COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRÊT N° 00606
CONTRADICTOIRE
DU 08 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/00431
N° Portalis : DBV3-V-B7A-QM4Q
AFFAIRE :
[E] [A]
C/
SA AXA ASSISTANCE CANADA INC
SA JURIDICA
Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 19 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST-GERMAIN-EN-LAYE
Section : Encadrement
N° RG : 14/00489
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 09 Novembre 2018 à :
- Me Frédéric AUBIN
- Me Caroline CANAVÈSE
- Me Sophie MALTET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 29 mai 2018, puis prorogé au 04 octobre 2018 et au 08 novembre 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1](CANADA)
Représenté par Me Laureen ABRAM-PROFETA, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Frédéric AUBIN de l'AARPI LEGIPASS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1970
PARTIE DEMANDERESSE AU CONTREDIT
****************
La SA AXA ASSISTANCE CANADA INC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2] Canada
Représentée par Me Caroline CANAVÈSE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E 0880
La SA JURIDICA
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sophie MALTET de l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R062
PARTIES DÉFENDERESSES AU CONTREDIT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2018, Monsieur Patrice DUSAUSOY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [A] a été recruté le 27 juin 2005 par la société JURIDICA, filiale du groupe AXA, spécialisée dans l'assurance de protection juridique, selon contrat à durée indéterminée, à temps partiel, puis à temps plein à compter du 27 septembre 2006 (sur la base de 36h 24 hebdomadaires) en qualité de juriste protection juridique, classe 4 de la convention collective nationale des sociétés d'assurance. Monsieur [A] est passé cadre, classe 5, le 11 juillet 2007 et juriste confirmé le 28 avril 2009, après une tentative de devenir juriste expert opérationnel à l'issue d'une période probatoire de 6 mois, non concluante.
Monsieur [A], entre temps, a manifesté, le 23 janvier 2009, un intérêt pour un poste ouvert à [Localité 1], auprès de la société AXA Assistance Canada Inc., filiale du Groupe AXA Assistance Monde.
Le 8 septembre 2010, Monsieur [A] a reçu confirmation de l'acceptation de sa candidature par la société AXA Assistance Canada Inc..
Ce transfert a été mis en 'uvre dans le cadre d'un partenariat entre les sociétés AXA Assistance Canada Inc. et JURIDICA, prévoyant la suspension du contrat de travail initial pendant une durée d'un an renouvelable, sans excéder 3 ans. Il était prévu qu'à l'issue de cette période, le collaborateur réintègre son poste.
Monsieur [A] a déposé une demande de congé sans solde, le 12 octobre 2010, prenant effet le 1er octobre 2010 et devant expirer au plus tard le 1er décembre 2013 pour réintégrer son poste en France. Cette demande de congé sans solde a été acceptée, le 20 octobre 2010, par son employeur avec effet au 1er décembre 2010 mais pour une année soit jusqu'au 30 novembre 2011.
Il a, alors, été embauché par AXA Assistance Canada Inc., société de droit canadien, spécialisée dans l'assistance juridique, pour une durée de 6 mois renouvelable à compter du 1er décembre 2010.
Monsieur [A] a sollicité, par deux fois ( 20 octobre 2011 et 8 novembre 2012) la prolongation de son congé ce qui a été acceptée par la société JURIDICA. L'activité de Monsieur [A] s'est déroulée au siège de son employeur à [Localité 1], Canada.
Par courriel du 31 octobre 2013, la société JURIDICA a rappelé à Monsieur [A] l'expiration proche de son congé sans solde au 30 novembre 2013 et la nécessité de préparer son retour.
Monsieur [A], par courriel du 4 novembre 2013, a fait savoir à la société JURIDICA qu'il n'avait pas sollicité ce retour et qu'il avait saisi un avocat pour le représenter n'étant pas sur place.
Monsieur [A] est devenu, en 2013, avocat inscrit au Barreau du [Localité 2].
Par courriel du 5 mars 2014, Monsieur [A] a notifié à la société JURIDICA, par courriel, une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de cette dernière, libellée ainsi : « le non-respect des dispositions d'ordre public de la législation française relative au droit du travail, de la convention collective des « sociétés d'assurance », ainsi que des divers éléments de mon contrat travail constituent un très grave manquement dont la responsabilité vous incombe entièrement... ».
Par lettre du 7 mars 2014, la société AXA Assistance Canada Inc. a notifié à Monsieur [A] la résiliation de son contrat de travail pour absence injustifiée depuis le 5 mars 2014.
Par courrier du 28 mars 2014, la société JURIDICA a rappelé à Monsieur [A] qu'il était en absence injustifiée depuis le 1er décembre 2013 et que sa prise d'acte s'analysait comme une démission.
Monsieur [A] a saisi, le 21 août 2014, le Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye, sollicitant les conséquences pécuniaires d'une prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, fondée, notamment, sur le prêt de main d''uvre illicite et le délit de marchandage, et la condamnation solidaire de la société AXA Assistance Canada Inc. et de la société JURIDICA à diverses indemnités.
