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15/11/2018 | FRANCE | N°18/00822

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 15 novembre 2018, 18/00822


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 39H



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 NOVEMBRE 2018



N° RG 18/00822 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SE5S



AFFAIRE :



SAS PAGOT-OPTIC agissant en la personne de son président M. [W] [O] domicilié en cette qualité audit siège





C/

SASU ALEX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège









Décision défé

rée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/00525



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Céline BORREL

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COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2018

N° RG 18/00822 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SE5S

AFFAIRE :

SAS PAGOT-OPTIC agissant en la personne de son président M. [W] [O] domicilié en cette qualité audit siège

C/

SASU ALEX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/00525

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Céline BORREL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS PAGOT-OPTIC agissant en la personne de son président M. [W] [O] domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 518 541 289

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2018028

assistée de Me Tamar LOUBATON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2221

APPELANTE

****************

SASU ALEX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 481 234 318

Centre commercial [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122

assistée de Me Michael HADDAD de la SELAS HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2092 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 octobre 2018, Madame Odette-Luce BOUVIER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] est le gérant de la société Valmy qui exploite sous l'enseigne Eye Design un magasin d'optique situé centre commercial des [Adresse 3].

Il est également le président de la SASU Alex laquelle exploite aussi un magasin d'optique dans le même centre commercial sous l'enseigne 'Les Opticiens Conseils'.

M. [O], qui a exercé du 17 novembre 1981 au 11 mai 2017 les fonctions de chef adjoint de succursale dans l'établissement 'Les Opticiens Conseils', est depuis l'année 2009 président de la SAS Pagot-Optic qui exerce sous l'enseigne 'Actu Eyes'.

MM. [O] et [S] sont également associés au sein d'une société Optic Millenium, créée en 2002, qui exploite des magasins d'optique.

Suspectant M. [O] et la société Pagot-Optic d'agissements frauduleux et de concurrence déloyale, la société Alex a saisi par voie de requête le 11 avril 2017 le président du tribunal de grande instance de Pontoise - ainsi que les juges des requêtes d'Auxerre et de Bordeaux dans des procédures distinctes- aux fins de mesure d'instruction.

Par ordonnance du 12 avril 2017, le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Pontoise a autorisé un huissier de justice à se rendre, accompagné d'un informaticien, au sein d'un établissement secondaire de la société Pagot-Optic (enseigne Actu Eyes) situé à [Localité 1](95) pour y procéder à des constatations dans les programmes informatiques de l'établissement, obtenir des copies de divers documents et effectuer des captures ou téléchargements d'écrans.

Par acte d'huissier du 2 juin 2017, la société Pagot-Optic a assigné la société Alex devant le juge de la rétractation aux fins d'annulation des procès-verbaux de constat établis sur la base de l'ordonnance sur requête et de restitution de l'ensemble des éléments saisis sur la base de cette ordonnance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 5 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, retenant notamment qu'il résulte des éléments produits par la société Alex lors de la procédure sur requête, que la requérante justifiait à tout le moins d'éléments troublants dans la gestion des stocks des deux magasins ; que les investigations menées par la société Alex et les pièces produites à l'appui de sa requête ont permis d'établir avec un degré de vraisemblance suffisant pour justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction que des montures de lunettes provenant de l'enseigne Les Opticiens Conseils située au centre commercial [Établissement 1] ont été vendues dans le magasin Actu eye exploité à [Localité 1] par la société Pagot-Optic ;

que le demandeur à la requête n'était pas à cette date en possession des éléments probatoires que la requête avait pour objet de réunir et que seul un effet de surprise pouvait permettre d'obtenir; que la preuve n'est pas rapportée que la société Alex ait présenté à l'appui de sa requête des éléments mensongers ; que la mesure de constat n'apparaît pas disproportionnée, l'ordonnance dressant une liste limitative des devis, factures d'achats et de ventes et bons de livraison relatifs aux stocks, ventes et livraisons dont l'officier ministériel est autorisé prendre copie et prévoyant que le procès-verbal des opérations effectuées doit être conservé à l'étude de l'huissier pendant le délai de recours en rétractation étant observé que la preuve n'est nullement rapportée que les mesures ordonnées sont de nature à porter atteinte aux libertés fondamentales des salariés ou au secret des affaires, a :

- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 12 avril 2017,

- dit n'y avoir lieu à modification de cette ordonnance,

- condamné la société Pagot-Optic à payer à la société Alex la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- laissé les dépens à la charge de la société Pagot-Optic.

