COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 30Z
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 MARS 2018
N° RG 17/02830
AFFAIRE :
SAS EDPI - SOCIETE EUROPEENNE DE DISTRIBUTION DE PIECE S INDUSTRIELLES
C/
SCI I.A.V.
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Audrey ALLAIN,
Me Nadia CHEHAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS EDPI - SOCIETE EUROPEENNE DE DISTRIBUTION DE PIECE S INDUSTRIELLES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344 - N° du dossier 20170404
Représentant : Me Elisabeth DE KREUZNACK de la SELARL TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0366 -
APPELANTE
****************
SCI I.A.V.
N° SIRET : 323 00 4 5 311
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Nadia CHEHAT,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88 - N° du dossier 2017/519
Représentant : Me Thierry-frédéric PEY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0856 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madameme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat de bail commercial du 23 décembre 1987, avec effet au 1° avril 1987, la société civile immobilière IAV a donné en location à la société Vulco France - aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (ci-après société EDPI) - un bâtiment à usage de magasin et bureaux situé à [Adresse 3]. Les lieux loués étaient destinés à un commerce de "achats, ventes et services de tous produits se rattachant de près ou de loin aux véhicules roulants, notamment pneumatiques".
Par acte notarié du 2 décembre 2003, ce bail a fait l'objet d'un renouvellement pour une durée de 9 années, moyennant paiement d'un loyer annuel de 30.320,88 euros HT, les autres conditions du bail initial étant maintenues.
Par acte du 8 décembre 2011, la société EDPI a fait signifier un congé à la société IAV pour le 30 juin 2012. Elle a libéré les lieux à cette date.
Estimant que le local commercial n'avait pas été correctement entretenu par le locataire, la société IAV a sollicité en référé la désignation d'un expert. Par ordonnance du 27 novembre 2012, le Président du tribunal de grande instance de Blois a fait droit à cette demande, et l'expert a déposé son rapport le 30 juillet 2014.
Par acte du 5 août 2015, la société IAV a fait assigner la société EDPI devant le tribunal de grande instance de Chartres en réparation des préjudices subis du fait d'un défaut de remise en état des lieux loués, sollicitant paiement des sommes principales de 40.000 euros au titre du coût des travaux de remise en état, 34.301,02 euros au titre de la perte de jouissance, et 51.120,00 euros au titre de la décôte sur le prix de vente du bien.
Par jugement du 1° mars 2017, le tribunal de grande instance de Chartres a condamné la société EDPI à payer à la société IAV les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et capitalisation des intérêts :
- 40.000 euros au titre du coût des travaux de remise en état,
- 34.301,02 euros au titre de la perte de jouissance,
- 51.120 euros au titre de la décôte sur le prix de vente du bien,
- 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 6 avril 2017 par la société EDPI.
Vu les dernières écritures signifiées le 23 novembre 2017 par lesquelles la société EDPI demande, pour l'essentiel, à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2016,
- Statuant à nouveau, juger la société IAV mal fondée en ses demandes et prétentions à l'encontre de la Société EDPI,
- Concernant les travaux de remise en état des locaux, juger que la société IAV doit se voir imputer l'intégralité des travaux de remise en état de la couverture et du bardage de la façade du bâtiment, ainsi que 50% du coût des travaux de second 'uvre au titre de la vétusté,
- Donner acte à la société EDPI qu'elle accepte de prendre à sa charge 50% du coût des travaux de second 'uvre, soit 11.580 euros TTC,
- A titre subsidiaire, fixer le coût des réparations incombant à la Société EDPI à la somme de 23.160 euros TTC, correspondant à l'évaluation faite par l'expert judiciaire des travaux de peinture et de plomberie,
- Débouter la société IAV de ses demandes au titre d'une prétendue perte de loyers et d'une prétendue décote sur le prix de vente de l'immeuble, comme étant mal fondées et non justifiées,
- A titre subsidiaire, juger qu'en tout état de cause la Société IAV ne peut prétendre à une perte de loyers au-delà de 9 mois et demi, soit un préjudice limité à 16.197 euros,
- La débouter de toute autre demande,
- Condamner la société IAV à payer à la société EDPI la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de référé et d'expertise, avec distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 16 novembre 2017 au terme desquelles la société IAV demande à la cour de :
- débouter la société EDPI de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens formulés tant à titre principal qu'à titre subsidiaire.
- confirmer le jugement prononcé le 1° mars 2017 en l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la société EDPI,
- condamner la société EDPI au paiement d'une somme de 4.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société EDPI aux dépens d'appel, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur la demande en paiement de travaux de remise en état des lieux
Le bail du 23 décembre 1987 comprend une clause relative à l'entretien et à la réparation des lieux rédigée de la manière suivante : "le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel, lesdits locaux étant livrés à l'état brut, tous les aménagements intérieurs des locaux loués seront effectués par les soins et aux frais de la société locataire. Il les entretiendra pendant le cours du bail en bon état, sans pouvoir exiger du bailleur aucune autre réparation que celles visées à l'article 606 du code civil, et sans pouvoir exercer aucun recours contre ledit bailleur pour quelque cause que ce soit."
Le premier juge a fait droit à la demande du bailleur en paiement d'une somme de 40.000 euros au titre des travaux de remise en état des lieux. Il a constaté que la demande portait, d'une part sur des travaux de peinture pour 38.936,56 euros (devis Portevin du 23 juillet 2012), d'autre part sur des travaux de plomberie pour 2.093,43 euros (devis société Baptiste du 9 août 2012), soit un total de 41.029,99 euros. Toutefois, la demande étant limitée à 40.000 euros, le premier juge a également limité la condamnation à cette somme.
Le bailleur sollicite confirmation du jugement sur ce point, sa demande en paiement portant ainsi d'une part sur les travaux de peinture, d'autre part sur les travaux de plomberie. Il ajoute que l'évaluation de ces travaux par l'expert (à hauteur de 23.160 euros) n'est qu'indicative et ne lie pas le juge, contestant le principe d'application d'un coefficient de vétusté au regard de l'état de dégradation avancé des lieux.
La société EDPI conteste l'évaluation des travaux de remise en état, faisant observer que l'expert a retenu une somme de 21.600 euros pour les travaux de peinture et 1.560 euros pour les travaux de plomberie, soit une somme totale de 23.160 euros. Elle soutient en outre qu'il convient d'appliquer un coefficient de vétusté, rappelant que les locaux ont été occupés durant 27 ans, et que le locataire n'est pas tenu des réparations liées à la vétusté. Elle offre ainsi de régler une somme de 11.580 euros au titre des travaux de peinture et de plomberie, après application d'un coefficient de vétusté de 50%.
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L'expert a retenu la nécessité d'une remise en état des lieux, d'une part au titre du clos et du couvert pour 16.620 euros (grosses réparations n'incombant pas au locataire), d'autre part au titre de travaux de second oeuvre pour 30.240 euros. Toutefois, le bailleur ne sollicite paiement que d'une partie des travaux de second oeuvre, à savoir ceux relatifs à la peinture et à la plomberie.
S'agissant du montant des travaux de peinture et de plomberie, l'expert a bien eu connaissance des devis produits par le bailleur pour un montant total de 41.029,99 euros, tels qu'annexés au dire du bailleur du 1° août 2013. Force est toutefois de constater que - tout en admettant un état de dégradation important - l'expert n'a pas retenu ces devis, chiffrant les travaux de remise en état de la peinture à la somme de 21.600 euros TTC et ceux concernant la plomberie à la somme de 1.560 euros TTC, soit une somme globale de 23.160 euros TTC.
L'unique devis produit par le bailleur, d'une part pour les travaux de peinture, d'autre part pour les travaux de plomberie, n'est pas suffisant pour remettre en cause l'estimation pertinente réalisée par l'expert, de sorte que la cour retiendra l'évaluation de l'expert à hauteur de la somme de 23.160 euros.
La conclusion de l'expert selon laquelle : "l'entretien courant et la remise en état n'ont pas été réalisés, loin s'en faut, l'aspect des lieux laissés par ESP (aux droits de laquelle se trouve EDPI) après son départ correspond plus à du vandalisme" ne correspond pas aux constatations qu'il a faites et n'est pas techniquement argumentée. En effet, l'expert a principalement fait le constat d'une restitution des lieux "en état d'usage", à savoir : une peinture de sol qui selon ses propres termes "a fait son temps", quelques plaques de faux plafond dégradées ou manquantes, nécessité d'une "peinture de rafraichissement" dans les sanitaires, lave main à changer, quelques appareillages laissés en place....Seule l'installation d'alarme est considérée comme ayant été "vandalisée, ou déposée sans ménagement", poste pour lequel le bailleur ne forme d'ailleurs aucune demande.
