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22/11/2017 | FRANCE | N°15/05653

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 22 novembre 2017, 15/05653


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 22 NOVEMBRE 2017



R.G. N° 15/05653



AFFAIRE :



[D] [U]





C/

SARL GALTIER EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (G.E.T.I.)









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Section : Encadrementr>
N° RG : 14/00067





Copies exécutoires délivrées à :



Me Antoinette BREAVOINE POULAIN



SELARL C.V.S.





Copies certifiées conformes délivrées à :



[D] [U]



SARL GALTIER EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (G.E.T.I.)







le :

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 22 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/05653

AFFAIRE :

[D] [U]

C/

SARL GALTIER EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (G.E.T.I.)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Section : Encadrement

N° RG : 14/00067

Copies exécutoires délivrées à :

Me Antoinette BREAVOINE POULAIN

SELARL C.V.S.

Copies certifiées conformes délivrées à :

[D] [U]

SARL GALTIER EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (G.E.T.I.)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [U]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Assisté de Me Antoinette BREAVOINE POULAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0753

APPELANT

****************

SARL GALTIER EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (G.E.T.I.)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [F] [D] épouse [H] [C] (directrice des ressources humaines) en vertu d'un pouvoir de M. [I] [O] (gérant), assistée de Me Hélène DE SAINT GERMAIN SAVIER de la SELARL C.V.S., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0098

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire GIRARD, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [D] [U] a été embauché en qualité de technicien en dessin informatique par la SARL Galtier Expertises Techniques Immobilières, ci-après désignée société G. E. T. I. ayant pour nom commercial D.I.T.S. par contrat à durée déterminée du 9 mars 1998 au 31 octobre 1998. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie par un contrat à durée indéterminée signé le 1er novembre 1998. Plusieurs avenants successifs ont été signés, le dernier conclu le 18 mai 2012, aux termes duquel M. [D] [U] a exercé à compter du 30 avril 2012 les fonctions de responsable de bureau d'études et technicien, statut cadre, position 3.1, coefficient 170.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques dite Syntec et la société G.E.T.I. employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

M. [D] [U] a demandé le 8 novembre 2013 au gérant de la société G.E.T.I. la rémunération de ses heures supplémentaires puis en a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye le 10 février 2014 ; il a été placé en arrêt maladie à compter du 13 mai 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 août 2014, M. [D] [U] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 août 2014 puis a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2014 pour faute grave.

Le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-En-Laye (section encadrement) a, par jugement du 9 novembre 2015 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties :

- dit que la faute grave est caractérisée et le licenciement fondé,

- débouté M. [D] [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la SARL G.E.T.I. de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [D] [U] aux éventuels dépens.

M. [D] [U] a régulièrement relevé appel de la décision le 8 décembre 2015.

Aux termes de ses conclusions du 9 octobre 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [D] [U] demande à la cour de :

- dire le licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société G.E.T.I. à lui payer les sommes de :

au titre de l'exécution du contrat de travail, avec intérêts de droit à compter de la saisine initiale du 7 février 2014 :

* 100 005,31 euros au titre de ses heures supplémentaires et 10 000,53 euros au titre des congés payés afférents (subsidiairement, prescription du salaire de janvier 2011 : 97'792,74 euros et 9 779,27 euros au titre des congés payés afférents),

* 51 970 euros au titre de l'indemnité spécifique pour travail dissimulé (subsidiairement, sur la base du salaire fixe : 37 500 euros),

* 10'000 euros au titre de l'impossibilité de prendre les congés,

au titre de la rupture du contrat de travail :

* 25 984,98 euros au titre du préavis et 2 598,49 euros au titre des congés payés afférents (subsidiairement, 6 250 euros x 3 = 18 750 euros et 1 875 euros au titre des congés payés afférents),

* 32 771,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices physiques, moraux, professionnels,