Par jugement du 19 octobre 2015, le Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye s'est déclaré incompétent et, estimant que l'affaire relevait d'une juridiction étrangère, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au visa de l'article 96 du code de procédure civile, et mis les éventuels dépens à la charge de Monsieur [A].
Monsieur [A] a formé régulièrement contredit le 2 novembre 2015, après notification de la décision le 20 octobre 2015 parvenue le 5 novembre 2015 à Monsieur [A] à [Localité 1].
Monsieur [A] a exposé, dans son contredit, au visa de l'article 42 du code de procédure civile, que le demandeur, en cas de pluralité de défendeurs, saisit à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un deux, l'article R.1412-1 du code du travail étant, en l'espèce inopérant, qu'il est bien fondé à invoquer le privilège de juridiction en application de l'article 14 du code civil et que la loi française est applicable, au visa du Règlement communautaire 593/2008 du 17 juin 2008. Monsieur [A], au visa des articles 89 et 568 du code de procédure civile et de l'article L.1451-1 du code du travail, a sollicité l'évocation, la fixation d'une audience au fond à cet effet, et la condamnation des sociétés AXA Assistance Canada Inc. Inc et JURIDICA à une indemnité de procédure et aux dépens.
Par conclusions visées et soutenues oralement à l'audience, la société AXA Assistance Canada Inc., soutenant que Monsieur [A] ne rapportait pas la preuve de manquements suffisamment graves justifiant la prise d'acte, que les deux sociétés sont indépendantes, que le contrat de travail n'a été conclu qu'avec la société AXA Assistance Canada Inc., selon les dispositions légales applicables prévues par le code civil du [Localité 2] (CCQ), Monsieur [A] étant placé sous la subordination, l'encadrement et le pouvoir de direction de la société AXA Assistance Canada Inc., qu'il ne démontrait pas l'existence d'un lien de subordination avec la société JURIDICA, que la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable n'était pas opposable au Canada, que l'article 3118 du CCQ dispose qu'en l'absence de désignation de la loi applicable il convenait de retenir la loi de l'État du lieu habituel d'accomplissement du travail ou le lieu du domicile de l'employeur ou de son établissement ; que l'article 3111 du CCQ prévoit que tout acte juridique ne présentant aucun élément d'extranéité, demeure soumis aux dispositions impératives de la loi de l'État qui s'appliquerait en l'absence de désignation par les parties, que Monsieur [A] ne soutient pas que les sociétés dans la cause sont co-employeurs, a sollicité de la cour la confirmation de la décision entreprise et à titre infiniment subsidiaire, la désignation de la juridiction canadienne du [Localité 2], et, en tout état de cause, le débouté de toutes les demandes de Monsieur [A] sa condamnation à une indemnité correspondante à l'indemnité de préavis de 3 mois non effectué avec congés payés afférents et une indemnité de procédure.
Par conclusions visées et soutenues oralement à l'audience, la société JURIDICA, réfutant les manquements allégués, fondements de la prise d'acte (modification du contrat de travail, non respect des obligations inhérentes au contrat de travail ; violation de l'obligation de sécurité et de résultat), faisant valoir que le congé sans solde et l'embauche par la société AXA Assistance Canada Inc. sont licites, que la preuve d'un prêt de main d''uvre illicite ou d'un délit de marchandage n'est pas rapportée, soutenant que Monsieur [A] ne rapportait pas la preuve de manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail, seuls susceptibles de justifier une prise d'acte, qu'il convenait, dès lors, de requalifier en démission, a sollicité de la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris, en conséquence de débouter Monsieur [A] de toutes ses demandes, et, à titre subsidiaire, de requalifier la prise d'acte en démission, de le condamner à une indemnité correspondante à l'indemnité de préavis de 3 mois non effectué avec congés payés afférents et une indemnité de procédure.
Par arrêt du 31 janvier 2017, la cour d'appel de céans, a reçu le contredit de Monsieur [A], dit que le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye était compétent, a évoqué, et statuant à nouveau, a jugé que la loi française était applicable au contrat travail passé entre la société JURIDICA et Monsieur [A], entrée en vigueur le 27 juin 2005 ainsi qu'au contrat travail passé entre Monsieur [A] et la société AXA Assistance Canada Inc., a sursis à statuer sur le fond sur les autres chefs de demande de Monsieur [A] et sur les demandes reconventionnelles des sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc.. La cour a enjoint à Monsieur [A] de conclure avant le 1er avril 2017, à la société JURIDICA de conclure avant le 15 mai 2017 et à la société AXA Assistance Canada Inc. de conclure avant le 1er juillet 2017. La cour a renvoyé à l'audience du mardi 24 octobre 2017 puis à celle du 20 février 2018.
