COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 61B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 DECEMBRE 2018
N° RG 16/02723
AFFAIRE :
SA UCB PHARMA
C/
X... Y... épouse Z...
Marc Z...
SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC
CPAM DE PARIS
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 10 Mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
POLE CIVIL
N° Chambre : 2
N° RG : 14/01812
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Pierre A...
ASSOCIATION AVOCALYS
SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
AARPI T...-S... B... AVOCATS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 19 octobre, 23 novembre et 30 novembre 2018 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:
SA UCB PHARMA
'Défense Ouest'
[...]
Représentant : Me Pierre A..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 16000125 - Représentant: Me Carole U... substituée par Me Nora C... de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame X..., Juliette, Angélina, Flore Y... épouse Z... prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de tutrice de Monsieur Pierre Paul Y... né le [...] à PARIS et demeurant [...]
née le [...] à PARIS (75008)
de nationalité Française
[...]
Représentant : Me Stéphane D... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 620 - N° du dossier 002760 - Représentant : Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS
Monsieur Marc Z...
né le [...] à PARIS
de nationalité Française
[...]
Représentant : Me Stéphane D... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 620 - N° du dossier 002760 - Représentant : Me Martine VERDIER, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS
SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC venant aux droits de la société V... à la suite de l'apport en nature de l'intégralité de ses titres par décision de son associé unique en date du 22/12/2015, suivi de sa dissolution sans liquidation à effet au 01/02/2016
[...]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1655895 - Représentant : Me Jean-Pierre E... substitué par Me F... SICSIC du PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE PARIS, organisme de sécurité sociale
173 - [...]
Représentant : Me Oriane G... W... T...-S... B... AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - Représentant : Me Florence H... de la SELARL H... & LEFEBVRE ASSOCIES, Déposant, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 juillet 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller, et Madame Nathalie LAUER, conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
****************
Vu le jugement rendu le 10 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué comme suit :
- reçoit Mme Z... es qualité de tuteur de son père M. Y... et M. Marc Z... en leurs interventions volontaires,
- déclare la société UCB Pharma et la société Novartis responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition au Des de Mme Z...,
- dit que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et que la société Novartis contribuera à la dette à hauteur de 5 %,
- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à Mme X... Z..., en réparation de ses préjudices personnels, les sommes suivantes :
* 256,10 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
* 1 500 euros au titre des frais divers,
* 750 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 15 000 euros en réparation des souffrances endurées,
* 66 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 8 000 euros au titre du préjudice sexuel,
* 10 000 euros en réparation du préjudice d'établissement,
- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- dit que devront être déduites des indemnités allouées ci-dessus, les sommes versées à Mme Z... à titre de provision en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juillet 2014 qui n'auraient pas été remboursées après l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Versailles,
- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à M. Marc Z... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice sexuel et de procréation,
- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à payer à Mme Z... es qualité de tutrice de son père M. Y... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral de celui-ci,
- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum à régler à Mme X... Z... une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société UCB Pharma et la société Novartis in solidum aux entiers dépens qui comprendront les frais de consignation, et pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande,
- prononce l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence de la moitié du montant des condamnations ci-dessus prononcées et en totalité en ce qui concerne l'indemnité relative à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- déboute les parties du surplus de leurs demandes, plus amples ou contraires.
Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société UCB Pharma le 12 avril 2016 et ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2018 par lesquelles elle prie la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel du jugement du 10 mars 2016 par UCB Pharma,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,
A titre principal, sur l'absence de preuve de l'exposition,
Vu l'absence de production d'un document source démontrant que du Distilbène@, produit d'UCB Pharma, a été délivré à la mère de Mme Z... durant la grossesse ayant donné lieu à la naissance de Mme X... Z...,
Vu les données de la littérature médicale internationale,
Vu les articles 1315 du code civil et 6.1 de la CEDH,
- dire et juger que Mme Z... ne rapporte pas la preuve de son exposition in utero au Distilbène@, produit d'UCB Pharma ni à la molécule DES,
- dire et juger que Mme Z... ne peut se prévaloir d'une présomption d'exposition au DES à défaut de démontrer qu'elle présente une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à la molécule DES,
En conséquence,
- dire et juger que la responsabilité d'UCB Pharma ne peut être retenue,
- débouter Mme X... Z..., M. Marc Z... et M. Pierre Y... représenté par Mme X... Z... en sa qualité de tutrice, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter la CPAM de Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Glaxosmithkline Santé Grand Public venant aux droits de la société V... de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre d'UCB Pharma,
- condamner Mme X... Z..., M. Marc Z... et M. Pierre Y... représenté par Mme X... Z... en sa qualité de tutrice, aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros à UCB Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, sur l'absence de faute et de lien de causalité,
Sur l'absence de preuve d'une faute,
Vu les articles 1165 et 1382 du code civil, vu l'article 6-1 de la CEDH,
- dire et juger que la responsabilité alléguée d'UCB Pharma doit s'apprécier au regard des seules règles de la responsabilité délictuelle prévue à l'article 1382 du code civil,
- dire et juger qu'UCB Pharma n'a pas commis de faute à raison de la commercialisation du Distilbène@ en 1966-67 compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque,
Sur l'absence de preuve d'un lien de causalité,
- dire et juger qu'aucune présomption de causalité ne saurait s'appliquer,
- dire et juger que Mme Z... est défaillante dans la démonstration qui lui incombe d'un lien de causalité entre les pathologies qu'elle invoque et l'exposition in utero au DES alléguée, y compris par application de l'article 1353 du code civil,
En conséquence,
- dire et juger que la responsabilité d'UCB Pharma ne peut être retenue,
- débouter Mme X... Z..., M. Marc Z... et M. Pierre Y... représenté par Mme X... Z... en sa qualité de tutrice, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter la CPAM de Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Glaxosmithkline Santé Grand Public venant aux droits de la société V... de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre d'UCB Pharma,
- condamner Mme X... Z..., M. Marc Z... et M. Pierre Y... représenté par Mme X... Z... en sa qualité de tutrice, aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros à UCB Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire si la cour entrait en voie de condamnation,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une présomption de causalité entre l'exposition in utero au DES et les troubles invoqués par Mme X... Z...,
- dire et juger que le lien de causalité entre l'exposition in utero au DES et les troubles invoqués par Mme X... Z... ne pourrait être que partiel, sans excéder 50 %,
- évaluer les préjudices invoqués par les consorts Z... comme suit :
Sur les préjudices allégués par Mme X... Z...,
- dire et juger qu'aucune indemnité au titre des dépenses de santé actuelles n'est justifiée, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'aucune indemnité au titre de frais divers n'est justifiée, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'aucune perte de gains en lien avec l'éventuelle exposition au DES de Mme Z... n'est rapportée et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'aucune expertise comptable n'est justifiée et débouter Mme Z... de sa demande à ce titre,
- dire et juger que toute indemnité au titre d'un déficit fonctionnel temporaire en lien avec le DES ne saurait excéder la somme de 250 euros,
- dire et juger que le pretium doloris éventuellement imputable à une prétendue exposition in utero au DES ne saurait être indemnisé au-delà de 6 000 euros,
- dire et juger que toute indemnité au titre d'un déficit fonctionnel permanent en lien avec le DES ne saurait excéder la somme de 16 000 euros,
- dire et juger qu'aucune indemnité au titre d'un préjudice esthétique permanent n'est justifiée, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de retenir de préjudice sexuel, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de retenir de préjudice d'établissement, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de retenir de préjudice spécifique d'anxiété, et en conséquence, débouter Mme Z... de cette demande,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'assortir la condamnation des intérêts au taux légaux et rejeter toute éventuelle demande à ce titre,
- débouter Mme Z... de toute autre demande,
Sur les préjudices de M. Marc Z...,
- dire et juger que M. Marc Z... ne justifie d'aucun préjudice en lien avec l'éventuelle exposition au DES de Mme Z... et en conséquence le débouter de l'intégralité de ses demandes,
Sur les préjudices de M. Pierre Y...,
- dire et juger que M. Pierre Y... représenté par Mme X... Z... en sa qualité de tutrice ne justifie d'aucun préjudice en lien avec l'éventuelle exposition au DES de Mme Z... et en conséquence le débouter de l'intégralité de ses demandes,
Sur la demande des consorts Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ramener l'indemnité sollicitée par les consorts Z... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions, qui n'excéderaient pas 4 000 euros,
Sur la créance de la CPAM de Paris,
- dire et juger que toute indemnité accordée au titre de la créance alléguée par la CPAM de Paris serait limitée à 50 % du montant compte tenu du fait que l'existence d'un lien de causalité entre l'exposition in utero au DES et les troubles invoqués par Mme X... Z... ne pourrait être que partiel, sans excéder 50 %,
- débouter la CPAM de Paris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 mai 2018 par la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris qui prie la cour de :
