COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 MARS 2018
N° RG 17/01001
AFFAIRE :
SA RUCON FRANCE
C/
SARL AEROKART venant aux droits de la Société IMMONEL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Décembre 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2011F02663
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pierre GUTTIN,
Me Claire RICARD,
Me Bertrand ROL
Me Franck LAFON,
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA RUCON FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 17000041
Représentant : Me Véronique JOBIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SARL AEROKART venant aux droits de la Société IMMONEL
N° SIRET : 440 090 462
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017067
Représentant : Me Ruxandra PATRASCO de la SELARL LE FOYER DE COSTIL & PATRASCO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0019 -
SARL IMMONEL
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017067
Représentant : Me Ruxandra PATRASCO de la SELARL LE FOYER DE COSTIL & PATRASCO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0019 -
SA AXA ASSURANCES IARD en sa qualité d'assureur de la société AEROKART
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20170212
Représentant : Me Pascal CHAUCHARD de la SELARL CHAUCHARD ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0128 -
Société SODEXO ENERGIE & MAINTENANCE anciennement dénommée SA ALTYS MULTISERVICE
N° SIRET : 414 030 064
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20170091
Représentant : Me Joaquim RUIVO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0700 -
Société NICOTRA-GEBHADT GMBH
[Adresse 6]
[Adresse 6]
ALLEMAGNE
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757246
Représentant : Me Pierre LEVEQUE de l'AARPI DENTONS EUROPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0372 -
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonctyion de Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Immonel donne en location à la société Aerokart des installations situées dans un centre de loisirs, composées d'une piste de karting et d'un simulateur de saut en parachute. Ce simulateur, conçu et installé en 2002 par la société Altys Multiservices (devenue Sodexo Energie et Maintenance, ci-après Sodexo) fonctionne à l'aide de 12 ventilateurs acquis par cette société auprès de l'importateur, la société Rucon France (ci-après société Rucon). Les ventilateurs sont fabriqués par la société de droit allemand Nicotra-Gebhardt.
En 2006, la société Aerokart a constaté des désordres sur les moteurs des ventilateurs (acquis séparément) qu'elle estimait imputables à un défaut d'entretien de la société Sodexo. Une expertise a été ordonnée concluant effectivement à un défaut d'entretien. La société Aerokart a résilié le contrat de maintenance de la société Sodexo, qui a été remplacée par la société GM Ingénierie.
Le 25 février 2009, l'hélice d'un des ventilateurs a éclaté, provoquant la projection de particules métalliques et des dommages matériels, à l'exclusion de tout dommage corporel. Le remplacement du ventilateur a été pris en charge par la société Axa, assureur de la société Aerokart (pour une somme de 22.672,52 euros). La société Aerokart a ensuite décidé du renforcement des 11 autres ventilateurs, puis de leur remplacement en août 2009, outre des travaux de modification très conséquents pour un montant global de près d'un million d'euros, avant de solliciter la désignation d'un expert.
Par ordonnance du 8 décembre 2009, le président du tribunal de commerce de Versailles a désigné M. [R] en qualité d'expert, avec pour mission principale de rechercher l'origine des désordres affectant les ventilateurs. Ce dernier a déposé un rapport le 13 mai 2011, attribuant l'origine des désordres à une mauvaise réalisation des soudures des pales de ventilateur et fixant le préjudice subi par la société Aerokart à la somme de 87.730,73 euros TTC, et celui subi par la société Axa à la somme de 22.672,52 euros.
Les sociétés Aerokart, Immonel et Axa ont assigné la société Altys Multiservices (aujourd'hui Sodexo) en réparation des préjudices subis (demande en paiement des sommes de 87.730,73 euros et 22.672,52 euros), et celle-ci a appelé en garantie les sociétés Rucon et Nicotra-Gebhardt.
Soutenant avoir retrouvé - postérieurement au dépôt du rapport d'expertise - plusieurs factures qu'elles avaient égaré, les sociétés Aerokart et Immonel ont, en cours d'instance, augmenté leurs demandes indemnitaires, sollicitant désormais paiement de la somme de 447.819,48 euros (comprenant notamment le remplacement des 11 ventilateurs), la demande formée par la société Axa restant identique.
Par jugement avant dire droit du 16 octobre 2013, le tribunal de commerce - faisant droit à une demande de complément d'expertise - a désigné de nouveau M. [R] avec pour principale mission de dire si les désordres affectant les ventilateurs justifiaient le remplacement des rotors et l'engagement des autres dépenses invoquées par la société Aerokart à hauteur de 447.819,48 euros, et à défaut chiffrer le coût des travaux qui étaient impérativement nécessaires à la suite du sinistre de février 2009.
