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23/11/2017 | FRANCE | N°15/08846

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 23 novembre 2017, 15/08846


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 61B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 NOVEMBRE 2017



R.G. N° 15/08846





AFFAIRE :



SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC, venant aux droits de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE

...



C/



[H], [F], [Q] [M]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 14/01782



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Pierre GUTTIN

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS

Me J...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/08846

AFFAIRE :

SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC, venant aux droits de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE

...

C/

[H], [F], [Q] [M]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 14/01782

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Pierre GUTTIN

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS

Me Jean-michel HOCQUARD de la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

1/ SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC dont le siège social est sis [Adresse 1] - RCS n° 672 012 580, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE à la suite de l'apport en nature de l'intégralité de ses titres à Glaxosmithkline Santé Grand Public par décision de son associé unique en date du 22 décembre 2015, suivi de sa dissolution sans liquidation à effet du 1er février 2016

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1555420

Représentant : Me Jean-pierre GRANDJEAN du PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0112

APPELANTE et INTIMEE

2/ SA UCB PHARMA

RCS de NANTERRE sous le n° 562 079 046

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié de droit audit siège

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 15000423

Représentant : Me RAVIT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Carole SPORTES de la SELARL HAUSSMANN Associés, avocat au barreau de PARIS

APPELANTEet INTIMEE

****************

1/ Madame [H], [F], [Q] [M]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

2/ Madame [J] [M]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 - N° du dossier 002619

Représentant : Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMEES

3/ CPAM DE [Localité 2] venant aux droits de la CPAM du [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Jean-michel HOCQUARD de la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0087

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Octobre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport, et Madame Françoise BAZET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

-------

Indiquant avoir été exposée au Distilbène in utéro, Mme [H] [M], née le [Date naissance 1] 1973, a, par actes des 6 et 7 janvier 2010, assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société UCB Pharma et la CPAM du [Localité 3] en réparation du préjudice causé. UCB Pharma a mis en cause la société Novartis Santé Familiale, devenue depuis la société Glaxosmithkline.

Après expertise dont le rapport a été déposé le 28 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement du 3 décembre 2015 :

- déclaré les sociétés UCB Pharma et Novartis responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme [M],

- dit que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et Novartis à hauteur de 5 %,

- condamné in solidum les sociétés UCB 'Pharma et Novartis à payer :

- à Mme [H] [M] les sommes de :

frais divers 1 500,00 euros

déficit fonctionnel temporaire375,00 euros

souffrances endurées15 000,00 euros

déficit fonctionnel permanent21 000,00 euros

préjudice sexuel2 000,00 euros

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et sous déduction des sommes versées à titre de provision,

- à Mme [J] [M] la somme de :

préjudice moral 8 000,00 euros,

- à la CPAM du [Localité 3] la somme de :

frais médicaux399 euros (lire 7 399,00 euros)

avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et anatocisme,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Novartis à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 8 000 euros à Mme [H] [M] et 1 500 euros à la CPAM de [Localité 2] venant aux droits de la CPAM du [Localité 3], ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de moitié des condamnations prononcées, sauf en ce qui concerne les indemnités de procédure, assorties de l'exécution provisoire en totalité.

Les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline en ont relevé appel le 21 décembre 2015.

Par dernières écritures du 20 septembre 2017, UCB Pharma demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que ne sont établis ni l'exposition de Mme [M] au Distilbène ni la faute d'UCB Pharma, ni le lien de causalité entre les pathologies invoquées et l'exposition alléguée,

subsidiairement,

- juger que la preuve de l'exposition au Distilbène n'étant pas rapportée, elle ne peut être condamnée qu'in solidum avec Glaxosmithkline au titre d'une exposition au DES,

- fixer la contribution à la dette de Glaxosmithkline à 50 %, et condamner cette société à la garantir dans cette proportion,

- juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une présomption de causalité entre l'exposition au DES et les affections présentées par Mme [M],

- débouter Mme [M] de toutes ses demandes et la condamner à lui rembourser la provision ad litem perçue en application de l'ordonnance de mise en état du 1er juillet 2014,

- débouter la CPAM du [Localité 3] de toutes ses demandes.

