COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IE
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 SEPTEMBRE 2018
N° RG 17/03340 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RQJC
AFFAIRE :
Alain Roger Michel X...
...
C/
Jean-Francois Y...
...
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 02 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 14/11031
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 18/09/2018
à :
Me Julia Z...
Me Christophe A...
TGI NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
- Monsieur Alain Roger Michel X...
né le [...] [...]
[...]
- La S.C.I. DE PUYBRANDET Prise en la personne de son administrateur ad hoc : M. X... Alain (demeurant [...])
Les sablons
[...]
Représentés par Maître Julia Z... avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 22 et par Maître Alexandre B... avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
- Monsieur Jean-Francois Y...
Les Moussousses
24750 CHAMPCEVINEL
- La I... ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA RISKS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège - N° SIRET : 775 65 2 1 26
[...]
- La I... venant aux droits de la SA COVEA RISKS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège - N° SIRET : 440 04 8 8 82
[...]
- La C... prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentés par Maître Christophe A... avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17532 et par Maître Jean-Pierre D... avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Juin 2018, Madame Sophie J..., présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie J..., Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-H... MONASSIER
Le 27 septembre 1989 la SCI de Puybrandet (la SCI), gérée par M. Alain X..., a souscrit un prêt auprès du Crédit lyonnais afin d'édifier un centre de kinésithérapie. Ce prêt était garanti par une société de caution mutuelle, le Crédit médical de France, les époux X... étant également cautions solidaires du prêt.
Suite au non respect par la SCI de ses obligations, le Crédit médical de France a payé les échéances dues au titre du prêt.
Par jugement du 3 novembre 1994, le tribunal de grande instance d'Angoulême a condamné les époux X..., en leur qualité de caution, à payer au Crédit médical de France la somme de 1 459 680,42 francs.
Par la suite une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la SCI, laquelle a fait l'objet d'une résolution du plan de redressement et d'une liquidation judiciaire par jugement du 24 juin 2004, Me Jean-H... Y... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
En suite de la vente de l'immeuble appartenant à la SCI aux enchères pour la somme de 62 000 € le 26 avril 2006, le tribunal de grande instance d'Angoulême a par jugement du 27 mai 2009 prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire.
Considérant que Me Jean-H... Y... avait commis des fautes en ne protégeant pas l'immeuble appartenant à la SCI, lequel avait fait l'objet d'actes de vandalisme et de dégradations, et de ne pas avoir souscrit d'assurance, notamment pendant la durée de validité de l'offre d'achat amiable, M. Alain X..., déclarant agir en sa qualité de caution de la SCI, l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Périgueux qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Limoges.
Par jugement du 12 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Limoges a déclaré M. Alain X... irrecevable, faute d'être subrogé dans les droits du Crédit médical de France, à agir en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de Me Jean-H... Y... en sa qualité de liquidateur de la SCI. Par arrêt rendu le 6 mai 2014, la cour d'appel de Limoges a dit n'y avoir lieu à annuler ce jugement et l'a confirmé.
Saisi par assignation de la SCI de Puybrandet et de M. Alain X..., en qualité d'administrateur ad hoc de ladite SCI, à l'encontre de Me Y..., liquidateur judiciaire, et de ses assureurs, les sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) venant aux droits de la société Covéa Risks, au titre de sa responsabilité civile professionnelle, et ce en présence de la Selarl Vila et de Me K..., administrateurs provisoires de l'étude de Me Y..., le tribunal de grande instance de Nanterre, a par jugement réputé contradictoire du 2 mars 2017 notamment :
- mis hors de cause la SELARL Francis E... et Me F... K... ès qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de Me Jean-H... Y...,
- déclaré M. Alain X... irrecevable en toutes ses demandes tant à l'égard de Me Jean-H... Y... qu'à l'égard de son assureur, les sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) venant aux droits de la société Covéa risks,
- déclaré la SCI de Puybrandet irrecevable en toutes ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. Alain X... à payer à Me Y... d'une part et aux sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) d'autre part une indemnité de 3 000 € au titre de
l'article 700 du code de procédure civile et à la SELARL Francis E... ès qualités une indemnité de 1 500 € au même titre,
- condamné M. Alain X... aux dépens avec droit de recouvrement direct.