Le 6 février 2018, la société Pagot-Optic a formé appel de la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 12 avril 2017, dit n'y avoir lieu à modification de cette ordonnance, l'a condamnée à payer à la société Alex la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Dans ses conclusions transmises le 29 août 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Pagot-Optic, appelante, demande à la cour de :

- 'réformer' l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Pontoise le 5 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Pontoise,

- ordonner l'annulation des procès-verbaux de constat établis sur la base des mesures d'instruction autorisées par l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Pontoise,

- ordonner la restitution de l'ensemble des éléments saisis par l'huissier nommé par l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Pontoise,

- condamner la société Alex à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Alex aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Pagot-Optic fait valoir en substance :

- que la société Alex a adopté un comportement déloyal et conduit des opérations disproportionnées par rapport au but poursuivi,

- qu'elle ne justifie ni de circonstances, ni d'un intérêt, ni d'un motif légitime à agir dans un cadre non contradictoire,

- que la mesure de constat telle qu'autorisée constitue une intrusion dans la vie privée et la correspondance personnelle de ses salariés.

Dans ses conclusions transmises le 3 septembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Alex, intimée, demande à la cour de :

- débouter la société Pagot-Optic en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance du 5 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Pagot-Optic à payer à la société Alex la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pagot-Optic aux dépens.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir :

- qu'elle justifie des malversations intervenues à son seul détriment alors qu'elle exploite un magasin dans le centre commercial de [Localité 2], à 11 minutes en voiture de la société Pagot Optic à enseigne Actu Eyes ;

- qu'elle justifie d'un motif légitime pour recourir à une mesure d'instruction et justifie d'un risque de disparition des pièces informatiques ;

- qu'elle a limitativement énuméré les pièces sollicitées dans sa requête et agi de manière parfaitement loyale.

****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, et ne constituent que des moyens.

Sur la rétractation de la décision rendue sur requête :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

En application des dispositions combinées des articles 145 et 493 sus visés, les circonstances propres au cas d'espèce justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées et le juge saisi d'une demande de rétractation doit vérifier, au besoin d'office, si cette exigence est satisfaite.

Dans la présente affaire, la requête présentée le 11 avril 2017 au juge des requêtes de [Localité 3] pour justifier du recours à une procédure non contradictoire , après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation, est ainsi libellée : " Tel est le cas en l'espèce, les circonstances de l'affaire exigeant que les meusures d'instruction sollicitées ne soient pas prises contradictoirement.

Il existe en effet un risque évident de déperdition des preuves inhérent à la nature même des pièces, extraits informatiques, qui peuvent être aisément supprimés.

Il existe en l'espèce un risque potentiel de destruction (ou a minima de dissimulation) des preuves dans le cadre d'un débat contradictoire'.

L'ordonnance rendue le même jour vise expressément ladite requête sans ajouter d'autres éléments ou motifs relatifs au choix d'une procédure non contradictoire.

Par de tels motifs qui se contentent de paraphraser les dispositions de l'article 493 du code de procédure civile sans se fonder, in concreto, sur des éléments spécifiques au cas d'espèce, et constituent dès lors une clause de style, tant la requête que l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 ne satisfont à l'exigence de motivation telle qu'affirmée par le texte légal.

En effet, la mention d'un risque de dépérissement des preuves inhérent au support informatique, insuffisante à elle seule, n'est en rien corroboré, dans la requête ou dans l'ordonnance, par des éléments de fait ou de preuve de nature à justifier la dérogation, en l'espèce, au principe de la contradiction et le juge de la rétractation, saisi dans le cadre du débat contradictoire, ne peut suppléer une carence de motivation de la requête ou de l'ordonnance la visant ou prendre en compte des éléments produits postérieurement à la requête sur cette question, les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction devant exister au jour où le juge des requêtes a statué .

Dès lors que la requête et l'ordonnance ne caractérisent pas les circonstances exigeant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement, il y a lieu, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des parties, de rétracter la décision rendue le 12 avril 2017 par le juge des requêtes.

Il s'ensuit que la requête n'a pas régulièrement saisi le juge des requêtes et que l'ordonnance du 5 janvier 2018 est irrégulière de sorte qu'il y a lieu de la rétracter sans qu'il soit besoin de statuer sur les mérites de la requête.

Par voie de conséquence, les mesures réalisées en exécution de ces décisions, qui sont dénuées de tout fondement juridique, doivent être annulées et les éléments recueillis par l'huisier instrumentaire restitués à la société appelante.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de faire droit à la demande de l'appelante présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'intimée est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante pour l'essentiel, l'intimée ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort

INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 5 janvier 2018 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise,

STATUANT À NOUVEAU,

RÉTRACTE l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le président du tribunal de grande instance de Pontoise, saisi par voie de requête le 11 avril 2017 par la SAS Pagot-Optic,

ANNULE en conséquence les procès-verbaux de constat établis sur la base des mesures d'instruction autorisées par l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le président du tribunal de grande instance de Pontoise,

ORDONNE la restitution à la SAS Pagot-Optic de l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier de justice désigné par l'ordonnance rendue le 12 avril 2017 par le président du tribunal de grande instance de Pontoise,

REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SAS Alex à payer à SAS Pagot-Optic la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Alex aux entiers dépens d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00822
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°18/00822 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;18.00822 ?
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