Par dernières écritures du 18 septembre 2017, Glaxosmithkline demande à la cour de :

- lui donner acte de son intervention volontaire en lieu et place de la société Novartis Santé Familiale, qui a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation à effet au 1er février 2016,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Novartis Santé Familiale, aux droits de laquelle vient GlaxoSmithKline Santé Grand Public,

- débouter UCB Pharma et/ou les consorts [M] et/ou la CPAM de [Localité 2] de leurs demandes dirigées contre Novartis Santé Familiale,

- la mettre hors de cause,

- condamner UCB Pharma ou les consorts [M] ou la CPAM de [Localité 2] à lui rembourser la provision ad litem versée en exécution de l'ordonnance de mise en état du 1er juillet 2014, soit 1.500 euros,

subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a réparti la charge de la dette au prorata de leurs parts de marché respectives,

- juger que sa contribution à la dette est limitée à une proportion de 3,1 % du montant des sommes allouées aux consorts [M], au prorata de sa part de marché,

- confirmer, subsidiairement, le jugement en ce que la contribution à la dette de Novartis Santé Familiale, aux droits de laquelle se trouve GlaxoSmithKline Santé Grand Public, est limitée à une proportion de 5 % du montant des sommes allouées aux consorts [M],

- débouter pour le surplus UCB Pharma de ses demandes,

en tout état de cause, sur l'évaluation des dommages-intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts [M] à la somme de 47.875 euros,

- débouter UCB Pharma, les consorts [M] et la CPAM de [Localité 4] de l'ensemble de leurs demandes,

- juger subsidiairement que l'indemnisation des consorts [M] ne saurait excéder la somme de 12.375 euros (soit 384 euros, ou, à titre subsidiaire, 618 euros, à la charge de GlaxoSmithKline Santé Grand Public) et que l'indemnisation de la CPAM de [Localité 2] ne saurait excéder la somme de 7.399 euros,

- condamner UCB Pharma à verser à GlaxoSmithKline Santé Grand Public la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où GlaxoSmithKline Santé Grand Public serait condamnée à payer à Mme [M] une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déduire de ce montant la somme de 1.500 euros versée à titre de provision ad litem,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières écritures du 17 mai 2016, Mmes [M] demandent à la cour de :

- dire que Mme [H] [M] justifie avoir été exposée in utero au distilbène®, produit commercialisé par la société UCB Pharma, à l'époque de la grossesse de sa mère, avec toutes suites et conséquences de droit,

à défaut,

- confirmer la décision en ce que les deux laboratoires ont été déclarés responsables,

- confirmer la décision au titre de l'indemnisation des postes de frais divers, souffrances endurées et préjudice sexuel,

infirmant pour le surplus,

- fixer ainsi les postes de préjudice :

déficit fonctionnel temporaire6 500 euros

déficit fonctionnel permanent 23 300 euros

subsidiairement si la cour devait inclure l'angoisse du suivi régulier et la crainte de contracter une pathologie cancéreuse dans le déficit fonctionnel permanent, fixer ce poste à la somme

de 38 300 euros

préjudice d'anxiété 15 000 euros

- condamner le ou les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline au paiement de la somme de 10 500 euros en réparation de l'entier préjudice de Mme [J] [M],

- confirmer la décision pour les frais irrépétibles de première instance et condamner le ou les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline au paiement de la somme de 8 000 euros au titre des frais engagés devant la cour au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, comprenant les frais de consignation avancés.

Par dernières écritures du 30 juin 2016, la CPAM de [Localité 2] venant aux droits de la CPAM du [Localité 3] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce que les laboratoires ont été déclarés responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme [M],

infirmant pour le surplus,

- condamner in solidum Glaxosmithkline et la société UCB Pharma à verser à la CPAM de [Localité 2], venant aux droits de la CPAM du [Localité 3], la somme de 34.999,42 euros au titre du remboursement des prestations versées à Mme [H] [M] et ce, sous réserve des prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- condamner in solidum les laboratoires à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 11.762,98 euros à compter du 27 août 2010, date de la première demande, et à compter du 8 octobre 2014 pour le surplus, ces intérêts formant anatocisme à l'expiration d'une année conformément à l'article 1154 du code civil, ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue à l'alinéa 9 de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant a été actualisé par arrêté du 21 décembre 2015 à la somme de 1.047 euros, et les condamner in solidum à en assurer le versement auprès de la CPAM de [Localité 2],