M. Alain X... et la SCI de Puybrandet ont fait appel de la décision le 26 avril 2017.
Selon ordonnance d'incident rendue le 5 décembre 2017, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré cet appel recevable.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 avril 2018, M. Alain X... et la SCI de Puybrandet demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a mis hors de cause la C... et Me Christian K... ès qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de Me Jean-H... Y... et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et en conséquence infirmer les chefs de jugement par lesquels le tribunal a :
* déclaré M. Alain X... irrecevable en toutes ses demandes tant à l'égard de Me Jean-H... Y... qu'à l'égard de son assureur, les sociétés I... assurances mutuelles et I... venant aux droits de la société Covéa risks,
* déclaré la SCI de Puybrandet irrecevable en toutes ses demandes,
* condamné M. Alain X... à payer à Me Y... d'une part et aux sociétés I... assurances mutuelles et I... d'autre part à chacun une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la SELARL Francis E... ès qualités une indemnité de 1 500 € au même titre,
* condamné M. Alain X... aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dire irrecevables les demandes de première instance de la C... ès qualités d'administrateur provisoire de Me Jean-H... Y... formées par conclusions signifiées le 18 mars 2016,
- constater que la SCI de Puybrandet est représentée par M. Alain X... ès qualités d'administrateur ad hoc et que ce dernier fait siennes les assignations, conclusions et demandes de la SCI de Puybrandet,
A titre principal,
- condamner in solidum les sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) à payer à M. Alain X... ès qualités de caution de la SCI de Puybrandet la somme de 290 137,75 € à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum les sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) à payer à M. Alain X... la somme de 65 827,39 € à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- condamner in solidum la société I... assurances mutuelles et la société I... à payer à la SCI de Puybrandet et à M. X... la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence ;
- fixer le point de départ des intérêts au 10 mai 2005,
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 10 mai 2006,
- dire irrecevables et en tout cas rejeter toutes les demandes de Me Jean-H... Y..., de la société I... assurances mutuelles, de la société I..., de la C... ès qualités d'administrateur provisoire de Me Jean-H... Y...,
- déclarer commun et opposable à Me Jean-H... Y... l'arrêt à venir,
- condamner in solidum la société I... assurances mutuelles et la société I... à payer à M. X... ès qualités de caution la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
S'agissant de l'irrecevabilité de l'appel soulevée par les intimés, ils soutiennent que les juges du fond n'ont pas le pouvoir de statuer sur cette fin de non recevoir, par application des articles 914 et 916 du code de procédure civile et que l'ordonnance du conseiller de la mise en état a autorité de chose jugée au principal sur cette fin de non recevoir.
Ils soutiennent que M. Alain X... a qualité à agir et que ses demandes à l'égard de l'assureur sont recevables car, poursuivi en exécution de son engagement de caution, il subit un préjudice personnel, distinct de celui subi collectivement par les créanciers, résultant des fautes commises par le liquidateur et dont il cherche à obtenir réparation par l'allocation de dommages et intérêts qui lui permettraient de rembourser les sommes dont il est tenu envers la société Interfimo, venant aux droits du Crédit médical de France. En réplique, ils précisent que ces demandes ne sont pas nouvelles mais augmentées conformément à l'article 565 du code de procédure civile.
Sur l'absence d'autorité de la chose jugée et de prescription des demandes de M. X... à l'égard de l'assureur ainsi que sur le bien fondé de l'intérêt à agir et la qualité à agir de M. X... les appelants indiquent s'approprier les motifs du jugement sur ces points.
