COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 61B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 MARS 2018
N° RG 17/01902
AFFAIRE :
SAS STONE ANGELS
C/
SELARL C. [S] mission conduite par Me [D] [S] es-qualités de liq. jud. de la sté ECLAIR GROUPE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Février 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 2014F02301
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Christophe DEBRAY
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS STONE ANGELS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/02550 (Fond)
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757380
Représentant : Me Guillaume BUGE de l'AARPI SOLFERINO ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0201, substitué par Me HERVEY
APPELANTE
****************
SELARL C. [S] mission conduite par Me [D] [S] es-qualités de liq. jud. de la sté ECLAIR GROUPE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/02550 (Fond)
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17300
Représentant : Me Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0196
SA AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 72 2 0 57 4600
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/02550 (Fond)
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17300
Représentant : Me Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0196
S.A. CIRCLES GROUP
[Adresse 4]
[Adresse 4]F - LUXEMBOURG
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/02550 (Fond)
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, PPostulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23640
Représentant : Me Georges JOURDE de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06, substitué par Me VALLERY-MASSON
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Conseiller F.F. Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société par actions simplifiée Stone Angels, société de production cinématographique, a, sur proposition commerciale du 25 août 2012, confié à la société par actions simplifiée Eclair Group le développement des négatifs de tournage du film Grace de Monaco.
Le 26 juillet 2012, la société de droit belge UFilm, preneur d'assurance, a contracté, via le courtier de droit belge BCOH, au bénéfice de la société Stone Angels, assurée, une police d'assurance tous risques productions, afférente au dit film, auprès de la société anonyme de droit luxembourgeois Circles Group, courtier souscripteur d'assurance, laquelle a déclaré intervenir pour le compte des compagnies d'assurance Catlin Belgium, HDI Gerling Assurances et Axa Belgium, chacune supportant le risque à proportion de sa participation, soit respectivement 56%, 27,11% et 16,89%.
Le 19 novembre 2012, les négatifs des journées de tournage des 15 et 16 novembre 2012, réalisées à Gênes (Italie), ont été partiellement détruits lors de leur développement suite à une avarie affectant la machine utilisée par la société Eclair Group pour réaliser cette tâche.
Par mail du 20 novembre 2012, la société Eclair Group a informé la société Stone Angels du sinistre et déclaré à cette dernière qu'elle mettrait tout en 'uvre pour restaurer le plus de prises de vues possible.
Le 21 décembre 2012, la société Circles Group a pris attache avec la société anonyme Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle et risques spéciaux de la société Eclair Group et l'a conviée à une réunion contradictoire tenue le 4 janvier 2013 au cours de laquelle la société Stone Angels a indiqué aux parties que le réalisateur du film privilégiait un retournage.
Par courriel du 14 janvier 2013, la société Stone Angels a néanmoins demandé à la société Eclair Group de faire un essai de restauration sur une prise de vue spécifique.
De nouvelles scènes ont été tournées les 7 et 8 janvier 2013 à Gênes en remplacement de celles figurant sur les pellicules détruites.
Le 5 juin 2013 une réunion de visionnage de la prise restaurée a été organisée en présence de la société Stone Angels, de la société Gras Savoye, courtier de cette dernière, de la société Eclair Group et de la société Cunningham & Lindsey, expert désigné par la société Axa France Iard.
Par quittances d'indemnité du 31 juillet 2013 et du 11 mars 2014, la société Stone Angels pour l'une et la société UFilm pour l'autre ont accepté respectivement le versement d'une avance de 200.000 euros puis d'un solde d'indemnité de 160.343,65 euros au titre du sinistre du 19 novembre 2012 et subrogé la société Circles Group et les compagnies qu'elle représentait dans leurs droits.
Le 5 mars 2014, [N] [I], expert désigné par la société Circles Group, a produit un rapport définitif qui chiffre le sinistre à la somme de 368.343,65 euros et y déclare que ce chiffrage a été étudié contradictoirement avec la société Cunningham & Lindsey, cabinet d'expertise désigné par la société Axa France Iard, assureur de la société Eclair Group.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 octobre 2014, la société Eclair Group a mis en demeure la société Stone Angels de lui régler la somme de 332.408,06 euros dont 316.743,08 euros au titre des prestations relatives au film Grace de Monaco.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 novembre 2014, la société Stone Angels a contesté cette mise en demeure et indiqué à la société Eclair Group souhaiter obtenir judiciairement l'indemnisation de son préjudice non couvert par l'assurance.
Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société Eclair Group et ordonné son redressement judiciaire, puis, par jugement du 28 juillet 2015, prononcé sa mise en liquidation judiciaire, Maître [D] [S] étant successivement nommé mandataire judiciaire puis mandataire liquidateur.
C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier du 14 novembre 2014, la société Circles Group a fait assigner la société Eclair Group et la société Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
Vu l'article L.122-12 du code des assurances,
Recevoir Circles en sa demande et la déclarer bien fondée,
Condamner solidairement Eclair et Axa à lui payer la somme de 360.343,65 euros avec intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation,
Condamner solidairement Eclair et Axa à payer à Circles la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Cette affaire est enrôlée sous le n° 2014 F 02301.
Par actes d'huissier du 4 mars 2016, la société Stone Angels a fait assigner en intervention forcée Maître [S], ès qualités de liquidateur de la société Eclair Group et la société Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Nanterre lui demandant de :
Vu l'article 331 du code de procédure civile,
Déclarer Stone Angels recevable et bien fondée en son assignation forcée à l'encontre de la Selarl C. [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire d'Eclair,
Prononcer la jonction de l'instance avec la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Nanterre sous le n° 2014 F 02342 (sic),
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Cette affaire est enrôlée sous le n° 2016 F 00523.
Par décision du 3 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la jonction des affaires 2014 F 02301 et 2016 F 00523.
Par conclusions récapitulatives déposées à l'audience du 28 juin 2016, la société Stone Angels demandait au tribunal de :
Vu les articles 1137,1147, 1710 et 1935 du code civil,
Constater l'inexécution par Eclair de son obligation de tirage des pellicules du film « Grace de Monaco » qui lui avaient été remises par Stone Angels,
Constater l'inexécution par Eclair de son obligation de conservation des pellicules,
Constater que la destruction partielle des pellicules a pour origine un défaut d'entretien du matériel d'Eclair,
Débouter Me [S], ès qualités de liquidateur d'Eclair, de ses demandes tendant à l'irrecevabilité partielle de Stone Angels,
Condamner Me [S], ès qualités de liquidateur d'Eclair, à verser à Stone Angels les sommes suivantes :
o 65.042,35 euros au titre des charges non couvertes par Circles,
o 274.614 euros au titre du coût complémentaire de production,
o 9.900 euros au titre des dépassements de prestataires,
o 619.428 euros au titre du manque à gagner lié à la réduction des minima garantis,
o 100.000 euros au titre du préjudice commercial de Stone Angels,
o 50.000 euros au titre du préjudice moral de Stone Angels,
Condamner Me [S], ès qualités de liquidateur d'Eclair, à régler à Stone Angels 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens,
Dire que le montant alloué à Stone Angels se compenserait, à hauteur du plus petit des deux, avec celui dû à Eclair au titre de factures émises par cette dernière dans le cadre de son intervention sur le film « Grace de Monaco »,
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement entrepris du 8 février 2017 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Joint les causes ;
Débouté la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group et la SA Axa France Iard de leur demande visant à faire juger irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, la demande de la SA Circles Group tendant à obtenir la condamnation de la SA Axa France Iard à lui rembourser l'indemnité d'assurance versée par la SA Circles Group à la SAS Stone Angels ;
Débouté la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group et la SA Axa France Iard de leur demande visant à faire juger irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, la demande de la SAS Stone Angels tendant à obtenir la condamnation de la SA Eclair Group à lui rembourser les frais non couverts par l'indemnité d'assurance versée par la SA Circles Group à la SAS Stone Angels ;
Dit que la SA Eclair Group avait engagé sa responsabilité au titre des pellicules détruites lors du sinistre du 19 novembre 2012 ;
Condamné la SA Axa France Iard à payer à la SA Circles Group la somme de 360.343,65 euros, avec intérêts de droit à compter du 14 novembre 2014 dont il a ordonné la capitalisation dès lors que les conditions de l'article 1154 ancien du code civil seraient réunies ;