- donner acte à la CPAM de Paris de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel interjeté par la société UCB Pharma ainsi que sur l'appel incident formé par Mme Z...,
En conséquence, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés UCB Pharma et Novartis aux droits de laquelle vient la société GSK,
- condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et GSK à verser à la CPAM de Paris la somme de 20 405,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter des présentes,
- réserver les droits de la CPAM de Paris quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,
- condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et GSK à verser à la CPAM de Paris la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et GSK à verser à la CPAM de Paris l'indemnité forfaitaire de gestion, due de droit en application des dispositions d'ordre public de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, au montant fixé par arrêté ministériel au moment du règlement, soit la somme de 1 066 euros si le paiement intervient en 2018,
- condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et GSK, en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Bertrand I..., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 mai 2018 par la société Glaxosmithkline Santé Grand Public qui demande de :
A titre liminaire, sur l'intervention volontaire de GlaxoSmithKline Santé Grand Public,
- donner acte à la société GlaxoSmithKline Santé Grand Public de son intervention volontaire en lieu et place de la société V..., qui a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation à effet au 1er février 2016,
A titre principal, sur la mise hors de cause de GlaxoSmithKline Santé Grand Public,
- dire et juger que la preuve de l'exposition in utero de Mme Z... au Stilboestrol Borne n'est pas rapportée,
- dire et juger que les pathologies de Mme Z... ne trouvent pas leur "seule cause possible" dans une exposition in utero au DES, de sorte qu'elles ne permettent pas d'induire une telle exposition,
- dire et juger qu'aucune présomption de lien de causalité ne saurait s'appliquer en l'espèce,
En conséquence,
- infirmer le jugement du 10 mars 2016 en ce qu'il a retenu la responsabilité de V..., aux droits de laquelle vient GlaxoSmithKline Santé Grand Public,
- débouter UCB Pharma, les consorts Z... et XX... de leurs demandes dirigées contre V..., aux droits de laquelle vient GlaxoSmithKline Santé Grand Public,
- mettre GlaxoSmithKline Santé Grand Public hors de cause,
En tout état de cause, sur l'évaluation des dommages et intérêts,
- infirmer le jugement du 10 mars 2016 en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts Z... à la somme de 106 756,10 euros,
Statuant à nouveau,
- débouter UCB Pharma, les consorts Z... et XX... de l'ensemble de leurs demandes,
Subsidiairement,
- donner acte à GSK de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur les sommes sollicitées par la CPAM,
- dire et juger que l'indemnisation des consorts Z... ne saurait excéder la somme de 24 756,10 euros (soit 693,17 euros, ou à titre subsidiaire, 1237,80 euros à la charge de GlaxoSmithKline Santé Grand Public),
Enfin,
- statuer ce que de droit sur les dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris - Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 mai 2018 par Mme X... Z... qui demande de :
- confirmer la décision dont appel sur la responsabilité des laboratoires sauf à retenir une présomption de causalité,
En conséquence,
- dire que les anomalies utérines, les grossesses extra utérines, les échecs d'implantation et la stérilité de Mme X... Z... sont en lien avec l'exposition in utero au DES de Mme X... Z... sauf aux laboratoires à prouver que leur produit n'est pas en cause,
- constater que les laboratoire UCB Pharma et Glaxosmithkline n'apportent pas la preuve que leur produit n'est pas en cause,
A défaut,
- confirmer la décision retenant des présomptions graves, précises et concordantes établissant le lien entre les anomalies utérines, les grossesses extra utérines, les échecs d'implantation et la stérilité de Mme X... Z... avec l'exposition in utero au DES,
- recevoir Mme Z... X... en son appel incident limité aux postes de perte de gains actuels, déficit fonctionnel permanent, préjudice d'anxiété et préjudice esthétique,
- infirmer la décision dont appel sur les postes de perte de gains actuels, déficit fonctionnel permanent, préjudice d'anxiété et sur le préjudice esthétique,
- confirmer la décision dont appel sur les autres postes de préjudices,
En conséquence,
- condamner in solidum les laboratoires UCB Pharma et Novartis au paiement des sommes ci-dessous :
1/ perte de gains actuels398 801 euros,
A titre subsidiaire, si la cour s'estime insuffisamment informée,
- réserver l'indemnisation du poste des gains professionnels,
- ordonner une expertise comptable pour évaluer la perte de gains actuels sur la période de 2003 et 2011 confiée à tel expert-comptable qu'il plaira à la cour de désigner avec mission de :
* se faire remettre par Mme Z... ou par tout tiers les documents comptables relatifs à l'activité de Mme Z... ainsi que tout document permettant d'évaluer les répercussions économiques de son parcours de procréation médicale assistée,
* fournir tous les renseignements sur les conditions de l'activité professionnelle de Mme Z..., son statut et son niveau de rémunération,
* décrire et chiffrer les pertes de revenus subis par Mme Z... et dire en quoi ces pertes sont en lien avec son parcours de procréation médicale assistée et les choix qu'il impose,
- rechercher si les pertes de revenus peuvent avoir d'autres explications,
- chiffrer l'incidence des pertes de revenus sur les droits la retraite de Mme Z...,
- dire que les frais de consignation d'expertise seront avancés par les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline,
2/ déficit fonctionnel permanent66 250 euros,
Subsidiairement,
Si l'angoisse du risque de cancers est incluse dans le DFP
81 250 euros,
3/ préjudice esthétique permanent500 euros,
4/ préjudice d'anxiété15 000 euros,
- confirmer la décision dont appel sur les préjudices de M. Z... et de M. Y...,
- confirmer la décision dont appel sur les frais de première instance,
- condamner in solidum les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline au paiement de la somme de 6 000 euros au titre des frais d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les laboratoires UCB Pharma et Glaxosmithkline le laboratoire UCB Pharma aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Avocalys avocats sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Affirmant qu'elle avait été exposée au diethylstilboestrol (Des) durant sa vie utérine, Mme X... Y... épouse Z... a par assignations délivrées les 7 et 8 octobre 2010, fait assigner la société UCB Pharma en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie, aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la société UCB Pharma et d'obtenir la réparation de se préjudices.
Par acte du 13 décembre 2010, la société UCB Pharma a assigné en intervention forcée la société V... et la jonction a été prononcée le 18 janvier 2011.
Par ordonnance du 28 juin 2011, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée au professeur Riche et au docteur J....
Les experts ont déposé leur rapport le 6 novembre 2013.
Par ordonnance du 15 juillet 2014, le juge de la mise en état a condamné in solidum la société UCB Pharma et la société Novartis à payer à Mme Z... la somme de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Cette décision a été infirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 5 novembre 2015.
Le jugement déféré a reconnu que Mme Z... avait été exposée à la molécule DES in utero et que les laboratoires avaient commis une faute. Il a partiellement fait droit aux demandes indemnitaires de Mme Z....
La société Glaxosmithkline est intervenu volontairement en lieu et place de la société V... qui a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation à effet au 1er février 2016.
SUR CE, LA COUR
Sur l'intervention volontaire de la société Glaxosmithkline
Considérant qu'il y a lieu de recevoir l'intervention de la société Glaxosmithkline qui vient aux droits de la société V... par l'effet de la dissolution de celle-ci à effet du 1er février 2016 ;
Sur l'exposition à la molécule DES
Considérant qu'au soutien de son appel, la société UCB Pharma fait valoir, à titre principal, que Mme X... Z..., qui ne rapporte pas la preuve de la prescription et de l'administration de distilbène, ne peut pas plus se prévaloir d'une présomption d'exposition in utero puisque les pathologies alléguées n'ont pas comme seule cause possible une telle exposition ; qu'il s'agit pourtant d'une condition indispensable à l'admission d'une présomption d'exposition telle que posée par la jurisprudence de la Cour de cassation'; que Mme X... Z... a la charge de la preuve de l'exposition alléguée'; que de nombreux autres traitements que le DES auraient pu être administrés à sa mère'; que d'ailleurs, elle ne prétend plus apporter la preuve d'une exposition au produit de la société UCB Pharma'; Qu'en effet, elle a demandé la condamnation solidaire des deux laboratoires à lui verser une provision et dans ses conclusions en ouverture de rapport, elle a fondé ses demandes sur une présomption d'exposition à la molécule'; que seule celle-ci est donc l'objet du litige et non pas en particulier le produit Distilbène ® produit par la société UCB Pharma ; que néanmoins les conditions de cette présomption ne sont pas réunies'; qu'en effet, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, cette présomption suppose qu'il soit démontré que l'existence des pathologies a pour seule cause possible cette exposition'; qu'un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, au demeurant non démontrées, ne suffit pas'; qu'ainsi lorsque la pathologie n'a pas pour seule cause possible l'exposition au DES, il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de son exposition in utero'; qu'il en résulte que la preuve de cette exposition ne peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes, contrairement à ce qu'a retenu le jugement'; que c'est d'ailleurs ce qu'a décidé cette cour dans une autre espèce'; que s'agissant des pathologies de Mme X... Z..., il n'est pas justifié qu'elles aient pour seule cause possible une exposition au DES'; que les anomalies utérines et cervicales ne sont pas pathognomiques du DES'; que l'allégation d'un petit col est infirmée par les experts'; que ceux-ci considèrent que la malformation utérine n'est pas spécifique d'une exposition au DES'; que le simple fait qu'elle soit comparable n'est pas suffisant pour présumer une exposition comme l'a rappelé cette cour'; que ni les grossesses extra-utérines, ni la situation d'infertilité secondaire n'ont pour seule cause possible une exposition à la molécule'; qu'au demeurant, contrairement à ce qu'ont retenu les experts, il existe au cas de Mme X... Z... un contexte infectieux démontré, étant observé de plus que les grossesses extra-utérines sont survenues à un âge qui en augmentait le risque'; qu'en outre, les pièces du dossier démontrent que Mme X... Z... présente des troubles hormonaux sans lien avec la molécule et que son conjoint présente de graves anomalies spermatiques'; qu'au demeurant, l'aléa consubstantiel aux techniques d'assistance médicale à la procréation ne saurait être oublié'; que force est de constater qu'aux termes de leurs conclusions, les experts ont uniquement conclu à l'existence d'une exposition vraisemblable';
