COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/05737
AFFAIRE :
Gilles X...
C/
SA PAGES JAUNES
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 29 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F15/00309
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Juliette Y...,
la SELARL LUSIS AVOCATS
Le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Monsieur Gilles X...
[...]
Représentant : Me Juliette Y..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B1125 - N° du dossier F141206
APPELANT
****************
SA PAGES JAUNES
Rond-Point du Pont de Sèvres
[...]
Représentant : Me Hortense Z... de la SELARL LUSIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2018, MadameCarine TASMADJIAN, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline A..., Vice président placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS
Suivant contrat à durée indéterminée du 20 décembre 1999, M. Gilles X... a été engagé par la société Pages Jaunes en qualité de télévendeur prospects, sous le statut de voyageur-représentant-placier (ci-après désigné 'VRP'), relevant des dispositions des articles L.7311-1et suivants du code du travail.
Six avenants ont modifié son contrat de travail initial de sorte que, en dernier lieu, il occupait un poste de 'conseiller commercial , la relation demeurant soumise à la convention collective des VRP.
Sa rémunération mensuelle était exclusivement constituée de commissions
La société Pages Jaunes est une filiale détenue à 100 % par le groupe Solocal, lui-même composé de plusieurs entreprises intervenant principalement dans le secteur d'activité de la publicité. Elle assure trois métiers principaux : l'édition de contenu et de services locaux, le média local et le conseil en communication locale.
La Société intervient, d'une part, sur le marché de la publicité sur les supports de presse, magazines, télévision, radio, cinéma et affichage (dit 'marché offline') et, d'autre part, sur le marché de la publicité sur internet fixe et mobile pour les annonceurs locaux et nationaux (dit 'marché online'). Elle emploie plus de 4000salariés.
L'activité de la société Pages Jaunes la fait relever de la convention collective nationale de la publicité française mais elle applique également celle des VRP pour les personnels concernés ainsi qu'une convention d'entreprise dite ' Pages Jaunes .
A compter du 2 février 2013, la société Pages Jaunes a initié un processus d'information et de consultation de son comité d'entreprise au sujet de la transformation envisagée de son modèle économique. Elle souhaitait, notamment, modifier les critères d'attribution des portefeuilles clients, modifier les systèmes de rémunération des commerciaux, représentant environ 1645salariés, et procéder à 22 licenciements. La négociation portait, d'une part, sur la conclusion d'un accord de méthode et de moyens en application de l'article L.1233-21 du code du travail et, d'autre part, sur la conclusion d'un accord de mesures sociales d'accompagnement déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (aussi désigné 'PSE').
Le 2 juillet 2013, la Société a engagé une négociation avec les instances représentatives du personnel, laquelle aboutissait à la signature, le 20 novembre 2013, par trois des cinq organisations syndicales, la CFE-CGC, le Syndicat autonome et Force Ouvrière, d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après désigné PSE).
Le 1er décembre 2013, la société Pages Jaunes a adressé ce plan à la DIRECCTE qui le validait par décision du 2janvier2014. Cette réorganisation engendrait, au final, 281 licenciements économiques, la plupart de ces salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.
C'est dans ce contexte que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2014, la Société a proposé à M.X... un nouveau contrat de travail qui prévoyait, notamment:
- la poursuite de l'exercice de ses fonctions commerciales au sein de l'agence de Paris Nord sous l'intitulé de poste « conseiller communication digitale spécialiste »;
- le bénéfice d'un statut de cadre, catégorie 3, niveau 2, selon les dispositions de la convention collective de la publicité;
- une rémunération composée d'un salaire fixe mensuel de 3126,42euros et d'une prime variable représentant, à objectifs atteints, 60% de sa rémunération annuelle fixe, soit la somme de 22510euros bruts;
- et une durée annuelle de 210 jours travaillés.
Elle lui adressait, dans le même temps, une fiche explicative de cette nouvelle fonction, laquelle reprenait également les principaux éléments du contrat de travail proposé ainsi qu'un comparatif entre le statut de VRP et celui de cadre.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19février 2014, M. X... a indiqué à la société Pages Jaunes qu'il refusait la modification de son contrat de travail au motif «d'un manque de précision ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25février2014, la Société l'a alors informé de l'ouverture, pour une durée de deux mois,d'une période destinée à la recherche de solutions de reclassement en interne (Pages Jaunes et groupe SoLocal) sur le territoire français, M. X... n'ayant pas donné son accord pour recevoir des offres de reclassement à l'étranger.
Au cours de cette période, M. X... a été dispensé de toute activité professionnelle et a perçu une rémunération brute moyenne mensuelle de 4833,84euros.
Par une requête du 3 mars 2014, un salarié protégé de la société Pages Jaunes a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir l'annulation du PSE signé le 20novembre2013. Son recours a été rejeté par décision du 22 mai 2014.
Par deux courriers des 11 et 28 mars 2014, plusieurs postes de reclassement au sein de la société Pages Jaunes ont été proposés à M. X..., auxquels il ne donnait pas suite.
En l'absence de possibilité de reclassement, la Société lui a alors notifié, par lettre recommandée du 30 avril 2014, son licenciement pour motif économique.
Le 10 mai 2014, M. X... a accepté le congé de reclassement, prévu pour une durée de12mois à compter du 14 mai 2014. Une convention d'adhésion était signée en ce sens le 7juillet2014, laquelle prévoyait, entre autres clauses, une indemnisation mensuelle de 4833,84euros pour la période couvrant la durée du préavis puis de 3867,07euros pour la période au delà.
Par courrier du 6octobre2014, la société Pages Jaunes a accordé à M. X... un allongement de la durée de son congé à 24 mois. Par courrier du 25 février 2015, elle est revenue sur sa décision et a ramené la durée du congé de reclassement à celle initialement prévue de 12 mois.
Au jour de la rupture de son contrat de travail, M. X... était âgé de 45 ans et bénéficiait d'une ancienneté dans l'entreprise de près de 16 ans. Son salaire brut moyen mensuel, au regard des trois derniers mois travaillés, s'élevait, selon le salarié, à la somme de 8829,51 euros, celui au regard des 12 derniers mois, à la somme de 6080,73 euros. Pour sa part, la société Pages Jaunes retient un salaire de référence à la somme de 4833,84euros.
Par arrêt du 22 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé la décision du 2 janvier 2014 de la DIRECCTE ainsi que le jugement du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, considérant que le caractère majoritaire de l'accord du 20 novembre 2013 n'était pas établi puisque le signataire au nom du syndicat Force Ouvrière n'avait pas été formellement désigné en qualité de délégué syndical central.
Deux recours ont alors été déposés devant le Conseil d'Etat à l'encontre de cet arrêt, le premier à l'initiative de la Société Pages Jaunes, le 10 novembre 2014 et, le second, par le ministère du travail, le 16 décembre 2014. Par décision du 10 mars 2015, la Société était déboutée de sa demande de suspension de l'exécution provisoire de l'arrêt contesté.
Par décision du 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat a confirmé l'arrêt rendu le 22 octobre 2014 par la cour administrative d'appel de Versailles.