à titre subsidiaire :

en cas de confirmation pure et simple du jugement,

- rectifier l'erreur matérielle et l'omission de statuer affectant ledit jugement, de façon à préciser qu'il est dû à l'exposante la somme de 7.399 euros (et non 399 euros) en remboursement des prestations versées par elle à Mme [M] et celle de 1.037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

en tout état de cause :

- condamner in solidum les laboratoires à régler à la CPAM de [Localité 2] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Selon le rapport d'expertise, Mme [M] a présenté un utérus cloisonné opéré à deux reprises en janvier et octobre 2007. Consulté le professeur [S] a conclu à l'existence d'un utérus hypoplasique présentant l'aspect d'un utérus DES. Mme [M] a subi une hystéroplastie d'agrandissement en 2009 et obtenu après 9 fausses couches et 2 FIV une grossesse gémellaire menée à terme, mais pendant laquelle elle a été alitée.

Aucune prescription de Distilbène n'a été retrouvée. Néanmoins Mme [J] [M] a attesté avoir été traitée par Distilbène pendant ses deux grossesses, et a produit une ordonnance, il est vrai non nominative, correspondant à la grossesse de son fils aîné.

Peuvent être rattachés à l'exposition au DES l'aspect hypoplasique de l'utérus (utérus petit dans sa globalité), certaines fausses couches, les anomalies vasculaires utérines, et l'infertilité qui en résulte, même si d'autres facteurs entrent en jeu.

L'utérus cloisonné n'est pas en rapport avec une exposition in utero au DES et est une anomalie relativement fréquente. Il existe une corrélation entre les fausses couches et l'existence d'un utérus cloisonné, et il en existe également une autre entre exposition au DES et fausses couches.

Le tribunal a considéré que, dans la mesure où l'expertise met en évidence des troubles considérés par les médecins comme compatibles avec une exposition au DES, et où la mère de Mme [M] attestait avoir été traitée par Distilbène, et qu'il était produit une ordonnance relative à une grossesse antérieure de Mme [J] [M], existaient des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir l'exposition in utero de Mme [M] à la molécule DES. Considérant cependant qu'au regard de la forte médiatisation autour du Distilbène, existait un doute sur le médicament exact prescrit, le tribunal a retenu la responsabilité in solidum de Novartis et UCB Pharma. Le tribunal a également considéré qu'était suffisamment établie l'imputabilité de l'hypoplasie utérine, des anomalies de vascularisation de l'utérus et de l'infertilité à l'exposition à la molécule DES.

UCB Pharma ainsi que Novartis font valoir que l'exposition à la molécule DES n'est pas suffisamment prouvée par les pièces produites, et que, par ailleurs les pathologies décrites n'ont pas pour seule cause possible cette exposition, puisque l'anomalie morphologique de l'utérus observée, soit un utérus cloisonné, peut elle aussi expliquer tant l'infertilité que l'hypoplasie de l'utérus et l'insuffisance de vascularisation.

***

Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, l'attestation de Mme [J] [M], rédigée par une personne très proche de la victime directe, et quelques mois avant l'assignation au fond, ne suffit pas à constituer une preuve suffisante de l'exposition à la molécule, même confortée par l'ordonnance produite, qui n'est pas nominative et est présentée comme se rapportant à une grossesse antérieure de Mme [J] [M]. Ainsi, même en considérant que ces éléments constituent un commencement de preuve, ils doivent être corroborés par d'autres indices, tirés des pathologies présentées, qui peuvent ainsi constituer des présomptions graves, concordantes et précises tant de l'exposition que de l'imputabilité des dommages à cette dernière. Néanmoins pour remplir ce rôle probant, les pathologies présentées, ne doivent avoir aucune autre cause possible que l'exposition in utero au DES.

