COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 83E
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 OCTOBRE 2018
N° RG 16/01054 - N° Portalis DBV3-V-B7A-QPYG
AFFAIRE :
Hanna X... épouse Y...
C/
SA B BRAUN MEDICAL
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 14 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : F 12/02000
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Frédéric Z...
la SELARL ACTANCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Madame Hanna X... épouse Y...
[...]
comparante en personne, assistée de Me Frédéric Z..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0356
APPELANTE
****************
SA B BRAUN MEDICAL
[...]
représentée par Me Franck A... de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine B..., Magistrat honoraire chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Madame Marie-Christine B..., Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
Mme Hanna X... Y... a été engagée à l'origine à compter du 6 janvier 1986 en qualité d'attachée commerciale itinérante par la société Laboratoires Bruneau aux droits de laquelle se trouve, à ce jour, la société Braun Medical. Depuis 1999, Mme Y... est titulaire d'un mandat de représentation du personnel.
A la fin de l'année 2012, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt estimant être victime de discrimination.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 janvier 2016 qui a débouté la salariée de l'ensemble de ses prétentions, a rejeté la demande reconventionnelle de la société Braun Medical et a condamné la salariée aux dépens,
Vu la notification de ce jugement intervenue le 11 février 2016,
Vu l'appel interjeté par la salariée par déclaration au greffe de la cour le 8 mars 2016,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 5 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de la salariée qui demande :
- ordonner avant-dire-droit à la société de communiquer divers éléments sur la situation de plusieurs salariés dans le cadre du principe d'égalité et de la discrimination,
- à titre principal, condamner la société Braun Medical à lui verser 50 985 euros et 5098,50euros au titre des congés payés y afférents pour violation du principe d'égalité
- à titre subsidiaire : 9 583 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et fixer le salaire brut mensuel à 4 369 euros,
- en tout état de cause : condamner la société Braun Medical à verser :
- 17 614,60 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis 2007 / 2018
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter de la saisine
- 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 5 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de la société Braun Medical qui demande la confirmation du jugement déféré, la condamnation de la salariée à verser 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
SUR CE,
Sur la demande de décision avant-dire-droit
La salariée demande à la cour avant-dire-droit d'ordonner à la société Braun Medical de communiquer :
- au titre de la discrimination syndicale, les documents relatifs à l'embauche et aux conditions d'emploi et de salaire de Messieurs C..., P..., D..., E... et F...,
- au titre du principe d'égalité des salaires, les documents relatifs à l'embauche et aux conditions d'emploi et de salaire de Messieurs G..., H... I..., J..., de Mme Saint Pierre K... et de Messieurs L..., M... et N....
En premier lieu et en réponse, la société Braun Medical fait observer qu'elle a produit les pièces demandées concernant les nommés P..., D..., E... et F... ainsi que les documents relatifs à la situation de M. N... dès lors que les sus-nommés appartiennent à la même unité opérationnelle que l'appelante soit celle des Consommables et qu'une comparaison ne peut être opérée de manière pertinente que si les salariés occupent un emploi identique.
La société Braun Medical souligne que les autres salariés évoqués par Mme Y... appartiennent à une autre unité opérationnelle celle des Spécialités (que l'intéressée a refusé de rejoindre en mars 2012) qui requiert une expertise scientifique et technique spécifique.
Ainsi, le répertoire des métiers au sein de la société distingue-t-il les filières Consommables (sous l'appellation actuelle Responsable commercial groupe 7) et Spécialités (sous l'intitulé actuel Spécialiste de gamme mention figurant sur les bulletins de paie de Mme Y...).
Il doit être noté que lors de la réunion du Comité central d'entreprise le 7 décembre 2012, il avait été précisé (page 5 du compte-rendu) les travaux ont permis de distinguer deux métiers au sein de la force de vente, l'un classé en 6 et l'autre en 7 et un avis favorable a été émis en faveur de la distinction considérée.
Au regard de ces explications il apparaît que la salariée n'est pas fondée à demander une comparaison de sa situation avec celle de salariés qui n'exercent pas le même emploi qu'elle.
En second lieu, la société Braun Medical fait valoir le cas particulier de M. G..., ancien directeur régional des ventes embauché en 2003 et ayant rejoint le 1er juin 2014 l'unité Consommables en conservant sa rémunération antérieure.
La comparaison de la situation de celui-ci avec la salariée ne peut être pertinente.
En conclusion, il apparaît que la demande formée avant-dire-droit n'est pas fondée et le jugement l'ayant rejetée sera confirmé.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
Sur la demande relative à l'égalité de salaires :
En application du principe à travail égal-salaire égal, énoncé par les articles L 2261-22-II-4, L 2771-1-8 et L 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.
Si, aux termes de l'article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Pour caractériser la violation du principe d'égalité des salaires qu'elle invoque, Mme Y... se réfère à la situation de MM. I... et N....
S'agissant de M. I..., dès lors qu'il est constant que celui-ci appartient à une unité opérationnelle différente de celle de Mme Y..., tous deux sont placés dans une situation objectivement différente ce qui ne permet aucun comparaison utile de leur situation.
S'agissant de M. N..., celui-ci a été embauché le 25 mars 1996 avec une rémunération supérieure à celle de la salariée compte tenu de ses diplômes (DUT de Technico-commercial export et DUT de biologie appliquée) et par ailleurs, présentait une expérience de sept années en tant que technico-commercial hospitalier au sein du groupe Beiersdorf ; en 2005, il avait été choisi pour devenir directeur régional des ventes et dans ce cadre, avait passé un test de performance le 25 juillet 2005. Mme Y... ne peut se prévaloir d'une situation identique dès lors que son cursus professionnel est différent et qu'elle ne dispose pas des diplômes de M.N.... La différence de rémunération avec ce salarié s'explique par des raisons objectives ne pouvant être contestées.