La société JURIDICA s'est pourvue en cassation contre cet arrêt mais n'a pas maintenu son pourvoi conduisant à une ordonnance de déchéance du 30 novembre 2017.
Par voie de conclusions, déposées au greffe le 20 février 2018, Monsieur [A] prie la cour de :
'' dire et juger que la société JURIDICA n'a pas respecté les conditions de licéité permettant de mettre à disposition un salarié au profit de la société AXA Assistance Canada Inc.,
'' dire et juger que la société JUIDICA et la société AXA Assistance Canada Inc. ont mis en 'uvre un contrat de partenariat illicite,
'' dire et juger que le contrat de partenariat entre les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. doit être requalifié en prêt de main-d''uvre illicite et marchandage,
'' en conséquence, condamner solidairement les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. in à lui verser les sommes suivantes :
'' 10 034,37 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 1 003,43 euros à titre de congés payés afférents,
'' 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du contingent d'heures supplémentaires,
'' 12 114 euros à titre de rappels de congés payés et de RTT,
'' 11 185,00 eurosà titre de rappels de congés payés et de RTT, à titre subsidiaire, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires,
'' 10 936,25 euros à titre de rappels de 13e mois pour la période allant du 1er décembre 2010 au 5 mars 2014,
'' 10 097,62 euros à titre de rappels de 13e mois, à titre subsidiaire, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires,
'' 5 468,12 euros à titre de rappels de prime de vacance pour la période allant du 1er décembre 2010 au 5 mars 2014,
'' 5 048,81 euros à titre de rappel de prime de vacances, à titre subsidiaire, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires,
'' 5 76,45 euros à titre de dommages-intérêts au titre du droit individuel à la formation,
'' ordonner à la société JURIDICA de lui communiquer les éléments lui permettant de calculer l'intéressement et la participation qu'il aurait dû percevoir sur la période allant du 1er décembre 2010 au 5 mars 2014 ; à défaut, les défenderesses seront condamnées à lui verser la somme de 4 793,75 euros au titre de l'intéressement et 3 903,25 euros au titre de la participation qu'il aurait dû percevoir sur cette période, avec 2 000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de ce défaut de communication,
'' constater les manquements de la société JURIDICA,
'' dire et juger que le société JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. ont mis en 'uvre une opération illicite leur permettant d'éluder le paiement des charges sociales en France, et l'empêcher de bénéficier des garanties et droits y afférents,
'' en conséquence condamner les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d''uvre illicite,
'' dire et juger que la société JURIDICA aurait dû continuer à verser les cotisations en France,
'' en conséquence, condamner la société JURIDICA à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,
'' dire et juger que la société JURIDICA aurait dû effectuer les déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales le concernant,
'' en conséquence, condamner la société JURIDICA à lui verser une indemnité forfaitaire de 22 713,78 euros au titre du travail dissimulé, et de 18 641,76 euros au titre du travail dissimulé, à titre subsidiaire, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires, de rappels de prime,
'' dire et juger que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'' en conséquence condamner solidairement les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. in a lui payer les sommes suivantes :
'' 16 208,54 euros à titre d'indemnité de licenciement,
'' 13 302,77 euros, à titre subsidiaire, à titre d'indemnité de licenciement si la cour décidée de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires, et de rappels de prime,
'' 11 356,89 euros à titre d'indemnité préavis et 1 135,68 euros à titre de congés payés afférents,
'' 9 320,88 euros, à titre subsidiaire, à titre d'indemnité de préavis et 932 euros de congés payés afférents, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires, de rappels de prime,
'' 45 427,56 euros ce titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'' à titre subsidiaire, 37 283,52 euros, si la cour décide de ne pas faire droit à ses demandes au titre des heures supplémentaires de rappel de prime,
'' 59,63 euros titre du DIF acquis en 2010,
'' 1 817,10 euros au titre des congés payés acquis en 2010,
'' à titre subsidiaire, 1 491,34 euros si la cour décide de ne pas faire droit demandes d'heures supplémentaires de rappels de prime,
'' débouter la société JURIDICA de ses demandes reconventionnelles,
'' débouter la société AXA Assistance Canada Inc de ses demandes reconventionnelles,
'' condamner solidairement les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. ainsi 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par voie de conclusions, déposées au greffe le 20 février 2018, la société JURIDICA, sollicite de la cour qu'elle confirme, à titre principal, le jugement du conseil de prud'hommes du 19 octobre 2015 en ce qu'il s'est déclaré incompétent, en conséquence pris la cour de débouter Monsieur [A] de toutes ses demandes fins et conclusions, à titre subsidiaire de :
'' dire que la prise d'acte de Monsieur [A] doit être requalifiée en démission et, en conséquence, le condamner à payer la somme de 7 623,21 euros au titre du préavis de trois mois non effectué ainsi qu'à la somme de 762,32 euros à titre de congés payés afférents,
'' condamner Monsieur [A] à payer 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Par voie de conclusions déposées au greffe le 20 février 2018, la société AXA Assistance Canada Inc. prie la cour de constater l'absence de prêt de main-d''uvre illicite et l'absence de délit de marchandage et, en conséquence, débouter Monsieur [A] de l'intégralité de ses demandes à ce titre ; en tout état de cause débouter Monsieur [A] de sa demande au titre du travail dissimulé, et le condamner à une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé détaillé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le prêt de main d''uvre illicite et le délit de marchandage
- Position de Monsieur [A]
Monsieur [A] soutient avoir été mis à disposition de la société AXA assistance Canada Inc. par la société Juridica sans respecter les conditions de licéité de prêt de main-d''uvre, cette mise à disposition étant effectuée à but lucratif sans que la société canadienne fournisse un savoir-faire spécifique à la société française avec le but d'éluder les règles légales, réglementaires et conventionnelles, lui causant ainsi un préjudice. Monsieur [A] fait valoir que le lien de subordination continuait d'exister entre lui-même et la société française, que son contrat travail avec cette dernière n'a jamais été rompu jusqu'à sa prise d'acte le 5 mars 2014, et que cette mise à disposition était limitée dans le temps. Il considère cette mise à disposition comme frauduleuse et sollicite l'indemnisation des avantages dont il dit avoir été privé (heures supplémentaires, rappel au titre des congés payés, prime de vacance et 13e mois, droit individuel à la formation, intéressement et participation).
