COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 FEVRIER 2019
N° RG 17/01301 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RKBV
AFFAIRE :
O... P...
...
C/
la société MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la société SCPA GE MONEY BANK...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° Section :
N° RG : 15/02087
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur O... P...
né le [...] à EPINAL
de nationalité Française
[...] La Huée
[...]
Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905
Madame B... I... épouse P...
née le [...] à BRIEY
de nationalité Française
[...] La Huée
[...]
Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905
APPELANTS
****************
la société MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la société SCPA GE MONEY BANK Société en commandite par actions, au capital social de 594.078.024 euros, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°784 393 340, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 784 39 3 3 40
[...] - [...]
Représentant : Me Gilles-antoine SILLARD de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 189 - N° du dossier 1701291 -
Représentant : Me François VERRIELE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0421
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Septembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Suivant offres de prêt émises le 14 février 2007, reçues le 19 février 2007 et acceptées le 3 mars 2007, la société GE Money Bank a consenti à M. P... et Mme I... épouse P... deux prêts immobiliers «Evoluto» d'un montant de 241.613 € et 240.773 €, chacun d'une durée prévisionnelle de deux cent quatre mois, au taux nominal de 4,15% l'an pendant les vingt-quatre premiers mois, puis révisable à l'issue de cette première période.
Suivant assignation en date du 4 février 2015, les époux P... ont cité la société GE Money Bank à comparaître devant le tribunal de grande instance de Nanterre, afin d'obtenir, principalement, la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans chaque prêt, ou à défaut la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour chacun des prêts.
Par jugement rendu le 6 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
-déclaré non prescrite la demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel,
-débouté les époux P... de leur demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel,
-déclaré prescrite l'action des époux P... tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
-déclaré non prescrite la demande de dommages et intérêts présentée par les époux P...,
-rejeté leur demande de dommages et intérêts ,
-condamné in solidum les époux P... à payer à la société GE Money Bank la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n' y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
-condamné in solidum les époux P... aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Cécile Turon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure .
Le 15 février 2017, les époux P... ont interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 12 mai 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. O... P... et Mme B... I... épouse P..., appelants, demandent à la cour de :
-confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 6 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré etl'action en nullité de la stipulation d'intérêts et la demande de dommages-intérêts recevables,
-infirmer lejugement du tribunal de grande instance du 6 janvier 2017 pour le surplus,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
-prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans chaque acte de prêt liant les parties ( prêt de 241.613 euros n° [...] et prêt de 240.773 € n° [...] ),
-condamner la société GE Money Bank au remboursement de l'excédent d' intérêts indus, pour chacun des prêts, au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 28 novembre 2014, date de la mise en demeure,
-fixer le taux applicable aux contrats de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,
-condamner lasociété GE Money Bank à produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
À titre subsidiaire,
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article
L. 312-33 dernier alinéa (ancien) du code de la consommation dans chaque acte de prêt liant les parties,
-condamner la société GE Money Bank au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, pour chacun des prêts, au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 28 novembre 2014, date de la mise en demeure,
-fixer le taux applicable aux contrats de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,
-condamner la société GE Money Bank à produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêt en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause,
-condamner la société GE Money Bank à payer aux époux P... la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté,
-débouter la société GE Money Bank de l'ensemble de ses demandes ;
-condamner la société GE Money Bank à payer aux époux P... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour lapremière instance, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
-condamner la société GE Money Bank aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de leurs demandes, les époux P... font valoir :
-que l'action des emprunteurs n'est pas prescrite, car la prescription n'a pas pu courir à compter de la signature des prêts dans la mesure où les époux P... ne disposent pas d' une compétence suffisante pour déterminer par eux-mêmes l'erreur affectant le calcul du TEG et du taux de période; que les emprunteurs ont été en mesure de connaître ces erreurs à compter des analyses financières de la société «Humania Consultants» ;
-qu' en présence d'un TEG erroné, l'emprunteur peut se prévaloir, soit des dispositions de l'ancien article L. 313-2 du code de la consommation, soit de celles de l'article L. 312-8 du code précité;
-que la banque n'a pas respecté plusieurs dispositions du code de la consommation ; qu'en premier lieu, le taux de période mentionnéest erroné car la banque ne pouvait afficher un taux de période arrondi, car le «résultat du calcul» mentionné au d) de l'annexe sous l'ancien article R. 313-1 du code de la consommation concerne le TEG lui-même ; qu'en second lieu, contrairement à ce que prescrit l'article R. 313-1 du code de la consommation, la banque a omis de mentionner la durée de la période ; que, en troisième lieu, le TEG est erroné, car, d'une part il n'est pas proportionnel au taux de période, d'autre part la tolérance de la décimale, qui n'est pas celle du dixième, est dépassée ;
-que la banque a manqué à son obligation générale d'information, de loyauté, et d'honnêteté.