S'agissant des demandes de M. X... à l'égard de Me Jean-H... Y..., ils soutiennent que celles-ci sont recevables en ce qu'ayant formé en première instance une demande de dommages et intérêts contre Me Y... qui incluait virtuellement une demande d'opposabilité de l'autorité de la chose jugée du jugement à venir contre le liquidateur, ils forment en appel une demande de déclaration de jugement commun à l'égard de Me Y..., relatif à l'action directe contre son assureur. Ils précisent que cette demande est la conséquence, le complément et l'accessoire de la demande de condamnation formée en première instance, qu'ils y ont intérêt afin que Me Y..., assuré redevable de la franchise de 10%, ne puisse pas former tierce opposition à l'arrêt à venir de ce chef et que celui-ci n'ayant pas été pris en qualité d'intervenant devant les juges de Limoges, il ne peut bénéficier d'aucune autorité de chose jugée de leur décision faute d'identité de qualité, enfin que l'objet de l'action est différente puisqu'il s'agit d'une action directe de la victime contre l'assureur.
Concernant les demandes de la SCI de Puybrandet, ils font valoir que celles-ci sont également recevables dès lors que la régularisation de la capacité et du pouvoir du représentant de la SCI intervenue en cours d'instance a couvert toutes les irrégularités de fond. Ils considèrent que la personnalité morale d'une société dissoute survivant aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés en vertu de l'article 1844-8 du code civil, l'existence de la créance d'indemnisation de la SCI à l'encontre de Me Y... et de son assureur emporte la survie de sa personnalité morale à leur égard, peu important que la clôture de sa liquidation judiciaire et sa radiation au registre du commerce et des sociétés soient intervenues.
Ils ajoutent que le moyen selon lequel l'administrateur ad hoc, à savoir M. Alain X..., n'a pas qualité à représenter l'intérêt collectif de la société et que sa désignation n'aurait pas régularisé la capacité d'ester de la SCI du Puybrandet sera écarté en l'absence de reprise au dispositif des conclusions des intimés, que la SCI invoque un préjudice
personnel qui ne relève pas non plus de la masse des créanciers, qu'il n'y a pas de prescription de cette demande en raison de l'effet interruptif de l'assignation du 27 mai 2014.
Ils font valoir que les demandes de la C... ès qualités formées par conclusions du 18 mars 2016 sont irrecevables en raison du fait qu'elle n'était plus l'administrateur provisoire de Me Jean-H... Y... depuis le 18 juillet 2014.
Sur le fond, ils prétendent que l'action directe contre l'assureur est fondée car la responsabilité civile professionnelle de son assuré, Me Jean-H... Y... en tant que liquidateur judiciaire est engagée puisque ce dernier a commis des fautes qui leur ont causé des préjudices. Après avoir rappelé que le liquidateur judiciaire doit agir avec prudence et diligence, ils expliquent que les fautes commises par le liquidateur judiciaire, qui s'est abstenu de surveiller et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour la conservation des biens de la SCI, résident dans le défaut de protection du bâtiment de la SCI pourtant inhabité, l'absence de toute souscription d'assurance adéquate pour couvrir les sinistres liés à la détérioration du bien vacant meublé, la résiliation de l'assurance 'multirisque propriétaire non occupant' aux torts exclusifs de Me Jean-H... Y... pour 'non paiement' à compter du 16 janvier 2005 et son avarice fautive résultant du refus d'avancer 154,32 € pour payer les primes de l'assurance multirisques habitation souscrite, ainsi que la somme nécessaire pour une assurance adéquate contre les actes de vandalisme et de 34,99 € pour un système d'alarme, sans que le caractère impécunieux de la procédure collective, au demeurant non prouvé, ne puisse l'exonérer eu égard à l'existence d'un fonds de financement des dossiers impécunieux et au devoir d'honneur et de désintéressement dans l'exercice de son activité qui lui imposaient d'avancer les débours.
La SCI et M. X... tant en sa qualité d'administrateur ad hoc de la SCI qu'en sa qualité de caution estiment que les préjudices dont ils demandent réparation sont en lien avec ces fautes.