M. [R] a déposé son deuxième rapport le 31 octobre 2014, après mise en cause par les parties de la société GM Ingénierie. Il indique que le remplacement de tous les ventilateurs était nécessaire, ce qui entraîne un préjudice de 489.655 euros, dont 22.672,52 euros ont été pris en charge par la compagnie Axa.
Par jugement du 14 décembre 2016 le tribunal de commerce de Versailles a :
- dit irrecevable l'action de la société Rucon à l'encontre de la société GM Ingénierie (société ayant fait l'objet d'une procédure collective qui s'est achevée par une clôture pour insuffisance d'actif),
- rejeté les demandes d'interruption de l'instance,
- prononcé la nullité de l'expertise du 31 octobre 2014,
- condamné la société Sodexo Energie et Maintenance à payer à la société Immonel la somme de 381.238,48 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Sodexo Energie et Maintenance à payer à la société Axa la somme de 22.672,52 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Rucon à garantir la société Sodexo des condamnations prononcées à son encontre,
- dit irrecevables les appels en garantie à l'encontre des sociétés Nicotra-Gebhart,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- condamné la société Sodexo Energie et Maintenance à payer aux sociétés Immonel, Aerokart et Axa les sommes respectives de 10.000 euros, 2.000 euros et 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Rucon à payer aux sociétés Sodexo et Nicotra-Gebhart les sommes respectives de 10.000 euros et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Sodexo à payer à la société Nicotra-Gebhart la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Rucon aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 2 février 2017 par la société Rucon.
Vu les dernières écritures signifiées le 6 décembre 2017 par lesquelles la société Rucon Technologies demande à la cour de :
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a annulé le rapport d'expertise judiciaire du 31 octobre 2014 ;
Statuant à nouveau,
- annuler le rapport d'expertise judiciaire déposé le 31 mars 2011, en tout cas écarter les dites conclusions expertales ;
- ordonner une contre-expertise judiciaire technique des ventilateurs litigieux, avec la mission habituelle en pareille matière ;
Pour le cas où les ventilateurs litigieux auraient été détruits,
- ordonner une contre-expertise sur pièces, à partir de l'ensemble des documents contractuels, plans, documents de maintenance et de tous documents existants que l'expert commis se fera communiquer par l'ensemble des parties, et particulièrement par le concepteur et maître d''uvre du simulateur de vol et le fabriquant des ventilateurs ;
- dire que la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente du 5 février 2002 n'est pas rapportée ;
- débouter la Société Sodexo de son action en responsabilité contractuelle et de son action en garantie des vices cachés et la déclarer mal fondée en son appel en garantie ;
- dire que le préjudice allégué n'est pas justifié, tant dans le choix du remplacement pur et simple des ventilateurs que dans le quantum du préjudice ;
En conséquence,
- débouter les sociétés Aérokart, Immonel et Axa France de leurs demandes ;
- subsidiairement,
- déclarer la société Rucon recevable et bien fondée en son recours contre le fabricant, la société Nicotra-Gebhardt ;
- condamner la société Nicotra-Gebhardt à payer à la société Rucon des dommages et intérêts équivalents aux condamnations en principal, dommages et intérêts, intérêts moratoires, frais de justice, dépens et débours qui seraient mis à sa charge par la Cour, de telle sorte que la société Rucon soit indemne de toute condamnation ;
- condamner celui ou celle qui succombera à payer à la société Rucon la somme de 15.000 euros pour frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner celui ou celle qui succombera aux entiers dépens de l'instance.
Vu les dernières écritures signifiées le 21 décembre 2017 au terme desquelles la société Aerokart, agissant en son nom personnel, et comme venant aux droits de la société Immonel, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 14 décembre 2016 sauf sur le bénéficiaire de la condamnation d'une part et sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire du 31 octobre 2014 ;
En conséquence :
- Dire que le rapport d'expertise judiciaire du 31 octobre 2014 est valide ;
- Débouter la société Rucon de sa demande de contre-expertise judiciaire ;
- Dire que la société Sodexo a manqué à ses obligations contractuelles et la déclarer responsable des dommages subis par la société Aerokart venant aux droits d'Immonel et agissant en son nom personnel de ce fait ;
- Condamner la société Sodexo au paiement de 381.238,48 euros HT à la société Aerokart venant aux droits d'Immonel à titre de dommages et intérêts pour la remise en état des ventilateurs défectueux ;
- Débouter la société Sodexo de toute demande formée à l'encontre de la société Aerokart ;
- Condamner la société Sodexo au paiement de 10.000 euros à la société Aerokart venant aux droits d'Immonel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant au montant alloué par les premiers juges ;
- Condamner la société Sodexo au paiement de 2.000 euros à la société Aerokart agissant en son nom personnel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant au montant alloué par les premiers juges ;
- Condamner la société Sodexo au paiement de 15.000 euros à la société Aerokart venant aux droits d'Immonel et agissant en son nom personnel au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
- Condamner la société Sodexo en tous les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières écritures signifiées le 22 juin 2017 par lesquelles la société Axa Assurances IARD demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société Sodexo à payer à la Compagnie Axa des dommages et intérêts pour un montant de 22.672,52 euros avec capitalisation des intérêts à compter du 13 octobre 2009 et en ce qu'il a condamné la Société Rucon à relever et garantir indemne la Société Sodexo de la dite condamnation.
