COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DA
Code nac : 57A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 DECEMBRE 2017
R.G. N° 16/07096
AFFAIRE :
SARL AGENCE ROBERT CATALAN - ARC-
C/
Société BRINTONS CARPETS LIMITED
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° Section :
N° RG : 2015F00778
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL AGENCE ROBERT CATALAN - ARC-
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20160942
Représentant : Me Patricia COLETTI de la SELAS CPC & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0567
APPELANTE
****************
Société BRINTONS CARPETS LIMITED
[Adresse 7]
[Adresse 4]
ROYAUME UNI
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003057
Représentant : Me Anetha CZYZ, Plaidant - substituée par Me DECAP
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Conseiller F.F. Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 14 septembre 2016 qui a :
- débouté la société Agence Robert Catalan (ARC) de sa demande de communication de pièces,
- débouté la société ARC de sa demande d'indemnisation en fin de contrat d'agent commercial,
- condamné la société Brintons Carpets Limited (Brintons) à payer à la société ARC la somme de 30 000 euros,
- débouté la société ARC de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Brintons,
- débouté la société ARC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute la société Brintons de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Brintons aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'appel interjeté le 8 juin 2016 par société Agence Robert Catalan ;
* *
Vu les dernières conclusions transmises le 7 novembre 2017 par le RPVA pour la société Agence Robert Catalan aux fins de voir, au visa des articles 1134 du code civil, L. 134-4, R. 134-1, L. 134-6, L. 134-7 et L 134-12 du code de commerce :
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la societe Brintons à verser la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts à la société ARC,
- condamner la société Brintons à payer
200 000 euros de rappel de commissions, somme à parfaire des communications des chiffres d'affaires réalisés par la société Brintons suite à la négociation de la société ARC,
269 493 euros au titre de l'indemnité légale de fin de contrat en application de l'article L. 134-12 du code de commerce,
50 000 euros en réparation des préjudices annexes,
à titre subsidiaire,
- condamner la societe BRINTONS a payer la somme de 200 000 euros a titre de dommages et intérêts,
en toute hypothèse,
- débouter la société Brintons de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Brintons au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Brintons aux dépens dont distraction au profit de Maître [Z] ;
* *
Vu les dernières conclusions transmises le 25 octobre 2017 par le RPVA pour la société Brintons Carpets Limited aux fins de voir, au visa des articles L. 134-1, alinéa 1er, du code de commerce, 1134 du code civil (dans sa version applicable au 10 octobre 2008) :
- déclarer la société ARC mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Brintons à payer à ARC la somme de 30 000 euros, débouté la société Brintons de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Brintons aux dépens,
- dire que les relations entre la société Brintons et la société ARC ne s'analysaient pas en un contrat d'agent commercial,
- condamner la société ARC à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ARC aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés par Maître Hongre Boyeldieu conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile. ;
Qu'il sera succinctement rapporté que, aux mois de mars et avril 2012, la société anglaise Brintons, fondée en 1783 et reconnue pour son activité de fabrication et de commercialisation de la tapisserie de luxe, a discuté avec la société ARC, agence commerciale créée en 1981 pour la représentation de fabricants de moquettes haut de gamme, des conditions pour la souscription d'un contrat d'agent commercial sur lesquelles les parties ne se sont pas accordées ;
Qu'après avoir payé à la société ARC un total de 269 493 euros de commissions pour les affaires conclues de mai 2012 à mai 2014, la société Brintons a dénoncé les relations commerciales le 21 février 2014 au motif de 'la nécessaire réorganisation de notre démarche commerciale sur le territoire français', et qu'en réponse à la demande d'indemnité que la société ARC a dénoncée le 21 février 2014, la société Brintons a offert un accord transactionnel pour la somme de 30 000 euros que la société ARC refusera avant d'assigner le 18 mars 2015 la société Brintons aux fins de la voir condamnée au paiement d'une indemnité compensatrice de rupture, de l'arriéré de commissions et en dommages et intérêts.