Condamné la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group à payer à la SAS Stone Angels la somme de 33.764 euros ;
Condamné la SAS Stone Angels à payer à la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group la somme de 316.743,08 euros, outre intérêts de retard calculés au taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de 10 points à compter du 16 octobre 2014 ;
Dit que le montant alloué à la SAS Stone Angels se compenserait avec celui dû par la SAS Stone Angels à la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group
Ordonné l'exécution provisoire du jugement, sans constitution de garanties, au seul titre du montant dû, après compensation, par la SAS Stone Angels à la Selarl C. [S] prise en la personne de Me [D] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Eclair Group ;
Dit qu'il n'y avait lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SA Axa France Iard aux entiers dépens de l'instance.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 8 mars 2017 par la société Stone Angels ;
Vu les dernières écritures signifiées le 13 décembre 2017 par lesquelles la société Stone Angels demande à la cour de :
Vu les articles 1137 (devenu 1197), 1147 (devenu 1231-1), 1710 et 1935 du Code civil,
A titre liminaire
Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Stone Angels recevable en sa demande d'indemnisation des coûts de tournage de 65.042,35 (euros) ;
Au fond
Confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la responsabilité d'Eclair était engagée au titre du sinistre survenu le 19 novembre 2012, du fait d'un défaut d'entretien du matériel d'Eclair Group ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le préjudice de Stone Angels était limité à la somme de 33.764 euros.
Statuant à nouveau,
Condamner Me [D] [S], ès qualité de liquidateur d'Eclair Group, à verser à Stone Angels les sommes suivantes :
- 65.042,35 euros au titre des charges non couvertes par Circles Group ;
- 270.273,65 euros au titre du coût complémentaire de production ;
- 9.900 euros au titre des dépassements de prestataires ;
- 889.487 euros au titre du manque à gagner lié à la réduction des minima garantis ;
- 100.000 euros au titre du préjudice commercial de Stone Angels ;
- 50.000 euros au titre du préjudice moral de Stone Angels ;
Dire et juger que le montant alloué à Stone Angels se compensera, à hauteur du plus petit des deux, avec celui dû à Eclair Group au titre de factures émises par cette dernière dans le cadre de son intervention sur le film Grace de Monaco ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a assorti le paiement des factures d'Eclair d'intérêts de retard au taux de refinancement de la BCE majoré de dix points ;
En conséquence,
A titre principal,
Juger qu'aucun intérêt de retard n'est dû ;
A titre subsidiaire,
Limiter ces intérêts de retard au taux mentionné dans les conditions générales de vente d'Eclair, du montant de l'intérêt légal multiplié par trois.
Condamner Me [D] [S], ès qualité de liquidateur d'Eclair Group à régler à Stone Angels la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris Versailles, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 29 novembre 2017 par lesquelles la société Axa France Iard et la Selarl C. [S], mission conduite par Maître [D] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eclair Group, demandent à la cour de :
Vu l'article 31 du Code de Procédure Civile,
le Règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008,
l'article L 121-12 du Code des Assurances,
les articles 1151 ancien, 1250 ancien, 1710, 1789 et 1984 du Code civil,
vu l'article L 441-6 du Code de commerce,
vu le jugement du Tribunal de Commerce de Nanterre du 8 février 2017
A titre liminaire
1°/ - Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé les Sociétés Circles Group et Stone Angels recevables et fondées en leurs prétentions à l'encontre des Sociétés Eclair Group et Axa France, statuant à nouveau,
2°/ - Constater que la Société de courtage de droit luxembourgeois Circles Group n'est qu'un intermédiaire ne justifiant pas d'un mandat exprès des sociétés Catlin Belgium, HDI Gerling et Axa Belgium d'agir en justice à l'encontre des sociétés Eclair Group et Axa France sur le fondement de la subrogation légale et/ou conventionnelle,