- Et y ajoutant,
Condamner la Société Sodexo à payer à la Compagnie Axa la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la Société Sodexo aux entiers dépens dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 16 août 2017 par lesquelles la société Sodexo demande à la cour de :
- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que la société Sodexo a engagé sa responsabilité contractuelle et l'a condamnée à payer des dommages et intérêts.
Statuant à nouveau :
- Dégager la société Sodexo de toute responsabilité dans le préjudice subi par les sociétés Aerokart et Immonel.
- Débouter les sociétés Aerokart et Immonel de l'intégralité de leurs demandes,
- En tout état de cause, dire et juger que les sociétés Aerokart et Immonel ne justifient pas d'un préjudice supérieur à la demande initiale de 87.730,73 Euros TTC.
Subsidiairement :
- Vu le rapport d'expertise du 31 mars 2011 complété par un addendum du 13 mai 2011 permettant d'établir la responsabilité du vendeur et du fabricant des ventilateurs litigieux,
- Dire les sociétés Rucon et Nicotra Gebhardt responsables du sinistre et du préjudice dont se plaignent les sociétés Aerokart et Immonel.
- En conséquence, condamner solidairement les sociétés Rucon et Nicotra Gebhardt à garantir à titre principal, frais et accessoires, la société Sodexo pour toutes condamnations prononcées à son encontre,
- Condamner les sociétés Aerokart, Immonel, Axa, Rucon et Nicotra Gebhardt au paiement d'une somme de 10.000 Euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 19 décembre 2017 par lesquelles la société Nicotra-Gebhardt demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit les sociétés Rucon et Sodexo irrecevables en leur appel en garantie faute d'avoir dénoncé à la société Nicotra-Gebhardt le défaut de conformité dans le délai de deux ans prévu à l'article 39 alinéa 2 de la Convention de Vienne sur la Vente Internationale de Marchandises,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du rapport d'expertise déposé le 31 octobre 2014,
En conséquence,
- Débouter les sociétés Sodexo et Rucon de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
En toute hypothèse,
- Condamner solidairement les sociétés Sodexo et Rucon à verser à la société Nicotra-Gebhardt la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle de 10.000 euros déjà allouée à ce titre par le Tribunal de commerce de Versailles dans son jugement entrepris du 14 décembre 2016,
- Condamner la société Rucon aux entiers dépens, dont la distraction sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur les demandes de nullité des rapports d'expertise et de contre-expertise
Il résulte de l'article 175 du code de procédure civile que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
Il résulte de l'article 114 du même code qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
Le premier juge a prononcé la nullité du second rapport d'expertise au seul motif que l'expert avait omis de convoquer la société GM Ingénierie.
En cause d'appel, les sociétés Rucon et Nicotra Gebhardt sollicitent la confirmation du jugement déféré sur ce point.
La société Rucon sollicite en outre la nullité du premier rapport d'expertise en ce qu'il repose sur des erreurs techniques graves, refuse de procéder aux analyses demandées ainsi qu'à l'examen des autres causes possibles du sinistre invoquées par le fabricant, et enfin en ce qu'il s'abstient d'exiger des parties la communication des pièces techniques demandées. Elle produit aux débats une expertise amiable soulignant les manquements et erreurs de l'expert judiciaire, et sollicite dès lors l'organisation d'une mesure de contre-expertise.
La société Sodexo critique également le rapport d'expertise, tant en raison du non-respect du principe contradictoire, que du fait de l'absence d'examen des installations et modifications et de l'absence de réponse à certaines questions, notamment quant à l'adéquation entre les performances techniques des matériels et leur utilisation réelle.
La société Aerokart conclut à la validité des deux expertises, soutenant que les dispositions légales "n'imposent pas la convocation" des parties, ajoutant qu'en tout état de cause la sanction d'une éventuelle absence de convocation n'est pas l'annulation du rapport. Elle s'oppose à la demande de contre-expertise, au motif qu'elle n'est présentée que de manière très tardive, critiquant en outre l'expertise non-contradictoire produite par la société Rucon. Elle ajoute que les ventilateurs défectueux ont été détruits à la suite de la première expertise.