Considérant que Mme X... Z... soutient de son côté qu'elle est fondée à rechercher la responsabilité du laboratoire, producteur du DES, à l'époque de la grossesse de sa mère en 1966/67 sur le fondement combiné des anciens articles 1165 et 1382 du code civil dès lors que le tiers à un contrat est fondé à invoquer tout manquement contractuel lorsque celui-ci lui a causé un dommage'; que le fait générateur du dommage est constitué par l'exposition au DES ; que la preuve de cette exposition peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes, a fortiori dans un domaine où il n'existe pas de certitude scientifique'; que si cette preuve est rapportée, c'est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit contenant la molécule en cause qu'il incombe de prouver que son produit n'est pas à l'origine du dommage'; qu'en l'espèce, la conclusion des experts est claire puisqu'ils affirment qu'il n'y a pas dans ses antécédents d'arguments pouvant de façon formelle évoquer une autre cause à son affection'et qu'il existe des éléments qui, sans être individuellement des preuves absolues, en se conjuguant, rendent vraisemblable l'exposition; qu'en d'autres termes, il n'y a pas d'autres causes à sa pathologie'; que les conclusions des experts sont étayées par une discussion complète de tous les éléments cliniques qui conduisent à retenir le DES comme le seul candidat étiologique dans sa pathologie ; que le premier critère clinique retenu est celui des atteintes morphologiques de l'utérus liées à une exposition au DES ; que le deuxième critère clinique est la survenue de grossesses extra-utérines qui sont fréquentes lors d'une telle exposition ; que le troisième critère clinique est la présence d'une adénose cervico vaginale, également décrite dans la littérature avec les propositions pertinentes d'explications mécanistiques ; qu'enfin le dernier critère clinique est celui des tentatives de fécondation in vitro et d'implantations qui se sont toutes soldées par des échecs ; que les experts expliquent en particulier que le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification ou plus exactement, au déroulement d'une grossesse normale ; qu'un bilan d'infertilité lui a été imposé et n'a montré aucune autre cause hormis le DES ; que de même, seule l'exposition à cette molécule a été retenue suite à l'échec des implantations embryonnaires après fécondation in vitro ; que c'est donc en faisant une juste analyse des éléments de fait et de droit que le tribunal a retenu qu'elle démontrait avoir été exposée au DES et qu'il appartenait aux laboratoires de prouver que leur produit n'était pas en cause ; que les arrêts d'espèce invoqués par les laboratoires ne sont pas transposables ;
Considérant ceci exposé qu'il appartient à Mme Z... de rapporter la preuve de son exposition in utero à la molécule DES ; que cette preuve est rapportée si la molécule est la cause directe de la pathologie ; qu'en l'espèce, Mme Z... se plaint d'une infertilité dont elle impute la cause à son exposition in utero à la molécule DES ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune prescription à Mme K..., mère de Mme Z..., d'un médicament contenant la molécule DES n'a pu être retrouvée, celle-ci affirmant toutefois avoir pris du distilbène pendant sa grossesse ;
Que néanmoins, Mme Z... a produit son propre dossier médical et gynécologique ; que comme l'ont observé les premiers juges, dès le 3 février 2001, Mme Z... a subi une hystérosalpingographie pour une suspicion d'exposition utérine au DES ; que le docteur L... a conclu à la présence d'un aspect de segmentation en ligne brisée des bords évoquant fortement une exposition in utero au DES et à une suspicion d'une telle exposition ; qu'elle a ensuite subi plusieurs grossesses extra-utérines ; qu'en envisageant un parcours de procréation médicalement assistée, elle a été adressée au docteur M..., celui-ci faisant état d'une exposition au DES dans la demande de prise en charge des soins à 100 % pour stérilité ; que cette suspicion d'exposition au DES in utero a été portée en première page de son dossier médical à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul ; que ce praticien a alors noté au fil de ses consultations une « HSG très évocatrice », ou encore « qualité moyennement hypoplasique, ébauche de striction, bords irréguliers » ; qu'elle a alors été adressée au docteur N... O... pour une colposcopie réalisée dans le contexte d'une exposition au distilbène ; que celle-ci a montré un petit col avec un aspect typique d'adénome ; qu'une hystéroscopie pour plastie d'agrandissement a été réalisée le 5 juillet 2004 ; que l'hystéroscopie de bilan réalisée le 17 novembre 2005 a conclu à un « utérus présentant des aspects mixtes d'hyperplasie de l'endomètre et d'hypoplasie » ; qu'enfin, le professeur P... indique qu'à « la lecture du dossier de cette patiente exposée au DES, on peut remarquer au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée et un aspect radiologique très évocateur d'exposition au distilbène ;
Considérant qu'il résulte donc de tout le dossier médical de Mme Z... que celle-ci a été suivie pour une suspicion d'exposition à la molécule DES ;
Considérant de plus que l'expertise judiciaire confiée au docteur J... et au professeur Riche répond qu'il n'y a pas dans les antécédents de la requérante d'arguments pouvant de façon formelle évoquer une autre cause à cette affection ; qu'il existe en revanche des éléments qui, sans être individuellement des preuves absolues, en se conjuguant, rendent vraisemblable l'exposition ; que les experts précisent que l'analyse repose à la fois sur des critères chronologiques et des critères sémiologiques auxquels s'ajoutent l'informativité du dossier ; que cette méthodologie d'analyse résulte toutefois de l'actualisation de la méthode dans un but de pharmacovigilance ; que les experts observent que l'absence de documents empêche une quelconque notion concrète d'exposition, le dossier étant totalement déficient concernant l'exposition; qu'ils en déduisent que le critère relatif à « l'informativité du dossier » n'est donc pas rempli';
Considérant néanmoins que, s'agissant du critère très important selon eux des atteintes morphologiques de l'utérus liées à exposition au DES, si la patiente ne présente pas d'utérus en forme de T, aspect iconographique très spécifique, les images utérines, moins caractéristiques, évoquent cependant des cas décrits dans la littérature ; que, dans le corps du rapport, ils précisent que d'autres malformations ont été décrites, à savoir constriction de 'qualité' utérine et marges irrégulières de cette qualité, ce qui rejoint l'observation du professeur P... qui a remarqué au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée'; qu'il est donc faux pour les laboratoires appelants de soutenir que la morphologie de l'utérus de Mme Z... n'est pas caractéristique de l'exposition au DES au seul motif qu'il ne présente pas une forme en «T» dès lors que cette morphologie est décrite par la littérature scientifique comme rencontrée dans les cas d'exposition à la molécule ; que l'atteinte morphologique en «'T'» n'est donc pas la seule atteinte morphologique rencontrée dans les cas d'exposition ;
Considérant que sur le plan clinique, les experts retiennent également les grossesses extras utérines dont la fréquence est élevée dans la population exposée au DES quand bien même, elles ne sont pas l'exclusivité des expositions à la molécule ; que si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un contexte infectieux global à l'origine des grossesses extras utérines de Mme Z..., cette hypothèse est en revanche rejetée par le professeur Q..., expert conseil de Mme Z... au motif que la première grossesse extra utérine a fait l'objet d'une salpingotomie conservatrice de la trompe qui ne peut être proposée que dans les rares cas où l'origine infectieuse ne peut être affirmée, le protocole opératoire de la seconde grossesse extra-utérine de 2002 ne mentionnant pas de séquelles infectieuses au niveau du petit bassin mais une salpingectomie bilatérale étant proposée cette fois pour éviter une récidive ; que les experts judiciaires, quant à eux ne retiennent pas l'hypothèse infectieuse ; qu'ils relèvent en effet que Mme Z... a présenté deux grossesses extra-utérines sans avoir a priori d'antécédent d'infection pelvienne caractérisée ; qu'ils considèrent que cette répétition d'un phénomène rare laisse penser que la fonctionnalité des trompes était altérée, une telle altération étant observée lors des oppositions au DES ; que c'est le lieu pour la cour de rappeler que si les appelantes font valoir que ce sont les salpingectomies qui sont à l'origine des FIV, ce sont les grossesses extra-utérines qui ont nécessité, lors du premier cas une salpingotomie puis, lors de la seconde grossesse extra-utérine, une salpingectomie pour éviter une récidive ; qu'ainsi, la cour estime que la cause infectieuse des grossesses extra-utérines n'est pas établie dès lors que les experts des parties divergent sur ce point et que les experts judiciaires ne l'ont pas retenue ;
Considérant que les experts judiciaires retiennent encore la présence d'adénose cervicale, également décrite dans la littérature et, enfin, les échecs des diverses tentatives de fécondation in vitro et d'implantation ; que s'agissant de l'adénose cervicale, si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un banal ectropion, celle-ci est combattue par le professeur Q..., expert conseil de Mme Z... ; que les avis divergents des experts conseils des parties ne permettent donc pas de retenir cette hypothèse alors que, de leur côté, les experts judiciaires ont retenu l'adénose cervicale de Mme Z... comme témoin de son exposition une DES ; qu'en ce qui concerne les échecs des fécondations in vitro, en raison des expérimentations chez l'animal en ce sens, les experts judiciaires estiment que le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification ou, plus exactement, au déroulement d'une grossesse normale dès lors que Mme Z... a pu être enceinte une fois, cette grossesse ayant été interrompue volontairement ; qu'ils estiment d'ailleurs que le défaut de cette fonctionnalité conjoint aux malformations de l'utérus visibles à l'imagerie renforce l'hypothèse d'une exposition au DES ;
Considérant en outre qu'interpellés par les dires des conseils de la société Glaxosmithkline et de la société UCB Pharma, les experts ont répondu que les examens pratiqués (sérologie Chlamydiae, mycoplasmes ...) dans le bilan des fécondations in vitro d'une part et la coelioscopie du 25 février 2002 pour traitement de la grossesse utérine n'avait pas mis en évidence d'étiologie infectieuse à l'infertilité de Mme Z... ; que le docteur R... avait pratiqué à deux reprises un agrandissement de la cavité utérine de Mme Z..., utérus qu'il décrit comme hypoplasique de type distilbène ; que c'est donc vainement que les laboratoires invoquent le caractère modérément hypoplasique de l'utérus de Mme Z... ; que les experts rejettent également l'hypothèse de l'infertilité de M. Z... au motif qu'on ne peut le rendre responsable des facteurs propres d'infertilité de son épouse, les résultats de spermogramme dans les bilans d'infertilité étant fluctuants et celui effectué le 22 juillet 2002 étant, au demeurant, normal ; qu'enfin, ils estiment que les problèmes de dysovulation, en lien avec les ovaires polykystiques, ne peuvent expliquer à eux seuls l'infertilité de Mme Z... et l'échec des fécondations in vitro ; qu'en conclusion et en réponse aux dires, comme témoins de l'exposition au DES de Mme Z... et les conséquences de cette exposition sur sa fertilité, ils retiennent donc les grossesses extra-utérines, les anomalies morphologiques de l'utérus et l'adénose cervicale; que si, en réponse à la mission, ils concluent à une exposition vraisemblable, c'est en réponse à la question qui leur était précisément posée et ce, conformément à la méthodologie préconisée par l'ANSM à laquelle la question posée par l'ordonnance les missionnant se réfère expressément ; qu'il n'y a donc pas lieu de tirer argument de l'utilisation de cet adjectif dès lors qu'ils s'expriment en faveur de l'exposition à la molécule';