3°/ - Dire et juger en conséquence irrecevable la Société Circles Group en ses demandes, fins et prétentions d'obtenir à titre personnel, sans agir au nom et pour le compte des Sociétés d'assurance Catlin Belgium, HDI Gerling et Axa Belgium, la condamnation de la Société Axa France à lui rembourser des indemnités d'assurance réputées avoir été payées par les Assureurs,
4°/ - Constater que la Police d'assurance n°IO69008C1611Q1108878 ne couvrait pas la Ville [Localité 1] comme « lieu de tournage » avec pour conséquence que les conditions contractuelles de garantie des Sociétés Catlin Belgium, HDI Gerling et Axa Belgium n'étaient pas remplies,
5°/ - Dire et juger en conséquence que les Sociétés Catlin Belgium, HDI Gerling et Axa Belgium ne sont pas fondées à invoquer la subrogation légale,
6°/ - Constater, dire et juger que les conditions de la garantie conventionnelle ne sont pas non plus remplies en l'espèce au regard de la quittance subrogative de 160.343,65 euros,
7°/ - Constater, dire et juger qu'en toute hypothèse, ni la Société Eclair Group, ni la Société Axa France ne sont tenues au regard d'une quittance remise par la tierce Société de droit belge Ufilm Production 1 Sprl au profit des Sociétés Catlin Belgium, HDI Gerling et Axa Belgium,
8°/ - Constater que la Société Stone Angels ne justifie pas avoir supporté personnellement le paiement d'une somme de 65.042,35 euros au titre de « charges non couvertes »,
9°/ - Dire et juger irrecevable la Société Stone Angels faute d'intérêt à agir,
Sur le fond
10°/ - Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la Société Eclair Group aurait engagé sa responsabilité au titre des pellicules détruites lors du sinistre du 19 novembre 2012, statuant à nouveau sur ce point,
11°/ - Constater que le Cabinet Cunningham & Lindsey a conclu le 29 janvier 2013 au caractère accidentel du sinistre « non consécutif à un phénomène de vétusté ou de mauvais entretien », sans contestation de la Société Circles Group ou de la société Stone Angels,
12°/ - Constater que la Société Eclair Group faisait régulièrement entretenir les axes de la machine litigieuse par la Société de droit anglais Photomec, fabricante de cette machine,
13°/ - Dire et juger que la Société Eclair Group n'a commis aucune faute à l'origine de la rupture accidentelle et imprévisible, non consécutive à un défaut d'entretien, d'une lame de la machine Photomec ayant subitement et accidentellement cassé le 19 novembre 2012, sans qu'un tel incident ne soit jamais survenu au cours des 10 années précédentes,
14°/ - Constater, dire et juger que la Société Stone Angels, laquelle bénéficiait par ailleurs d'une garantie de bonne fin qu'il lui appartiendra de produire avec ses annexes, ne justifie aucunement du lien de causalité et des chefs de préjudice complémentaires qu'elle invoque à hauteur d'une somme globale de 1.319.660,65 euros,
15°/ - Débouter la Société Circles Group et la Société Stone Angels de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dénuées de fondement telles que formulées à l'encontre de la Société Eclair Group et de la Société Axa France,
A titre reconventionnel
16°/ - Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société Stone Angels au paiement, au profit de Me [D] [S] ès qualités de Mandataire Liquidateur de la Société Eclair Group, d'une somme de 316.743,08 euros TTC en principal, correspondant aux travaux effectués par la Société Eclair Group au titre du film « Grace de Monaco », outre les intérêts conventionnels de retard égaux aux taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points ; subsidiairement, les intérêts de retard égaux à trois fois le taux d'intérêt légal ou, très subsidiairement, les intérêts au taux légal, en tout état de cause à compter du 16 octobre 2014,
En toute hypothèse
17°/ - Condamner les Sociétés Circles Group et Stone Angels au paiement, chacune, d'une somme de 10.000 euros au profit de la Société Axa France sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
18°/ - Condamner la Société Stone Angels au paiement d'une somme de 10.000 euros au profit de Me [S] ès qualités de Mandataire Liquidateur de la Société Eclair Group,
19°/ - Condamner les Sociétés Circles Group et Stone Angels aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Debray, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 11 décembre 2017 par lesquelles la société Circles Group demande à la cour de :
Vu l'article les articles L 121-12 et L 124-3 du Code des Assurances,
Vu la convention des parties, telles qu'elle résulte des quittances régularisées le 31/07/2013 et 11/03/2014
Vu les paiements intervenus par virements des 01/08/2013 et 20/03/2014
