COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56C
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 JUILLET 2018
N° RG 16/03669
AFFAIRE :
X... Y...
...
C/
Société ENEDIS anciennement dénommée ERDF ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 31 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 3
N° Section :
N° RG : 2014F01325
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.07.18
à :
Me Véronique H...
Me Bertrand Z...,
TC NANTERRE,
M.P
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TROIS JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
- Monsieur X... Y...
Mas du Retour - Domaine Grande Grange
[...]
- SARL BEIJA G... A...
Mas du Retour
[...]
Représentés par Maître Véronique H... de la B..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 13916 et par Maître I..., avocat plaidant au barreau de BEZIERS
APPELANTS
****************
Société ENEDIS anciennement dénommée ERDF ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE
[...]
[...]
Représentée par Maître Bertrand Z... J... F...-E... C... AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20160423 et par Maître P. D... avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2018, Madame Sophie K..., présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie K..., Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
L'avis du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général a été transmis le 10 janvier 2018 au greffe par la voie électronique
La société Beija G... A... a pour activité la production d'électricité d'origine renouvelable.
Afin de favoriser le développement des énergies renouvelables en France, la loi du 10 février 2000 a organisé les modalités de conclusion des contrats d'achat de l'électricité ainsi produite entre la société Electricité de France (ci-après EDF) et les producteurs de celle-ci.
Cette loi a notamment donné lieu aux décrets d'application du 6 décembre 2000 et du 10 mai 2001 et aux arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 qui fixent les prix d'achat.
Il est ainsi fait obligation à la société EDF de conclure avec les producteurs intéressés un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les installations de EDF vend son énergie aux consommateurs.
Le raccordement de ces installations au réseau de distribution est réalisé par la société Électricité Réseau de France, devenue Enedis (ci-après 'la société Enedis').
Dans le cadre de cette réglementation, la société Beija G... A... a décidé de l'implantation d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 173 kWc, sur la commune de Mèze, en toiture d'un bâtiment appartenant à M. X... Y..., gérant de la société Beija G... A.... Son projet étant soumis à proposition technique et financière de raccordement au réseau (ci-après 'PTF'), le délai d'instruction de la demande de raccordement était de trois mois à compter de la date de réception de la demande complète.
Elle a ainsi envoyé, par l'intermédiaire de son mandataire, la société Solid, une demande de raccordement. Le 4 octobre 2010, la société Enedis a accusé réception de cette demande qu'elle a datée du 26août2010.
Une première PTF a été envoyée par la société Enedis le 19 novembre 2010 puis une seconde datée du 29novembre2010 qui a été acceptée et retournée par la société Beija G... A... par courrier posté le 6décembre2010.
Le décret du 9 décembre 2010 entré en vigueur le 10 décembre 2010 a suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques, aucune demande de contrat d'achat ne pouvant être déposée durant la période de suspension et les demandes suspendues devant faire l'objet, à l'issue de la période de suspension, d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau. Cette suspension ne s'applique toutefois pas aux installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF. A l'issue de ce moratoire, un arrêté du 4 mars 2011 a fixé le prix d'achat de cette électricité à des tarifs inférieurs à ceux prévus par les arrêtés antérieurs et exclu du bénéfice de l'obligation d'achat les installations d'une puissance supérieure à 100 kWc, désormais soumises à une procédure d'appel d'offres.
A la fin de la période de suspension, la société Beija G... A... n'a pas déposé de nouvelle demande de raccordement.
Soutenant que la société Enedis avait commis des fautes, M. Y... l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de son préjudice. La société Beija G... A... est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement contradictoire du 31 mars 2016 le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté M. X... Y... de toutes ses demandes ;
- pris acte de l'intervention volontaire de la Sarl Beija G... A... ;
- débouté la SARL Beija G... de toutes ses demandes ;
- dit qu'il n'y a lieu de surseoir à statuer ;
- condamné solidairement M. X... Y... et la SARL Beija G... A... à payer à la société Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné solidairement M. X... Y... et la SARL Beija G... A... aux dépens.