Contestant la validité ainsi que le caractère réel et sérieux de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M.X... a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 25 février 2015 afin d'obtenir la condamnation de la société Pages Jaunes à lui verser, en retenant un salaire brut moyen mensuel de 6080,73euros, les sommes suivantes:
.72'968, 80 euros d'indemnité pour nullité du licenciement,soit 12 mois de salaire ;
.109'453,10 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
. 97'169,46 euros d'indemnité de clientèle ou, subsidiairement, la somme de 16'513,42euros au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement en application de la convention collective nationale de la publicité ;
. 72'968, 80 euros d'indemnité pour réduction abusive du congé de reclassement';
.26'563,92 euros de rappel de salaire à 100% sur congé de reclassementou, subsidiairement, en retenant un taux de 65%, la somme de 1'024,85 euros ;
.2'656,39 euros de congés payés afférentsou, subsidiairement, la somme de 102,49euros ;
.1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Parallèlement, la cour d'appel de Rennes, par arrêt du 9 mars 2016, aujourd'hui définitif, a infirmé l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Rennes le 5 févier2015 sur requête de six salariés, dont M. X..., qui avait rejeté leur demande au titre des articles L.1235-10, L.1235-11 et L.1235-16 du code du travail. Elle accordait à celui-ci une provision de six mois de salaire, représentant la somme de 36484,30 euros, outre 200euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 24 mars 2016, la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L.1235-16 du code du travail qui lui avait été soumise par le conseil de prud'hommes de Troyes sur demande de la Société Pages Jaunes.
Par jugement du 29 novembre 2016, le conseil de prud'hommes a fait partiellement droit aux demandes de M. X... et, retenant un salaire de 6080,73euros, a condamné la société PagesJaunes à lui verser les sommes suivantes':
. 43000euros bruts d'indemnité au titre de l'article L.1235-16 du code du travail ;
. 16'513,42 euros bruts à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ces sommes portant intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article L.1153-1 du code civil ;
. 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a en outre ordonné à la société Pages Jaunes la remise, à M. X..., d'un certificat de travail, d'une attestation pour le Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes aux dispositions de son jugement et dit qu'il n'y avait lieu d'ordonner l'exécution provisoire au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail. Il a enfin condamné la Société aux dépens.
M. X... a interjeté appel partiel de cette décision par acte du 21 décembre 2016 et les parties ont été convoquées à l'audience du 3 juillet 2018, pour clôture de la procédure de mise en état, puis renvoyées à l'audience du 13septembre2018 pour plaidoirie.
Par acte d'huissier du 23 décembre 2016, M. X... a fait procéder à la saisie conservatoire de la somme de 7 765,49 euros sur les comptes que la société Pages Jaunes détenait sur la Société Générale.
Par jugement du 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné la mainlevée de cette saisie et a condamné M. X..., non seulement à supporter les frais d'exécution, de dénonciation, de mainlevée et d'émoluments réclamés pour cette mesure, mais également à supporter les dépens de l'instance et à verser à la société Pages Jaunes la somme de 500euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, reprenant oralement ses écritures, M. X... demande à la cour de rejeter toutes les exceptions et fins de non recevoir soulevées par la Société, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé son salaire de référence à la somme de 6080,73euros et en ce qu'il lui a alloué les sommes de 16513,42euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicite par contre l'infirmation du jugement en ce qu'il a:
- jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse;
- refusé l'application des dispositions des articles L.1235-10 et L.1235-11 du code du travail;
- rejeté sa demande d'indemnité au titre des rémunérations omises pendant son congé de reclassement ;
- rejeté sa demande au titre de l'indemnité de clientèle;
- rejeté sa demande au titre du refus abusif de prolongation à 24 mois de son congé de reclassement;
- et limité à la somme de 43000 euros le quantum de l'indemnité prononcée au visa de l'article L.1235-16 du code du travail.
M. X... demande en conséquence à la cour, statuant à nouveau, de:
- dire que son licenciement est nul et dépourvu de cause économique réelle ni sérieuse ; (en gras comme dans les conclusions)
- condamner la société Pages Jaunes à lui verser les sommes suivantes :
. a minima, 72968,80euros d'indemnité consécutive à l'annulation de la décision de validation du PSE (12 mois);
. 109453,10euros d'indemnité pour licenciement nul et sans cause réelle ni sérieuse ;
. 80656,04 euros d'indemnité de clientèle ;
. 72'968, 80 euros au titre de la réduction abusive de son congé de reclassement';
.26'563,92 euros de rappel de salaire à 100% sur congé de reclassementou, subsidiairement, 1'024,85 euros représentant un taux de 65% sur congé de reclassement ;
.2'656,39 euros de congés payés afférentsou, subsidiairement, la somme de 102,49euros ;
.2000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonner la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi mentionnant les rémunérations réellement perçues au cours et au titre de la période de référence, incluant les commissions perçues postérieurement à la dispense d'activité, mais s'y rapportant, et sans abattement d'assiette pour les VRP, sous astreinte de 50euros par document et par jour de retard passé un délai de 30jours suivant la notification, et s'en réserver la liquidation ;
- et de condamner la Société aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution forcée.
Pour sa part, la société Pages Jaunes, reprenant oralement ses écritures, demande reconventionnellement à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire de M.X... à la somme de 6080,73euros et en ce qu'il l'a condamnée à verser à celui-ci les sommes de:
. 43000euros bruts d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-16 du code du travail;
. 16513,42euros bruts de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement;
. 1000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, la Société demande à la cour, statuant à nouveau et à titre principal de:
- fixer le salaire mensuel de M. X... à la somme de 4833,84 euros bruts ;
- et de rejeter l'appel incident de M. X... et le débouter de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire, la Société demande à la cour
- de limiter les indemnités qui seraient allouées à M. X... aux sommes suivantes:
. 29443,17 euros en application de l'article L.1235-16 du code du travail, soit le plancher légal de six moisde salaire ;
. 5033,52 euros au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- et de condamner le salarié à lui rembourser l'indemnité de licenciement perçue au titre de la rupture du contrat de travail si la cour lui accordait une indemnité de clientèle.
En tout état de cause, la Société demande à la cour de condamner M. X... aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Christophe B..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA COUR
Au préalable, la cour relève que la société Pages Jaunes n'a soulevé aucune exception ni fin de non recevoir de sorte que la demande de M. X... de les rejeter n'a pas d'objet.
Sur les conséquences de l'annulation de la validation de l'accord collectif du 20novembre2013
M. X... soutient que l'annulation de la décision de validation d'un accord collectif portant PSE, au motif qu'il ne résulte d'aucun accord majoritaire, équivaut à son absence au sens de l'article L.1233-24-1 du code du travail et qu'elle doit donc être sanctionnée comme telle. En conséquence, le conseil de prud'hommes ne pouvait écarter l'application des dispositions des articles L. 1235-10 et 11ducode du travail.