La société présente un panel regroupant des salariés travaillant dans la même unité que MmeY... et ayant une ancienneté similaire (P..., F..., E... et D...).
Il ne ressort de l'examen comparatif de la situation des intéressés aucune atteinte au principe d'égalité des rémunérations dont les demandes formées, à ce titre, par la salariée ont été à bon droit rejetées par la premiers juges.
Sur la demande liée à la discrimination :
Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme Y... se réfère, à ce propos, à la situation de M. N... et de MM. P..., D..., E... et F....
S'agissant de M. N... : celui-ci n'appartient pas à la même unité que la salariée de telle sorte qu'aucune comparaison objective ne peut être opérée entre les intéressés.
S'agissant des 4 autres salariés : trois d'entre eux disposent de fonctions représentatives (P..., F... et E...) ce qui ne permet pas de retenir les concernant l'hypothèse d'une discrimination fondée sur l'exercice d'un mandat syndical alors au surplus que M.E... appartient au même syndicat que Mme Y.... Sur la situation de M. D..., la salariée ne fait valoir aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de discrimination directe ou indirecte.
Il doit être rappelé, en toute hypothèse, que le 22 mars 2012, il avait été proposé à MmeY... un poste de spécialiste de gamme cardio-vasculaire oncologie avec, à compter du 1er mars, une augmentation de sa rémunération annuelle globale encore augmentée à compter du 1er mars 2013, ce qui témoigne de l'absence de toute discrimination à son encontre pouvant être liée à l'exercice de fonctions de représentation du personnel.
Au regard de ce qui précède, la demande de dommages-intérêts fondée sur la discrimination apparaît mal fondée et le jugement ayant rejeté cette demande sera, en conséquence, confirmé.
Sur la demande relative à l'indemnité de congés payés :
Mme Y... forme une demande d'indemnité de congés payés pour la période du 1er juin 2007 à 2018 et sollicite l'allocation à son profit d'une somme de 17 614,60 euros.
Au soutien de ses prétentions, elle évoque la situation de deux autres salariés de la société (M.P... et Mme O...) ayant tous deux obtenu, aux termes de deux décisions de la cour d'appel de Versailles en date du 25 janvier 2011, un rappel d'indemnité de congés payés.
Il est constant qu'à la suite de ces arrêts chacun des salariés sus-nommés a obtenu le versement d'un solde de congés payés.
Il est à noter que la somme considérée a été calculée sur une période antérieure au 1er juin 2007 à partir des conclusions d'un expert (Mme Q...) qui a rappelé que sa mission se limitait à faire le calcul des congés payés.... pour la période de 2000 à 2007 antérieurement à l'accord intervenu entre la société et 5 organisations syndicales le 19 avril 2007 (pages 17 et 19 du rapport). Il apparaît que Mme Y... ne peut se prévaloir des décisions considérées pour justifier le bien fondé de la demande qu'elle forme à présent, dès lors que sa réclamation porte sur une période sur laquelle l'expert n'a formé aucune conclusion.
Pour la période postérieure au 1er juin 2007, seule en cause dans le cadre du présent litige, la société Braun Medical s'oppose à la demande formée par la salariée en rappelant qu'à compter de cette date, l'indemnité de congés payés a été calculée conformément à l'accord régularisé le 19 avril 2007 avec les organisations syndicales.
Il résulte toutefois des éléments versés aux débats que dès le 19 octobre 2011, 4 organisations syndicales ont dénoncé l'accord intervenu et elles devaient confirmer cette dénonciation le 24 juin 2014.
Il apparaît, dès lors, que la société Braun Medical, qui ne conteste pas les modalités de la dénonciation intervenue, ne peut plus se prévaloir des termes de l'accord sur le calcul de l'indemnité de congés payés.
Dans ces circonstances, il apparaît que la réclamation de la salariée qui repose sur les modalités de calcul de l'indemnité de congés payés pratiquées par la société Braun Medical jusqu'en 2000, ce qui n'est pas contesté, doit être déclarée fondée.
Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande d'indemnité de congés payés et la société Braun Medical sera condamnée à lui verser, à ce titre, la somme de 17 614,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Mme Y... forme une demande de dommages-intérêts en faisant état du préjudice lié à l'irrégularité du mode de calcul des congés payés. Il ressort toutefois des éléments de l'espèce que cinq organisations syndicales avaient régularisé un accord qui a été appliqué plusieurs années sans objection et / ou réserve. Dans ces circonstances, la mauvaise foi de la société Braun Medical ne peut être caractérisée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
La société Braun Medical qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée à verser à la salariée, au titre des frais non compris dans les dépens une somme qu'il est équitable de fixer à 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 janvier 2016 en ce qu'il a débouté Mme Hanna X... Y... de sa demande formée au titre de l'indemnité de congés payés,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société B. Braun Medical à verser à Mme Hanna X... Y... la somme de 17614,60 euros au titre de l'indemnité de congés payés couvrant la période du 1er juin 2007 jusqu'à l'année 2018 la dite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société B. Braun Medical à verser à Mme Hanna X... Y... la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société B. Braun Medical de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société B. Braun Medical aux dépens,
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et MmeClaudine AUBERT, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT