COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 MAI 2018
N° RG 16/07115
AFFAIRE :
SA IMMOBILIERE 3 F
C/
[D] [H] [B]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Août 2016 par le Tribunal d'Instance de PUTEAUX
N° RG : 11-16-0080
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 22/05/18
à :
Me Estelle FAGUERET-
LABALLETTE de la SCP COURTAIGNE AVOCATS
Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-
BARREAUX JRF AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX MAI DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA IMMOBILIERE 3 F
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Estelle FAGUERET-LABALLETTE de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 518 - N° du dossier 018694
Assistée de Me TRIPALDI, Avocat, substituant Me Hela KACEM de l'ASSOCIATION KACEM - CHAPULUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0220
APPELANTE
****************
Madame [D] [H] [B]
née le [Date naissance 1] 1952 à[Localité 2] (78)
de nationalité
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [C] [W] [B]
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2] (78°
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20161107
Assistée de Me Florie VINCENT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2109
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Serge PORTELLI, Président,
Madame Isabelle BROGLY, Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,
FAITS ET PROCÉDURE,
M. [F] [B], père de Mmes [D] et [C] [B], a conclu le 7 février 1957 un bail d'habitation portant sur un logement sis [Adresse 3].
M. [F] [B] est décédé le [Date décès 1] 1997.
Son épouse Mme [H] [M] [B] est décédée le [Date décès 2] 2013.
Par lettre du 20 janvier 2014, Mme [D] [B] a demandé à la société Immobilière 3F le transfert du bail à son nom et à celui de sa soeur Mme [C] [B].
Par lettre du 6 novembre 2014, la société Immobilière 3F a notifié à Mmes [D] et [C] [B] le rejet de la demande par la commission d'attribution au motif que Mme [C] [B] ne justifiait pas d'un an de présence dans le logement.
La commission d'attribution a une nouvelle fois rejeté la demande le 28 juillet 2015.
Par lettre en date du 30 juillet 2015, la société Immobilière 3F a demandé à Mmes [D] et [C] [B] de lui restituer le logement.
Cette demande restant sans effet, la société Immobilière 3F a, par acte d'huissier en date du 15 janvier 2016, assigné Mmes [D] et [C] [B] aux fins de :
- prononcer la résiliation judiciaire du bail au 15 octobre 2013,
- dire que les défenderesses sont occupantes sans droit ni titre depuis cette date,
- ordonner l'expulsion des défenderesses ainsi que celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique,
- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux dans tel garde-meubles ou resserre au choix de la partie requérante,
- condamner in solidum les défenderesses à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant de la quittance locative si le bail s'était poursuivi à compter du 15 octobre 2013 et jusqu'à libération effective des lieux,
- condamner les défenderesses à lui payer la somme de 653,18€, compte arrêté au terme d'octobre 2015 inclus,
- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 1.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire.
Par jugement du 12 août 2016, le tribunal d'instance de Puteaux a :
- constaté que Mmes [D] et [C] [B] sont co-titulaires du droit au bail du logement n°275 sis [Adresse 3]) depuis le 20 avril 1997,
- débouté la société Immobilière 3F de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné à la société Immobilière 3F de mentionner les noms de Mmes [D] et [C] [B] sur les quittances de loyer et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par manquement à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent, cette juridiction se réservant expressément le pouvoir de liquider l'astreinte,
- condamné la société Immobilière 3F à payer à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 1.380 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mmes [D] et [C] [B] du surplus de leur demande reconventionnelle,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Immobilière 3F aux dépens.