* 53 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudices matériels,

- condamner la société G.E.T.I. à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur les rappels de créances salariales à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société G.E.T.I. aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 9 octobre 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la SARL G.E.T.I. demande à la cour de :

sur les heures supplémentaires

In limine litis, dire et juger que la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [D] [U] est prescrite pour la période antérieure au 1er septembre 2011 et confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [D] [U] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [D] [U] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

à titre principal, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [D] [U] était justifié et le débouter de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, requalifier le licenciement pour faute grave de M. [D] [U] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et ramener le montant du préavis et de l'indemnité conventionnelle à leur juste montant, à savoir : 18 750 euros bruts au titre du préavis, 1 875 euros bruts au titre des congés payés sur préavis et 32 771,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre infiniment subsidiaire, juger que M. [D] [U] ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire et, en tout état de cause, ne justifie pas d'un préjudice demandant une réparation à hauteur de 128 000 euros et le débouter de ses demandes de dommages et intérêts ou, à tout le moins, les ramener à de plus justes proportions,

à titre reconventionnel, sur la restitution du matériel de la société G.E.T.I., ordonner à M. [D] [U] de restituer le matériel appartenant à la société sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

en tout état de cause, débouter M. [D] [U] de l'ensemble de ses demandes, le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 10 octobre 2017,

Vu la lettre de licenciement,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appelant a indiqué à l'audience ne pas maintenir sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur les heures supplémentaires

M. [D] [U] reproche aux premiers juges de n'avoir pas fait droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires.

La SARL G.E.T.I. qui invoque la prescription des demandes de rappel d'heures supplémentaires antérieures au 1er septembre 2011 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Sur la prescription

La loi du 14 juin 2013 a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail, de telle sorte que toute action en paiement de salaire se prescrit désormais par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

S'agissant, en l'espèce, d'une demande en justice devant la juridiction prud'homale saisie le 10 février 2014 afin de réclamer des rappels d'heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2011, dans la mesure où M. [D] [U] a saisi la juridiction à une date à laquelle son action n'était pas encore prescrite puisqu'elle était en cours au 16 juin 2013, son action est donc recevable dans la limite de cinq ans, de telle sorte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquise ne sera pas accueillie.

Sur le fond

M. [D] [U] fait valoir que sa charge de travail qui était déjà très lourde a été amplifiée après le départ du directeur technique, M. [K] [P], à partir du 15 septembre 2013. Il verse aux débats des tableaux récapitulatifs, fait valoir qu'il travaillait de 7 heures le matin à 21 heures, parfois aussi les week-ends et effectuait de nombreux déplacements, de telle sorte qu'il travaillait parfois jusqu'à 15 heures par jour, mais il limite sa demande à 50 heures par semaine, soit 10 heures par jour pour un montant total de 100'005,31 euros bruts, outre les congés payés afférents.

La SARL G.E.T.I. invoque la confusion faite entre le temps de travail effectif et l'amplitude horaire et fait valoir que M. [D] [U] était soumis à une durée de travail de 35 heures hebdomadaires. Elle affirme que les tableaux produits par M. [D] [U] ont été modifiés entre la première instance et l'appel aux fins de faire disparaître des incohérences (par exemple une amplitude de travail pouvant être de 55 heures pour certaines journées) et ne sont pas des extractions des plannings de l'entreprise mais des tableaux confectionnés sur Excel à l'initiative du seul salarié.

Au vu des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, il est constant que les documents produits devant la cour n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le conseil de prud'hommes à l'appui de sa demande initiale. En effet, en pièce n°87, la SARL G.E.T.I. produit le décompte des heures supplémentaires présenté aux premiers juges, duquel il ressort de notables différences avec les tableaux produits dans l'instance présente devant la cour d'appel.