- Position de la société JURIDICA
La société Juridica soutient que la prise d'acte doit revêtir les effets d'une démission parce que les manquements invoqués : délit de prêt de main-d''uvre et de marchandage ne sont pas constitués, qu'en particulier le lien de subordination a été transféré à la société AXA assistance Canada Inc. ; qu'il ne démontre pas avoir subi un préjudice ; qu'il n'était pas impossible que le contrat travail puisse se poursuivre à son retour en France ; qu'en conséquence les demandes financières de Monsieur [A] doivent être rejetées tant celles liées à l'exécution du contrat que celles liées à la rupture ; qu'en revanche doivent être accueillies la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité de préavis non effectué par Monsieur [A].
- Position de la société AXA Assistance Canada Inc.
La société AXA Assistance Canada Inc., fait valoir l'absence de prêt de main-d''uvre illicite notamment parce qu'il existe un lien de subordination entre Monsieur [A] et elle, et non avec la société JURIDICA, notamment parce qu'elle a pris seule la décision d'embaucher Monsieur [A], que cela résulte des conditions de travail et notamment de son pouvoir de sanction sur Monsieur [A] ; qu'elle fournit des prestations de services d'assistance et notamment des prestations de services d'assistance juridique qui lui sont propres et qu'elle ne disposait pas de la compétence spécifique d'assistance juridique en droit français. Elle soutient également que le délit de marchandage n'est pas caractérisé parce qu'il n'a pas subi de préjudice elle conteste les demandes relatives aux heures supplémentaires au rappel de RTT de dommages et intérêts au titre des indemnités de sécurité sociale, au titre de l'intéressement. Elle fait valoir la mauvaise foi de Monsieur [A]. Elle conteste également la demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, notamment parce que sa demande d'heures supplémentaires n'est pas fondée et que l'intention de l'employeur fait défaut.
*****
Aux termes de l'article L.8211-1 du code du travail sont constitutives de travail illégal, les infractions suivantes :
1° travail dissimulé ;
2° marchandage ;
3° prêt illicite de main-d''uvre ;
4° emploi d'étrangers non autorisé à travailler;
5° cumul irrégulier d'emplois ;
6° fraude ou fausses déclarations prévues aux articles L.5124-1 et L.5429-1.
Plus particulièrement, aux termes de l'article L.8231-1 est interdit le marchandage défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulation d'une convention ou d'un accord collectif de travail.
De même, aux termes de l'article L.8241-1, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d''uvre est interdite. Toutefois ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
1° les dispositions du code du travail relatives au travail temporaire aux entreprises de travail à temps partagé et à l'exploitation d'une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d'agent de mannequins ;
2° des dispositions de l'article L.222-3 du code du sport relative aux associations société sportives ;
.3° des dispositions des articles L.2135-7 et L.2135-8 du code du travail relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales, des associations d'employeurs mentionnés à l'article L.2231-1.
Une opération de prêt de main-d''uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés aux salariés, les charges sociales afférentes et des frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.
Le prêt illicite de main-d''uvre est constitué de deux critères cumulatifs : le caractère lucratif du but poursuivi et celui de l'exclusivité de l'objet.
Le prêt de main-d''uvre à but lucratif n'est pas interdit lorsqu'il s'inscrit dans une prestation plus vaste : contrat d'entreprise ou sous-traitance, (ex : informatisation des services, prestations de maintenance,...).
De son côté, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre, ayant pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.