Or en l'espèce, les experts ont manifesté une grande prudence dans leur appréciation de l'imputabilité des pathologies constatées à une exposition au DES, puisqu'ils indiquent (p. 30 de leur rapport) que l'hypoplasie constatée par le professeur [S] est seulement 'compatible' avec une exposition au DES, et que, de même, les anomalies vasculaires utérines mises en évidence, facteur de mauvaise implantation embryonnaire, ont été décrites comme plus fréquentes chez les femmes exposées au DES, sans qu'il y ait d'études de méthodologie rigoureuse qui l'aient démontré.

Sur l'hypoplasie, il résulte également de l'expertise que Mme [M] présentait un utérus cloisonné, malformation fréquente, décrite en dehors de toute exposition in utero au DES, et qui n'est pas caractéristique d'une telle exposition. Mme [M] a subi deux interventions afin de réséquer cette cloison utérine, qui est apparue aux médecins qui l'ont suivie, faire obstacle à son projet de maternité. Or, alors qu'elles étaient directement interpellées par UCB Pharma dans le cadre de son dire du 4 septembre 2012 sur l'existence d'un lien de l'hypoplasie utérine avec l'anomalie utérine présentée par Mme [M] (utérus cloisonné), qui est, elle, sans rapport avec l'exposition au DES, les experts n'ont pas exclu ce lien. Est en outre produit par UCB Pharma un extrait d'un ouvrage de pelvi-périnéologie publié sous la direction du professeur [Q], autre spécialiste des problématiques DES, et propre médecin conseil de Mme [M], dans le chapitre consacré aux malformations utérines en général, et notamment aux utérus cloisonnés, qu'une 'hypoplasie est souvent associée à la malformation et aggrave le pronostic obstétrical'. L'exposition au DES ne peut donc être déduite de l'hypoplasie utérine, et, réciproquement, l'hypoplasie peut ne pas lui être imputable.

Sur les anomalies vasculaires utérines, et sur dire des parties, les experts ont précisé que les difficultés implantatoires ont été décrites par une seule étude, et constatées par le docteur [O] (très averti des problématiques DES) et sont fortement suspectées, d'autant plus que le traitement par [E] est prescrit par les équipes spécialisées dans la prise en charge des femmes exposées au DES et présentant des augmentations des résistances vasculaires au doppler. Elles ont cependant indiqué que ces constatations n'ont pas été confirmées par des études ultérieures.

Enfin, les experts ont précisé qu'existait une corrélation forte entre les fausses couches à répétition et les utérus cloisonnés, et que l'amélioration des issues de grossesse après intervention sur la cloison a largement été rapportée, malgré l'absence d'études randomisées. Elles rappellent également qu'il existe aussi une corrélation entre exposition au DES et fausses couches. Ainsi, la survenance de très nombreuses fausses couches chez Mme [M] ne constitue pas, à raison de cette autre cause possible, un indice univoque d'une exposition au DES.

Ainsi, en l'état de l'absence de preuve formelle d'une exposition à la molécule DES, et d'anomalies physiologiques qui, même considérées ensemble, ne peuvent être imputées avec certitude à une exposition au DES in utero, et de l'existence, au contraire, d'une anomalie utérine majeure, qui n'est pas imputable à cette exposition et qui peut suffire à expliquer les pathologies observées, il sera retenu que la preuve de l'imputabilité des pathologies constatées à une exposition au DES n'est pas suffisamment rapportée.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, et Mmes [M] et la CPAM de [Localité 2] seront déboutées de toutes leurs demandes.

L'ordonnance de mise en état mettant à la charge des deux laboratoires une provision ad litem n'ayant qu'une valeur provisoire, il n'y a pas lieu d'ordonner spécialement la restitution de cette provision, le présent arrêt valant titre de restitution.

Mmes [M], qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirmant le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau sur l'entier litige,

Déboute Mmes [H] et [J] [M] de toutes leurs demandes,

Déboute la CPAM de [Localité 2] de toutes ses demandes,

Rejette le surplus des demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mmes [H] et [J] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08846
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°15/08846 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;15.08846 ?
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