Par déclaration en date du 30 septembre 2016, la société Immobilière 3F a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions transmises le 7 février 2018, elle demande à la cour de:
- recevoir la société Immobilière 3F en son appel et l'y dire bien fondée,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- constater que Mme [H] [M] [B], seule titulaire du contrat de location en date du 7 février 1957, est décédée le [Date décès 2] 2013,
- dire et juger que Mmes [D] et [C] [B] ne répondent pas aux conditions du transfert du bail et en conséquence,
- prononcer la résiliation judiciaire du bail au 15 octobre 2013,
- dire et juger que Mmes [D] et [C] [B] sont occupantes sans droit ni titre du logement situé dans l'immeuble sis [Adresse 3],
- ordonner, en conséquence, l'expulsion immédiate de Mmes [D] et [C] [B] ainsi que celle de tous occupants de leur chef avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est,
- autoriser la demanderesse à faire séquestrer les objets mobiliers trouvés dans les lieux dans tel garde-meubles ou réserve qu'il lui plaira aux frais, risques et périls de la défenderesse,
- condamner in solidum Mmes [D] et [C] [B] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant de la quittance locative si le bail s'était poursuivi à compter du 15 octobre 2013 et jusqu'à la libération effective des lieux,
- débouter Mmes [D] et [C] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner in solidum Mmes [D] et [C] [B] à payer à la société Immobilière 3F une somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, qui seront directement recouvrés par Me Kacem pour ceux la concernant, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 18 décembre 2017, Mmes [D] et [C] [B] demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondées Mmes [D] et [C] [B] en leur appel incident et, y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mmes [D] et [C] [B] du surplus de leur demande reconventionnelle, à savoir la demande de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi et, statuant à nouveau,
- condamner la société Immobilière 3F à payer à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 2.000 € au titre du préjudice moral subi,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
- condamner la société Immobilière 3F à payer à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 2.460 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société Immobilière 3F aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF Avocats représentée par Me Rol, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 février 2018.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS
Le tribunal a motivé sa décision de la façon suivante. M. [F] [B], père de Mmes [D] et [C] [B], avait conclu le 7 février 1957 un bail d'habitation portant sur un logement sis [Adresse 3]. Ce bail était soumis à la loi du 1er septembre 1948 et ne contenait aucune disposition concernant le décès du locataire. L'article 5 de cette loi n'envisageait que la transmission du droit au maintien dans les lieux et non la transmission du bail demeurant régi par le code civil. Au moment de son décès, le [Date décès 1] 1997, M. [B] avait toujours la qualité de locataire. Dès lors, conformément aux règles du code civil, Mmes [D] et [C] [B] avaient hérité du droit au bail et en étaient devenues co-titulaires. Le tribunal a considéré qu'il importait peu que la société bailleresse ait conclu avec le préfet un conventionnement dans la mesure où ce conventionnement ne pouvait
être rétroactif et produire d'effet sur une situation juridique acquise depuis 1997. En conséquence, le tribunal a rejeté les demandes de la société Immobilière 3F mais aussi les demandes reconventionnelles de consorts [B], aucun abus de droit n'étant caractérisé.
L'appelante soutient que les dispositions du code civil retenues par le jugement ne permettent pas le transfert du bail aux enfants de M. [B] mais seulement à son épouse. Celle-ci est décédée le [Date décès 2] 2013. Dès lors les conditions relatives au transfert de bail à ses enfants doivent être examinées à cette date. Or l'immeuble dans lequel est situé le logement a fait l'objet d'un conventionnement entre la SADIF (ancien propriétaire de l'immeuble) et le préfet le 29 décembre 2006, ce conventionnement prenant effet à la date de sa signature. Il en résulte que le bail initial est soumis à la loi du 6 juillet 1989 et notamment aux dispositions applicables en cas de décès du locataire. La société Immobilière 3F soutient donc qu'elle est en droit de faire application des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 au vu desquels les critères d'attribution ne sont pas réunis.
Les consorts [B] reprennent l'argumentation du jugement dont elles demandent confirmation.
Aux termes de l'article 1742 du code civil, le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur.
M. [B] est décédé le [Date décès 1] 1997.
L'article 1751 du code civil alors applicable prévoyait que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux.
La loi du 3 décembre 2001 applicable à compter du 1er juillet 2002 a ajouté un troisième alinéa à l'article 1751 prévoyant qu'en cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément. Cette disposition, postérieure au décès de M. [B], ne peut modifier les droits des enfants de M. [B] qui, dès le décès de leur père, étaient donc co-titulaires du bail avec Mme [H] [B], leur mère.
Par ailleurs, comme l'a parfaitement jugé le tribunal, l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 n'envisageait que la transmission du droit au maintien dans les lieux et non la transmission du bail demeurant régi par le code civil.
Il en résulte que Mmes [D] et [C] [B] sont devenues héritières de plein droit du droit au bail en 1997 et qu'elles ne peuvent se voit opposer les dispositions du conventionnement conclu entre la SADIF (ancien propriétaire de l'immeuble) et le préfet en date du 29 décembre 2006.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté que Mmes [D] et [C] [B] sont co-titulaires du droit au bail du logement n°275 sis [Adresse 3]) depuis le 20 avril 1997,
- débouté la société Immobilière 3F de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné à la société Immobilière 3F de mentionner les noms de Mmes [D] et [C] [B] sur les quittances de loyer et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par manquement à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent, cette juridiction se réservant expressément le pouvoir de liquider l'astreinte,
et de rejeter l'ensemble des demandes de l'appelante.
S'agissant du préjudice moral invoqué par les intimées, il apparaît que la société Immobière 3F était en droit de faire valoir son argumentation qui s'appuie sur des moyens sérieux faute d'être pertinents. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.
Le jugement ayant donc été confirmé en toutes ses dispositions, il le sera également en ce qu'il a condamné la société Immobilière 3F à payer à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 1.380€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Immobilière 3F ayant succombé dans ses demandes en cause d'appel, les dépens exposés devant la cour seront à sa charge et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
S'agissant de la procédure d'appel, il apparaît équitable de condamner la société Immobilière 3F, tenue aux dépens, à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 1.500€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- confirme le jugement en toutes ses dispositions,
- rejette l'ensemble des demandes de la société Immobilière 3F et les demandes contraires de Mmes [D] et [C] [B],
- y ajoutant, condamne la société Immobilière 3F à payer à Mmes [D] et [C] [B] la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Immobilière 3F aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avocats dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,