Il apparaît ainsi que la mise à disposition de main d''uvre à but lucratif est prohibée dans deux cas distincts (prêt illicite,marchandage), même si ceux-ci ont des points communs. Cette interdiction vise notamment les entreprises qui, sous le couvert d'un contrat de sous-traitance ou de prestation de services, réalisent en réalité une opération de prêt de main d''uvre à but lucratif.
Il convient de déterminer si le contrat de sous traitance ou de prestations de services est réel ou s'il dissimule un prêt de main d''uvre prohibé.
Les critères habituellement retenus pour distinguer les opérations licites de celles qui sont interdites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l'entreprise d'origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l'entreprise d'accueil.
Le juge ne doit pas s'arrêter à l'apparente qualification donnée par les parties à la relation contractuelle. En ayant recours à un faisceau d'indices, il doit procéder à une analyse de la réalité de la situation qui lui est présentée.
Le juge est ainsi appelé à rechercher si l'opération qui lui est soumise constitue une fourniture de main-d''uvre déguisée ou si, au contraire, le prêt de personnel se justifie par la nature du contrat qui lie l'entreprise prestataire à l'entreprise utilisatrice.
Pour la plupart, ces indices ne sont pas, en soi, décisifs, mais leur réunion est déterminante.
Des pièces versées aux débats, il se déduit qu'il existe une « entente » entre les sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. Ainsi le contrat de travail de Monsieur [A] avec la société canadienne prévoit : « le présent contrat sera arrêté si l'entente entre AXA assistance Canada et juridique/AXA protection juridique cesse avant la fin du présent contrat. ».
Les parties n'ont versé aucun document définissant les termes et conditions de cette entente à supposer qu'un tel document existe. Il existe un document (18 février 2009) qui définit les « conditions proposées aux collaborateurs de JURIDICA qui rejoindrait AXA Assistance Canada dans le cadre du partenariat ». Les parties ne fournissent pas d'éléments sur une éventuelle prise en charge des coûts salariaux par l'une ou l'autre des sociétés. Il résulte d'un courriel que les frais de déplacement et d'hébergement (jusqu'en juillet 2011) sont pris en charge par la société canadienne (courriel du 18 octobre 2010 - pièce n°11 [A]).
A la lecture des pièces, la cour constate que la société JURIDICA a souhaité offrir à sa clientèle un service continu d'assistance juridique par téléphone sur une plage horaire étendue, sans contraindre les juristes de la société JURIDICA à travailler jusqu'à 22h30. Pour ce faire, profitant du décalage horaire de six heures entre la France et le Canada, ([Localité 2]), une équipe de juristes a été constituée au sein de la société AXA Assistance Canada Inc., (filiale du groupe AXA tout comme la société JURIDICA) consacrée au traitement des appels des clients de la société JURIDICA.
Cet objectif est présenté dans une « newsletter » (éditée par la société AXA Assistance Canada Inc., du mois de mai 2010 : « le castor déchaîné ») qui se veut l'organe de liaison de l'équipe JURIDICA à [Localité 1]. Un article présente l'équipe Juridica Canada, supervisée par Madame [Y] [L] [K] et Monsieur [T] (organigrammes pièce 22 AXA ; pièce 22 [A]). Cette équipe est composée de deux entités : l'équipe « Canada gestion prévention » (CGP) et l'équipe « judiciaire ». L'article précise que l'équipe CGP est présente du lundi au vendredi, de 8h30 à 16h30, soit, précise l'article, de 14h30 à 22h30, heure française. L'équipe judiciaire est présente de 7h30 à 15h30 soit de 13h30 à 21h30, heure française, comme le relève, également, l'article.
La revue présente un organigramme de l'équipe et rappelle l'origine des juristes, venant majoritairement de France mais aussi de l'Afrique francophone. La cour relève que cette équipe n'était pas uniquement constituée de juristes anciens salariés de la société JURIDICA mais aussi de juristes extérieurs (Mme [N], Mme [V], écritures AXA non contestées).
Il ressort également des pièces du dossier que Monsieur [A], salarié de la société JURIDICA, depuis le 27 juin 2005, en qualité de juriste, avait manifesté un intérêt pour un poste ouvert au sein d'AXA Assistance Canada dès le 23 janvier 2009 intérêt qu'il a décliné par la suite (23 janvier 2009). Puis il a souhaité, en début d'année 2010, évoluer au sein du groupe AXA, soutenu dans ses démarches par le département ressources humaines de son employeur (pièces 20 et 21 [A], courriels des 10 mars et 4 mai 2010 ). Dans cette perspective, il a de nouveau fait acte de candidature au poste de juriste au sein de la société AXA Assistance Canada Inc., appuyée par sa direction (lettre du 22 septembre 2010 : « ' Pour ces différentes raisons, je recommande Monsieur [E] [A] pour le transfert inter-entreprises vers AXA Assistance Canada pour le projet de partenariat dans le cadre de la gestion de dossiers-clients pour Juridica à [Localité 1].... ».