Pour sa part, la Société estime que l'annulation de l'accord collectif n'a remis en cause ni l'existence ni le contenu du PSE de sorte que, d'une part, son invalidation ultérieure n'entraîne pas la nullité du licenciement de M. X... et, d'autre part, que l'indemnisation qui lui est due doit se faire au regard exclusif de l'article L. 1235-16 du code du travail. Elle explique que l'annulation de la décision de validation de l'accord collectif relatif au PSE est la conséquence d'une négligence de l'administration qui n'a pas vérifié le mandat d'un des signataires et non d'une erreur de sa part. Elle souligne que si elle avait refusé au délégué syndical central FO le droit de participer aux négociations et à la conclusion de l'accord litigieux au seul motif de l'absence de mandat écrit, alors qu'il avait fait l'objet de désignations successives dans l'entreprise depuis 1996, qu'il était notoirement reconnu dans son mandat et qu'il avait signé plusieurs accords collectifs depuis la tenue des dernières élections professionnelles, on lui aurait reproché un délit d'entrave. Enfin, la Société relève que M. X... ne justifie pas d'un préjudice lié à cette annulation, rappelant qu'il n'existe plus de préjudice automatique.
Sur ce,
L'adoption, la validation et l'annulation d'un PSE étaient régies, à l'époque du licenciement, par les dispositions du code du travail suivantes
- l'article L.1233-57-2 aux termes duquel
L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :
1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ;
2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ;
3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L.1233-61 et L. 1233-63.
- l'article L.1233-24-1 qui dispose
Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en 'uvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité.
- l'article L.1235-10 qui prévoit
Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul.
En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle.
Les deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires
- et enfin l'article L. 1235-11 qui se lit ainsi
Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.
Il résulte de la combinaison de ces textes, issus de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qu' il existe deux modes d'élaboration d'un PSE :
- la conclusion d'un accord majoritaire validé par l'administration dans le cadre du contrôle limité de L. 1233-57-2 du code du travail ;
- l'établissement d'un document unilatéral (ou non majoritaire) soumis à homologation et au contrôle renforcé de l'administration prévu à l'article L.1233-57-3 du code du travail.
De même, il s'induit de ces textes que la nullité des licenciements n'est encourue que dans trois hypothèses :
-lorsque l'employeur a procédé à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision d'homologation ou de validation ou avant l'expiration des délais valant décision implicite d'homologation ou de validation ;
- lorsque le licenciement est intervenu en l'absence de toute décision de validation ou d'homologation ;
- lorsque l'homologation a été ultérieurement annulée en raison d'une absence ou insuffisance de PSE.
Enfin, s'induit également de ces textes que les conséquences de l'annulation de la décision administrative sont déterminées au seul regard du motif retenu par le juge administratif. S'il s'agit d'un motif tiré de l'absence ou de l'insuffisance de plan, s'appliquent les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail. Le cas échéant, il doit être fait application des dispositions de l'article L. 1235-16 du même code.
La question qui se pose à la cour est donc de savoir si l'annulation de la décision administrative au motif que l'accord collectif n'est pas un accord majoritaire pouvant donner lieu à validation d'un PSE équivaut, ou non, à une absence de plan.
Contrairement à l'argumentation soutenue par la société Pages Jaunes, et même si aucun contrôle du contenu ni de la suffisance du plan n'intervient lorsqu'il est présenté à l'administration sous couvert d'un accord majoritaire, l'annulation de celui-ci en raison de son absence de caractère majoritaire ne saurait être considérée comme une irrégularité de pure forme. Il s'agit au contraire d'une condition légale de la formation du plan et l'absence de majorité pour son adoption équivaut nécessairement à une absence d'accord. Dès lors, le PSE qu'il instituait ne peut plus être juridiquement regardé comme existant au sens des dispositions de l'article L.1233-24-1 du code du travail et il a dégénéré en accord collectif minoritaire insusceptible d'organiser la rupture collective de contrats de travail. Il ne peut pas davantage être considéré comme un document unilatéral puisqu'il n'a pas été soumis au contrôle renforcé de l'administration prévu à l'article L.1233-57-3 du code du travail. L'accord litigieux n'a donc ni la valeur ni les effets d'un accord collectif et son contenu n'est alors pas opposable aux salariés.
En l'espèce, il est constant que le licenciement de M. X..., notifié le 6 mai 2014, est intervenu dans le cadre d'un PSE déterminé par un accord collectif dont la validation par la DIRECCTE a été ultérieurement annulée par un arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative appel de Versailles, confirmé par le Conseil d'Etat le 22juillet 2015. L'accord collectif, ayant été annulé pour un motif relevant des dispositions de l'article L.1235-10 alinéa 2, ce sont donc exclusivement les dispositions de l'article L.1235-11du code du travail qu'il convient d'appliquer au présent litige.
Par contre, l'indemnisation prévue dans ce cas de nullité réparant les conséquences de la perte de l'emploi, il n'y a pas lieu, comme sollicité par M.X..., de statuer également sur la réalité des motifs économiques ayant présidé son licenciement. En effet, tant l'indemnité liée à la nullité du licenciement que celle prévue en réparation du préjudice lié à un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse sont destinées à réparer les conséquences d'une rupture subie du contrat de travail. Elles ne peuvent donc se cumuler, la cour relevant d'ailleurs que le seul cumul possible est prévu par l'article L.1235-16 du code du travail et concerne l'indemnité de licenciement.
En considération de ces observations, la cour juge le licenciement de M. X... nul et dit qu'il doit percevoir une indemnité calculée conformément aux seules dispositions de l'article L.1235-11du code du travail.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.
Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement
La Société conteste la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a fait application de la convention collective de la publicité. Elle estime que seule la convention collective des VRP est applicable puisque c'est celle qui régit les relations entre les parties conformément au contrat de travail de l'intéressé. Elle indique par ailleurs que la convention collective de la publicité n'a pas entendu que ses dispositions soient applicables aux VRP et que l'accord d'entreprise ne s'applique qu'aux personnels sédentaires de l'entreprise.
Sur les modalités de calcul, la Société estime que l'indemnité doit correspondre à la rémunération du salarié au titre d'une période de travail effectif ce qui exclut non seulement la période de dispense d'activité antérieure à l'engagement de la procédure de licenciement mais également celle du congé de reclassement. Enfin, elle soutient que les frais professionnels n'entrent pas dans l'assiette du calcul à retenir, ne s'agissant pas d'un élément de salaire.
M. X... au contraire revendique l'application des dispositions de la convention collective de la publicité. Il soutient que lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective, en l'occurrence celle de la publicité, et sous réserve que celle-ci n'exclut pas expressément les VRP, ceux-ci peuvent toujours prétendre à une indemnité au moins égale à celle à laquelle ils auraient eu droit si, bénéficiant de la convention, ils avaient été licenciés. Il estime, en tout état de cause, que la convention collective de la publicité doit s'appliquer au regard de l'accord d'entreprise conclu le 1er janvier 2004. Enfin, il affirme enfin qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne permettait à la Société de retrancher du salaire de référence, un abattement de 30% au titre des frais professionnels ni même de retenir une période autre que celle des 12 mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement.
Sur ce,
La cour rappelle que la convention collective applicable se détermine par référence à l'activité principale de l'entreprise lorsque ses autres activités, relevant de conventions différentes, ne constituent pas des activités autonomes auxquels on puisse appliquer distributivement des conventions dont elles relèveraient exclusivement. La convention collective correspondant à l'activité principale doit s'appliquer à l'ensemble des activités et accessoires de l'entreprise.
Par ailleurs, l'accord ou la convention de droit privé prime sur la convention choisie pour toutes ses dispositions plus favorables. Dès lors qu'elle constitue un avantage non prévu par la loi, la convention collective est totalement libre d'en fixer les conditions. Au contraire, en cas de concours entre des dispositions légales ou conventionnelles et les avantages prévus par ces dernières, aucun cumul n'est possible, sauf dispositions contraires. Les comparaisons s'effectuent individuellement et pour chaque avantage.
Il sera également rappelé qu'un accord de niveau inférieur (convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel) peut déroger à un accord de niveau supérieur tant s'agissant du champ territorial que s'agissant du champ professionnel, dès lors que les signataires de l'accord n'ont pas expressément exclu cette possibilité. Il appartient donc aux signataires de celui-ci de déterminer clause par clause quelle est la portée de cet accord par rapport à celle du niveau inférieur. En cas de silence, les nouvelles clauses ont un caractère supplétif. Il en est de même pour les adaptations des normes de rang inférieur aux évolutions de celle de rang supérieur.
Enfin, au regard de l'article L.2253-3 du code du travail, en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie, d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l'article L. 2241-3 et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter de clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement.
En l'espèce, il est constant que la société Pages Jaunes applique deux conventions collectives, celle des VRP et celle de la Publicité et qu'elle dispose par ailleurs, depuis le 1er janvier 2004, d'un accord d'entreprise particulier.
La convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955 telle que modifiée par additif du 14 mars 1975 et étendue par arrêté du 17 juillet 1975, dispose, en son article premier
La présente convention nationale a pour objet de régler les conditions générales de travail et les rapports entre les employeurs et les cadres, techniciens, agents de maîtrise et employés des entreprises de la publicité et assimilées, telles que définies aux groupes 77-10 et 77-11 des nomenclatures d'activités et de produits, établies par l'INSEE, décret du 9 novembre 1973, et ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées (1).
Elle ne peut être l'occasion de restrictions aux avantages acquis antérieurement, de quelque nature qu'ils soient.
Aux termes de son article 2, modifié par avenant n° 10 du 7 juin 1974 et en vigueur étendu par arrêté du 17 juillet 1975
Le personnel administratif employé des organismes ressortissant à la confédération de la publicité française et aux parties signataires de la présente convention bénéficiera de la présente convention.
Les salariés des différentes professions étrangères à la publicité qui exercent leur activité à temps complet dans les entreprises de publicité et assimilées, ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées, bénéficieront de la présente convention, sans que leur rémunération puisse être inférieure à celle que leur assuraient les conventions régissant leurs professions.
Exception est faite pour les entreprises appliquant à une partie de leur personnel les dispositions d'autres conventions collectives. La direction précisera, par écrit et à l'embauche, à chacun des membres de son personnel, de quelle convention il relève. (Souligné par la cour)
Pour sa part, aux termes du 3° du préambule de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, étendu par arrêté du 20 juin 1977 et élargi par arrêté du 28 juin 1989
Considérant que l'article L. 751-9 (dernier alinéa) du code du travail ouvre aux représentants de commerce le droit à une indemnité conventionnelle de licenciement ou de mise à la retraite, décident, en conséquence, d'instaurer ces indemnités par la présente convention collective qui sera seule applicable aux représentants de commerce, sauf dans le cas où une autre convention collective liant l'entreprise comporterait des dispositions plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce (gras et souligné par la cour),
dispositions qui sont également reprises à l'article 19 qui dispose
La présente convention collective s'applique aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce visés et s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce. (gras et souligné par la cour)
Il se déduit de ces dispositions que la convention collective des VRP doit s'appliquer aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce et qu'elle s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce.
Or, les dispositions de la convention collective de la publicité, telles que rappelées ci-dessus, sont sans ambiguïté ni contradiction en ce qu'elles ne prévoient pas son applicabilité aux représentants ayant le statut de VRP lesquels relèvent de la convention collective des VRP.
D'ailleurs, le contrat de travail de M. X..., employé comme VRP, ainsi que les bulletins de salaire qui lui ont été délivrés, font expressément mention de l'application, à la relation de travail, de cette dernière convention, ce qu'il n'a jamais contesté en son temps.
C'est à tort que M. X... invoque plusieurs arrêts de la Cour de cassation ayant écarté la convention collective des représentants au profit d'autres conventions collectives, ces arrêts étant relatifs soit à des accords qui n'excluaient pas leur application aux salariés relevant d'autres dispositions conventionnelles, ce qui n'est pas le cas de celle de la publicité, soit à des salariés qui se trouvaient hors du champ de la convention collective des VRP et de l'ANI (souvent car non prévu au contrat de travail), ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce.
En conséquence, M. X... ne peut revendiquer l'application de la convention collective de la publicité et le jugement entrepris sera réformé en ce sens.
Par contre, la convention d'entreprise du 1er janvier 2004 prévoit spécifiquement une indemnité conventionnelle de rupture pour les bénéficiaires de l'accord interprofessionnel VRP. C'est ainsi que
Sauf licenciement pour insuffisance ou faute professionnelles, l'indemnité conventionnelle de rupture prévue par l'accord national interprofessionnel des VRP donne lieu à un double calcul:
a) celui défini en son article 13,
b) celui dont l'assiette et constituée par la moyenne mensuelle de la meilleure des cinq années civiles précédant le départ, sous déduction des frais professionnels, après revalorisation selon l'évolution de l'indice INSEE,
le montant le plus favorable étant retenu.
Aux termes des dispositions de l'article 13 de la convention collective des VRP
Lorsque, après 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail (1) alors qu'il est âgé de moins de 65 ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 15 du présent accord, l'indemnité à laquelle l'intéressé peut prétendre en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 751-9 précité est fixée comme suit, dans la limite d'un maximum de 6 mois et demi (2):
- pour les années comprises entre 0 et 3 ans d'ancienneté : 0,15 mois par année entière ;
- pour les années comprises entre 3 et 10 ans d'ancienneté : 0,20 mois par année entière ;
- pour les années comprises entre 10 et 15 ans d'ancienneté : 0,25 mois par année entière ;
- pour les années au-delà de 15 ans d'ancienneté : 0,30 mois par année entière.
Cette indemnité conventionnelle de rupture, qui n'est cumulable ni avec l'indemnité légale de licenciement ni avec l'indemnité de clientèle, sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.
Toutefois, cette indemnité sera calculée sur la seule partie fixe convenue de cette rémunération lorsque l'intéressé bénéficiera également de l'indemnité spéciale de rupture prévue à l'article 14 ci-dessous. (Souligné par la cour)
Pour sa part, l'article L.7313-17 du code du travail prévoit
Lorsque l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d'un groupement d'employeurs, le voyageur, représentant ou placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, bénéficier d'une indemnité.
L'indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait, selon son âge, été licencié ou mis à la retraite.
Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.
Les pièces produites aux débats permettent donc de retenir les dispositions de la convention collective des VRP comme étant celles les plus favorables pour M. X....
Par contre, au regard de ces dispositions, et contrairement à ce que soutient l'employeur, il doit être retenu, à défaut de dispositions conventionnelles dérogatoires plus favorables, pour déterminer le salaire de base sur lequel est calculée l'indemnité de licenciement, la période de rémunération correspondant aux 12 mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement, en dehors de toute période de suspension du contrat de travail.
Si par lettre du 25 février 2014, l'employeur a notifié à M. X... qu'il entrait dans une période consacrée à la recherche de solutions de reclassement interne, qu'il était dispensé d'activité tout en demeurant intégralement rémunéré, il n'en demeure pas moins que le contrat de travail n'étant pas suspendu, la période durant laquelle il a été dispensé de travailler, mais rémunéré, entre dans l'assiette de calcul. La période de référence est donc celle débutant le 1er mai 2013 et se terminant le 30 avril 2014, dernier mois complet travaillé.
S'agissant du salaire de référence, ne doivent être totalisés que les éléments correspondant à la notion de salaire, c'est-à-dire ceux qui sont la contrepartie d'un travail effectif ou assimilé comme tel. Doivent ainsi être incluses :
- toutes les primes perçues par le salarié au cours des 12derniers mois ayant la nature de salaire, ou, en cas d'option comme salaire de référence pour le tiers des trois derniers salaires, les primes et gratifications à caractère annuel versées au cours de cette période, mais dans la limite d'un calcul prorata temporis ;
- les heures supplémentaires ;
- les indemnités de congés payés versées par l'employeur ou par des caisses de congés payés ;
- ainsi que la part de rappel de salaire correspondant à la période de référence au titre de laquelle l'employeur a été condamné.
Doivent à l'inverse être exclus :
- le remboursement des frais professionnels réellement exposés pour l'exécution du travail (qu'ils soient définis forfaitairement ou au réel) ;
- l'indemnité compensatrice de congés payés, qui n'est pas un élément de salaire se rapportant à la période de référence;
- les commissions et l'intéressement perçus pendant la période de référence mais relatifs à des affaires antérieures;
- et les sommes correspondant à l'indemnisation du congé de reclassement dès lors qu'elles n'ont pas été versées en remplacement ou en complément du salaire habituellement perçu par le salarié.
En l'espèce, sur la période de référence retenue, aucun élément ne permet de considérer qu'une partie des commissions ou d'intéressement due à M. X... n'aurait pas été prise en compte. Au contraire, les bulletins de salaire de l'intéressé font apparaître qu'ils ont été versés chaque mois, y compris durant la période de dispense d'activité et celle du congé de reclassement. D'ailleurs, aucune des parties ne démontre, ni ne chiffre, quelles seraient les commissions qui relèveraient d'une autre période que celle de référence, et qui devraient donc être exclues du salaire de référence, ni celles qui n'auraient pas été intégrées.
De même, la cour constate que les parties n'ont formulé aucune remarque sur la nature des diverses primes perçues par le salarié au cours de la relation de travail de sorte qu'elles seront considérées comme étant la contre partie d'un travail effectif et intégrées au salaire de référence.
Aux termes de l'article 13 de la convention collective applicable, l'indemnité conventionnelle de rupture est calculée sur la base de la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois après déduction des frais professionnels évalués forfaitairement à 30% si le VRP ne percevait aucun remboursement de frais ou sans tenir compte de ces remboursements dans le cas contraire.
Le contrat de travail de M. X... prévoit, en son article 5, que les commissions englobent les frais que l'intéressé est susceptible d'engager pour les besoins de sa fonction.
La cour constate que M. X... n'en a jamais critiqué la légitimité au cours de la relation de travail et relève que, contrairement à ses allégations, la Société a mis en oeuvre cette déduction sur la base d'un accord collectif signé à l'unanimité des organisations syndicales représentatives, le 27novembre 2003. Cet accord prévoit ainsi à l'article 1 :
Les parties décident par le présent accord de maintenir l'abattement forfaitaire spécifique de l'assiette des cotisations sociales pour frais professionnels (30% limité à 7600 €) pour chaque VRP de PagesJaunes.
Dès lors, il y a lieu de calculer le montant de l'indemnité conventionnelle de rupture en procédant à l'abattement prévu à la convention collective d'autant plus que la Société justifie avoir procédé à cet abattement jusqu'au plafond de 7600 euros et, lorsqu'il a été atteint, avoir procédé à une régularisation et assujetti, pour les mois suivants, l'intégralité de la rémunération perçue à la cotisation assurance chômage.
La rémunération perçue par M. X... sur la période de référence, incluant l'indemnisation forfaitaire de ses frais professionnels à hauteur de 30% et le remboursement de frais divers, s'est élevée à la somme de 72968,76euros. Une fois ces frais retranchés, pour respectivement 16791,57euros et 511,30 euros, sa rémunération annuelle brute s'est élevée à la somme de 56177,19euros, représentant 4681,43 euros par mois.
Enfin, s'agissant de l'ancienneté à retenir, à défaut de stipulations conventionnelles dérogatoires, il convient de faire application de l'article L.1233-72 alinéa 2 du code du travail'qui dispose:
Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement,
de sorte que, embauché le 20 décembre 1999 et le contrat de travail ayant pris fin le 14 mai 2015 à la fin du congé de reclassement, M. X... justifiait d'une ancienneté de 15 ans, cinq mois et 24jours.
La cour constate que M. X..., qui revendiquait l'application de la convention collective de la publicité, n'a fait aucune observation sur les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement au visa de la convention collective des VRP.
Au regard de ce qui précède, l'indemnité doit s'établir de la manière suivante :
- pour la période d'ancienneté entre 0 et 3 ans (0,15%): 4684,58euros ;
- pour la période d'ancienneté entre 3 et 10 ans (0,20%): 6554euros ;
- pour la période d'ancienneté entre 10 et 15 ans (0,25%): 5851,78euros ;
- pour la période au delà de 15 ans soit cinq ans, cinq mois et 24 jours (0,30) : ( 7022,14euros +585,17euros + 93,62) = 7700,93euros,
soit la somme de 24791,29 euros.
La société Pages Jaunes a versé à M. X... la somme de 17830,54 euros de sorte qu'elle reste lui devoir la somme de 6 960,75euros, la cour relevant que l'application de la convention collective de la publicité aurait limité son indemnisation à la somme de 24078,13euros et donc à un rappel d'un montant de 6 247,59euros.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.
Sur le maintien de la rémunération pendant la période de reclassement
M. X... soutient que l'accord du 20 novembre 2013, insusceptible d'organiser la rupture collective de contrats de travail, ne pouvait donc pas davantage supprimer ou réduire la rémunération des salariés durant les périodes de suspension imposées par l'employeur dans le cadre d'une procédure nulle. De surcroît, il estime que la Société ne pouvait verser aux salariés placés en congé de reclassement une allocation inférieure à 65 % de leur rémunération mensuelle brute moyenne, ni omettre, au titre des frais professionnels, plus de 7 600 euros par an et par salarié.
Il relève également que l'accord ne pouvait pas déroger aux dispositions et législatives réglementaires, ni modifier ou réviser, sans l'accord unanime des signataires, un accord collectif antérieur non dénoncé prévoyant des dispositions plus avantageuses pour les salariés en formation. Dès lors, il estime avoir droit au maintien à 100% de sa rémunération sur toutes les périodes de reclassement imposées par la Société.
Enfin, il conteste la validité de la décision de la Société qui, après l'avoir admis au bénéfice de la formation longue, est revenue sur son accord et a limité son congé de reclassement à 12mois.
La société Pages Jaunes sollicite la confirmation de la décision entreprise estimant qu'elle a fait une juste application des dispositions du PSE prévoyant le congé de reclassement. Elle conteste avoir procédé de manière irrégulière ou erronée au calcul de la rémunération de M.X... et affirme qu'il a perçu un salaire ne contrevenant ni à la loi ni au plan.
S'agissant de la durée du congé de reclassement, la Société estime n'avoir commis aucune faute, exposant que la formation suivie par X... dans ce cadre ne lui permettait pas de bénéficier d'une durée au delà de 12 mois.
Sur ce,
La cour doit rappeler que l'accord collectif prévoyant un PSE a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles, de sorte que celui-ci ne peut plus recevoir application. Le congé de reclassement prévu par le plan est en conséquence nul comme n'ayant plus de cause conformément aux dispositions de l'article 1131 du code civil dans sa version applicable au litige, qui dispose que 'L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet . De même, ni le salarié ni l'employeur ne peuvent invoquer l'existence d'un engagement unilatéral pour maintenir son application, celui-ci n'ayant pas davantage de cause.
Au regard de la combinaison des dispositions de l'article L.1233-7-2 du code du travail selon lequel ' le salarié qui accepte un congé de reclassement bénéficie d'un préavis qu'il est dispensé d'exécuter et perçoit pendant sa durée le montant de sa rémunération , des dispositions de l'article R. 1233-22 selon lequel ' lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement et en raison du fait que l'annulation du congé de reclassement n'entraîne pas une rupture anticipée du contrat de travail (le salarié restant sous l'autorité et à la disposition de l'employeur), M. X... doit percevoir, pour la période du congé de reclassement, le salaire auquel il pouvait prétendre s'il avait effectivement travaillé, la cour relevant qu'aucune demande de rappel de salaire chiffrée n'a été formée au titre de la période correspondant à la dispense d'activité antérieure à l'engagement de la procédure de licenciement.
S'agissant de la durée du congé de reclassement, il n'est pas contesté que M. X... a souhaité s'engager dans une formation longue dont le terme aurait excédé les 12 mois prévus par le PSE au titre du congé de reclassement. Il a alors bénéficié, selon un courrier de la direction des ressources humaines daté du 6octobre2014, d'un allongement de la durée de son congé à 24 mois.
Il n'est pas davantage contesté que la Société a, par courrier du 25 février 2015, ramené la durée du congé à celle initialement prévue de 12 mois au motif que la formation suivie se déroulait en réalitésur 11 mois.
Sur ce point, la cour doit rappeler que si le congé de reclassement a été annulé en raison de l'invalidation ultérieure de l'accord collectif qui le prévoyait, il n'en demeure pas moins que pour apprécier le comportement, fautif ou non, de la Société, dans la décision de limiter à 12mois la durée du congé, il convient de rechercher les obligations qui étaient les siennes au moment où elle a pris sa décision.
Aux termes de l'article 4.4.4.5 de l'accord du 20 novembre 2013
La durée du congé de reclassement, incluant le préavis que le salarié est dispensé d'exécuter, est de 12 mois ; cette durée est portée à 15 mois pour les salariés âgés de 58 ans et plus, l'âge étant apprécié au 30 juin 2014.
Les salariés éligibles au régime « carrières longues » pourront bénéficier d'un congé de reclassement de 15 mois sous réserve de remettre à la société, avant le terme du 12ème mois du congé de reclassement, une attestation de la CNAV confirmant leur éligibilité au régime de retraite « carrières longues ».
Par ailleurs en cas de formation longue de reconversion d'une durée de 12 mois, la durée du congé sera portée à 18 mois ; cette durée pourra être portée à 24 mois avec l'accord de la Direction des Ressources Humaines.
En l'espèce, les pièces produites aux débats, notamment le programme de formation, établissent que la formation suivie par M. X... était de 11 mois, ce qui ne lui permettait effectivement pas de bénéficier de l'allongement de la durée de son congé de reclassement. S'il verse bien aux débats un document contenant son projet de formation de négociateur immobilier mentionnant la période du 2 septembre 2014 au 30 juillet 2016, la convention de formation, du 24juillet 2014, signée par l'organisme de formation et la société Pages Jaunes, ne porte que sur la période du 2septembre 2014 au 30juillet 2015.
C'est donc à juste titre que l'employeur a limité le congé de reclassement à 12mois et M. X... ne saurait soutenir qu'il a subi un préjudice de ce chef, d'autant plus que l'avenant à cette convention, du 20 mars 2015, portant le terme au 30 juillet 2016, a été refusé par la société Pages Jaunes. Le jugement doit en conséquence être confirmé sur ce point.
En conséquence, M. X..., qui a bénéficié d'un préavis de trois mois et d'un congé de reclassement de 12mois a droit au maintien de sa rémunération pour l'ensemble de cette période.
Le salaire moyen de M. X..., calculé conformément aux modalités précédemment explicitées, s'est élevé, au regard de la moyenne des trois derniers mois travaillés, à la somme de 7193,84euros, montant plus favorable que s'il était retenu la moyenne des 12 mois précédant le licenciement. Pour autant, la cour étant liée par les prétentions des parties et M. X... sollicitant 'de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé son salaire de référence à la somme de 6080,73euros , c'est cette dernière somme qui sera retenue.
Il résulte des pièces produites que M. X... a perçu:
- pour la période du congé de reclassement correspondant à la durée du préavis, soit de mai à juillet 2014 inclus, la somme de 23 452,51euros après déduction des frais professionnels représentant 1066,60euros (30% des commissions reçues); le maintien de sa rémunération lui permettait de percevoir la somme de 18242,19euros (soit un trop perçu de 5210,32euros) ;
- pour la partie excédant le préavis, soit d'août 2014 au 14 mai 2015, la somme de 46007euros bruts après déduction des frais professionnels représentant 2884,65 euros (30% des commissions reçues); le maintien de sa rémunération aurait dû lui permettre de percevoir la somme de 57472,70euros, soit un manque de 11465,70euros.
La société Pages Jaunes doit donc verser à M. X... la somme de 6255,38euros au titre du complément de salaire outre la somme de 625,53euros de congés payés afférents. S'agissant de créances salariales, ces sommes seront soumises à cotisations sociales et porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.
Sur l'indemnité de clientèle
M. X...estime que la société Pages Jaunes ne lui a pas réglé en intégralité son indemnité de clientèle et que le versement d'une rémunération spéciale qu'il a perçue au taux de 11 % sur le développement de la clientèle n'est pas de nature à solder, par avance, l'intégralité d'une indemnité de clientèle notamment parce qu'elle ne tenait pas compte de la diminution de la valeur du portefeuille qui lui était confié alors qu'elle retenait des événements, pourtant imputables à l'employeur, ayant influencé négativement son activité. Il estime justifier, par la production de ses comptes de courtage, qu'il a apporté des clients ou des affaires supplémentaires par rapport à son portefeuille de base sans avoir obtenu une indemnisation suffisante. Il estime que l'indemnité de clientèle doit être fixée, conformément à la jurisprudence, à deux ans de revenus.
Pour sa part, la société Pages Jaunes affirme que M. X...a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité de clientèle puisque les VRP ne généraient ni accroissement en nombre des portefeuilles qui leur étaient confiés ni accroissement en valeur autre que celui indemnisé par une rémunération spéciale. Elle rappelle qu'il appartient en outre au VRP, qui sollicite le paiement d'une indemnité de clientèle, de justifier d'un préjudice, ce que M. X...échoue à faire.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.7313-13 du code du travail
En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.
Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié.
Pour sa part, l'article L.7313-16 du même code précise que
L'indemnité de clientèle ne peut être déterminée forfaitairement à l'avance.
Et enfin, il sera rappelé que l'article L.7313-17 dispose
Lorsque l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d'un groupement d'employeurs, le voyageur, représentant ou placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, bénéficier d'une indemnité.
L'indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait, selon son âge, été licencié ou mis à la retraite.
Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.
Il résulte de cette disposition que pour pouvoir bénéficier d'une indemnité de clientèle, le VRP doit justifié qu'il a personnellement apporté, créé ou développé une clientèle, en nombre et en valeur. Il doit de même apporter la démonstration d'un lien entre son activité personnelle et l'augmentation du chiffre d'affaires éventuellement constaté.
Il ressort de la combinaison de ces dispositions que le représentant relevant de l'accord du 3octobre1975, ce qui est le cas en l'espèce, peut bénéficier, en cas de licenciement, de trois séries d'indemnités, non cumulables entre elles:
- une indemnité de clientèle, qui est une indemnité de premier rang;
- une indemnité conventionnelle, autrement appelée indemnité spéciale de rupture ou indemnité conventionnelle de rupture, indemnité de deuxième rang, que le représentant perçoit uniquement s'il renonce à la l'indemnité de clientèle;
- l'indemnité légale de licenciement qui est l'indemnité minimale que le représentant doit en tout état de cause percevoir.
L'indemnité de clientèle représente la part qui revient personnellement au représentant dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Cet apport doit au demeurant être réel et stable, ce qui implique un lien de fidélité entre l'acheteur et l'entreprise ainsi que la constitution d'un courant d'affaires entre eux. Cette indemnité est destinée à réparer le préjudice subi par le représentant du fait de la perte, pour l'avenir, du bénéfice de cette clientèle.
Il appartient au représentant de justifier de l'apport, de la création ou du développement d'une clientèle. Il lui appartient également de démontrer l'existence d'un préjudice.
En l'espèce, la cour constate que M. X...ne produit que son contrat de travail et le listing de ses comptes de courtage individuels pour les éditions 2010 à 2014, desquels il ne peut être déduit, faute de toute analyse, qu'il a personnellement apporté à son employeur une clientèle soit au moment de son embauche soit pendant l'exécution de son contrat de travail.
M. X...peut d'autant moins le prétendre, qu'il résulte de la lecture de son contrat de travail, dont il ne conteste pas qu'il s'est appliqué, que c'est son employeur qui lui a fourni un portefeuille de clients et de prospects à démarcher pour chaque campagne de prospection. Ainsi, l'article 2 de son contrat de travail stipulait
La Société Pages Jaunes s'engage à mettre à disposition de chaque zone groupe un portefeuille global en fonction du nombre de collaborateurs d'une même catégorie de celle-ci. La Société Pages Jaunes s'engage par ailleurs à confier à l'intéressé(e), pour chaque édition et selon des modalités et conditions définies par elle, un portefeuille complémentaire en fonction de ses performances individuelles (').
La seule évocation, dans un document interne intitulé « Bilan édition de la force de vente terrain de l'année 2011», de l'existence de « conquêtes » ne peut être utilement excipé par M.X...pour démontrer qu'il a apporté une clientèle puisque non seulement il ne concerne que l'année 2011 mais surtout, il n'évoque pas sa situation personnelle mais l'apport par catégorie de représentants (conseillers commercial, conseillers commercial master ou master+), sans d'ailleurs en identifier l'origine.
La mission de M. X...consistait donc essentiellement à renouveler et à développer les commandes des clients existants que la S.A. Pages Jaunes lui avait préalablement confiés.
Or, les pièces produites permettent à la cour de constater que M.X... a été indemnisé pour la part qu'il a apporté dans ce développement par le versement d'une rémunération spéciale.
En effet, en raison de la nature de l'activité de la Société et parce que la composition des portefeuilles confiés aux représentants variait chaque année, la Société n'aurait pu procéder à une évaluation classique de l'indemnité de clientèle. Elle a donc mis en place un système de rémunération spéciale qui permettait, chaque année, d'indemniser le salarié de la part qu'il avait pris dans le développement de la clientèle qui lui avait été confiée. Ce système, conforme à l'article L.7313-13 du code du travail, a été porté à la connaissance et accepté par M.X...dans le cadre de son contrat de travail, qui stipule, en son article 6
En raison de la nature du portefeuille confié à l'intéressé(e), dont la composition varie selon chaque édition, l'évaluation d'une indemnité de clientèle classique ne peut être mesurée. C'est pourquoi, Pages Jaunes a mis en place un système de rémunération spéciale permettant édition après édition d'indemniser l'intéressé(e) de la part prise par lui (elle) dans le développement de la clientèle qui lui est confiée.
La cour constate que la Société a bien remis à M. X..., chaque année, un compte de courtage qui reprenait non seulement le nom des clients qu'elle lui confiait avec la valeur du portefeuille mais également la rémunération spéciale qu'il percevait, au taux de 11% hors produits spéciaux, ces derniers étant soumis à un taux variant selon leur nature.
Cette rémunération spéciale, qui a sans équivoque vocation à se substituer à l'indemnité de clientèle de fin contrat, a bien été perçue par M. X...tout au long de l'exécution de son contrat de travail. Employé en qualité de VRP de 2002 à 2013, il a perçu entre 2006 et 2013, à ce titre, la somme de 167960,80euros bruts. Sur la période prise comme référence par le salarié, il a perçu 13020,84euros pour l'édition 2010, 13020,84 euros pour l'édition 2011, 15930euros pour l'édition 2012, 18131,76euros pour l'édition 2013 et 11930,88euros pour l'édition 2014 (de janvier à juillet).
Aucune des pièces produites par M. X... ne permet d'établir qu'une part d'augmentation la clientèle n'aurait pas été prise en compte dans le calcul de cette indemnité spéciale de sorte que serait justifié le versement d'un complément d'indemnité de clientèle, hypothèse d'ailleurs envisagée à l'article 15 de son contrat de travail. Les tableaux récapitulatifs et les comptes de courtage qu'il produit ne sauraient en effet faire cette démonstration car, pour les premiers, ils ne tiennent pas compte de la rémunération spéciale qu'il a reçue, et, pour les seconds, ne font aucune différence entre les clients du portefeuille prospectés par le VRP lui-même et ceux prospectés par la Société après un «ciblage marketing». Or il résulte de l'avenant signé le 11février 2013, que certains des clients du portefeuille confié à M. X... pouvaient être prospectés par l'employeur auquel cas, le taux retenu pour déterminer la rémunération spéciale était minoré. Il ne peut donc exciper de ces documents pour justifier une augmentation en valeur de la clientèle qui n'aurait pas été compensée par la rémunération spéciale.
De même, bien que M. X... affirme que sa rémunération spéciale aurait été injustement minorée soit en raison de la diminution de la valeur du portefeuille qui lui était confié d'une année sur l'autre soit en raison d'événements imputables à l'employeur, il ne fournit aucun élément en ce sens.