Par déclaration reçue le 31 mai 2016, M. X... Y... et la société Beija G... A... ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance d'incident du 22 mai 2017, le conseiller de la mise en état a débouté la société Enedis de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Versailles dans le cadre de la procédure venant devant cette juridiction portant le n° RG 16/05166 (affaire CS Ombrière Le Bosc).
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 novembre 2017, M. X... Y... et la société Beija G... A... demandent à la cour :
- constatant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause ;
- constatant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire ;
- constatant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de remettre en cause une disposition législative ;
- constatant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile ;
- constatant que la société Enedis comme ses assureurs1 n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables ;
- constatant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif ;
- constatant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés;
- en tout état de cause, constatant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la contribution au service public de l'électricité ;
- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués;
- constatant la faute de la société Enedis consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire ;
- constatant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions ;
- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule société Enedis des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010;
- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à la société Enedis de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement ;
- constatant que la société Enedis est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation ;
- constatant que la société Enedis n'a pas même respecté une obligation de moyens en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique ;
- constatant la parfaite connaissance par la société Enedis du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure ;
- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure ;
- constatant l'aveu de la société Enedis devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination ;
- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande ;
- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque ;
- constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement ;
- constatant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu;
- constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société Enedis et débouté la concluante de sa demande indemnitaire ;
- par voie de conséquence, condamner la société Enedis sur la base de la somme de 947 667 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- à titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner la société Enedis sur la base de la somme de 988 505 euros ;
- constatant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 947 667 euros ;
- condamner en outre la société Enedis au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Buquet-Roussel-de-Carfort.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, la société Enedis demande à la cour de :
1) A titre principal, sur la confirmation du jugement,
- constater que le dossier a été instruit par elle dans les délais ;
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mars 2016 ;
- débouter la société Beija G... A... et Monsieur Y... de l'ensemble de leurs demandes et de leur requête d'appel ;
2) Subsidiairement, sur le caractère non réparable du préjudice allégué,
- dire et juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat ;
- constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;
- dire et juger que cet arrêté est illégal et que son application doit, en tout état de cause, être écartée ;
- au besoin, écarter 1'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec 1Tarticle 108 paragraphe 3 du TFUE ;
- rejeter, en conséquence, les demandes de la société Beija G... A... et Monsieur Y... fondées sur une cause illicite ;
3) Plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante,
- dire et juger que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir la société Beija G... A... est la perte d'une chance (i) d'avoir pu matérialiser son accord sur une PTF avant le Ie décembre 2010 minuit (ii) puis d'avoir obtenu un contrat d'achat après avoir réalisé et mis en service sa centrale dans un délai de 18 mois et (iii) enfin d'avoir pu exploiter sur 20 ans sa centrale virtuelle ; que cette perte de chance est inexistante et, dès lors, non indemnisable ;
4) Encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance,
- dire et juger que les hypothèses de calcul de l'assiette de préjudice sont totalement injustifiées en leur principe et leur quantum ;
5) Reconventionnellement,
- condamner la société Beija G... A... et Monsieur Y... à lui payer une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Le ministère public, dans son avis notifié aux parties le 10janvier2018, sollicite de la cour qu'elle tire les conséquences de l'ordonnance rendue par la Cour de justice de l'Union européenne le 15 mars 2017 dans l'affaire C-515/16 et adopte les points de droit suivants ' le mécanisme de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité, en application des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, doit être considéré comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat. En effet, dès lors qu'il accorde un avantage aux producteurs de cette électricité, cet avantage est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres et d'avoir une incidence sur la concurrence ; sont ainsi réunis les critères de l'aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les arrêtés susvisés, pris en méconnaissance de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont entachés d'illégalité, et, dès lors, ne peuvent être appliqués à la présente affaire'. Il s'en rapporte enfin à la sagesse de la cour sur le caractère juridiquement réparable d'un ou de plusieurs préjudices invoqués par l'intimée, qui pourrait reposer sur un fondement autre que les arrêtés ministériels susmentionnés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Les appelants soutiennent que la société Enedis avait l'obligation de mettre à disposition la PTF au plus tard le 26novembre2010, sa demande complète de raccordement ayant été reçue par la société Enedis le 26août2010, que la PTF n'a été produite que le 29novembre2010 et ne lui a été adressée que le 1er décembre2010, une précédente PTF envoyée par lettre du 19novembre2010 étant erronée, que n'ayant pas reçu la PTF avant le 26novembre2010 sa demande n'a pas été instruite dans les délais, que sans cette faute que la société Enedis ne conteste pas elle aurait pu retourner son accord sur la PTF avant l'entrée en vigueur du moratoire de sorte que la société Enedis a engagé sa responsabilité.