Par courriel du 8 septembre 2010, le département ressources humaines de la société JURIDICA a informé Monsieur [A] de ce que sa candidature avait été retenue pour le poste au Canada.
La mise en 'uvre de ce transfert s'est effectuée, de concert entre les parties, par une demande de congé sans solde de Monsieur [A], le 12 octobre 2010, aux termes de laquelle il précisait que ce congé devait débuter au 1er décembre 2010 pour s'achever au plus tard le 1er décembre 2013 avec réintégration au poste occupé au sein de la société JURIDICA. Le 20 octobre, cette demande de congé sans solde a été acceptée par lettre de son employeur, mais pour une année avec confirmation de ce qu'il reprendrait son activité dans les conditions initiales à compter 1er décembre 2011.
Monsieur [A] n'a donc pas été « contraint » d'accepter ce transfert comme il le soutient.
Dans les faits, ce congé sans solde a été renouvelé d'un commun accord chaque année, sur demande du salarié acceptée par l'employeur, jusqu'au 1er décembre 2013, période pendant laquelle le contrat de travail s'est trouvé suspendu (pièce n°2 [A]).
Par la suite, un contrat de travail a été directement passé le 1er décembre 2010 entre la société AXA Assistance Canada Inc. et Monsieur [A] précisant qu'il travaillerait en tant que « chargé d'assistance juridique » pour le département « assistance juridique/Juridica » d'AXA Assistance Canada Inc.
S'agissant du lien de subordination, il résulte de l'examen des pièces communiquées aux débats, que les attestations de Melles [B] et [D], produites par Monsieur [A], placées dans la même situation que ce dernier, relatent en ce qui concerne Melle [B] : « '.mes missions et ordres de travail ainsi que l'ensemble des procédures à suivre avec les clients et partenaires étaient décidés par la société Juridica qui (i) organisait les procédures à suivre au cours des appels avec les clients, (2) organisait la procédure de traitement des dossiers (3) rédigeait les modèles de courriers (4) fixait les politiques de règlement à respecter (5) établissait les méthodes à utiliser concernant le paiement des honoraires et frais des partenaires (huissier/experts/avocat) (6) fixait les objectifs à atteindre que ce soit individuellement ou pour l'équipe. Les directives nous étaient communiquées par notre manager d'AXA Assistance Canada qui nous transférait directement les courriels reçus de France ou les retranscrivait dans un nouveau courriel.... » ; l'attestation de Melle [D] énonçait : « ' Les directives étaient impératives et communiquées par notre manager direct, [Y] [L] [K] (Juridica) qui nous les transmettait sans que le management d'AXA assistance Canada ne soit au courant.... j'utilisais mon ordinateur connecté à distance via le programme « Citrix » qui était l'outil informatiques que Juridica nous fournissait pour travailler. Ce sont les techniciens informatiques salariés de Juridica qui effectuaient les maintenances techniques relatives au programme Citrix à distance... ».
Ces attestations sont contradictoires en ce qu'elles affirment toutes deux que les deux salariées tenaient leurs instructions directement de la société Juridica mais néanmoins mentionnent que ces instructions étaient communiquées par Mme [Y] [L] [K] qui, comme il a été vu précédemment, fait partie de l'encadrement de la société canadienne ce qui contredit l'affirmation selon laquelle le management d'AXA Assistance Canada Inc. n'était pas au courant.
Par ailleurs, les éléments du dossier révèlent que Mme [Y] [L] [K] (signant « responsable d'équipe - Axa Assistance Canada ») a donné son accord pour le transfert de Monsieur [A] au Canada, qu'elle organisait les formations de l'équipe au sein de la société canadienne (formation destinée à l'entreprise et non pas seulement à l'équipe Juridica, (courriel du 14 février 2014)), qu'elle conduisait les entretiens individuels d'évaluation de Monsieur [A] (courriel du 27 novembre 2012, courriel du 10 décembre 2013) donnant lieu à un compte rendu circonstancié ( pièce 17 AXA), qui lui faisait part d'insatisfaction de clients en lui demandant de s'en expliquer (courriel du 18juillet 2013), qui fixait les objectifs de l'équipe et de Monsieur [A] (courriel du 27 février 2014). Il résulte également de plusieurs courriels (pièce 19 AXA) qu'elle animait l'équipe, lui donnait des instructions, rappelait les consignes (ex : confidentialité). C'est elle qui contrôlait le temps de travail de Monsieur [A] et autorisait ce dernier à passer d'un plein temps à un mi temps (pièce 20 AXA). Par ailleurs, Monsieur [A] s'est vu notifier par la directrice des ressources humaines de la société canadienne (Mme [C] [I]) deux avertissements le 7 février 2013. Mme [I] rappellait le contexte et explicitait ces sanctions dans un courriel du 7 mars 2013.