Considérant enfin que les jurisprudences de cette cour invoquées par les laboratoires appelants ne sont pas transposables ; qu'en effet, dans la dernière espèce, la requérante présentait une anomalie majeure de son utérus de nature à elle seule à expliquer ses troubles ; que dans la première, le dossier de la requérante ne portait pas de traces de notion de distilbène et qu'il s'agissait au surplus d'une demande de provision et non pas d'un litige au fond ; qu'au contraire, le dossier médical de Mme Z... évoque la notion de distilbene à maintes reprises';
Considérant en définitive qu'aucune des autres hypothèses de l'infertilité de Mme Z... évoquées par les laboratoires appelants n'est documentée dans son dossier médical comme l'ont retenu les experts ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que Mme Z... faisait la preuve de son exposition in utero au DES par un faisceau d'indices graves, précis et concordants en l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie; que ce faisceau est largement corroboré et explicité par les termes de l'expertise judiciaire ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
Sur la responsabilité des laboratoires
Sur la faute
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société UCB Pharma soutient qu'elle n'a pas commis de faute'; qu'elle rappelle qu'elle n'a eu aucune relation contractuelle avec la mère de Mme X... Z..., une telle relation contractuelle entre patients et laboratoires pharmaceutiques étant d'ailleurs interdite par le code de la santé publique'; que la jurisprudence applique donc la responsabilité délictuelle aux laboratoires pharmaceutiques'; qu'en conséquence, la combinaison des articles 1382 et 1165 du code civil n'est pas applicable en l'espèce'; qu'elle observe que l'obligation contractuelle de sécurité à laquelle se réfèrent les demandeurs, issue de la jurisprudence sur le fondement de l'interprétation à la lumière de la directive du 25 juillet 1985, n'est pas applicable en l'espèce, ce que confirme la Cour de cassation'; qu'or, en l'espèce, aucune faute ne peut être caractérisée'; Qu'en effet l'appréciation par la Cour de cassation des éléments scientifiques relatifs au risque d'adénocarcinome à cellules claires est inexacte et contribue à maintenir une analyse erronée du comportement, il y a plus 40 ans, du laboratoire'; Qu'en effet, les études de 1953-1954 visaient à démontrer le niveau d'efficacité du produit et non celui d'une éventuelle nocivité'; qu'au surplus, la situation de l'espèce ne concerne en aucune manière un effet carcinogène du DES de sorte que ces décisions ne sont pas pertinentes'; qu'il s'agit de déterminer s'il était possible, en 1966 d'envisager le risque de malformations utérines des femmes exposées au DES in utero'; qu'or, le risque de malformation génitale n'a été identifié qu'en 1977'de sorte qu'aucune faute ne peut être caractérisée ; qu'il n'est pas plus possible de reprocher aux laboratoires un défaut de vigilance y compris au titre d'un principe de précaution qui n'existait pas au moment de la commission du prétendu fait générateur';
Considérant que Mme Z... réplique que les fautes commises par le laboratoire producteur résultent du rapport général d'expertise dressé par le collège de quatre experts désignés et de nombreux sapiteurs en septembre 1994 ; que dès les années 1953-1954, il existait des doutes sur l'efficacité de la molécule dans l'indication d'avortement spontané; que la littérature expérimentale faisait état de la survenance de cancers très divers ; que ces circonstances auraient dû justifier une attitude différente des laboratoires ; que celui-ci aurait dû agir même en présence de résultats discordants quant aux avantages et inconvénients ; qu'il a donc manqué à son obligation de vigilance ;
Considérant ceci exposé qu'en l'absence de lien contractuel entre la mère de Mme Z... et l'un des laboratoires, la responsabilité de ceux-ci ne peut être engagée qu'à charge de rapporter la preuve d'une faute de leur part'conformément à l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable ;
Considérant qu'il ressort d'études réalisées en 1953 et 1954, notamment de l'étude «'Dieckmann'», que, dès cette époque, des doutes sur l'efficacité du DES ont été émis'; que des études antérieures sur des animaux ont mis en évidence de graves effets indésirables sur ceux-ci';
Considérant que s'il est exact que les effets néfastes sur l'être humain n'ont été démontrés qu'après les faits litigieux, les questions de l'efficacité de la molécule et des effets tératogènes sur les animaux se posaient donc antérieurement'; que c'est donc vainement que la société UCB Pharma fait valoir qu'il s'agit de déterminer s'il était possible, en 1966 d'envisager le risque de malformations utérines des femmes exposées au DES in utero'et que le risque de malformation génitale n'a été identifié qu'en 1977';'
Considérant que les sociétés ne versent aux débats aucune pièce démontrant qu'elles ont, en 1971, tiré les conséquences de ces études et avisé les prescripteurs des inconvénients constatés et des réserves que devait susciter la prescription du produit';
Considérant qu'en maintenant sur le marché sans précaution ni mise en garde un produit dont la réelle efficacité et l'innocuité étaient mises en doute, ce qu'elle savait ou devait savoir, les sociétés ont manqué à leur obligation de vigilance et commis une imprudence';
Considérant que la preuve de leur faute est ainsi rapportée';
Sur le lien entre les préjudices invoqués et l'exposition
Considérant qu'à titre encore plus subsidiaire, la société UCB Pharma fait valoir qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les préjudices invoqués par Mme X... Z... et son hypothétique exposition in utero'; qu'aucune présomption de causalité ne saurait être posée'; que l'affaire invoquée par les demandeurs concerne l'hépatite B et l'interprétation de la directive européenne en matière de responsabilité des laboratoires du fait de leurs vaccins'; que la démarche de la Cour de cassation qui a soumis une question préjudicielle à la CJUE tend à permettre une interprétation uniforme du droit européen'; qu'il ne saurait donc être tiré prétexte de cette démarche de la Cour de cassation pour soutenir que celle-ci s'orienterait vers une présomption de causalité'; que l'autorité de santé ne s'oriente pas davantage dans cette direction étant rappelé qu'elle ne rapporte pas consensus scientifique mais adopte des positions de précaution maximum'; que les autres publications invoquées présentent des incohérences majeures ; que l'enquête réseau DES ne peut en rien être considérée comme une étude épidémiologique'; qu'en conclusion, aucun des éléments invoqués ne justifie la création prétorienne d'une présomption de causalité'; Qu'il en va de même de l'existence de transactions aux États-Unis, lesquelles ne valent d'ailleurs pas reconnaissance de responsabilité ou admission de causalité, surtout dans ce pays'; qu'une telle présomption ne peut se concevoir alors que les troubles gynécologiques et obstétricaux peuvent par nature tenir à de nombreuses causes indépendantes du DES'; qu'en l'espèce, aucun lien de causalité ne peut être retenu compte tenu de l'existence de facteurs autonomes du DES identifiés'tel le contexte infectieux dans lequel se sont inscrites les grossesses extra-utérines de Mme X... Z..., ses trouble hormonaux, en particulier son problème de dysovulation, et les graves anomalies spermatiques de son conjoint'; que le raisonnement des experts consistant à induire de l'infertilité du couple une possible exposition in utero repose uniquement sur l'allégation rétrospective selon laquelle les tentative de fécondation in vitro et d'implantation se sont toutes soldées par des échecs et la déduction, à partir de l'expérimentation chez l'animal suivant laquelle le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification'; que ce raisonnement consistant à supputer uniquement sur la base de données animales la possibilité d'éventuels problèmes de nidification chez Mme X... Z... pour en déduire la possibilité d'une exposition in utero au DES ne peut être sérieusement admis'; qu'enfin, il convient de prendre en compte les aléas consubstantiels aux techniques d'assistance médicale à la procréation'; Que c'est donc à tort que le jugement déféré a retenu un lien de causalité';
Considérant que la société Glaxosmithkline ajoute que la solution "Ferrero" opère un allègement considérable du droit de la preuve, dérogatoire aux principes de la responsabilité civile'; qu'elle doit donc être entendue strictement'; que dans chacune des décisions l'appliquant, les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont procédé à une analyse au cas par cas, pathologie par pathologie, du lien de causalité avec le DES, et non à une analyse globale du parcours médical de la demanderesse'; que le tribunal ne pouvait, sans se contredire d'une part, condamner les laboratoires aux motifs que les pathologies présentées par Mme Z... seraient "en lien direct certain et exclusif" avec une exposition au DES (p. 8), et d'autre part, juger que "des facteurs extérieurs pouvaient expliquer ou aggraver les troubles présentés par Mme Z..., qui au surplus ne sont pas tous caractéristiques de l'exposition au DES et se retrouvent dans la population non exposée; qu'or, les Experts concluent dans ce rapport à un score d'imputabilité moyen" (quatre sur six sur l'échelle d'imputabilité) et à un lien de causalité seulement "vraisemblable" entre les pathologies subies et une exposition non démontrée au DES'; que si le degré de causalité n'est que "vraisemblable", c'est nécessairement qu'aucune des pathologies présentées n'est "spécifique" d'une exposition in utero au DES'; que la cour de céans a jugé en ce sens dans deux affaires récentes, et en dernier lieu dans un arrêt du 23 novembre 2017, au sujet de pathologies "compatibles" (affaires "Chaumet" et "Plante")'; qu'or en l'espèce, les experts ont conclu que la morphologie de l'utérus de Mme Z... n'était pas typique de l'exposition au DES'; que l'affirmation des experts, selon laquelle "la juxtaposition des différents éléments permet, bien qu'aucun d'entre eux ne soit individuellement suffisant, d'établir un rapport de causalité avec une exposition au DES, outre qu'elle est contradictoire avec la conclusion du rapport d'expertise ci-dessus rappelée, est uniquement fondée sur des études scientifiques réalisées sur des personnes dont l'exposition in utero au DES est avérée ("population DES" comparée à la "population générale")'; que le critère d'application de la solution "Ferrero" n'est en effet pas la fréquence d'une pathologie dans la population exposée au DES mais bien celui de la survenance de cette pathologie en dehors de toute prise de DES'; qu'admettre le contraire conduirait à retenir systématiquement la responsabilité des laboratoires pour la seule raison que des demanderesses présentent des pathologies qui pourraient éventuellement être liées au DES, au risque de voir condamner les laboratoires à indemniser des patientes n'ayant jamais été exposées'; que les experts ont ainsi décrit un utérus "de volume normal", voire "modérément hypoplasique" et présentant "des bords flous, irréguliers et "tourmentés"" et conclu qu "Il existe toute une série de malformations décrites [dans la littérature], et en particulier un aspect iconographique très spécifique d'une forme d'utérus en T. Ce n'est pas le cas chez la requérante où l'on a une description des images utérines moins caractéristiques'»'; Qu'il convient d'abord de rappeler que dans la mesure où Mme Z... est tombée enceinte en 1991 avant d'interrompre volontairement sa grossesse, il ne peut s'agir que d'une infertilité secondaire'; que surtout, les experts ont exclu l'existence d'un lien exclusif entre l'infertilité invoquée et une éventuelle exposition in utero au DES'; qu'ils concluent en effet que "les malformations visibles à l'imagerie ne font qu'évoquer le rôle du médicament" dans l'infertilité dont fait état Mme Z...'; que retenir une présomption "de causalité" serait en outre injustifié et manifestement excessif'; que les laboratoires seraient en effet privés de la faculté de s'exonérer de leur responsabilité en rapportant la preuve de l'absence de lien de causalité, le secret médical leur interdisant de se procurer le dossier médical de la demanderesse, et l'accord de cette dernière étant nécessaire pour en obtenir la production judiciaire'; qu'en outre, seule la demanderesse dispose des informations nécessaires pour établir si des facteurs autonomes du DES (tels que des facteurs héréditaires, le tabac, etc.) peuvent expliquer ses pathologies';