La cour prend pour exemple le travail réalisé pour le conseil général de l'Essonne : il résulte du tableau établi par M. [D] [U] aux fins de le présenter devant le conseil de prud'hommes qu'il aurait travaillé pour le conseil général de l'Essonne en mai 2012 pour une durée totale de tâche de 64 heures les :

- 2 mai 2012 : pour une durée de tâche de 21 heures, dont 17 heures de travail effectif et 5 heures de déplacement,

- 3 mai 2012 : pour une durée de tâche de 43 heures, dont 34 heures de travail effectif et 9 heures de déplacement.

Or, dans le tableau réalisé par M. [D] [U] pour la présente instance d'appel, le travail effectué pour le conseil général de l'Essonne s'évalue à une durée totale de tâche de 63 heures et s'étale sur les journées des 2, 3, 4, 7 et 9 mai 2012 de la manière suivante :

- 2 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,

- 2 mai 2012 (à nouveau) aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et 1 heure de déplacement,

- 3 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et une heure de déplacement,

- 4 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,

- 7 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,

- 9 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et une heure de déplacement.

Les mêmes différences et incohérences se retrouvent pour d'autres dossiers : Renault Truck, Feu Vert, Polyclinique du pays de Rance, etc, pour lesquels la cour ne reprendra pas comme ci-dessus tous les éléments, mais qui présentent des anomalies similaires à celles ci-dessus relevées s'agissant du travail que M. [D] [U] prétend avoir effectué pour le conseil général de l'Essonne entre les deux tableaux présentés : devant le conseil de prud'hommes / devant la cour d'appel. Ainsi, il ressort desdits tableaux des contradictions manifestes, le salarié ayant opéré devant la cour d'appel des modifications pour tenter de corriger ses précédentes invraisemblances relevées alors à juste titre par l'employeur devant le conseil de prud'hommes.

Pas plus les notes de frais que les 'exemples de billets de train' ou l'attestation de l'épouse du salarié émanant d'un proche et, comme telle, dépourvue de valeur probante (d'autant que ses absences du domicile conjugal ne prouvent pas pour autant sa présence au travail), ne sont de nature à étayer la demande du salarié ; dès lors, la cour considère que les éléments présentés par le salarié ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, de telle sorte qu'il sera débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la décision entreprise sera dès lors confirmée à ce titre, de même que, par voie de conséquence, de sa demande au titre de l'indemnité spécifique pour travail dissimulé et de celle au titre de l'impossibilité de prendre les congés payés dont la réalité n'est pas davantage établie.

Sur le licenciement

M. [D] [U] reproche aux premiers juges d'avoir jugé le licenciement pour faute grave fondé alors que, selon lui, celui-ci est sans cause réelle et sérieuse, certains faits étant par ailleurs prescrits.

La SARL G.E.T.I. sollicite la confirmation de la décision déférée et conteste la prescription.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, ce texte ne s'opposant cependant pas à la prise en considération de faits antérieurs lorsque le salarié a commis dans le délai de prescription un fait fautif de même nature.

En l'espèce, la procédure de licenciement a été engagée le 14 août 2014, de telle sorte que les faits à prendre en considération sont ceux dont l'employeur a eu connaissance après le 14 juin 2014. S'agissant du chantier S.F.I.P., il résulte des pièces versées aux débats par la SARL G.E.T.I. que celle-ci a, le 18 juin 2014, reçu de la S.F.I.P une mise en demeure en vue de faire courir des pénalités de retard.

Si des échanges de courriers entre la S.F.I.P et la société G.E.T.I. ont précédé ladite mise en demeure, dans la mesure où un retard dans la livraison du chantier est devenu prévisible dès le départ en congé maladie de M. [D] [U], l'exacte ampleur des carences fautives de celui-ci n'a toutefois été révélée à son employeur qu'ultérieurement, compte tenu du fait que, n'ayant pas transmis les éléments nécessaires au suivi de ses dossiers à la personne ayant pris sa suite lors de son arrêt maladie et ayant au surplus supprimé les courriers de sa messagerie professionnelle, la société G.E.T.I. n'a pu, avant cette date, avoir la pleine connaissance de l'ampleur des fautes commises par M. [D] [U].