Recevoir la société Circles Group, agissant au nom et pour le compte des compagnies d'assurance Catlin Insurance Company (UK) Limited, HDI Global SE et Axa Belgium, en ses écritures et la déclarée bien fondée ;
Statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par la société Stone Angels ;
Débouter Me [S] et Axa de leur appel dirigé à l'encontre de Circles Group de toutes fins qu'il comporte,
Confirmer le jugement entrepris et condamner la compagnie Axa France à payer à la société Circles Group agissant au nom et pour le compte des compagnies d'assurance Catlin Insurance Company (UK) Limited, HDI Global SE et Axa Belgium, la somme de 360.343,65 euros dont elle a reçu quittance, et ce avec intérêts de droit à compter du 14 novembre 2014, date de son assignation,
Dire que les intérêts échus produiront intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil,
Condamner la compagnie Axa France à payer à la société Circles Group la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les fins de non-recevoir :
Comme en première instance, la Selarl C. [S], liquidateur judiciaire de la société Eclair Group et la société Axa France Iard, assureur de cette dernière, soulèvent le défaut d'intérêt à agir de la société Circles Group et celui de la société Stone Angels en sa demande en paiement de la somme de 65.042,35 euros au titre des charges non recouvertes.
* * *
S'agissant du défaut d'intérêt à agir de la société Circles Group, la Selarl C. [S] et la société Axa France Iard soutiennent, au visa des articles L.121-12 du code des assurances et 1984 du code civil, que cette société ne serait pas une compagnie d'assurances, mais un simple courtier qui ne supporte donc pas personnellement le risque lié à la réalisation éventuelle de l'aléa garanti, risque supporté par Catlin Belgium, HDI Gerling Assurances et Axa Belgium, chacune à proportion de sa participation, soit respectivement 56%, 27,11% et 16,89%, dont elle se prévaut d'être la mandataire, sans justifier d'un mandat spécial.
Elles font valoir que la société Circles Group est la rédactrice, tant la police d'assurance que des quittances qu'elle met aux débats, sans que cela justifie du mandat dont elle dispose de la part des trois assureurs pour le compte duquel elle agirait, précisant que les lettres de ces trois assureurs, produites en cause d'appel, ne constituent toujours pas ce mandat spécial pour agir, lequel n'est nullement mentionné au titre de sa qualité à agir dans ses conclusions.
Elles ajoutent que les conditions de la subrogation légale de l'article L.121-12 ne sauraient être tirées de la prétendue obligation de la société Circles Group d'exécuter la police d'assurance, étant en outre observé que l'Italie était exclue des lieux de tournage garantis au contrat et donc la ville [Localité 1] où ont été tournées les scènes litigieuses et que les conditions de la subrogation conventionnelle de l'article 1250 du code civil, dans sa version alors applicable, ne sont pas davantage réunies, dès lors que la première quittance de 200.000 euros du 31 juillet 2013 ne peut être déterminée comme étant concomitante au paiement et que le seconde, de 160.343,65 euros n'émane pas de la société Stone Angels mais de la société UFilm.
La société Circles Group soutient quant elle être la mandataire des trois compagnies d'assurances Catlin Belgium, HDI Gerling Assurances et Axa Belgium, encaissant les primes et réglant les sinistres. Elle se prévaut des deux quittances d'indemnité qu'elle produit mais également des trois courriers des assureurs, rédigés en août 2017, qui l'habilitent à agir en justice pour le présent litige.
Il sera relevé que la police d'assurance mise aux débats par la société Circles Group mentionne la société UFilm comme preneur d'assurance, la société Stone Angels comme assuré et la société Circles Group comme assureurs on behalf of Catlin Belgium, HDI Gerling Assurances et Axa Belgium, chacune à proportion de sa participation, soit respectivement 56%, 27,11% et 16,89%, toutes trois ayant attesté, par trois courriers des 28 et 29 août 2017, avoir donné mandat à la société Circles Group pour agir en leur nom et les représenter pour souscrire la police IO69008C1611Q1108878 couvrant le film Grace de Monaco, gérer et administrer le sinistre ayant affecté les bobines des tournages des 15 et 16 novembre 2012 et procéder au recours et agir en justice à l'encontre d'Axa France et de son assuré afin de récupérer les sommes faisant l'objet des quittances subrogatives des 31 juillet 2013 et 11 mars 2014, signées par UFilm Production et Stone Angels.