Ils prétendent également que la société Enedis a violé son obligation légale d'instruire les dossiers sans discrimination, que dans une décision du 14 février 2013 l'Autorité de la concurrence a ainsi indiqué poursuivre une enquête sur ce point car les éléments recueillis étaient de nature à mettre en évidence des pratiques discriminatoires, que dans un audit réalisé par elle-même la société Enedis reconnaît que le traitement des demandes a répondu à d'autres règles que leur date d'enregistrement, qu'alors que leur propre demande n'a pas été instruite dans les trois mois une autre société a obtenu une PTF en moins de cinq semaines et un GAEC a obtenu une PTF le 23novembre2010 pour une demande du 31août 2010 alors qu'il était situé près de 150 places plus loin dans la file d'attente et qu'ainsi le principe de leur demande est justifié sur ce seul fondement.
La société Enedis prétend qu'elle a respecté le délai d'instruction de trois mois puisqu'elle a adressé une PTF le 19novembre2010, qu'à la suite d'une discussion concernant le coût du raccordement une deuxième PTF a été transmise le 29novembre2010, que la PTF ayant été retournée par courrier posté le 6décembre2010 la demande de la société Beija G... A... est entrée dans le champ du moratoire défini par le décret du 9décembre2010.
La société Enedis conteste tout traitement discriminatoire des demandes de raccordement répliquant que la décision du 14 février 2013 de l'Autorité de la concurrence n'établit pas un tel traitement, que celle du 17décembre 2013 concerne les sociétés EDF et EDF EN et un autre sujet, que le Conseil d'Etat ne l'a pas sanctionnée dans un arrêt du 28novembre2012 qui a annulé le tarif d'utilisation du réseau de distribution d'électricité dont la détermination relève du Gouvernement et non de la société Enedis.
* Sur le non respect du délai
Il résulte de la délibération de la commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre et de son annexe 1 que la société Enedis avait l'obligation de transmettre aux demandeurs une PTF dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement complète.
L'article 7.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel de la société Enedis, applicable à compter du 3 juillet 2010 (ERDF-PRO-RAC-14E Version V.1) pour les installations d'une puissance supérieure à 36 kVA, prévoit
que ' A l'issue de cet examen et lorsque le dossier est complet, la demande de raccordement est qualifiée. La date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet ou à la date de réception de la dernière pièce manquante. ERDF confirme par courrier postal ou électronique au demandeur que son dossier est complet. A cette occasion, ERDF communique également la date de qualification de sa demande de raccordement (...) ainsi que
le délai d'envoi de l'offre de raccordement'.
L'article 8.2.1 de ce document précise qu'à "compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement (...) n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement".
Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la société Enedis commet une faute délictuelle lorsque le délai de trois mois dont elle dispose pour adresser une PTF à un candidat au raccordement au réseau électrique n'est pas respecté.
Ce délai maximum de trois mois dans lequel la PTF doit être transmise au demandeur court à compter de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement et s'apprécie à la date de réception de la PTF par le demandeur et s'apprécie à la date de réception de la PTF par le demandeur.
Les parties ne contestent pas que la société Enedis a reçu le 26août2010 une demande de raccordement complète.