De ce qui précède, il se déduit que le lien de subordination existait entre Monsieur [A] et la société AXA Assistance Inc. et non pas avec la société JURIDICA pendant l'exécution de son contrat de travail avec la société canadienne, ce lien n'étant pas incompatible avec l'exécution des prestations destinées à la clientèle de la société française selon les critères et des moyens définis par cette dernière. Les conditions de travail doivent être distinguées des conditions de fourniture de la prestation.
Sur l'activité spécifique, la question se pose de déterminer quelle est la société prestataire et quelle est la société utilisatrice dans le cadre d'un prêt de main d''uvre illicite et de marchandage.
Monsieur [A] considère qu'il a été mis à disposition de la société canadienne, laquelle serait donc a priori société utilisatrice. Toutefois, il dénie à cette société le bénéfice du critère dit d'activité spécifique au motif que sa prestation était destinée à la société JURIDICA laquelle n'avait pas besoin de recourir à une compétence extérieure puisqu'elle la maîtrisait parfaitement. Monsieur [A] estime donc que la société utilisatrice serait, en définitive, la société JURIDICA qui se prêterait donc à elle-même du personnel.
La société canadienne fait valoir, à l'inverse, qu'elle a pour activité habituelle la fourniture d'assistance juridique et qu'intégrant dans son offre de service, l'assistance juridique destinée à la clientèle de la société Juridica, elle ne disposait pas de cette compétence pour laquelle elle avait besoin de juristes formés au droit français.
Ces éléments, versés aux débats et pris dans leur ensemble, conduisent la cour à considérer que l'objet de l'accord passé entre ces deux sociétés d'un même groupe, dans lequel s'inscrit le transfert de Monsieur [A], visait à offrir la possibilité à la société française de traiter ses clients dans le cadre d'une plage horaire plus étendue en l'espèce jusqu'à 22h30, heure française. Pour atteindre cet objectif, la société française a sous-traité une partie de son activité à la société canadienne laquelle, pour ce faire, a constitué une équipe composée de juristes francophones compétents en droit français, recrutés localement ou auprès de la société JURIDICA.
Cette opération qui certes évite aux salariés de la société française la pénibilité d'un travail de nuit, doit être considérée comme étant à but lucratif puisqu'elle permet à la société JURIDICA, l'économie de charges correspondant au surcoût salarial du travail de nuit et de fidéliser, voire d'augmenter, une clientèle qui bénéficie d'un accès horaire plus étendu aux services de la société JURIDICA.
En revanche, de ce qui précède, il se déduit également que l'objectif premier des sociétés JURIDICA et AXA Assistance Canada Inc. était de permettre à la clientèle de la société JURIDICA de bénéficier d'un service d'assistance plus étendue dans le temps, qu'afin de satisfaire cet objectif des transferts de salariés JURIDICA ont été effectués de la France vers le [Localité 2] mais que la société canadienne a également procédé localement à des recrutements et qu'ainsi le transfert de Monsieur [A] s'inscrivait dans un objectif plus vaste que le seul prêt de main-d''uvre.
Il sera considéré que l'accord entrepris entre ces deux sociétés ne relève pas du prêt de main-d''uvre illicite.
Le marchandage suppose que le transfert de Monsieur [A], dans les conditions rappelées ci-dessus, lui a causé un préjudice ou qu'il a permis d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail.
En l'espèce, Monsieur [A] fait valoir qu'il a été privé de nombreux avantages sociaux (congés payés, participation et intéressement, 13e mois et prime de vacance, convention collective des assurances, bénéfice d'heures supplémentaires, institution représentatives du personnel).
Il apparaît du dossier que Monsieur [A] a librement consenti à ce transfert, prenant le temps de la réflexion (plus d'une année), que les conditions financières et légales de ce transfert avait été, dès l'origine, portées à sa connaissance (note du 18 février 2009), qu'il lui était ainsi loisible de continuer à bénéficier des dispositions de la loi, des accords et conventions, dont il bénéficiait jusqu'alors, en restant au sein de l'effectif de la société JURIDICA, qu'il a, par deux fois, sollicité le renouvellement de son congé sans solde.
Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice particulier, se contentant d'énoncer qu'il a été privé de nombreux avantages sociaux rappelés ci-dessus, sans procéder à un examen comparatif alors que la société canadienne établit, sans être contredite, qu'il était mieux rémunéré au Canada qu'en France (pièce 22 Juridica).
Le délit de marchandage ne sera pas retenu.
En conséquence, Monsieur [A] sera débouté de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'illicéité alléguée de son transfert, fondée sur le prêt de main-d''uvre et le marchandage. Ainsi, ses demandes de condamnation solidaire des deux sociétés, au titre de rappel d'heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour violation du contingent d'heures supplémentaires, de rappel de congés payés et de RTT, de rappel de 13e mois, de rappel de prime de vacance, de droit individuel à la formation, de droit à l'intéressement et à la participation, de dommages-intérêts pour prêt de main-d''uvre illicite lui ayant causé un préjudice, d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, seront écartées.
