COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 DÉCEMBRE 2017
R.G. N° 15/04531
AFFAIRE :
[X] [G] épouse [M]
C/
SAS AVAYA FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° RG : 13/01138
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL GAETJENS & SABER AVOCATS ASSOCIES
la LLP NORTON ROSE FULBRIGHT LLP
Copies certifiées conformes délivrées à :
[X] [G] épouse [M]
SAS AVAYA FRANCE
le : 08 décembre 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [G] épouse [M]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Liliane SABER de la SELARL GAETJENS & SABER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0215
APPELANTE
****************
SAS AVAYA FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Laure JONCOUR du LLP NORTON ROSE FULBRIGHT LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J039 substituée par Me Elodie GRANGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J039
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe FLORES, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe FLORES, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,
Mme [G] a été engagée sous contrat à durée indéterminée le 22 février 1999 par la société Nortel (la société), en qualité de responsable Marketing communication opérateurs. En dernier lieu, elle exerçait les fonctions de Responsable du département Marketing (France, Europe du sud, Afrique et Moyen Orient). Son contrat de travail a été repris par la société Avaya France SAS en septembre 2009 dans le cadre d'une acquisition.
La salariée a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique au motif d'une réorganisation de la société pour sauvegarde de la compétitivité.
L'entreprise emploie plus de 10 salariés.
Par requête du 10 juin 2013, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt afin de contester son licenciement et solliciter un rappel de salaire.
Mme [G] a demandé au conseil de dire et juger que la modification de sa rémunération variable était illicite, et que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, et de condamner la société à lui payer :
- 23 802 euros à titre de rappel de rémunération variable,
- 2 380 euros au titre de congés payés afférents,
- 92 940 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Elle a demandé en outre au conseil de prud'hommes d'ordonner l'exécution provisoire, le paiement des intérêts légaux et la production des bulletins de salaire conformes au jugement.
La société Avaya France a demandé au conseil de débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes, et de la condamner à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, de tenir compte des montants déjà perçus par Mme [G] dans le cadre de sa rémunération variable.
Par jugement rendu le 10 septembre 2015, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :
- fixé le salaire mensuel brut de Mme [G] à 7149 euros,
- dit et jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [G] est fondé et l'a déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre,
- condamné la société Avaya France à payer à Mme [G] la somme de 23 802 euros à titre de salaire variable,
- condamné la société Avaya France à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Avaya France à remettre à Mme [G] des bulletins de salaire conformes au présent jugement.
- débouté Mme [G] du surplus de ses demandes,
- débouté Mme [G] de sa demande reconventionnelle,
- dit que le présent jugement sera assorti de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,
- dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l'article 1153-1 du code civil,
- condamné la société Avaya France aux entiers dépens.
Mme [G] a relevé appel de cette décision le 25 septembre 2015.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, Mme [G] demande à la cour :
- de confirmer le jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le conseil sur l'indemnité de rappel de rémunération variable STIP à hauteur de 23 802 euros,
- d'infirmer ledit jugement en toutes ses autres dispositions, en conséquence :
- de dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement économique,
- de condamner la société à lui payer 2 380 euros au titre des congés payés sur rémunération variable, 105 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- de débouter la société de tous éventuels chefs de demandes, fins et conclusions,
- de condamner la société au paiement des intérêts légaux sur le montant des condamnations à compter de sa convocation devant le bureau de jugement,
- de condamner la société à lui remettre des bulletins de salaire conformes au jugement qui sera rendu et ce sous astreinte de 200 euros par jour.
Mme [G] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'elle était soumise arbitrairement à la rémunération variable illicite " STIP ", commune aux salariés d'Avaya et issue d'une pratique américaine. Elle ajoute n'avoir pas consenti à cette modification contractuelle.
Mme [G] considère être en droit de réclamer sur la période 2010-2011-2012, au titre de ses performances et sur la base de sa rémunération annuelle des années 2009-2010-2011, l'intégralité de la rémunération variable de 13% lui étant due, déduction faite des sommes qu'elle a reçues au titre du STIP. Elle précise que, la rémunération variable restant due pendant le préavis et le congé de reclassement, il doit en être tenu compte dans l'assiette de calcul du salaire de référence. Mme [G] sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a exclu le bénéfice de congés payés sur cette rémunération variable en considérant qu'elle entre bien dans l'assiette de congés payés.