Enfin, la cour relève que M. X... ne démontre pas que son travail de prospection aurait créé un lien de fidélité entre le client et l'entreprise et la constitution d'un courant d'affaires entre eux, condition pourtant essentielle afin de pouvoir bénéficier de l'indemnité sollicitée.
En conséquence, M. X..., qui a accepté les dispositions de son contrat de travail et qui a perçu tout au long de la relation contractuelle une rémunération spéciale dont il n'a pas été démontré son insuffisance, ne justifie ni avoir apporté ou développé personnellement une clientèle pas davantage qu'il ne justifie d'un préjudice lié à la perte du portefeuille clients. Il n'est donc pas fondé à solliciter une indemnité de clientèle.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur l'indemnisation réparant le préjudice lié à la nullité du licenciement.
M. X... prétend au paiement de la somme de 109453euros 'pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse , invoque son âge au moment de son licenciement (45 ans), son ancienneté au sein de l'entreprise (17 ans) et l'importance des charges de la vie courante auxquelles il doit faire face alors qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et qu'il ne perçoit que des allocations chômage réduites.
Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L.1235-11 du code du travail, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, comme c'est le cas en l'espèce, le juge lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 12derniers mois. Néanmoins, M. X... peut solliciter une indemnisation supérieure, dès lors qu'il justifie d'un préjudice plus important que celui réparé par le montant minimal légal.
La cour rappelle de nouveau que l'indemnité pour licenciement nul ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour doit également rappeler que M. X... a été licencié à la suite de son refus d'accepter la modification de son contrat de travail. Il était pourtant prévu qu'il bénéficierait désormais du statut de cadre de sorte qu'il ne relèverait plus des dispositions tant légales, réglementaires que conventionnelles du statut VRP mais de celles de la convention collective nationale de la publicité et des accords d'entreprise existants, plus favorables, notamment, en terme de retraite complémentaire et de remboursement de frais. La cour relève d'ailleurs qu'au jour de l'audience, c'est l'application de la convention collective de la publicité qu'il revendique au motif qu'elle lui est plus favorable. Il pouvait également bénéficier d'une annualisation de son temps de travail.
Sa rémunération, qui était composée uniquement de commissions comprenant le remboursement forfaitaire de ses frais, soit, pour l'année 2013, 62643euros (ou 58006,03euros après déduction des frais), aurait désormais été constituée d'une part fixe de 3126,42euros payable en 12mensualités, 13ème mois inclus, et d'une part variable, correspondant à 60% du salaire brut annuel fixe / 1,10 (correspondant aux congés payés) à objectifs atteints, soit 22510euros bruts (donc une augmentation annuelle que ne conteste pas M. X... de plus de 16000euros bruts). Par ailleurs, en cas de dépassement des objectifs sa rémunération variable aurait augmentée en proportion sans plafonnement. Enfin, le remboursement de ses frais n'aurait plus été inclus dans son salaire mais effectué séparément, au réel.
Aucun des éléments versés aux débats par M. X... ne permet de considérer que les nouvelles modalités de prospection lui étaient défavorables ou que les objectifs fixés ne pouvaient pas être atteints.
De même, dans le cadre du congé de reclassement, il a refusé plusieurs postes de ' conseiller communication digitale spécialiste au sein de plusieurs agences de la société Pages Jaunes, dont celle au sein de laquelle il travaillait, postes pourtant de catégorie égale à celui qu'il occupait et assortis d'une rémunération au moins équivalente à sa rémunération actuelle. Il a également refusé tous les autres postes de reclassement interne disponibles notamment les postes de ' conseiller communication digitale .
Au jour de la présente audience, la cour doit constater que M. X... ne verse aucun document sur sa situation professionnelle et personnelle. Il ne fournit qu'une attestation du Pôle Emploi justifiant qu'il a perçu une allocation journalière de 90,94 euros (soit 2 728,20 euros par mois) jusqu'au 28février2017 et un tableau d'amortissement dont la date d'établissement est inconnue, de sorte qu'il ne peut en être déduit que la charge du remboursement est toujours d'actualité.
Par ailleurs, s'agissant des conséquences de son licenciement sur ses droits à la retraite, la cour relève qu'aucun document ne permet d'en connaître l'importance, aucun relevé de carrière actualisé n'étant produit. Par contre, il ressort de celui versé (qui date de 2015) que s'il n'a cotisé que 106trimestres, ce n'est nullement en raison de la rupture du contrat de travail mais parce qu'il relevait, avant 1998, du régime social des indépendants, à propos duquel il n'est fourni aucun renseignement. Pour les mêmes raisons, l'absence de pièces justificatives empêche M.X... de faire grief à son employeur de s'être abstenu de verser des cotisations de retraite complémentaire, d'autant plus que les bulletins de salaire émis pendant la période du congé de reclassement, portent mention de tels versements, ce que confirme l'association C... Médérick par courrier du 28mars 2018.
Les éléments ainsi produits aux débats permettent d'estimer que le préjudice subi par M.X..., du fait de ce licenciement, sera intégralement réparé par la condamnation de la société Pages Jaunes au paiement de la somme de 73000euros.
De ce montant devra être déduite la somme de 36 484,30euros déjà perçue à titre de provision en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 9mars 2016.
Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Les termes du présent arrêt modifiant les éléments ayant présidé à l'établissement des documents de fin de contrat, il convient d'ordonner à la société Pages Jaunes, la remise, à M.X..., d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, notamment s'agissant de la période de référence et du salaire, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société Pages Jaunes et M. X... succombant chacun pour partie à l'instance, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile. Pour la même raison, les parties assumeront la charge des dépens qu'elles auront engagés.
Par ailleurs, la cour ne fera pas droit à la demande de distraction des dépens au profit de MaîtreChristopheB..., avocat, la société Pages Jaunes ne justifiant pas que son conseil aurait fait l'avance de frais non compris dans les dépens et dont il n'aurait pas reçu provision.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu'il a fixé le salaire moyen de M. Gilles X... à la somme de 6080,60euros et en ce qu'il a :
- débouté ce dernier de sa demande d'indemnité de clientèle ;
- rejeté sa demande d'indemnité au titre des rémunérations omises pendant le congé de reclassement;
- débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour réduction abusive de la durée de son congé de reclassement';
- et accordé au salarié la somme de 1000euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. Gilles X... est nul ;
Décide que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des VRP;
Condamne la société Pages Jaunes à verser à M. X... les sommes suivantes :
. 73000euros d'indemnité pour licenciement nul au visa de l'article L.1235-11du code du travail desquels devra être déduite la somme de 36484,30 euros qu'il a déjà perçue à titre de provision en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes le 9mars 2016;
.6255,38euros bruts au titre du complément de salaires afférent à la période du congé de reclassement;
.625,53euros bruts de congés payés afférents ;
.6 960,75euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Déboute M. X... de ses autres demandes indemnitaires ;
Rappelle que les sommes ayant un caractère de salaire bénéficient des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les autres sommes à compter du présent arrêt ;
Ordonne à la SA Pages Jaunes de délivrer à M. X..., une attestation destinée au Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paye récapitulatif conformes au présent arrêt ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,