Par leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 mai 2018, M. Jean-H... Y..., les sociétés I... assurances mutuelles et I..., venant aux droits de la SA Covéa risks, et la C..., ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de Me Y..., demandent à la cour de :
- dire et juger que les actions et demandes de M. Alain X... ainsi que de la SCI de Puybrandet et de M. X..., ès qualités d'administrateur ad hoc, sont irrecevables pour prescription, défaut d'intérêt et de qualité à agir et comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,
- dire et juger irrecevables toutes éventuelles demandes contre la SA Covea risks, radiée et non intimée, prenant et donnant acte de ce qu'en l'état des conclusions récapitulatives des appelants, plus aucune demande n'est dirigée contre la SA Covea risks,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* mis hors de cause la SELARL Francis E... et Me Christian K... ès qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de Me Jean-H... Y...,
* déclaré M. Alain X... et la SCI de Puybrandet irrecevables en toutes leurs demandes, M. Alain X... du chef de l'autorité de la chose jugée et la SCI de Puybrandet comme prescrite,
* condamné à M. Alain X... à payer à Me Jean-H... Y..., aux I... assurances mutuelles et aux I... SA 3 000 € chacun et à la SELARL Francis E... ès qualités la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
En tant que de besoin,
- dire et juger M. Alain X... également irrecevable en toutes ses demandes comme prescrit et pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, et irrecevable en ses demandes, nouvelles en appel, respectivement pour 50 064,39 € du chef d'un prétendu 'défaut d'extinction de la dette à régler par la caution', pour 9 300,80 € au titre d'un soi-disant 'défaut d'extinction de la dette à régler par la caution (...) correspondant aux frais/débours (...) et conservation de la chose' et pour 290 137,75 € au titre de ce que M. Alain X... dit avoir payé en 2018 à Interfimo,
- dire et juger la SCI de Puybrandet et M. Alain X... en qualité d'administrateur ad hoc de cette SCI également irrecevables en toutes leurs prétentions, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
Subsidiairement,
- dire et juger que M. Alain X... ainsi que la SCI de Puybrandet et M. Alain X... ès qualités d'administrateur ad hoc de la SCI ne font la démonstration d'aucun préjudice en lien causal avec une faute de Me Jean-H... Y..., qui n'en a commis aucune, et les débouter de leurs demandes,
En toute hypothèse, ajoutant au jugement entrepris,
- condamner in solidum M. Alain X... en son nom et en qualité d'administrateur ad hoc de la SCI Puybrandet et la SCI de Puybrandet à payer à chacun des concluants une somme supplémentaire de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre 5 000 € à Me Jean-H... Y... à titre de dommages-intérêts pour action et appel abusifs, et aux entiers dépens d'appel, avec applications de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Christophe A..., avocat.
Ils rappellent que les appelants n'ayant pas renoncé à leurs demandes formées contre la C... ès qualités alors que l'administration provisoire de l'étude de Me Jean-H... Y... par la Selarl Francis E... et Me Christian K... avait pris fin depuis l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Perigueux du 18 juillet 2014, le jugement a légitiment accueilli la demande d'indemnité procédurale formée par la C... ès qualités.
Constatant que M. Alain X... avait déjà assigné le 27 mai 2013 aux mêmes fins Me Jean-H... Y... devant le tribunal de grande instance de Perigueux, procédure qui a donné lieu à un arrêt confirmatif et définitif du 4 mai 2014, ils invoquent l'irrecevabilité des demandes formées par celui-ci contre M. Y..., qui ne peut pas être 'intervenant' devant la cour, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, et par voie de conséquence l'irrecevabilité, et à tout le moins le rejet, des demandes formées contre la SA Covea risks et les sociétés I..., l'assureur ne pouvant être tenu à indemnisation si l'action en responsabilité contre son assuré a déjà été définitivement rejetée.
Ils prétendent que M. Alain X... n'a pas d'intérêt à agir vis à vis de l'assureur dès lors que la clôture de la procédure collective de la SCI ayant été prononcée, tout préjudice ne pourrait qu'être celui des créanciers de la SCI et que cette dernière est irrecevable à tenter par cette action de remettre en cause des décisions passées en force de chose jugée dans le cadre de la procédure collective.