Mme [G] considère que la compétitivité du groupe Avaya n 'était pas menacée au moment du licenciement. Selon elle, aucune nécessité impérieuse d'adaptation/réorganisation n'était caractérisée concernant le groupe Avaya, compte tenu du contexte concurrentiel ne laissant apparaître aucune " menace réelle et sérieuse ". Elle considère enfin que la situation économique du groupe était bonne au moment du licenciement. Mme [G] estime par ailleurs que la suppression de son poste n 'est pas la conséquence de la réorganisation invoquée par l'employeur et que celui-ci n'est pas en mesure de démontrer le lien entre la réorganisation opérée et cette suppression, antérieure de plus de deux ans. Elle précise à cet égard, qu'elle n'occupait plus son poste de " Responsable département marketing " depuis plus de deux ans, n'ayant pu le réintégrer depuis son retour de congé maternité en février 2009. L'historique de son parcours professionnel depuis décembre 2008 démontre que l'employeur n'a pas été en mesure de la réintégrer à son poste ou sur un poste équivalent, et qu'elle a été soit sans travail, soit remplaçante, et toujours rétrogradée au rang de ses anciennes équipes. La salariée invoque la mauvaise foi de l'employeur, en appréciant l'anachronisme opéré pour lier artificiellement la suppression de son poste de " responsable département marketing " qu'elle n'occupait plus depuis 2009, à la réorganisation pour motif économique évoquée dans la lettre de licenciement du 14 juin 2011. En l'absence de lien entre l'élément causal (la réorganisation pour la sauvegarde de la compétitivité prétendument menacée du groupe) et l'élément matériel (la suppression du poste) motivant le licenciement, la salarié soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [G] considère que l'employeur ne lui a proposé aucun reclassement interne ou externe malgré la présence de postes adéquats disponibles, qu'elle n'a jamais refusé de recevoir des offres de reclassement au sein du groupe et qu'elle a cherché un reclassement stable, à défaut d'une réintégration dans son poste d'origine depuis son retour. Elle souligne que la cour d'appel de Versailles a déjà jugé la déloyauté de la société intimée dans l'exécution de son obligation de reclassement en amont du PSE effectué en 2011 dans un arrêt du 2 décembre 2015. Elle rappelle qu'en l'espace de 3 ans, elle a tantôt été qualifiée de " Marketing Entreprise France ", puis à compter du 20 février 2009 de " Senior Marketing Opérations Manager EMEA/ASIA', puis à compter d'avril 2010 de " Project manager ". Le sérieux doute pesant sur la réalité du poste et des fonctions de Mme [G] depuis 2009 démontre, selon elle, la déloyauté de l'employeur dans l'exécution de son obligation de reclassement et également dans l'application des critères de l'ordre des licenciements.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Avaya France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, L. 1221-1 et L. 1321-6 du code du travail, 521 et 700 du code de procédure civile :
à titre principal,
- de confirmer le jugement du conseil en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes relatives au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés sur la rémunération variable STIP, et à son licenciement, tant en ce qui concerne la cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance du motif économique, de l'absence de lien entre la réorganisation et la suppression du poste de la salariée, et de l'absence de respect des dispositions relatives au reclassement, que l'ordre des licenciements ;
- d'infirmer ledit jugement dans ses dispositions relatives aux rappels de rémunération variable et débouter la salariée de ses demandes relatives à sa rémunération variable et aux congés payés y afférents.