Considérant que Mme Z... fait valoir que la cour doit s'interroger sur la causalité juridique entre l'exposition au DES et le dommage et plus particulièrement sur le point de savoir s'il lui serait loisible d'énumérer certains types d'indices matériels prédéterminés dont la conjonction serait de nature à conduire automatiquement, par voie de présomptions, à l'établissement d'un lien de causalité sauf pour le laboratoire à prouver par tous moyens que son produit n'est pas en cause; qu'or, cette présomption simple de causalité peut être admise dans l'affaire du DES sur la base d'indices pré-identifiés certains ; qu'en l'absence d'antécédents médicaux personnels et familiaux en relation avec cette pathologie, la cour retiendra a priori ces indices ; que le droit sera alors conforme à la réalité scientifique, étant observé que l'autorité de santé recommande aux professionnels de santé de retenir une exposition au DES en présence d'un certain nombre d'indices médicaux qui en deviennent le marqueur ; que le jugement devra donc être infirmé en ce qu'il n'a pas retenu cette présomption de causalité ; qu'en effet, il serait inéquitable et contraire au principe de l'égalité des armes des parties dans un procès équitable de continuer à faire peser sur la seule victime la preuve du lien de causalité au terme d'un processus où pour l'essentiel le producteur s'est attaché non seulement à se défausser de toutes ses obligations déontologiques et éthiques et aujourd'hui s'applique à en limiter les méfaits au motif que les risques seraient diversifiés ; que cette reconnaissance serait conforme à la jurisprudence administrative et à la jurisprudence européenne qui admettent le recours à tous éléments statistiques et convaincants dans le doute scientifique ; qu'en toute hypothèse, le lien de causalité se déduit des pièces du dossier médical, des arguments scientifiques aujourd'hui bien répertoriés et de l'avis clair et précis du collège d'experts désigné par le tribunal ; que ceux-ci retiennent les grossesses extra-utérines, les anomalies morphologiques de l'utérus, l'adénose cervicale comme témoin de l'exposition au DES de Mme X... Z... et les conséquences de cette exposition sur la fertilité ; qu'il y a lieu en particulier de relever que le terme « vraisemblable » utilisé par les experts pour apprécier l'exposition résulte des termes de la mission qui leur avait été confiée, le qualificatif « vraisemblable » étant en fait le degré de causalité le plus élevé ; que d'ailleurs, toutes les objections des laboratoires ont été réfutées par les experts ; qu'en particulier les infections génitales anciennes ne sont en rien à l'origine des grossesses extra-utérines ainsi que le démontrent les nombreux examens de bactériologie effectués au moment des grossesses ectopiques ; que ces antécédents n'ont pas été retenus par les médecins qui l'ont suivie dans son parcours de procréation médicalement assistée ; qu'il est faux de prétendre qu'elle et son conjoint présentent des causes autonomes d'infertilité ; qu'en effet, le syndrome des ovaires polykystiques ne peut expliquer à lui seul l'infertilité du couple, pas plus que l'anomalie spermatique de son conjoint qui n'a été relevée que dans un seul examen, les autres se révélant normaux ; qu'en outre, si elle a pu être enceinte, elle n'a toutefois réussi à mener aucune de ces grossesses à son terme ; que si les laboratoires reprochent aux experts de retenir une théorie sur les troubles de la nidification qui n'a jamais apporté sa démonstration en clinique, ceux-ci ont clairement répondu sur ce point que les études disponibles issues de l'expérimentation animale doivent être retenues dès lors qu'il n'est plus éthiquement possible de mener des études de cohorte, le médicament étant retiré du marché en raison des dangers qu'il présente; qu'en définitive, il résulte donc bien de l'ensemble de ces éléments, l'existence de présomptions graves, précises et concordantes d'un lien de causalité entre les anomalies utérines, l'adénose cervicale, les grossesses extra-utérines et les échecs d'implantation de Mme X... Z... et son exposition in utero au DES, en l'absence de tout autre cause médicale objectivée ;
Considérant ceci exposé que les experts retiennent le rapport de causalité entre la pathologie de Mme Z... et l'exposition au DES in utero'; que si le score est moyen c'est en raison de la nouvelle méthode d'imputation qui intègre le critère d'informativité du dossier ; qu'ils considèrent toutefois que ce critère , déficient au cas d'espèce, est plus déterminant en matière de pharmacovigilance qu'en matière d'expertise judiciaire où selon eux il doit y avoir une prime très importante entre l'adéquation entre la clinique observée chez les requérantes et les données de la science accumulées dans toutes les observations publiées; qu'ils estiment que, dans le cas présent, la sommation des critères étudiés les conduit à exprimer un avis allant dans le sens d'une causalité d'exposition au DES pour les troubles présentés par Mme Z... ; qu'ils répondent par ailleurs que la question de savoir si cette causalité a été exclusive ou adjointe à d'autres facteurs concomitants est sans objet; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été initiale ou additive à un état antérieur ; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été déterminante ou simplement génératrice d'une aggravation de risque ; qu'en résumé, l'exposition au DES est la seule cause des troubles présentés par Mme Z... ;
Considérant que c'est le lieu pour la cour de rappeler que si la société Glaxosmithkline avance que les experts concluent que les malformations visibles à l'imagerie ne font qu'évoquer le rôle du médicament, elle omet de citer cette phrase en intégralité ; que les experts indiquent en effet : « enfin, les tentatives de fécondation in vitro et d'implantation se sont toutes soldées par des échecs, et on peut donc raisonnablement faire l'hypothèse (comme cela se voit expérimentalement chez l'animal) que le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification ou plus exactement, (car il y a l'antécédent de l'interruption volontaire de grossesse), au déroulement d'une grossesse normale. Donc on peut en déduire que même si les malformations visibles à l'imagerie ne font qu'évoquer le rôle du médicament, le défaut de fonctionnalité renforce cette hypothèse. » ; que cette conjonction de circonstance confirme donc selon eux leur hypothèse'; Qu'en conséquence, dans ce paragraphe les experts retiennent l'échec des fécondations in vitro comme preuve de l'exposition à la molécule, la causalité de la pathologie étant retenue dans le paragraphe suivant ;
Considérant que l'exposition au DES étant la cause des troubles présentés par Mme Z..., il appartient donc aux laboratoires de démontrer que leur produit n'est pas à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation sans qu'il n'y ait lieu toutefois de retenir, comme le revendique Mme Z..., une présomption de causalité ;
Considérant en effet ,et comme l'a justement retenu le tribunal, que si les éléments scientifiques ont permis l'édition par I'AFSSAPS en 2011 d'une brochure recensant les troubles présentés par les femmes présentes exposées in utéro au Des, ils permettent également de démontrer que les anomalies présentées par les femmes exposées se manifestent de manière très variées, avec des symptômes plus ou moins associés et des degrés de gravité différents ; que de plus, les études effectuées ont également mis en évidence que des facteurs extérieurs, indépendants de l'exposition in utero au Des, sont susceptibles d'interférer et parfois même d'expliquer à eux seuls notamment les problèmes d'infertilité de ces femmes'; qu'il n'est donc pas possible compte tenu de la multiplicité des troubles que peuvent présenter les femmes exposées et des facteurs extérieurs pouvant expliquer ou aggraver ces troubles, qui au surplus ne sont pas tous caractéristiques de l'exposition au Des et se retrouvent dans la population non exposée, de poser une présomption de causalité qui admettrait un lien de causalité systématique entre l'exposition au Des et les troubles morphologiques ou de la fertilité des femmes exposées à charge pour les laboratoires de rapporter la preuve de l'absence de lien entre leur médicament et les troubles'; qu'ainsi, compte tenu de la multiplicité des symptômes et de la situation particulière de chacune des femmes exposées, le lien de causalité entre l'exposition et les troubles présentés au cas particulier ne peut s'établir qu'au vu de présomptions graves, précises et concordantes'; que, pour les motifs ci-dessus rappelés, il s'agit, pour Mme Z... des grossesses extra-utérines, des anomalies morphologiques de l'utérus et de l'adénose cervicale et des retentissements de l'exposition à la molécule DES sur sa fertilité ;
Considérant que les laboratoires n'établissant ainsi pas que leur produit n'est pas à l'origine des dommages de Mme Z..., ils seront déclarés in solidum responsables des conséquences dommageables pour Mme Z... de cette exposition in utero ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Sur la répartition de la dette entre les laboratoires
Considérant que le jugement déféré n'est pas critiqué par les laboratoires en ce qu'il a décidé que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et la société Glaxosmithkline à hauteur de 5% ; qu'il résulte même des calculs subsidiaires de la société Glaxosmithkline qu'elle admet cette répartition ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point par motifs adoptés ;
Sur l'indemnisation des préjudices
Considérant que la cour indique en préambule que, comme le permet l'article 455 du code de procédure civile, elle se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens sur ce point ; qu'elle rappelle également que chaque situation est unique et qu'en conséquence les décisions d'espèce invoquées par les parties au soutien de leurs argumentations ne sont pas mécaniquement transposables ;
Sur les demandes de Mme Z...