Ils ajoutent que les actions et les demandes de M. Alain X... sont en outre prescrites tant au visa de l'article 2224 du code civil depuis le 18 juin 2013 que de l'article 2225 du même code puisque la vente aux enchères de l'immeuble établie le 26 avril 2006 a été acquise le 18 juin 2013, alors que la plus précoce des assignations introductives de la procédure a été délivrée le 27 mai 2014, que l'assignation du 10 juin 2014 n'a pas interrompu la prescription parce qu'elle est supérieure de plus de cinq ans au jugement de
clôture de la liquidation judiciaire du 27 mai 2009 et parce qu'elle n'a pas été délivrée à Me Jean-H... Y... mais aux administrateurs judiciaires de son étude, alors qu'il est constant que les administrateurs d'une étude ne représentent pas personnellement le professionnel.
Ils invoquent ensuite des fins de non recevoir tirées de l'autorité de chose jugée attachée aux décisions du juge-commissaire qui a ordonné la vente aux enchères de l'immeuble appartenant à la SCI,à la reddition des comptes et au jugement de clôture de la liquidation judiciaire.
S'agissant des demandes de la SCI et de M. X... ès qualités d'administrateur ad'hoc de celle-ci, ils arguent de son défaut d'intérêt et de qualité à agir à la date de la délivrance de l'assignation en suite de sa radiation du registre du commerce et des sociétés intervenue le 17 juin 2009 et de sa dissolution avec clôture de la liquidation judiciaire pour demander réparation d'un préjudice qui à le supposer avéré serait celui des créanciers de la liquidation judiciaire clôturée. Ils précisent que l'ordonnance qui a désigné M. X... en qualité d'administrateur ad'hoc est postérieure à l'introduction de l'instance et à l'acquisition de la prscription, en sorte que la demande de la SCI est également prescrite.
Subsidiairement, sur le fond, ils assurent que la démonstration d'une faute, d'un préjudice personnel, certain, né et actuel et d'un lien causal direct nécessaire pour engager la responsabilité de Me Jean-H... Y... n'est pas faite. Ils considèrent que le liquidateur judiciaire a honoré ses obligation en requérant l'autorisation de souscrire une police d'assurance, en portant plainte en suite des sinistres, en procédant à la vente de l'immeuble mais qu'il n'avait pas à avancer la prime d'assurance en l'absence de fonds avant celle-ci dès lors qu'une prime d'assurance ne rentre pas dans les débours, étant précisé au demeurant que les actes de squattage et de vandalisme ne sont pas couverts. Ils rappellent que c'est M. Alain X... qui a laissé l'immeuble de la SCI sans surveillance et que le liquidateur n'est pas responsable de ne pas avoir géré la SCI puisque sa mission dans le cadre d'une liquidation sans poursuite d'activité est exclusive de toute gestion.Ils critiquent enfin les différents postes de préjudice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
En suite de la décision du conseiller de la mise en état, il n'y a plus lieu de discuter de la recevabilité de l'appel interjeté le 26 avril 2017.
Le jugement, non critiqué en ce qu'il a mis hors de cause la C... et Me Christian K... ès qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de Me Jean-H... Y..., sera confirmé sur ce point.
1- Sur la recevabilité de la demande principale de M. X... ès qualités de caution de la SCI vis à vis de M. Y... et de ses assureurs
M. X..., qui devant le tribunal de grande instance de Nanterre a engagé, en qualité de mandataire ad hoc de la SCI et de caution, une action en responsabilité civile pour faute contre Me Y... et ses assureurs aux fins d'obtenir paiement solidaire de la somme de 66 877,84 € à titre de dommages et intérêts, forme désormais en cause d'appel une action directe contre les assureurs afin d'obtenir réparation du préjudice causé par leur assuré et sollicite la condamnation solidaire de ces derniers à lui payer, à titre principal, la somme de 290 137,75 € de dommages et intérêts, la seule demande à l'égard de M. Y... étant que l'arrêt lui soit déclaré commun et opposable.