Sur la demande de nullité du rapport d'expertise déposé le 31 octobre 2014 du fait du non-respect du principe contradictoire
Il résulte des termes du rapport que l'expert a convoqué les parties à deux reprises pour des réunions qui se sont tenues en novembre et décembre 2013, avant que la société GM Ingénierie ne soit mise en cause, en mars 2014. L'expert indique que cette société lui a fourni les devis et factures de maintenance qui lui ont permis d'accomplir sa mission. Force est toutefois de constater que la société GM Ingénierie n'a jamais été convoquée à aucune réunion d'expertise, de sorte que l'expert a ainsi omis de respecter le principe du contradictoire.
Il convient de rappeler que la seconde mission confiée à l'expert portait sur la nécessité ou non de procéder au remplacement de l'ensemble des ventilateurs à la suite du sinistre concernant l'un d'eux. L'intervention de la société GM Ingénierie en cours de procédure était ainsi d'autant plus nécessaire que c'était elle qui avait unilatéralement décidé le remplacement de l'ensemble des ventilateurs, et qu'elle était la mieux placée pour expliquer l'éventuelle nécessité de ce remplacement. En s'abstenant de convoquer la société GM Ingénierie à une réunion d'expertise, et en refusant de l'interroger sur les motifs du remplacement (ce qui constituait le but même de sa mission, tel que cela lui avait été expressément rappelé par voie de dire par les parties), l'expert a manqué au respect du contradictoire, ce manquement causant un grief certain aux sociétés Rucon et Nicotra-Gebhardt, en ce qu'elles n'ont pas été en mesure de poser un certain nombre de questions à cette société.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du rapport d'expertise du 31 octobre 2014.
Sur la demande de nullité du premier rapport d'expertise, et la demande subsidiaire tendant à voir écarter les conclusions de l'expertise
Il convient ici de rappeler que la nullité ne peut pas être prononcée si elle n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la société Rucon n'indique pas le fondement textuel de sa demande de nullité relative au premier rapport d'expertise et ne soutient pas que les différentes critiques qui lui sont adressées caractérisent l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Cette demande sera donc rejetée, et la demande tendant à voir écarter les conclusions de l'expertise sera examinée, si nécessaire, dans le cadre des développements sur le fond, de même que la demande de contre-expertise.
2 - sur l'action en responsabilité contractuelle exercée par les sociétés Aerokart et Axa à l'encontre de la société Sodexo
Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
En l'espèce, le premier juge a estimé que la société Sodexo avait : "engagé sa responsabilité contractuelle pour ce dysfonctionnement de l'installation", sans caractériser plus avant la faute commise par cette société, relevant uniquement qu'il ressortait de l'expertise que l'origine des fissurations des ventilateurs était imputable à la mauvaise géométrie des soudures.
La société Sodexo fait valoir que le premier rapport d'expertise met uniquement en cause la mauvaise exécution des soudures des pales et donc la fabrication des ventilateurs, indiquant que la responsabilité du fait de cette mauvaise fabrication incombe exclusivement aux sociétés Rucon et Nicotra-Gebhardt. Elle affirme n'avoir personnellement commis aucune faute de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée. Elle demande donc à être mise hors de cause.
Les sociétés Aerokart et Immonel admettent que les désordres ont pour origine un problème de fabrication des ventilateurs, maintenant toutefois exclusivement leur action à l'encontre de la société Sodexo au motif qu'elle est leur seule co-contractante, et sans établir ni même arguer d'un quelconque manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles.
La société Axa sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que la société Sodexo avait engagé sa responsabilité contractuelle compte tenu de la mauvaise exécution des soudures.
Force est ici de constater que les parties admettent clairement que les désordres ont pour origine un problème dans la fabrication des pales des ventilateurs. Il n'est pas contesté que cette défectuosité ne peut incomber à la société Sodexo qui n'est pas le fabricant des ventilateurs, mais qu'elle incombe a priori à la société Nicotra-Gebhardt.
Il n'est allégué aucun manquement de la société Sodexo à ses propres obligations contractuelles. Cette dernière justifie que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être mise en cause.
Le jugement déféré sera donc infirmé, et les sociétés Aerokart, Immonel et Axa seront déboutées de leur demande formée à l'encontre de la société Sodexo.
L'action principale des sociétés Aerokart, Immonel et Axa étant rejetée, il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par les sociétés Sodexo et Rucon.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du rapport d'expertise déposé le 31 octobre 2014,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Rejette la demande de nullité du premier rapport d'expertise,
Déboute les sociétés Aerokart, Immonel et Axa de leurs demandes à l'encontre de la société Sodexo Energie et Maintenance,
Dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,
Condamne les sociétés Aerokart, Immonel et Axa aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François LEPLAT, Conseiller et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,