Les dépenses de santé actuelles
Considérant que le jugement déféré a alloué à Mme Z... la somme de de 256,10 euros au vu des justificatifs produits ; qu'en revanche, il n'a pas fixé la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, ayant considéré qu'elle n'avait pas formulé de demande par voie de conclusions et n'avait pas produit sa créance ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance-maladie qui s'en rapporte à justice sur les mérites de l'action de Mme Z..., indique que, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de celle-ci, elle est désormais en mesure de chiffrer sa créance ; que si le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas formé de demande par voie de conclusions, elle avait toutefois sollicité la réserve de ses droits, le temps de réunir les justificatifs de ses débours, les faits litigieux étant anciens ; que la société UCB Pharma lui oppose que toute indemnisation ne saurait excéder 50% de la créance alléguée dans la mesure où seul un lien de causalité partielle entre les troubles de la fertilité invoquée et l'éventuelle exposition au DES de Mme Z... pourrait être retenu ; que la société Glaxosmithkline s'en rapporte sur cette demande ;
Considérant qu'au vu du décompte que la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris communique devant la cour, il y a lieu de faire droit à ses demandes et de fixer sa créance à ce titre à la somme de 20'405,18 euros sans qu'il n'y ait lieu de faire courir les intérêts au taux légal à compter de ses conclusions ; que le jugement déféré sera donc complété en ce sens ;
Que, s'agit des dépenses de santé actuelles restées à la charge de Mme Z..., la société Glaxosmithkline sollicite la confirmation du jugement déféré tandis que la société UCB Pharma sollicite son infirmation en l'absence de décompte de mutuelle démontrant que ces frais n'auraient pas été pris en charge par la complémentaire de Mme Z... ;
Mais considérant que le tribunal a justement fait droit à cette demande au vu des justificatifs des dépenses exposées par Mme Z... ; qu'il n'appartient pas à Mme Z... de rapporter la preuve négative d'une absence de prise en charge de cette somme par sa mutuelle'; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Les frais divers
Considérant que Mme Z... et la société Glaxosmithkline sollicitent la confirmation du jugement sur ce point ; qu'en revanche, la société UCB Pharma prétend à son infirmation ; qu'à l'appui, elle fait valoir que les honoraires du médecin-conseil ayant assisté Mme Z... dans le cadre des opérations d'expertise correspondent à des frais irrépétibles déjà couverts par l'article 700 du code de procédure civile ; que c'est au prix d'un détournement du rapport Dintilhac qui inclut dans ce poste les frais en lien avec le handicap et non en lien avec la procédure que Mme Q... sollicite une indemnité pour les frais engagés lors de l'expertise judiciaire ; qu'il ressort en outre d'un arrêt récent de la Cour de cassation que ces frais n'ont pas vocation à être indemnisés, la Haute juridiction ayant rejeté un pourvoi qui le contestait ;
Mais considérant que le tribunal a justement fait droit à la demande de Mme Z... tendant à voir fixer ces frais à la somme de 1500 euros, les honoraires du médecin-conseil de la victime étant en lien avec les conséquences dommageables de l'exposition au DES ; qu'il ne s'agit donc pas de frais irrépétibles d'instance comme le prétend la société UCB Pharma qui, compte tenu de l'enjeu de la situation et de la complexité du litige, ne peut sérieusement soutenir que Mme Z... n'avait pas besoin d'être assistée de son propre médecin-conseil dans le cadre des opérations d'expertise ; que dans l'arrêt de la Cour de cassation communiqué par la société UCB Pharma en pièce n°57, la haute juridiction a rejeté le pourvoi sur ce point en laissant cette décision à l'appréciation souveraine de la cour d'appel ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Les pertes de gains actuels
Considérant que Mme Z... sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ; qu'à l'appui, elle fait valoir que lorsque s'intercale entre le fait générateur de responsabilité et le dommage finalement une décision humaine, notamment celle de la victime, le rapport de causalité n'est pas exclu dès lors que cette décision apparaît légitimement provoquée par le fait générateur ; qu'or, il est constant que son parcours de procréation difficile a eu une incidence significative sur son parcours professionnel, ce que les experts n'ont pas manqué de relever dans leur rapport ; qu'elle disposait de revenus satisfaisants sur l'exercice 2001 ; qu'à partir de 2003 toutefois, date à laquelle elle a été astreinte aux obligations extrêmement lourdes du parcours de procréation médicalement assistée, elle a connu une baisse significative de ses revenus ; qu'elle verse de nombreux témoignages attestant de ses difficultés ; qu'elle reproche au tribunal de ne pas en avoir tenu compte ; qu'à titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise judiciaire ;
Considérant que la société UCB Pharma réplique qu'on ne peut que douter de la réalité de la répercussion prétendue du parcours de procréation médicale assistée sur les revenus d'une période de neuf années allant de 2003 à 2011 alors en particulier que la durée totale des arrêts de travail et des hospitalisations est de 21 jours et que les dernières tentatives de fécondation in vitro ont eu lieu en 2005 et que Mme Z... réclame une perte d'activité jusqu'en 2011 ; que la société Glaxosmithkline sollicite également la confirmation du jugement sur ce point en s'en appropriant les motifs ; qu'elle observe que Mme Z... a quitté en 2001 un emploi salarié pour démarrer une activité indépendante de graphiste free-lance, activité par nature soumise à aléa ; que les divers événements relatés dans les attestations produites par Mme Z... ne sauraient être mis en lien avec le parcours de procréation médicalement assistée car celle-ci présentait des antécédents dépressifs bien antérieurs aux problèmes d'infertilité du couple ; que le lien entre la perte de revenus invoquée et le parcours de PMA n'est donc pas établi;
Considérant que le tribunal a justement retenu que Mme Z... invoquait une diminution de ses revenus professionnels jusqu'en 2011 alors que les arrêts de travail et les hospitalisations ne concernaient que les années 2001 à 2004 tandis que la dernière FIV avait été réalisée en 2005 ;
Considérant cependant que les experts judiciaires retiennent que les répercussions alléguées dans l'exercice des activités professionnelles et les doléances alléguées à ce titre sont liées au renoncement initial de toute grossesse ; qu'il s'ensuit que si Mme Z... souffrait déjà de dépression avant son parcours de FIV, au bout duquel de surcroît elle a dû faire le deuil d'être mère, a aggravé son état psychologique'; que les répercussions professionnelles en sont largement justifiées par les nombreuses attestations qu'elle communique aux débats ; que néanmoins, la baisse de revenus dont elle justifie ne saurait être mesurée d'après les seuls revenus perçus en 2001 dès lors que c'était la première année qu'elle exerçait son activité de graphiste indépendante ; qu'une seule année ne représente pas une base de revenus significative alors que de plus une activité indépendante comporte nécessairement une part d'aléa économique ; que vu les données du dossier, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer ce préjudice à 10'000 euros ; que par conséquent, une mesure d'expertise judiciaire est inutile ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens ;
Le déficit fonctionnel temporaire
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé à 750 euros l'indemnisation de ce poste de préjudice pour un déficit fonctionnel temporaire de 25 jours ; qu'à l'appui, elle fait valoir que seul 50 % du déficit fonctionnel temporaire invoqué pourrait être mis en lien avec le DES compte tenu notamment des causes autonomes d'infertilité du couple ; qu'elle en déduit que cette indemnité ne saurait excéder la somme totale de 250 euros ; que la société Glaxosmithkline soutient que les périodes d'arrêts invoquées sont justifiées par le parcours de PMA et les complications obstétricales rencontrées, sans lien avec le DES ; qu'en tout état de cause, conformément à la jurisprudence, pour une période de déficit fonctionnel temporaire de 25 jours, l'indemnisation ne saurait excéder 500 euros ;
Considérant que Mme Z... sollicite la confirmation du jugement sur ce point ;
Considérant ceci exposé que l'indemnité de 750 euros alloués en première instance correspond à une juste réparation du préjudice résultant de l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation, pour une incapacité temporaire totale de travail de 25 jours ; que la cour rappelle qu'elle a retenu le DES comme seul facteur causal des troubles de Mme Z...'; que le jugement sera donc confirmé ;
Les souffrances endurées
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a alloué à ce titre à Mme Z... une indemnité de 15'000 euros ; qu'à l'appui, elle fait valoir que l'intégralité des souffrances endurées ne saurait être imputée à l'exposition in utero au DES supputée, compte tenu de l'existence de causes autonomes d'infertilité avérée chez Mme Z... et son conjoint ; qu'au surplus, le dossier médical démontre que Mme Z... présente des difficultés psychologiques bien antérieures aux problèmes d'infertilité du couple ; que dans son attestation produite par Mme Z..., le médecin psychiatre n'effectue aucun lien avec son exposition supputée au DES ou avec les problèmes d'infertilité du couple ; que la société Glaxosmithkline ajoute que la dépression est antérieure aux problèmes d'infertilité ; que le taux retenu par les experts est dès lors excessif ;
Considérant que Mme Z... sollicite la confirmation du jugement sur ce point ;
Considérant que la cour rappelle qu'elle a retenu le DES comme seul facteur causal des troubles de Mme Z...'; qu'elle renvoie pour le surplus à ses motifs exposés ci-dessus quant à l'aggravation de l'état psychologique de Mme Z... ; que l'indemnité de 15'000 euros allouée en première instance correspond à la réalité des souffrances physiques et psychologiques endurées avant consolidation ;
Le déficit fonctionnel permanent et le préjudice spécifique d'anxiété