L'intérêt à agir de la société Stone Angels ne peut, dans ces conditions, être sérieusement mis en question et le tribunal sera confirmé en ce qu'il a débouté la Selarl C. [S], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eclair Group et la société Axa France Iard, son assureur, de la fin de non-recevoir soulevée de ce chef.
* * *
En ce qui concerne le défaut d'intérêt à agir de la société Stone Angels, la Selarl C. [S] et la société Axa France Iard lui conteste la revendication du remboursement de la somme de 65.042,35 euros pour des coûts de retournage non couverts par l'indemnité d'assurance qu'elle ne prouverait pas avoir payés.
La société Stone Angels se prévaut quant à elle de l'existence de ses débours, tels que mentionnés au rapport d'expertise de [N] [I], diligenté à la demande de la société Circles Group.
Si la somme de 65.042,35 euros totalise un certain nombre de postes dont la justification du paiement peut éventuellement être critiquée, elle englobe une franchise de 8.000 euros, dont le montant n'est pas contesté, qui ne relève pas d'un débours particulier mais s'attache à l'ensemble du préjudice indemnisé, de sorte que la contestation de cette somme ne relève pas d'une fin de non-recevoir mais de la critique au fond de sa pertinence.
Par substitution de motifs la cour confirmera donc le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl C. [S] et la société Axa France Iard de la fin de non-recevoir soulevée de ce chef.
Sur la responsabilité de la société Eclair Group :
Il est constant que les bobines des tournages du film Grace de Monaco des 15 et 16 novembre 2012 ont été endommagées lors de leur traitement par la société Eclair Group.
La société Stone Angels et son assureur, la société Circles Group, recherchent sa responsabilité sur le fondement du contrat d'entreprise ou du contrat de louage d'ouvrage de l'article 1710 du code civil pour le travail de laboratoire et celui du contrat de dépôt de l'article 1915 du même code pour la conservation des pellicules, faisant peser sur elle des obligations de résultat et de restitution, sauf pour elle a démontrer l'existence d'une cause exonératoire.
Elles soutiennent en l'espèce que la société Eclair Group n'a, non seulement, pas satisfait à ses obligations mais s'est en outre rendu fautive d'un défaut d'entretien de son matériel de traitement des pellicules cinématographiques, dont il ressort des éléments versés aux débats, que l'axe mouillant qui s'est rompu était d'origine et avait donc douze ans d'âge.
La Selarl C. [S], ès qualités de liquidateur judiciaire, et la société Axa France Iard plaident pour leur part l'absence de faute de la société Eclair Group, l'assimilant à celle de l'ouvrier telle que la mentionne l'article 1789 du code civil, au constat d'une rupture totalement imprévisible et accidentelle de l'axe mouillant sans manquement à une obligation d'entretien.
Selon l'article 1789 du code civil : Dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute.
Sur la relation entre la société Stone Angels et la société Eclair Group, conclue à titre onéreux, ce qui n'est pas la caractéristique d'un contrat de dépôt, force est de constater que la faute de la société Eclair Group, au titre du contrat de louage d'ouvrage, consistant en un défaut d'entretien de l'appareillage Photomec, retenue par le tribunal, ne trouve son fondement que dans les dires de l'expert de la société Circles Group, [N] [I], qui, portant une appréciation juridique sur ses constats, a estimé que la rupture de l'axe mouillant se déduisait de l'ancienneté de la machine, qui n'était plus sous garantie ni entretenue régulièrement, sans documenter la nécessité qu'il y avait à entretenir particulièrement cette pièce, notamment au regard des prescriptions du constructeur, sans analyser la cause technique de sa rupture, ni comparer son usure à celle des autres pièces de même nature qui n'ont pas rompu.
La cour estime ainsi que la faute retenue par le tribunal n'est pas caractérisée et ne peut donc être valablement retenue à l'encontre de la société Eclair Group, la rupture de cet axe mouillant devant être déclarée fortuite, en l'état des investigations.