Les demandes nouvelles ne sont recevables, aux termes de l'article 566 du code de procédure civile cité par les appelants, qu'en ce qu'elles explicitent les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes soumises au premier juge et en ce qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
En l'espèce, la somme réclamée par M. X..., en qualité de caution de la SCI, devant le tribunal, soit 66 877,84 €, correspondait à la différence de prix de vente entre une offre amiable et le prix d'adjudication de l'immeuble, outre le prix de meubles détruits lors d'actes de vandalisme et la rémunération du liquidateur judiciaire alors que celle sollicitée à titre principal en cause d'appel, soit 290 137,75 €, équivaut à celle qu'il a demandée à Me G..., notaire, de verser à la société Interfimo en janvier 2018 en exécution de son engagement de caution.
Il s'en déduit que ces secondes demandes qui n'explicitent pas les première et qui n'en sont pas l'accessoire, la conséquence ou le complément doivent être déclarées irrecevables comme nouvelles en cause d'appel.
2- Sur la recevabilité de la demande subsidiaire de M. X... ès qualités de caution de la SCI vis à vis de M. Y...
En application de l'article 480 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif.
Si une décision d'irrecevabilité a été rendue, une nouvelle demande ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée du moment que la cause d'irrecevabilité a entre temps disparu.
Le jugement rendu le 12 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de Limoges a déclaré M. X... 'irrecevable à agir en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de Jean- H... Y... en sa qualité de liquidateur de la SCI de Puybrandet faute d'être subrogé dans les droits du Crédit médical de France'. Par arrêt du 6 mai 2014, la cour d'appel de Limoges a dit n'y avoir lieu à nullité du jugement et confirmé le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité procédurale. Elle a jugé que M. Alain X... était irrecevable d'une part pour défaut de qualité à agir aux motifs que le préjudice allégué n'est pas le sien mais celui des créanciers de la SCI de Puybrandet et qu'il ne justifiait pas d'une déclaration de créance à la procédure collective de cette SCI et d'autre part pour défaut d'intérêt à agir faute de démontrer avoir en sa qualité de caution payé la somme due à la société Interfimo.
L'autorité de chose jugée attachée à cette dernière décision concerne l'objet du litige qui a été tranché dans le dispositif à savoir l'irrecevabilité de l'action engagée par M. X..., caution, en responsabilité contre Me Y... pour une faute commise à l'occasion de ses fonctions de liquidateur judiciaire de la SCI. Il est donc le même que celui objet du présent litige, entre les mêmes parties agissant en la même qualité, et les demandes sont également les mêmes dès lors que l'abandon de la demande en paiement à l'égard de Me Y... au profit d'une seule déclaration d'arrêt commun n'est qu'un artifice, la condamnation in solidum sollicitée tendant déjà à obtenir le paiement de la part des assureurs sans que Me Y..., redevable le cas échéant d'une franchise contractuelle ne puisse l'invoquer dans ses rapports avec M. X... ou la SCI.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes de M. X..., caution, à l'égard de Me Y... irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.
2- Sur la recevabilité de la demande subsidiaire de M. X... ès qualités de caution de la SCI vis à vis des assureurs de M. Y...
Par des moyens pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu en premier lieu que l'assureur qui n'était pas partie dans la procédure devant les juridictions de Limoges ne pouvait opposer l'autorité de chose jugée, en deuxième lieu que l'absence de recours formé par M. X... contre les décisions rendues dans le cours de la procédure de liquidation judiciaire et le caractère irrévocable de ces décisions ne privaient pas celui-ci d'agir sur le fondement de l'article L.124-3 contre l'assureur en responsabilité professionnelle du liquidateur, en troisième lieu que l'action directe de M. X... contre l'assureur de M. Y..., engagée par assignation en date du 27 mai 2014 n'était pas prescrite, en quatrième lieu que la qualité de caution de M. X...
n'était pas sérieusement contestée.
S'agissant du défaut d'intérêt à agir opposé par les intimés au motif que l'éventuel préjudice serait celui de la SCI, il convient de rappeler que le préjudice résultant pour la caution de la mise en oeuvre de sa garantie constitue une préjudice personnel distinct du préjudice collectif subi par les créanciers.