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué à ce titre à Mme Z... une indemnité de 66'250 euros au titre d'un déficit fonctionnel permanent qu'il a chiffré à 25 %, soit une valeur de point de 2 650 euros ; qu'outre le fait qu'il s'agit d'une valeur excessive, elle fait valoir que les experts n'ont retenu qu'un taux de 20 % ; que la demande de revalorisation à 25 % a été soumise par Mme Z... aux experts qui n'y ont pas fait droit ; qu'outre le fait que la salpingectomie est consécutive à la grossesse extra-utérine qui n'est pas de lien avec le DES, il ne peut être soutenu que les experts n'auraient pas pris en compte celle-ci dans le chiffrage du déficit fonctionnel permanent alors qu'elle n'est pas détachable de la situation d'infertilité ; qu'elle en déduit que la valeur du point ne saurait être fixée à une somme supérieure à 1 600 euros, soit une indemnisation de 32'000 euros ; qu'elle soutient que c'est à tort que le jugement a retenu une majoration de ce poste de préjudice afin de tenir compte de la nécessité d'un suivi très régulier notamment en raison des risques majorés de présenter certaines pathologies en particulier cancéreuses ; qu'elle observe que la question d'un risque de cancer du sein reste ouverte à ce jour et que Mme Z... ne justifie d'aucun suivi particulier; que la société Glaxosmithkline s'associe à cette observation; qu'elle ajoute que selon le rapport d'expertise, le pretium doloris prend d'ores et déjà en compte les souffrances physiques et morales dues à la stérilité, y compris postérieurement à la consolidation; que, quoi qu'il en soit, selon la jurisprudence de la cour d'appel de Versailles le montant du point doit, selon elle, être évalué à 1 800 euros;
Que s'agissant du préjudice spécifique d'anxiété la société UCB Pharma réplique que le préjudice invoqué est purement hypothétique ; que la question d'un risque de cancer du sein reste une hypothèse ; que l'enquête Réseau DES France ne peut que permettre d'élaborer une hypothèse ; qu'il en est de même du risque de dysplasie et du cancer du col de l'utérus ; que la dysplasie est une lésion qui résulte à 99,9 % d'une infection à HPV, aucune étude n'ayant établi de lien entre HPV et exposition in utero au DES ; que la Cour de cassation n'entend pas autoriser l'indemnisation d'un préjudice de principe sans en démontrer la véritable consistance dans les dossiers relatifs à l'exposition au DES ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris invoqué par Mme Z... n'a fait droit à une demande de préjudice moral à ce titre que dans des circonstances très particulières et incomparables avec la présente instance ; que la société Glaxosmithkline ajoute que le préjudice d'anxiété dont Mme Z... fait état, qui se confond d'ailleurs avec le préjudice d'angoisse qu'elle invoque au titre du DFP, à supposer qu'il existe, ce qui n'est pas démontré, n'est pas un préjudice autonome mais la simple composante d'un préjudice moral indemnisé au titre des souffrances endurées avant consolidation et au titre du DFP après consolidation ; que Mme Z... ayant formulé une demande d'indemnisation au titre du DFP, elle ne saurait former une demande d'indemnisation complémentaire fondée sur l'anxiété prétendument ressentie ; qu'or, la prétendue anxiété est infondée ;
Considérant que Mme Z... sollicite la confirmation du jugement en ce qui lui a alloué la somme de 66'250 euros tenant compte d'une valeur du point de 2 650 euros si la cour fait droit à sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété spécifique et de porter l'indemnité à 81'250 euros dans l'hypothèse inverse ; qu'elle expose que l'atteinte fonctionnelle liée à l'impossibilité d'avoir un enfant est aggravée par les conséquences psychiques lourdes qui ont nécessité un suivi psychiatrique pour une dépression réactionnelle à l'annonce de la stérilité secondaire ; que le risque cancérigène doit être indemnisé dans un poste distinct de préjudice d'anxiété ; qu'il ne peut être englobé dans les souffrances endurées qui concernent les souffrances avant consolidation ni dans le déficit fonctionnel permanent puisqu'il s'agit d'une angoisse portant sur un risque futur non réalisé, lequel peut potentiellement engager un pronostic vital ; que si par impossible la cour décide d'inclure dans le déficit fonctionnel permanent l'angoisse induite par le risque aggravé de cancer qui pèse sur son devenir, il conviendrait alors de majorer l'indemnisation servie à ce titre ; qu'en effet, les experts ont parfaitement rappelé qu'elle devra suivre des soins futurs en raison de son statut de «'fille DES'» ; qu'elle demande ainsi que, dans cette hypothèse, l'indemnisation soit portée à 81'250 euros ;
Considérant ceci exposé que les experts ont retenu un taux de DFP de 20 % du fait de l'infertilité secondaire et du renoncement à toute grossesse ; que comme l'a justement rappelé le jugement déféré, ce renoncement ne résulte pas d'un libre choix de la part de Mme Z... mais de l'incapacité dans laquelle elle se trouve, compte tenu des échecs précédents mais aussi de son âge, à tenter une nouvelle FIV'; que la cour rappelle au passage qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la décision d'arrêter les FIV a été prise par les médecins ;
Considérant que ce poste de préjudice cherche à réparer la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours';
Considérant que si les experts ont retenu un taux de 20 %, c'est en raison de l'infertilité secondaire et du renoncement à toute grossesse; qu'il en résulte que, bien qu'ayant retenu que Mme Z... était tenu de se soumettre à un suivi régulier, ils n'ont pas chiffré le déficit fonctionnel permanent en résultant alors qu'il résulte de la définition ci-dessus rappelée que ce poste de préjudice englobe les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire ; que, quel que soit les données acquises ou non de la science sur le risque de développer un cancer du sein ou du col/vagin, Mme Z... est tenu de se soumettre à un suivi régulier à vie; qu'il ne lui appartient pas d'en justifier dans le cadre de la présente instance ainsi qu'il en résulte de l'article 16-3 du code civil ; que la nécessité, posée par les experts judiciaires, de se soumettre à ce suivi est elle-même génératrice d'anxiété ; qu'il s'agit donc d'un phénomène douloureux indemnisable au titre du déficit fonctionnel permanent ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a majoré de 5 % le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par les experts judiciaires ; que la valeur du point fixée en première instance correspond à la réalité du préjudice à la date de consolidation ; que le jugement sera confirmé et Mme Z... déboutée du surplus de ses demandes à ce titre ; qu'en effet, de ce qui précède, il résulte qu'elle ne justifie pas d'un préjudice d'anxiété autonome du déficit fonctionnel permanent ;
Le préjudice esthétique permanent
Considérant que Mme Z... sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ; qu'à l'appui, elle fait valoir qu'elle présente deux cicatrices et qu'il s'agit d'une atteinte à son apparence justifiant de lui octroyer une indemnité de 500 euros ;
Considérant que la société UCB Pharma sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme Z... de cette demande, les experts ayant indiqué qu'il n'y avait pas de préjudice esthétique décelable ; que la société Glaxosmithkline s'associe à cette demande ;
Considérant ceci exposé que c'est à juste titre que les experts ont retenu qu'il n'y avait pas de préjudice esthétique décelable, les cicatrices mesurant 1 cm et étant situées à l'ombilic et dans la fosse iliaque ; que le jugement sera confirmé ;
Le préjudice sexuel
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué à ce titre à Mme Z... une indemnité de 8 000 euros ; qu'à l'appui, elle fait valoir que les experts n'ont relevé aucun préjudice sexuel ; que les seules composantes de celui-ci résulteraient donc de l'atteinte aux organes sexuels et de l'impossibilité temporaire de procréer ; que ces préjudices sont déjà intégrés dans l'évaluation des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent; que cette cour a d'ailleurs récemment rappelé que les préjudices résultant de l'atteinte aux organes sexuels et de l'impossibilité de procréer se confondent avec le déficit fonctionnel permanent dans la mesure où, dans les dossiers DES, celui-ci est précisément constitué de l'atteinte aux organes reproducteurs et de l'impossibilité de procréer ; que la société Glaxosmithkline ajoute que les souffrances sexuelles ont d'ores et déjà été prises en compte par les experts dans l'évaluation des souffrances endurées ;
Mais considérant que ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle'; que selon le rapport Dintilhac, il convient de distinguer trois types de préjudice de nature sexuelle :
- le préjudice morphologique qui est lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi,
- le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir),
- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc ;
Que les experts au titre des souffrances endurées ont en particulier retenu les séquelles sexuelles et psychologiques du fait de la stérilité ; qu'il en découle que le préjudice sexuel n'y est inclus que pour son aspect morphologique et l'incapacité de procréer ; qu'or, M. et Mme Z... se sont plaints lors des opérations d'expertise d'une baisse de libido et de l'absence de relations sexuelles depuis 2005 ; que la perte de la libido doit donc être indemnisée ; que le jugement déféré sera donc confirmé ;
Le préjudice d'établissement