à titre subsidiaire,
- si la rémunération contractuelle de la salariée est reconnue applicable, de limiter le montant des rappels de salaires à la différence entre la rémunération due et les montants déjà perçus, en excluant l'année 2012 au titre de l'assiette de la rémunération, soit la somme de 10.873,79 euros bruts dont la part salariale de cotisations de sécurité sociale sera bien entendu déduite,
- si le jugement du conseil de prud'hommes devait être infirmé et si le licenciement de la salariée devait être reconnu comme dénué de cause réelle et sérieuse (pour absence de lien entre la réorganisation et la suppression du poste de la salariée, et/ou défaut de motif économique et/ou non-respect des dispositions relatives au reclassement), de limiter le montant des dommages et intérêts en résultant au minimum légal de six mois de salaires dont la part salariale de cotisations de sécurité sociale sera bien entendu déduite,
- si la société est reconnue comme ayant contrevenu aux dispositions relatives à l'ordre des licenciements, de limiter le montant des dommages et intérêts en résultant au montant correspondant à un mois de salaire ;
- si, à la fois, le licenciement de la salariée est reconnu comme dénué de cause réelle et sérieuse (pour absence de lien entre la réorganisation et la suppression du poste de la Salariée, et/ou défaut de motif économique et/ou non-respect des dispositions relatives au reclassement), et la société est reconnue comme ayant contrevenu aux dispositions relatives à l'ordre des licenciements, de ne condamner la société qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- si la société était redevable d'une indemnité de congés payés sur la rémunération variable de la salariée, de calculer le montant de cette dernière par référence à la différence entre la rémunération due et les montants déjà perçus, en excluant l'année 2012 au titre de l'assiette de la rémunération, soit la somme de 1 087,38 euros bruts dont la part salariale de cotisations de sécurité sociale doit être déduite.
La société demande, en tout hypothèse, à la cour de débouter la salariée de sa demande relative aux frais irrépétibles et de la condamner à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société demande en outre qu'en cas de condamnation de la société à des dommages et intérêts, le point de départ des intérêts doit être fixé à la date de notification de l'arrêt et que la salariée soit condamnée aux entiers dépens.
La société s'oppose à la demande au titre de la rémunération variable, considérant que le nouveau système de rémunération s'est substitué au précédent système lors du transfert du contrat de travail. Elle considère que les calculs sont similaires et que Mme [G] ne justifie pas pouvoir bénéficier du montant maximal de la part variable de rémunération, c'est-à-dire 13%. Subsidiairement, l'employeur soutient que l'appelante n'ayant pas travaillé toute l'année fiscale 2012 (du 1er octobre au 30 septembre de l'année suivante), période d'acquisition du bonus, elle ne peut pas bénéficier de part variable pour cette période. Pour les années 2010 et 2011, la société conteste ne pas avoir produit les bulletins de paie, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes. Considération prise de la somme de 3.501,57 euros versée au salarié au titre de l'année 2010, et de la somme de 4.954,64 euros au titre de l'année 2011, elle sollicite la réduction de la condamnation à la somme de 10.873,69 euros.
La société intimée soutient que la prime " STIP " est fixée pour l'année et n'est pas affectée par la prise de congés payés. Subsidiairement, elle sollicite la réduction de la condamnation à la somme de 1.087,36 euros.
L'employeur soutient que la salariée n'a subi aucune modification de son contrat et son poste n'a pas été supprimé, de telle sorte que sa suppression n'est intervenue qu'en juin 2011. Elle considère que les éléments concernant la procédure de licenciement de l'autre salariée, licenciée en 2009, sont sans lien avec le présent litige et doivent être écartés. Elle établit l'existence de difficultés économiques se traduisant par des résultats insuffisants et une menace sur la compétitivité à la suite de l'évolution de la téléphonie dans un marché concurrentiel important, d'où une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, étant précisé qu'une première réorganisation avait déjà été opérée.
L'employeur affirme avoir parfaitement respecté ses obligations légales en matière d'ordre des licenciements à l'égard de la salariée. Elle affirme que dans la mesure où l'ensemble de la catégorie professionnelle à laquelle appartenait Mme [G] a été supprimée, les dispositions en matière d'ordre des licenciements étaient inapplicables et son licenciement totalement justifié.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs
Sur la rémunération variable :
Le contrat de travail conclu le 22 février 1999 stipule : 'vous bénéficiez d'un plan de commissionnement dont le mode de détermination sera révisé chaque année en fonction de la politique commerciale de la société. En 1999, la partie variable correspondant à ce plan est fixée à 35000 francs (trente cinq mille francs) pour 100 % des objectifs atteints et calculée au prorata de votre temps de présence dans la société (...).' . Cette rémunération variable a été modifiée dans l'avenant du contrat de travail du 22 février 1999 : 'vous bénéficiez d'un plan incitatif de rémunération qui sera fonction des résultats de la compagnie et de votre performance individuelle selon les règles en vigueur dans le groupe. Il s'agit d'une prime variable dite 'success'. La prime, entre 0 et 13 %, sera calculée sur votre salaire de base par semestre (janvier à juin, payée en septembre ; et juillet à décembre, payée en février)'.