Les appelants ne versent aux débats que la PTF datée du 29novembre 2010 envoyée par la société Enedis par lettre recommandée le 1er décembre2010 comme en fait foi le cachet postal.
Ils ne contestent pas l'existence d'une première PTF dont la lettre d'envoi est datée du 19novembre2010. Ils affirment que cette première PTF, qu'aucune des parties ne produit, était erronée sans énumérer les erreurs qui affectaient cette PTF ni les démontrer puisqu'en ne produisant pas les deux PTF ils ne permettent pas à la cour de les comparer.
Quant à la société Enedis elle produit la lettre d'envoi de la PTF et du devis, l'acompte étant fixé au montant de 10.382,65€ TTC, en date du 19novembre 2010 reçue par le mandataire de la société Beija G... A... le 23novembre2010 comme en fait foi l'avis de réception. Est agrafée à ces pièces la page 2/7 du devis 'exemplaire à retourner accompagné de votre règlement' paraphée par le demandeur qui ne comprend pas le montant dactylographié de l'acompte mais portent les mentions manuscrites 'chq de 9.758,14€' et' 360 323 007 OK' '715215523 = 200112309" et '6308808=9758,14", la somme de 9.758,14€ correspondant à l'acompte prévu dans la deuxième PTF.
Il résulte de ces pièces qu'après l'envoi de la première PTF seul le montant de l'acompte a été modifié à la baisse et non le coût du raccordement. Aucune des parties ne s'explique sur les motifs ayant conduit à cette révision de l'acompte et la société Beija G... A... manque ainsi à démontrer qu'elle a résulté d'une erreur de la part de la société Enedis.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la société Beija G... A..., sur laquelle repose la charge de la preuve du manquement allégué, avait régulièrement reçu une PTF le 23novembre2010 dans le délai imparti à la société Enedis. La preuve d'une faute de la société Enedis tirée du non-respect du délai d'instruction de la demande de raccordement n'est donc pas rapportée par la société Beija G... A....
* Sur le traitement discriminatoire
Quant aux allégations de traitement discriminatoire, la décision du 14 février 2013 concerne des pratiques reprochées à la société ERDF dans le traitement des demandes de raccordement des installations photovoltaïques et des pratiques de favoritisme de la société ERDF vis à vis de la société EDF EN, et, au vu des éléments recueillis, n'exclut pas que 'lors de la période ayant précédé le moratoire, les filiales ERDF et RTE qui reçoivent les demandes de raccordement aient pu favoriser le traitement des projets portés par les filiales photovoltaïques du groupe de manière à ce que ces dernières puissent bénéficier des tarifs d'achat pré-moratoire beaucoup plus avantageux au plan économique'. Elle en conclut que l'instruction au fond doit être poursuivie. Aucune preuve de ce que cette instruction ait finalement abouti à mettre en évidence de telles pratiques n'est cependant rapportée et cette décision est en outre insusceptible de caractériser une discrimination dont la société la société Beija G... A... aurait été elle-même victime.
Les deux dossiers cités par cette dernière pour étayer ses allégations de traitement discriminatoire ne sont pas plus probants. L'un concerne la société Hélios production dont la demande a été déclarée complète le 28 octobre 2010 mais qui n'a pas échappé au moratoire. L'autre concerne la proposition de raccordement adressée le 23 novembre 2010 au GAEC de Coatyliven, dépendant de l'agence de l'Ouest de la société Enedis à Laval, différente de celle ayant traité la demande de la société Beija G... A... et qui mentionne que la demande a été déclarée recevable le 30 août 2010.
La seule remise à un producteur d'une PTF dans les délais requis ne caractérise pas davantage la discrimination alléguée, mais seulement la capacité de la société Enedis à traiter certaines des demandes dans le délai maximum qui lui était imparti, ce qu'elle a au demeurant fait pour la demande de la société Beija G... A....
Aucun traitement discriminatoire n'est donc caractérisé.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Condamne la société Beija G... A... à payer à la SA Enedis la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Beija G... A... aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie K..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,