Réformant le jugement sur ce point, la cour déboutera donc la société Circles Group et la société Stone Angels de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Eclair Group, représentée par son liquidateur judiciaire, la Selarl C. [S] et son assureur, la société Axa France Iard.
Sur les sommes dues par la société Stone Angels à la société Eclair Group :
À titre reconventionnel, la Selarl C. [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eclair Group demande confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Stone Angels à lui payer la somme totale de 316.743,08 euros, outre intérêts de retard calculés au taux de refinancement de la Banque centrale européenne, majoré de 10 points.
Sur le principal, la société Stone Angels conteste le montant, en faisant valoir que la Selarl C. [S], ès qualités :
- tient pour inexistante la double inexécution de ses obligations au titre du contrat d'entreprise et du contrat de dépôt ;
- n'inclut pas la déduction des deux avoirs auxquels elle a d'ores et déjà consenti, à savoir :
- la déduction du bonus pour non sinistre, qu'elle a réglé par anticipation, d'un montant de 41.663 euros HT (49.828,95 euros TTC), figurant sur le décompte que la société Eclair Group lui a transmis le 21 novembre 2013
- un avoir de 10% sur le chiffre d'affaires global du film, ayant vocation, selon la société Eclair Group, à être calculé en fin de film sur le CA global et déduit sur les dernières factures du film, soit un montant de 26.483,27 euros (31.674 euros TTC).
Mais outre le fait que la cour a exonéré la société Eclair Group de toute faute, son liquidateur judiciaire soutient que la première déduction avait toujours conditionné la réalisation d'un geste commercial et la seconde la renonciation d'initier une action judiciaire en lien avec l'incident survenu en novembre 2012 et le règlement rapide de sa créance.
Il ressort de l'échange de courriels du 28 novembre 2013 entre la société Stone Angels et la société Eclair Group que les déductions n'ont rien d'acquis, puisque le directeur financier de la société Stone Angels demande à son interlocutrice de lui confirmer que l'on est bien sur les mêmes montants.
Il conviendra dans ces conditions, de confirmer la somme en principal due par la société Stone Angels et non contestée en première instance, selon décompte de la société Eclair Group, arrêté au 9 septembre 2014, mis aux débats.
Sur le taux des intérêts de retard sollicités par la Selarl C. [S], ès qualités, la société Stone Angels rappelle les dispositions de l'article L.441-6 du Code de commerce, selon lesquelles : (...) Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. (...).
Elle expose qu'en l'espèce, les conditions générales de la société Eclair Group prévoyaient, en cas de retard dans le paiement d'une facture, des intérêts de retard calculés sur la base du taux d'intérêt légal multiplié par trois.
La Selarl C. [S] lui rétorque que, de manière contradictoire, la société Stone Angels affirme elle-même dans son assignation devant le tribunal de commerce de Nanterre, à propos de l'exonération de responsabilité de la société Eclair Group, que ses conditions générales ne lui ont pas été présentées lorsque les pellicules lui ont été confiées et qu'elles ne sont donc pas entrées dans le champ contractuel.
Elle ne peut toutefois, sans elle-même se contredire, écarter ses propres conditions générales qui sont dérogatoires à l'article L.441-6 du code de commerce et qui doivent donc trouver application en l'espèce, le jugement étant réformé en ce sens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, dans ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Selarl C. [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée Eclair Group et la société anonyme Axa France Iard, condamné la société par actions simplifiée Stone Angels à payer à la Selarl C. [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée Eclair Group, la somme de 316.743,06 euros, ordonné l'exécution provisoire, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 et condamné la société anonyme Axa France Iard aux dépens de l'instance,
Et statuant à nouveau,
Déboute la société par actions simplifiée Stone Angels et la société anonyme de droit luxembourgeois Circles Group de toutes leurs demandes,
Dit que les intérêts de retard sur la somme de 316.743,06 euros seront égaux au taux d'intérêt légal multiplié par trois depuis le 16 octobre 2014,
Rejette toutes demandes plus amples,
Et y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société par actions simplifiée Stone Angels et la société anonyme de droit luxembourgeois Circles Group aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,