Il résulte de ces stipulations contractuelles que seul le principe de la rémunération variable, et son taux, de 0 à 13 % sont fixés par le contrat, mais que les modalités de calcul de cette prime et les objectifs à atteindre ne relèvent pas du champ contractuel. Dès lors, la mise en place par Avaya, après la reprise du contrat de travail, du système de calcul de la part variable de la rémunération et des objectifs à atteindre dans ce cadre, en soumettant la salariée au dispositif 'plan d'intéressement à court terme (STIP)', ne constitue pas une modification du contrat de travail et relève bien du pouvoir de direction de l'employeur.
En revanche, lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable selon des modalités déterminées par l'employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues. Lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, l'employeur doit rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation. En outre, il appartient à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence avaient été atteints.
Force est de constater que l'employeur n'apporte aucun élément permettant de justifier si les objectifs fixés au salarié pour les années litigieuses avaient ou non été atteints, et n'établit pas davantage. Dès lors, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause. Il sera donc fait droit à la demande sur la base du taux contractuel de 13 % du salaire de base.
Cette prime constitue la part variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité de sorte qu'elle s'acquiert au fur et à mesure, sans que son paiement puisse être subordonné à sa présence dans l'entreprise à une date précise. La rémunération variable est donc due jusqu'au terme du contrat de travail, la salariée ayant quitté l'entreprise en décembre 2011. L'employeur appliquant le calcul de la rémunération variable sur la base d'une année fiscale courant de novembre à octobre de l'année suivante, les sommes versées en 2011 correspondent
à l'année fiscale courant de novembre 2010 à octobre 2011., de sorte que la salariée a droit à un rappel de salaire pour le part de rémunération variable acquise en novembre et décembre 2011 relevant de l'année fiscale 2012.
Le montant du rappel de salaire au titre de la rémunération variable doit être calculé sur la base du salaire de base, soit 6196 euros, après déduction des sommes que la salariée a déjà perçu au titre du STIP, ainsi qu'il résulte des bulletins de paie versés au débats, soit 3212,01 euros en décembre 2011, 1742,63 euros en mai 2011, 239,38 euros en novembre 2010 et 3262,19 euros (bonus) en avril 2010. Le rappel de salaire s'élève donc à la somme de 12 484,75 euros bruts..
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et l'employeur condamné au paiement de la somme de 12 484,75 euros bruts, avec les intérêts légaux à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes, conformément à l'article 1231-7 du code civil.
La société sera condamnée à remettre à la salariée un bulletin de paie conforme à la présente décision, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les congés payés sur la rémunération variable :
La rémunération variable dite STIP est composée de deux éléments. Le premier, en lien avec les résultats commerciaux généraux d'Avaya prend en compte le niveau de performance de la société, le revenu d'exploitation, la croissance des revenus et le flux de trésorerie. Le second en lien avec la performance individuelle du salarié est déterminé sur 'la base des évaluations et des notes sur la performance du salarié sur l'ensemble de l'année fiscale'. Il en résulte que cette rémunération variable est payée pour l'année et n'est pas affectée par la prise des congés payés. Elle n'entre donc pas dans l'assiette de l'indemnité de congés payés.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnité de congés payés au titre de la rémunération variable.
Sur la cause économique du licenciement :
Pour avoir une cause économique le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activité ; la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
La lettre de licenciement adressée le 14 juin 2011 à Mme [G] invoque la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe et précise que du fait de la réorganisation nécessaire l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle dont relève la salariée sont supprimés.
Le licenciement économique étant motivé exclusivement sur la sauvegarde de la compétitivité, les bons résultats de l'entreprise invoqués par la salariée sont indifférents. Il convient de rechercher si le la réorganisation effectuée était effectivement indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Avaya est un groupe international spécialisé dans les communications en entreprise qui commercialise un ensemble de services en matière de communications convergentes (téléphonie par internet, messageries d'entreprise, centres d'appels, maintenance de PABX, solutions Données, ....). Il a acquis en 2009 les activités de 'solutions aux entreprises' du groupe Nortel networks.