Par ailleurs, s'agissant de la suppression des courriers de sa messagerie professionnelle, contrairement à ce que soutient M. [D] [U] qui invoque la prescription en ce qu'il était arrêté pour maladie depuis le 13 mai 2014, la prescription n'a pu commencer à courir qu'après la découverte par l'employeur de la disparition des éléments nécessaires à l'entreprise, le 18 juin 2014, après réinitialisation du mot de passe de messagerie de M. [D] [U]. Il en résulte en conséquence que les faits fautifs ne sont pas prescrits.

Sur la faute

Il sera précisé, à titre liminaire, que la convocation à l'entretien préalable a régulièrement été adressée par la société G.E.T.I. à M. [D] [U] le 14 août 2014 et le fait que celui-ci, alors en arrêt maladie, ne l'ait reçue que début septembre en raison d'un séjour en Espagne (selon déclaration de son avocat à l'audience et certificat du médecin psychiatre en ce sens) sans pour autant justifier en avoir averti au préalable son employeur, n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure, même s'il justifie avoir avisé la caisse primaire d'assurance maladie dont il dépend de sa présence au [Localité 3] pour la deuxième quinzaine d'août.

Aux termes des dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L.1235-1 du code du travail précise qu'en cas de litige et à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il est ajouté que, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la preuve de la réalité des faits allégués incombe à l'employeur. Il convient enfin de rappeler que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. En l'espèce, les termes en sont les suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du mercredi 27 août 2014 à 14 h 30, pour lequel nous vous avons convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 août 2014 et auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Aussi, nous vous exposons ci-dessous les motifs qui nous conduisent aujourd'hui à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

A l'occasion de vos arrêts de travail pour maladie depuis mai 2014, nous avons repris l'ensemble de vos missions afin d'effectuer une continuité de votre activité et avons découvert de nombreux manquements, carences et négligences dans l'exécution de vos fonctions, tâches et missions.

En effet, vous occupez la fonction de Responsable de bureau d'études et techniciens et à ce titre, vous êtes notamment responsable, dans les affaires dont vous avez la charge, du suivi et de la bonne réalisation des contrats tant en maîtrise d''uvre qu'en assistance à maîtrise d'ouvrage.

Or, force est de constater que vous n'assurez pas le suivi des affaires dont vous avez la responsabilité au mépris des règles les plus élémentaires de notre métier.

Ainsi, pour le dossier SFIP pour lequel vous étiez responsable de la bonne exécution de notre prestation au titre notamment de la maîtrise d''uvre (MOE), alors que vous aviez annoncé par un compte rendu de la réunion du 6 février 2014, remis, au demeurant, avec un mois de retard, que le report à fin juin 2014 de la date de réception du chantier, initialement prévu début mars 2014, avait été convenu avec le client, nous avons reçu une réclamation du client en date du 18 juin 2014 dénonçant le non-respect du délai contractuellement et initialement fixé pour la réception du chantier.

A cette occasion, nous nous sommes aperçus que ce report n'avait fait l'objet d'aucun accord écrit par vos soins avec le client alors même que, comme vous le savez, seule la contractualisation en bonne et due forme assure la sécurité juridique de chacune des parties.

Votre manquement à cette formalité et procédure élémentaire est inacceptable pour un cadre de votre niveau et de votre expérience outre que la société est aujourd'hui susceptible, par votre faute, de devoir régler une pénalité de l'ordre de 115 K€.

A cela s'ajoute que non content de ne pas suivre les affaires, dossiers et procédures applicables, vous tronquez la réalité de vos plannings en prétendant travailler à raison de deux à trois jours par semaine pour ce client alors même que selon le client lui-même, votre présence sur le site n'excédait jamais une demi-journée par semaine et le travail administratif enregistré sur ce dossier est insusceptible de justifier, hors réunion, un jour et demi voire deux jours et demi par semaine d'administratif.