L'état des lieux relevé par l'expert ne fait donc pas apparaître de dégradations excédant un usage normal des lieux loués durant une période de 27 ans, de sorte qu'il convient de faire application d'un coefficient de vétusté sur les travaux de remise en état, la cour estimant pouvoir retenir - au regard de la durée d'occupation des lieux - le coefficient de 50%, tel que proposé par le locataire.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, les travaux de remise en état incombant au locataire étant fixés à la somme de : 23.160 euros x 50% = 11.580 euros. La société EDPI sera condamnée au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du jugement du 1° mars 2017, et capitalisation des intérêts.
2- Sur la demande en réparation d'une perte de jouissance
Le premier juge a retenu une perte de jouissance de 18 mois (entre le départ du locataire en juin 2012 et la vente du local en décembre 2013), compte tenu du fait que le local ne pouvait être reloué "dans l'état dans lequel il a été laissé". Il a donc condamné le locataire au paiement d'une somme de 34.301 euros à ce titre.
Le bailleur sollicite la confirmation du jugement déféré sur ce point, rappelant l'état de dégradation des locaux, et la difficulté à trouver un nouveau locataire, ce qui l'a finalement conduit à vendre son bien immobilier.
Le locataire sollicite l'infirmation du jugement, faisant valoir qu'il n'est pas démontré que l'état des lieux empêchait une relocation, ajoutant qu'en tout état de cause le bailleur pouvait faire réaliser les travaux de remise en état pour relouer, d'autant que les travaux de gros oeuvre lui incombaient. Il ajoute qu'il n'est pas responsable du choix du bailleur de rechercher un acquéreur plutôt que de relouer, faisant observer que la mise en vente a été faite très rapidement, dès le 29 octobre 2012 (4 mois après son départ des lieux).
La nécessité de travaux de remise en état étant acquise, la faute du locataire qui n'a pas restitué les lieux en bon état est également acquise. Le préjudice subi par le bailleur ne peut toutefois excéder la durée nécessaire à la remise en état des lieux. En l'espèce, l'expert a indiqué que la durée prévisible des travaux était de 4 à 5 mois pour l'ensemble des travaux, tant de gros oeuvre (non imputables au locataire) que de second oeuvre. La cour estime dès lors que la perte de jouissance du bailleur ne peut être évaluée à plus de 2,5 mois. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, la société EDPI étant condamnée à payer au bailleur la somme de : 1.905,60 euros x 2,5 = 4.764 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de jouissance. Les intérêts au taux légal courront à compter du jugement du 1° mars 2017, outre capitalisation des intérêts.
3 - sur la demande en réparation du préjudice subi du fait d'une perte sur le prix de vente
Le premier juge a considéré qu'en ne procédant pas aux travaux nécessaires à la remise en état des lieux, la locataire avait commis une faute entraînant un préjudice pour le bailleur dès lors que ce dernier a vendu son bien avec une décôte, qu'il a évaluée à la somme de 51.120 euros conformément à l'évaluation de l'expert.
Le bailleur sollicite confirmation du jugement déféré sur ce point, contestant l'argumentation du locataire selon laquelle son préjudice trouverait ainsi une double indemnisation.
La société EDPI s'oppose à cette demande, au motif notamment que la société IAV ne peut en même temps demander la remise en état des lieux et solliciter remboursement d'une décôte sur le prix de vente au motif que les travaux de remise en état n'ont pas été faits.
La demande en remboursement de la décôte sur le prix de vente est fondée sur le fait que la locataire n'a pas effectué les travaux de remise en état nécessaires à la fin du bail. Dès lors que la locataire a été condamnée au paiement de ces travaux de remise en état, il ne peut lui être demandé en plus d'indemniser le bailleur de la décôte du prix de vente qu'il a subie, ce qui caractériserait une double indemnisation du même préjudice.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, la société bailleresse étant déboutée de sa demande à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société EDPI au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société EDPI au paiement de frais irrépétibles et des dépens,
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Condamne la société EDPI à payer à la société IAV les sommes suivantes :
- 11.580 euros au titre des travaux nécessaires à la remise en état des lieux,
- 4.764 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de jouissance,
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 1° mars 2017,
Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société EDPI aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,