1. Sur la qualification du contrat d'agent commercial
Considérant que pour voir d'une part, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'application du statut d'agent commercial à l'activité de la société ARC et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes présentées à ce titre, et d'autre part contester le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 30 000 euros au titre de la rupture contractuelle, la société Brintons soutient qu'elle était présente sur le territoire français du fait de sa réputation commerciale, qu'elle avait fondé un établissement secondaire en France et a désigné deux salariés pour visiter régulièrement la clientèle en France, qu'elle possédait un important portefeuille de clients avant 2012, de sorte qu'elle a refusé à la société ARC l'exclusivité dans son intervention sur le territoire français et ne lui a transmis aucun pouvoir de signer ou de négocier ;
Que la société Brintons soutient encore qu'elle intervenait à tous les stades de la négociation, décidait de la stratégie dans les négociations et prenait les décisions finales et que la société ARC ne négociait ni les prix, ni les modalités des commandes, n i les qualités techniques des moquettes, les choix de décoration en lien avec le client ou l'architecte et/ou le décorateur, les délais et conditions de commande, pour dénier à la société ARC d'avoir été à l'origine des affaires passées avec les hôtels Ritz, et Marriot [Adresse 3], [Localité 5] à [Localité 6], Bristol, Carlton et Grand Hôtel et pour lesquels elle soutient que la société ARC n'est intervenue que de manière ponctuelle sur certains projets, non de manière permanente ;
Mais considérant, en premier lieu, que la société Brintons ne conteste pas le volume d'affaires qu'elle a réalisé par l'entremise de la société ARC, et que cette dernière justifie d'après le total de 269 493 euros de commissions qu'elle a reçues de mai 2012 à mai 2014 calculé au taux de 15 % ou 20 %, et n'oppose aucune preuve contraire au dénombrement des soixante dix sept clients qui leur correspondent, ce dont il résulte la preuve de l'activité permanente de la société ARC ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'exception des marchés, passés avec les hôtels Marriot [Adresse 3] (pièces n° 8, 9 et 14 de la société Brintons) et, en particulier ceux du Ritz et [Localité 5], suivant la discussion au paragraphe 2 du présent arrêt, la société Brintons ne communique pas aux débats les bases contractuelles en vertu desquelles elle est entrée en relation d'affaire avec les autres clients pour lesquels elle a commissionné la société ARC, ni avec les hôtels Bristol, Carlton et Grand Hôtel dont la société ARC établit la preuve qu'elle est à l'origine des commandes (pièces n°15, 13 et 14, et 24 de la société ARC) ;
Considérant en troisième lieu, que nonobstant ses affirmations, la société Brintons ne fournit aucune indication sur les prescriptions ou l'encadrement qu'elle aurait imposés à la société ARC pour l'établissement des commandes, tandis que d'après les courriels mis aux débats par la société ARC, il est démontré qu'elle détaillait non seulement les fournitures des tissus, leur volume, les références du catalogue Brintons ainsi que les modalités de livraison, mais qu'elle recevait aussi les commandes directement avec les clients, avant que la société Brintons ne facture les marchés, ce qui caractérise la preuve de la liberté de la société ARC dans la négociation des marchés au nom et pour le compte de la société Brintons, la cour relevant que le poids de l'arbitrage du prix dans la négociation des marchés de tissus de marque dans l'hôtellerie de luxe est nécessairement minoré ;
Et considérant, en quatrième lieu, que la qualification du contrat d'agent commercial n'est pas subordonnée au bénéfice d'une exclusivité, il convient par ces motifs, d'infirmer le jugement qui a écarté l'application du contrat d'agent commercial, la discussion de l'appel incident de la société Brintons sur le rejet de l'indemnité reconnue par le tribunal ainsi que ses conclusions sur son absence de faute étant par voie de conséquence, sans objet.
3. Sur l'arriéré des commissions, l'indemnité de rupture et les dommages et intérêts
Considérant que la société ARC prétend, en premier lieu, à des commissions à valoir sur les marchés convenus avec les hôtels Ritz et [Localité 5] en revendiquant les projets de rénovation qu'elle avait réalisés, particulièrement en 2002 avec le premier, et dont elle affirme que la société Brintons les a détournés ;
Qu'au demeurant, la société ARC ne disposait d'aucune exclusivité pour la marque ni d'engagement de l'un ou l'autre de ces hôtels, et tandis que la matérialité même de son investissement pour ces travaux aux périodes auxquelles la société Brintons a convenu des marchés n'est pas établie autrement que par quelques courriels qui en font indirectement état, il convient de rejeter la demande de ce chef y compris celle de communication de pièces dont elle est le support ;
Considérant que la société ARC prétend, en deuxième lieu, à la condamnation de la société Brintons à lui verser une indemnité légale de 269 493 euros représentant l'équivalent de celles qu'elle a perçue sur la période contractuelle ;
Que les modalités de ce calcul, conformes aux prescriptions de l'article L. 134-12 du code de commerce, sont justifiées par la rupture soudaine des relations contractuelles dont la la société Brintons a pris l'initiative, pour des motifs totalement étrangers à l'agent commercial ou à son activité et qu'elle n'a pas même jugé utile de justifier par sa propre activité ;
Considérant, en troisième lieu, que la société ARC prétend à l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte que la société Brintons aurait portée à l'image de l'agence ARC auprès de clients et prospects très anciens, sans cependant étayer de la preuve de la réalité de cette atteinte, en sorte qu'elle sera déboutée de ce chef de demande.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société Brintons succombe à l'action, en sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles ; qu'il est équitable de la condamner à payer pour les deux instance la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de mettre à sa charge les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la société Brintons Carpets Limited ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Brintons Carpets Limited à verser à la société Agence Robert Catalan la somme de 269 493 euros sur le fondement de l'article L. 134-12 du code de commerce ;
Condamne la société Brintons Carpets Limited à payer à la société Agence Robert Catalan la somme de 7 000 euros d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Brintons Carpets Limited aux dépens d'appel dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François Leplat, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président