Ce comportement porte atteinte à l'image de notre société et caractérise une déloyauté évidente à notre égard.

Par ailleurs, nous avons eu, durant votre absence les plus grandes difficultés à effectuer le suivi de vos dossiers et clients faute pour vous de respecter, comme cela vous avait été demandé, les règles de classement et de partage des documents en vigueur dans l'entreprise mais surtout suite à la suppression par vos soins d'un grand nombre d'e-mails professionnels.

En effet et là encore sans égard pour la loyauté la plus élémentaire, vous n'avez pas hésité, en réaction à une demande légitime de notre part de nous communiquer vos codes d'accès à la messagerie professionnelle pour le suivi des e-mails clients, à supprimer purement et simplement, une très grande partie de vos échanges professionnels entravant ainsi volontairement le bon fonctionnement de la société.

Enfin, nous avons constaté, au cours du mois d'août, que des transactions suspectes et non autorisées étaient effectués sur les comptes de la société et ce depuis le mois de décembre 2013.

Après analyse de l'état des transactions auprès de notre banque, nous avons découvert, avec stupeur, que ces transactions étaient des achats en ligne sur internet (Sncf, Linkedin, Darty.com, Hôtel [Établissement 1] à [Localité 4]) et émanaient de la carte bancaire dévolue, en son temps, au Directeur d'Exploitation de la Société, parti de la Société depuis lors et aujourd'hui dévolue à l'actuel Directeur Général de la Société.

Nos investigations nous ont alors démontré que vous étiez le commanditaire de toutes ces transactions, celles-ci étant, sans exception, effectuées sous votre nom ou encore avec votre carte nominative d'abonnement SNCF.

Vous avec donc utilisé, au moyen d'une fraude caractérisée et sachant parfaitement que vous détourniez l'argent de la société à votre profit, les numéros, date d'expiration et cryptogramme d'une carte bancaire Société dont l'usage était strictement réservé au porteur de la carte, à l'effet d'effectuer des achats personnels, sans aucune autorisation.

Ces faits sont d'une gravité telle qu'ils justifient votre licenciement pour faute grave et donc la rupture immédiate de votre contrat de travail sans préavis ni indemnité de licenciement. Nous vous ferons parvenir votre solde de tout compte ainsi que votre certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi.

Nous levons toute clause de non-concurrence qui aurait pu être stipulé tout au long de votre contrat de travail au sein de notre société.

Nous vous demandons également de prendre contact le plus rapidement possible avec [F] [C], DRH de la société, pour restituer l'ensemble du matériel actuellement en votre possession (véhicule, badges, clés du bureau, téléphone portable, ordinateur portable et accessoires, appareil photos, IPAC, IPAD, badge télépéage, télémètre et mètre ruban, équipement de sécurité « bottes, casque... » etc) et ce, avant le 5 septembre 2014. [...] »

Il est ainsi reproché au salarié des manquements dans la gestion du dossier S.F.I.P. susceptibles d'entraîner des pénalités de retard au préjudice de la société G.E.T.I., ainsi que d'avoir supprimé des e-mails professionnels de nature à entraver le bon fonctionnement de la société G.E.T.I., outre des achats personnels réalisés avec les moyens de paiement appartenant à la société G.E.T.I..