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme Z... une indemnisation de 10'000 euros à ce titre ; qu'à l'appui, elle fait valoir que la Cour de cassation a récemment rappelé, dans un arrêt du 12 mai 2011 que ce préjudice consistait en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap ; qu'il faut ainsi, selon elle, caractériser un préjudice distinct du préjudice de procréation, déjà indemnisé ici de manière centrale par le déficit fonctionnel permanent ; que la doctrine rappelle d'ailleurs que cette indemnisation n'a été admise que pour les personnes paraplégiques, tétraplégiques et les grands traumatisés crâniens ; qu'il ne s'agit donc pas, comme l'écrit l'intimée, d'indemniser « les bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial » ; qu'en outre, cette cour a rappelé que le préjudice qui serait justifié « par la nécessité de faire le deuil d'une famille biologique », ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne saurait donner lieu en toute hypothèse à une indemnisation au titre d'un préjudice d'établissement, dans la mesure où ce préjudice est indemnisé, sur le plan strictement physiologique au titre du déficit fonctionnel permanent, et sur le plan moral au titre des souffrances endurées ; que contrairement à ce que soutient Mme Z..., cet arrêt n'a fait l'objet d'aucune censure, aucun pourvoi n'ayant été inscrit ; que depuis, la Cour de cassation s'est exprimée et a pris soin de rappeler que le préjudice d'établissement répare la perte de la faculté de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité d'un handicap, l'avis de l'avocat général invoqué par Mme Z... n'ayant pas été suivi';
Considérant que la société Glaxosmithkline et Mme Z... sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué à Mme Z... une indemnité de 10'000 euros à ce titre, compte tenu des sommes octroyées par la jurisprudence ;
Considérant ceci exposé que ce poste de préjudice cherche, selon le rapport Dintilhac,à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale 'normale' en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation'; qu'il s'agit de la perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, d'élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial';
Que toujours selon le rapport Dintilhac, il convient ici de le définir par référence à la définition retenue par le Conseil national de l'aide aux victimes comme la 'perte d'espoir et de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc.) en raison de la gravité du handicap'';
Qu'il convient sur ce point de relever d'emblée la divergence des laboratoires qui invoquent chacun des décisions au soutien de leurs argumentations contraires ; que Mme Z... a perdu l'espoir de fonder une famille en raison des pathologies dont elle est victime du fait de son exposition in utero au DES ; que ce préjudice est distinct du préjudice de procréation qui représente les séquelles fonctionnelles ; qu'il s'agit d'un préjudice permanent postérieur à la consolidation'; qu'il n'est donc pas indemnisé au titre des souffrances endurées'; qu'il convient de l'indemniser d'une manière distincte du déficit fonctionnel permanent'; que le jugement sera confirmé ;
Sur les demandes de M. Z...
Le préjudice d'affection
Considérant que la société UCB Pharma reproche au tribunal d'avoir retenu un tel préjudice alors que ce préjudice, qui a été récemment dégagé tend à indemniser la souffrance liée à la perte d'un être cher ou au seul spectacle de sa survie, diminué et gravement handicapé ; que la cour d'appel de céans a récemment statué en ce sens; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'elle fait valoir que le préjudice d'accompagnement n'est pas plus constitué puisqu'il n'est caractérisé que pour les proches partageant la vie d'un grand handicapé alors que de plus M. Z... présente des anomalies spermatiques ayant nécessairement contribué à la situation d'infertilité du couple et ayant justifié le recours au parcours de procréation médicalement assistée ; que la société Glaxosmithkline s'associe à cette argumentation ;
Mais considérant que M. Z... a dû non seulement accompagner et soutenir son épouse en partageant ses craintes mais aussi faire face à sa propre appréhension ; qu'il en subit un préjudice moral qui ne souffre pas débat ; que le jugement sera confirmé ;
Le préjudice de procréation
Considérant que la société UCB Pharma reproche au tribunal d'avoir alloué à ce titre à M. Z... une indemnité de 5 000 euros à ce titre au motif qu'il serait dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse et que, fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance ; qu'elle estime que cette motivation est d'autant plus contestable que le jugement oublie que M. Z... présente une problématique d'infertilité masculine ayant contribué à la situation d'infertilité du couple ; qu'elle estime encore que M. Z... n'est pas fondé à invoquer un préjudice au motif nouvellement invoqué dans ses dernières écritures que la vie sexuelle du couple aurait été très compliquée pendant le parcours de procréation alors que le parcours de procréation médicalement assistée est également justifié par ses anomalies spermatiques ;
Considérant que la société Glaxosmithkline estime que l'indemnisation allouée à M. Z... à ce titre ne saurait excéder la somme de 3 000 euros conformément à la jurisprudence la plus récente de la cour ;
Mais considérant qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire, l'infertilité de M. Z... n'est pas établie dès lors qu'un seul spermogramme a présenté des anomalies, les autres s'étant révélés normaux ; que cette cause de l'infertilité de Mme Z... n'a pas été retenue par les experts judiciaires ; que c'est par de justes motifs qui sont adoptés par la cour que le tribunal a retenu que M. Z... subissait du fait des troubles présentés par son épouse un préjudice de procréation dans la mesure où il se trouve dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse comme il l'aurait souhaité et que fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance ; que ce préjudice a toutefois été surévalué par les premiers juges ; qu'il convient de le ramener à la somme de 3 000 euros ;
Sur les demandes de M. Y...
Considérant que la société UCB Pharma sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué à ce titre à M. Y... une indemnité de 5000 euros en réparation de son préjudice moral au motif qu'il devait faire le deuil d'une descendance ; qu'elle estime cette motivation contestable dans la mesure où un tel préjudice par ricochet ne devrait être indemnisé que si le demandeur subit à la suite des blessures de la victime immédiate un trouble dans ses conditions d'existence ; qu'or Y... n'établit pas avoir subi de tels troubles dans ses conditions d'existence alors que de plus il existe au cas présent des causes autonomes du DES ayant contribué à la situation d'infertilité ; que la société Glaxosmithkline observe quant à elle que la jurisprudence de la cour a rejeté des demandes similaires au motif que le père de la demanderesse n'établissait aucun préjudice personnel ou que le sentiment de culpabilité allégué ne ressortait d'aucun élément ; que la situation étant selon elle identique en l'espèce, elle sollicite l'infirmation du jugement sur ce point et conclut en tout état de cause au caractère excessif de l'indemnité allouée, celle-ci ne pouvant excéder selon elle 2 000 euros ;
Mais considérant que le tribunal n'a pas cherché à indemniser le propre sentiment de culpabilité de M. Y... ; qu'il a au contraire justement retenu que celui-ci avait été confronté non seulement à la détresse de sa fille mais également à celle de son épouse laquelle, de son vivant, nourrissait elle-même un sentiment de culpabilité pour avoir, pendant sa propre grossesse, ingéré un médicament qui s'est révélé être la cause de la stérilité de sa fille ; qu'il a tout aussi justement considéré que le père de Mme Z... avait dû faire le deuil d'une descendance puisque sa fille unique ne pourrait pas lui donner de petits enfants ; qu'il s'agit d'un préjudice moral qui ne souffre pas débat ; qu'en revanche, le tribunal a surévalué ce préjudice ; qu'il convient de le ramener à 2 000 euros ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;
Sur la réserve des droits de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris
Considérant que l'état de Mme Z... a été reconnu consolidé à la date de l'expertise ; que les experts judiciaires n'ont pas reconnu la nécessité de soins futurs ; qu'il n'y a pas lieu dès lors de réserver les droits futurs de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris ; que celle-ci sera déboutée de cette demande ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion
Considérant qu'il résulte de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale qu'en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée'; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris ;
Sur les demandes accessoires
Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; que compte tenu du sens du présent arrêt, la société UCB Pharma sera déboutée de sa demande sur ce fondement de même que la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris, indemnisée de ses frais sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en revanche, la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline seront condamnés in solidum à verser à Mme et M. Z... une indemnité complémentaire de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Considérant que les dépens d'appel pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile';
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,
Reçoit l'intervention volontaire de la société Glaxosmithkline,
Infirme partiellement le jugement rendu le 10 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre,
Et, statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de procréation ,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à M. Y..., pris en la personne de sa tutrice, Mme X... Z..., la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,
Confirme pour le surplus le jugement rendu le 10 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre,
Et y ajoutant,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris la somme de 20'405,18 euros au titre des dépenses de santé actuelles exposées pour le compte de Mme Z...,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,
Déboute la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris du surplus de ses demandes,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à Mme Z... la somme de 10'000 euros en indemnisation de ses pertes de gains professionnels actuels,
Déboute Mme Z... du surplus de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à réserver les droits de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris,
Déboute la société UCB Pharma et la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum à payer à M. et Mme Z... une indemnité complémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société UCB Pharma et la société Glaxosmithkline in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,