Or selon M. X..., le préjudice qu'il a personnellement subi et dont il demande réparation à titre subsidiaire, soit 65 827,39 €, est constitué :
- du défaut d'extinction de la dette à régler à hauteur de 50 064,53 € résultant du retrait de l'offre d'achat amiable,
- du défaut d'extinction de la dette à régler à hauteur de 6 462,06 € résultant de la perte de meubles,
- du défaut d'extinction de la dette à régler à hauteur de 9 300,80 € correspondant aux frais, débours, honoraires et conservation de la chose indûment payés à Me Y....
Nonobstant une formulation différente, il s'agit en réalité du même préjudice que celui sollicité devant le tribunal, et dont M. X... avait reconnu qu'il s'agissait de sommes ayant aggravé le passif de la société liquidée, lequel ne constitue pas une préjudice personnel distinct du préjudice collectif subi par les créanciers.
Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il déclaré M. X... irrecevable en son action directe contre les sociétés I... assurances mutuelles et I... (SA) venant aux droits de la société Covéa Risks.
3- Sur la recevabilité des demandes de la SCI et de M. X... ès qualités d'administrateur ad hoc vis à vis de Me Y... et de ses assureurs
Le SCI et M. X... renouvellent à hauteur d'appel leur demande en paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence formée contre les assureurs.
L'action en responsabilité de la SCI contre M. Y... est soumise au délai de prescription de l'article 2225 du code civil applicable qui a commencé à courir à compter de la fin de la mission de M. Y..., soit à compter du 27 mai 2009 en sorte que la SCI devait engager son action au plus tard le 27 mai 2014, ce qu'elle a fait, l'assignation délivrée à M. Y... l'ayant été le 27 mai 2014.
Cependant et contrairement à ce qui est vainement soutenu, l'assignation délivrée par une société dissoute, après clôture des opérations de la liquidation judiciaire et radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 17 juin 2009, ainsi que le mentionne expressément l'acte introductif d'instance, donc dépourvue de toute personnalité morale et de représentant légal, M. X... ayant perdu la qualité de gérant par suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société sous l'empire du régime antérieur à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, constitue une irrégularité qui ne peut pas être couverte.
La désignation de M. X... en qualité d'administrateur ad hoc de la SCI intervenue le 10 novembre 2014, soit à une date à laquelle la prescription de l'action de la SCI était acquise et son intervention à la procédure en cette qualité, n'ont pas pu régulariser la procédure.
Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a jugé que les demandes de la SCI et a fortiori celles de M. X... pris en sa qualité de représentant de la SCI, à l'égard de M. Y... et de son assureur sont irrecevables.
4- Sur l'indemnité procédurale accordée à la SELARL Francis E... ès qualités
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X... au paiment d'une indemnité procédurale au profit de la SELARL Francis E... ès qualités dès lors qu'il a maintenu ses demandes à l'encontre de celle-ci alors qu'il lui avait été indiqué dès les premières écritures en vue de l'audience du 12 janvier 2015 que la mission de celle-ci avait pris fin le 18 juillet 2014 .
5- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par Me Y... pour action et appel abusif
L'engagement d'une action en justice et l'exercice des voies de recours ouvertes par la loi constituent des droits qui ne dégénèrent en abus de nature à justifier l'octroi de dommages et intérêts que dans le cas d'une attitude fautive génératrice d'un préjudice. Me Y... qui ne démontre pas un tel comportement imputable à la SCI et à M. X... ne peut prétendre au versement de dommages et intérêts pour procédures abusives.
PAR CES MOTIFS,
[...]
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande formée à titre principal par M. X..., en qualité de caution de la SCI de Puybrandet, en paiement de la somme de 290 137,75 € à titre de dommages et intérêts;
Déboute Me Y... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Condamne M. X... à payer à M. Y... et aux sociétés I... assurances mutuelles et I... SA la somme de 2 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me A..., avocat, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie J..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,