et complémentaire).
Il verse aussi un état des créances de la société au 6 septembre 2012, où apparaissent tant lHYPERLINK "file://affichcodearticle.do/'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000025009704&dateTexte=&categorieLien=cid/"'URSSAF que les organismes de retraite AGIRC/ARRCO, ce qui permet certes d'établir que des déclarations ont été faites en 2012, que des cotisations n'ont pas été payées, mais sans que l'on puisse encore identifier les périodes et à quel titre.
Toutefois, Il n'appartient pas à Mme [J] de demander au mandataire liquidateur de payer les cotisations restant dues pour 2012/2013, l'URSSAF ayant seule le droit de réclamer le montant des cotisations impayées, en application de l'article L.213-1 du code de la sécurité sociale
Comme l'indique le mandataire liquidateur, Mme [J] conserve ses droits à la retraite, dans la mesure où les cotisations patronales et salariales ont été précomptées sur son salaire (comme cela ressort effectivement de ses bulletins de paie), et qu'il lui suffit de communiquer aux caisses dont la CNAV ses bulletins de salaires pour faire valoir ses droits.
Sa demande sera donc rejetée.
Sur la garantie de l'AGS
En application de l'article L.3253-8-2°-d du code du travail, l'AGS garantit, à défaut de fonds disponibles entre les mains du mandataire liquidateur, les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans le 15 jours suivant la fin du maintien d'activité décidé par le jugement de liquidation, délai respecté par le mandataire liquidateur en l'espèce.
Selon la jurisprudence (cass 24 oct 2000) cette garantie couvre aussi les dommages et intérêts résultant d'un manquement de l'employeur à la bonne foi dans l'exécution du contrat de travail et ayant causé un préjudice au salarié à l'occasion de son licenciement, ce qui est le cas en l'espèce pour Mme [J].
L'AGS devra donc garantir, dans la limite de sa garantie, le paiement de la somme de 20 000 € allouée à Mme [J] au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Cette garantie est plafonnée en application des articles L.3253-14 et D.3253-5 du code du travail, soit le plafond 6 en ce qui concerne Mme [J] (qui a plus de 2 ans et demi d'ancienneté).
La société CL INNOVATION SANTE étant en liquidation il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 susvisé.
Les dépens d'appel seront mis en frais privilégiés à la charge de la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe:
Rectifie d'office le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 5] en date du 15 décembre 2015 tant dans sa première page que dans ses motifs et son dispositif, pour que la mention la "société PHARMA FIELD" soit remplacée par "l'EURL PHARMA FIELD FRANCE", et dit que mention en sera faite sur la minute du jugement et sur les expéditions qui en seront délivrées ;
Infirme le jugement, sauf en ce que le conseil a mis hors de cause l'EURL PHARMA FIELD FRANCE et statuant à nouveau:
Déboute Mme [J] au titre de la faillite frauduleuse et du non respect de l'obligation de reclassement,
Et y ajoutant:
Fixe au passif de la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE, au bénéfice de Mme [J], la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que l'AGS UNEDIC CGEA IDF Ouest devra garantir le paiement de cette somme au bénéfice de Mme [J], dans les limites des plafonds de sa garantie et sur présentation d'une attestation du mandataire liquidateur de la société CL INNOVATION SANTE confirmant l'absence de fonds;
Déboute Mme [J] de sa demande relative à la régularisation des cotisations sociales,
Dit que les dépens d'appel seront mis en frais privilégiés à la charge de la liquidation de la société CL INNOVATION SANTE.
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,