Sur la prise d'acte de la rupture et ses conséquences
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Pour justifier de la prise d'acte, ces manquements doivent être considérés par le salarié comme suffisamment graves pour justifier de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Monsieur [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 mars 2014, pour les motifs rappelés en préambule.
Il soutient, dans ses écritures, que cette prise d'acte est fondée sur le marchandage, le prêt de main-d''uvre illicite ainsi que sur la fraude à la sécurité sociale et le travail dissimulé.
La société JURIDICA soutient l'inexistence d'un prêt de main-d''uvre illicite ou d'un délit de marchandage. Elle fait valoir également que Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve que la poursuite du contrat travail était impossible à supposer les manquements établis.
La cour ne retiendra pas les griefs de prêt de main-d''uvre illicite, de marchandage ainsi que de travail dissimulé pour les avoir précédemment écartés.
Monsieur [A] soutient que la société JURIDICA a commis une fraude à la sécurité sociale en ce qu'elle n'a pas versé en France les cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que « les travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée qui demeure soumis à la législation française de la sécurité sociale en vertu de conventions de règlements internationaux, sont réputés pour l'application de cette législation avoir leur résidence et leur lieu de travail en France. » Et alors qu'il existe une convention bilatérale entre la France et le Canada permettant au salarié d'entreprise établie en France de bénéficier du statut de travailleurs détachés et du maintien au régime français de sécurité sociale sans être tenu de cotiser la sécurité sociale du pays d'emploi.
Monsieur [A] n'explique pas en quoi la société JURIDICA avait l'obligation de lui proposer un détachement plutôt que la solution qui a été adoptée d'un congé sans solde à terme limité avec réintégration à l'issue du terme.
En outre, Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve que ce manquement, éventuel, caractériserait un manquement suffisamment grave pour interrompre immédiatement le contrat de travail alors qu'il n'a pris acte de la rupture qu'au mois de mars 2014 tirée d'une situation qui pouvait se constater dès le 1er décembre 2010.
La prise d'acte sera réputée revêtir les effets d'une démission.
En conséquence, Monsieur [A] sera débouté de ses demandes financières au titre d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse acte à titre de droit individuel à la formation à titre de congés payés acquis en 2010.
Sur la demande reconventionnelle
La société JURIDICA sollicite la condamnation de Monsieur [A] à la somme de 7 623,21 euros à la somme de 762 euros à titre de congés payés afférents, correspondant aux trois mois de préavis que Monsieur [A] n'a pas effectué à l'issue de sa prise d'acte.
Monsieur [A] ne s'explique pas sur ce point. Dans le cadre de ses propres demandes il valorisait l'indemnité de préavis à 11 356,89 euros et 1135,68 euros à titre de congés payés afférents.
En cas de démission le salarié doit à l'employeur l'obligation de respecter un préavis et à défaut de l'indemniser.
Les parties ne contestent pas que le préavis était de trois mois. En conséquence Monsieur [A] sera condamnée à verser à la société JURIDICA la somme de 7 623,21 euros, à l'exclusion des congés payés afférents de 762 euros.
Sur les demandes accessoires
Il n'apparaît pas inéquitable de condamner Monsieur [A] à une indemnité de procédure en cause d'appel de le débouter de sa demande à cet égard.
Monsieur [A] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
VU le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye du 19 octobre 2015 ayant décliné sa compétence au profit d'une juridiction étrangère ;
VU l'arrêt de la cour de céans du 31 janvier 2017 ayant dit que le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye était compétent et, ayant évoqué, a dit la loi française applicable au contrat de travail passé entre la société JURIDICA et Monsieur [A], entrée en vigueur le 27 juin 2005, ainsi qu'au contrat de travail passé entre Monsieur [A] et la société AXA Assistance Canada Inc., ayant renvoyé l'affaire au fond ;
DIT qu'il n'existe pas de prêt de main-d''uvre illicite et de délit de marchandage entre la société JURIDICA et la société AXA Assistance Canada Inc. ;
DÉBOUTE Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes liées à l'illicéité alléguée de son transfert, fondée sur le prêt de main-d''uvre et le marchandage ;
DIT que la prise d'acte le 5 mars 2014 par Monsieur [A] de la rupture de son contrat de travail
passé avec la société JURIDICA doit s'interpréter comme une démission ;
DÉBOUTE Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes liées à sa prise d'acte aux torts de l'employeur ;
CONDAMNE Monsieur [A] à verser à la société JURIDICA la somme de 7 623,21 euros au titre de l'indemnité de préavis dûe à l'employeur ;
DÉBOUTE la société JURIDICA de sa demande de paiement de l'indemnité de congés payés afférents de 762 euros ;
CONDAMNE Monsieur [A] à verser la somme de 1 500 euros à la société JURIDICA et à la même somme pour la société AXA Assistance Canada Inc. au titre des frais irrépétibles ;
DIT que Monsieur [A] supportera les dépens ;
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,