S'agissant, en premier lieu, du chantier S.F.I.P. qui consiste en une mission de maîtrise d''uvre signée le 30 juillet 2013, il résulte des pièces versées aux débats que le chantier devait initialement être réceptionné le 25 février 2014 avec levée des réserves entre le 27 mars et le 6 avril 2014. Il est constant que fin mai 2014, M. [X] [T] a repris le dossier que suivait M. [D] [U] en raison de l'arrêt maladie de celui-ci. Un courrier de M. [Y], directeur général adjoint de l'entreprise C & E (chauffage et entretien) du 16 juin 2014, adressé à la S.F.I.P. avec copie à la société G.E.T.I. mentionne qu'en mars 2014, un décalage de planning à fin juin en accord avec le client et sans application de pénalités de retard a été validé par M. [D] [U]. Or, le 18 juin 2014, la S.F.I.P. a répondu à l'entreprise C & E n'avoir jamais accepté le nouveau planning. Il est constant qu'il appartient au maître d''uvre de suivre le chantier dans le respect du planning fixé avec le maître d'ouvrage et, dès lors qu'il constate un retard pris par le chantier et la nécessité de prévoir un report de la date de fin de travaux, il est de son devoir, en sa qualité de responsable de la bonne exécution au titre de la maîtrise d''uvre du chantier, de prévoir un report de la fin de travaux par la signature d'un nouveau planning ayant valeur contractuelle. En ne le faisant pas, alors qu'il affirme avoir eu l'accord de la S.F.I.P. pour le report, M. [D] [U] a commis une faute. Au surplus, selon M. [C] [R], salarié de la S.F.I.P., M. [D] [U] était présent au maximum 1,5 jours par semaine alors que son planning mentionne 2,5 jours par semaine en moyenne. Il est par ailleurs établi que la S.F.I.P. a assigné en référé expertise devant le tribunal de commerce de Paris le 29 septembre 2014 l'entreprise C & E et la société G.E.T.I., avec demande de mise sous séquestre de la somme de 1'024'678,78 euros TTC représentant le solde du marché. Au vu de ces éléments, la cour considère ce premier grief de négligence fautive et manquements dans la gestion du dossier S.F.I.P. comme étant établi.

En deuxième lieu, alors que M. [D] [U] était en arrêt de travail pour maladie, il lui a été demandé le 13 et, à nouveau, le 17 juin 2014, ses identifiant et mot de passe de messagerie afin de pouvoir accéder aux échanges professionnels qu'il avait entretenus avec les clients de la société, dans la mesure où aucun fichier concernant lesdits clients de M. [D] [U] n'était disponible sur les dossiers partagés et le serveur commun de la société G.E.T.I. comme il se doit afin de permettre à celle-ci de connaître l'historique des dossiers et clients suivis par M. [D] [U]. Les échanges de courriels versés aux débats justifient de ce que les éléments fournis par M. [D] [U] (identifiant et mot de passe de messagerie) le 17 juin 2014 à 23h30 étaient erronés, de telle sorte que l'entreprise a été dans l'obligation de réinitialiser le mot de passe le lendemain, 18 juin 2014, afin de pouvoir accéder de manière effective à la messagerie pour le bon suivi des dossiers clients, ainsi qu'il résulte des attestations des deux responsables informatiques de la société. Ceux-ci ont alors constaté que la messagerie professionnelle de M. [D] [U] (boîte de réception et éléments envoyés) étaient vides. Ce second grief de destruction des éléments de sa messagerie que M. [D] [U] a d'ailleurs reconnu lors de l'audience du conseil de prud'hommes, est établi et sera également retenu par la cour.

Enfin, en troisième lieu, s'agissant des achats effectués avec les moyens de paiement de la société, il résulte des pièces versées aux débats que, lors de son départ de la société le 3 mars 2014, M. [T] [N], directeur d'exploitation, avait restitué une carte bancaire qui avait alors été coupée en 2 et mise au coffre en attente de la réédition d'une nouvelle carte bancaire pour son successeur. Or, fin août 2014, la société a découvert que des achats par correspondance (SNCF, Darty, hôtel [Établissement 1] [Localité 4]...) avaient été effectués avec ladite carte par M. [D] [U] à l'aide des numéros, date d'expiration et pictogramme de ladite carte conservés par devers lui. M. [D] [U] affirme que cette carte était régulièrement utilisée par les collaborateurs pour leur éviter de faire l'avance de frais. Il verse aux débats une attestation de M. [T] [N] en ce sens, datée du 28 octobre 2014, étant précisé que l'employeur verse aux débats deux courriers de M. [T] [N], postérieur puisque datés de 2017, aux termes duquel celui-ci a demandé par lettres recommandées avec accusés de réception, tant à M. [D] [U] qu'à son avocat, de retirer cette attestation des pièces communiquées. L'employeur verse également aux débats des attestations de salariés contredisant cette pratique alléguée. Les achats litigieux reprochés à M. [D] [U] sont notamment les suivants : Darty.com pour 104,90 euros le 3 juillet 2014, hôtel [Établissement 1] [Localité 4] pour 133 euros le 16 juillet 2014, ainsi que des billets SNCF Paris-Macon pour le week-end du 13/15 juin 2014 et le week-end du 5/7 septembre 2014 et un aller simple Perpignan- Paris le 17 août 2014, ainsi qu'il résulte de l'attestation de M. [X] [T] qui précise qu'il s'agit de dossiers ouverts au nom de M. [D] [U] pris avec son abonnement Fréquence, ainsi qu'il a pu l'apprendre directement auprès de la SNCF. M. [D] [U] explique que l'hôtel à [Localité 4] devait lui permettre de participer au mariage de son cousin et que la chambre d'hôtel a toutefois été annulée. Il indique par ailleurs que la facture Darty correspond à des cartouches d'impression dans la mesure où il travaille parfois chez lui. Il invoque un mode de fonctionnement normal et habituel et conteste la fraude. La cour relève que l'ensemble de ces paiements et achats ont eu lieu, en tout état de cause, alors que M. [D] [U] était en arrêt maladie et qu'ils ne peuvent donc s'expliquer par des obligations professionnelles, mais uniquement dans le but d'une utilisation strictement personnelle. La cour retient que ce troisième grief est par conséquent également établi.

Dès lors, il en résulte que les trois griefs formulés à l'encontre du salarié aux termes de la lettre de licenciement sont établis et que les faits ainsi retenus rendent impossible le maintien de M. [D] [U] dans l'entreprise, de telle sorte que le licenciement pour faute grave est fondé. La décision entreprise sera confirmée à ce titre.

Sur les demandes pécuniaires

La faute grave ayant été retenue, M. [D] [U] sera débouté de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts au titre des préjudices matériels et moraux, le caractère vexatoire du licenciement n'étant en outre pas établi. La décision entreprise sera confirmée sur ces points.

Sur la demande reconventionnelle de la société G.E.T.I.

La société G.E.T.I. sollicite la restitution du matériel lui appartenant sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir. Il est établi que M. [D] [U] a déposé les 8 septembre 2014 son véhicule de fonction sur un parking des locaux de la société sans les clés et a par ailleurs remis, par l'intermédiaire de son avocat, le 26 septembre 2014, les clés du véhicule ainsi que sa carte grise, les clés du bureau, un ordinateur portable et un téléphone portable. Le procès-verbal de constat d'huissier versé aux débats, daté du 6 octobre 2014, révèle que l'ordinateur restitué était au nom de M. [T] [N] et qu'aucun des fichiers présents n'avait été ouvert depuis janvier 2012. Toutefois, faute de précision suffisante relative au matériel dont il est demandé la restitution (marques, modèles, caractéristiques...), il ne sera pas fait droit à la demande. La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [D] [U].

Seule la demande formée en cause d'appel par la société G.E.T.I. au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 3 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 9 novembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye (section encadrement) en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la demande de rappel d'heures supplémentaires n'est pas prescrite,

Dit que les faits fautifs ne sont pas prescrits,

Condamne M. [D] [U] à payer à la société Galtier Expertises Techniques Immobilières (G.E.T.I.) la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande sur ce même fondement,

Condamne M. [D] [U] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05653
Date de la décision : 22/11/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/05653 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-22;15.05653 ?
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