Au vu des éléments produits, il apparaît que la société Avaya a dû faire face à des évolutions majeures du marché de la téléphonie, liées, d'une part, à la progression de la téléphonie sur IP ('internet protocole', voix sur réseau informatique) au détriment de la téléphonie traditionnelle (TDM), d'autre part, à une évolution des méthodes de vente. En effet, le secteur de la téléphonie a effectivement connu une importante évolution technologique, avec l'émergence d'une convergence avec internet et l'informatique et de l'arrivée de nouveaux concurrents issus du
monde de l'informatique, comme Microsoft. Cette mutation du marché a conduit l'employeur à faire le choix de privilégier la vente indirecte à la vente directe afin de consolider sa situation à moyen terme. Cette orientation vers la vente indirecte permettait de développer grâce à l'action des intermédiaires les applications et les compléments de service liés (installation, maintenance, service après-vente). Présente de façon historique sur le marché de la téléphonie traditionnelle, Avaya devait prendre en compte l'augmentation de l'importance de la téléphonie sur IP et de ce que les technologies antérieures avaient vocation à devenir obsolètes. Par ailleurs, il n'était pas possible de maintenir l'activité de vente directe parallèlement au développement des ventes indirectes, sauf pour Avaya à se placer en situation de concurrence directe avec ses partenaires dans les ventes indirectes. Dès lors la réorganisation de l'entreprise était bien indispensable à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité dans le groupe.
La réorganisation à l'origine du licenciement économique avait pour objet d'arrêter progressivement les ventes directes et d'orienter le groupe vers l'activité de recherche et de développement. Cette nouvelle orientation entraînait la réduction des effectifs et concernait directement le service marketing, auquel appartenait Mme [G]. Cette réorganisation avait donc bien une incidence directe sur l'emploi occupé par Mme [G].
La cause économique du licenciement doit donc être retenue.
L'ensemble des salariés relevant de la catégorie professionnelle à laquelle appartenait Mme [G] ayant été licencié, il ne peut pas être reproché à l'employeur un défaut de respect de l'ordre des licenciements.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre de la contestation du licenciement.
Sur l'obligation de reclassement :
Du fait de l'absence de remplacement des salariés ayant quitté l'entreprise et de la suppression des emplois correspondants, il n'y avait pas de poste disponible au sein de l'entreprise.
L'obligation de reclassement étant liée au licenciement économique envisagé, le moyen selon lequel l'employeur n'aurait pas assuré le reclassement de la salariée au retour de son congé maternité en 2009, soit deux ans auparavant, est inopérant. En toute hypothèse, Mme [G] occupait un emploi de responsable de département marketing et il apparaît que, malgré les modifications de l'organigramme, Mme [G], a, à son retour de congé maternité, été affectée à un emploi similaire à celui qu'elle occupait précédemment.
Les autres implantations du groupe se situant à l'étranger, l'employeur devait procéder dans les conditions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, alinéa 1 et 2, dans leur rédaction applicable : 'lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. Le salarié manifeste son accord, assorti, le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.'
En l'espèce, l'employeur a, le 16 mai 2011, adressé à la salariée une lettre contenant le questionnaire relatif au reclassement à l'étranger. La salarié ne justifiant pas avoir répondu à ce questionnaire, son silence valait refus de tout reclassement à l'étranger, de sorte que l'employeur n'avait pas à formuler de proposition de reclassement à l'étranger. Mme [G] ne saurait dès lors reprocher à l'employeur de ne pas lui avoir proposé le poste basé à Londres pour lequel un recrutement externe a été effectué en mai 2011.
Il en découle que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté la salariée de ses demandes à ce titre.
Sur les dépens :
La partie succombante doit supporter les dépens.
Sur les frais irrépétibles :
Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet d'allouer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement pour motif économique de Mme [G] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre, en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la rémunération variable et en ce qu'il a condamné la société Avaya France SAS aux dépens,
Le réforme pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Avaya France SAS à payer à Mme [G] la somme de 12 484,75 euros bruts au titre du solde de rémunération variable, avec les intérêts légaux à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes,
Condamne la société Avaya France SAS à remettre à Mme [G] un bulletin de paye conforme à la présente décision dans le mois suivant la notification du présent arrêt,
Déboute Mme [G] de ses autres demandes,
Condamne Mme [G] aux dépens d'appel,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,