Dans ses conclusions transmises le 5 juillet 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA MY MONEY BANK,venant aux droits de la société GE Money Bank,intimée, demande à la cour de :
-réformer le jugement du 6 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel,
-réformer le jugement du 6 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande de dommages et intérêts des époux P...,
-confirmer le jugement pour le surplus,
-condamner solidairement les époux P... à payer à la société MY MONEY BANK une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner solidairement aux dépens qui seront recouvrés par Me Gilles-antoine SILLARD dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la société GE Money Bank fait valoir :
-que les actions en nullité de la stipulation d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts sont prescrites, dans la mesure où la prescription quinquennale a commencé à courir à compter de l'acceptation des offres, le 3 mars 2007, car les erreurs invoquées étaient décelables, ou sont inexistantes ; que les prétendus griefs de forme des emprunteurs reposent sur des éléments dont l'exactitude ou l'inexactitude étaient décelables à la seule lecture des conditions particulières et générales des offres de prêts ; que les TEG ne sont affectés d'aucune erreur de calcul ;
-que l'action en responsabilité pour manquement de la banque à son obligation d'information et de loyauté est prescrite, car le point de départ du délai quinquennal de prescription de l'article 2224 du code civil est, concernant une telle action, la date de l'octroi du crédit ;
-que le TEG stipulé dans les deux prêts est exact ; que les allégations des appelants reposent sur des rapports d'expertise privée dénués de valeur probante ; que la banque a respecté l'article R. 313-1 II §4 relatif à l'arrondi des taux, car seul le résultat du calcul a été arrondi « avec une précision d' au moins une décimale » ; que les appelants, pour affirmer que le TEG affiché n'est pas proportionnel au taux de période, se fondent sur le rapport «Humania Consultants» qui a retenu un taux de période inexact ; que, contrairement à ce qu'affirment les appelants, le taux de période est indiqué dans les offres de prêt ; que, pour affirmer que la banque n'a pas pris en compte l'année civile, les emprunteurs retiennent un taux de période et un TEG déjà arrondis dans les offres de prêt ;
-que la demande en nullité du TEG formulée par les emprunteurs est irrecevable, car la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ;
-que la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation est une sanction facultative, qui ne mérite pas d'être prononcée en l 'espèce car les emprunteurs ne justifient absolument pas du préjudice qui aurait résulté pour eux de la mention prétendument erronée du TEG dans les deux offres de prêt ;
-que la demande de dommages et intérêts des emprunteurs est mal fondée car la banque a rempli ses obligations ; qu'en premier lieu, en vérifiant la solvabilité des emprunteurs, la banque était dispensée de son devoir de mise en garde ; qu'elle reçu un dossier de demande de prêt complet qu'elle a examiné avec soin, avant de prendre sa décision, et repris pour chaque offre dans un document intitulé « information fournies par vous et prise en considération pour l'acceptation de ce crédit » les éléments figurant dans le dossier ; qu'en second lieu, les emprunteurs arguent d'un manquement à un devoir de loyauté et d' honnêteté sans en préciser le contenu.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 mai 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 6 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il doit être rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L.313-2 (ancien) du code de la consommation, devenu article L 314-5, le taux effectif global (TEG ) doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt.
Cette exigence, combinée avec les dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil,
suppose l'indication par écrit du taux d'intérêt conventionnel, élément majeur du taux effectif global. Dans tout prêt, l'exigence d'un écrit mentionnant les éléments du TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt et, à défaut d'une telle mention, il convient de faire application du taux d'intérêt légal à compter de la date du prêt.
Les dispositions sur le taux effectif global sont d'ordre public et édictées dans le seul intérêt de l'emprunteurayant la qualité de consommateur.
Cette position jurisprudentielle est conforme aux dispositions de l'article 1304 ancien du code civil qui précise que 'le délai de prescription pour contester un contrat est de cinqans à compter du moment où l'erreur est découverte'.
Sur la recevabilité de l'action en nullité de stipulation d'intérêts ;
M.et Mme P... invoquent la stipulation d'un taux effectif global erroné, en raison de l'absence d'égalité des flux, du défaut de proportionnalité entre le taux de période et le taux effectif global et dudéfaut de prise en compte de l'année civile pour le calcul des intérêts.
Le tribunal a estimé non prescrite la cause de nullité découlant de l'absence d'égalité des flux dans le calcul du taux effectif global réalisé par la banque, du fait que la simple lecture de l'offre de prêt ne permettaitpas de relever l'erreur, les erreurs alléguées n'étant décelables qu'en effectuant des calculs techniques. Il n'est en effet pas contesté que les emprunteurs, non professionnels, ne disposaient pasdes compétences juridiques, mathématiques et financièresleur permettant de s'interroger surle calculdu taux effectif global au moment de la réception par eux de l 'offre de prêt.
Dans ce cas,le point dedépart du délai de prescription se situe à la date à laquelle l'emprunteura notamment été en mesure de prendre connaissance de la méthode de calcul des intérêts proportionnels prescrite par les dispositions de l'article R.313-1 ancien du code de la consommation, soit à la date du dépôt de son premier rapport d'analyses mathématiques par la société Humania Consultants, le 4 novembre 2014. Les demandes contenues à l'assignation du 4 février 2015 ,ne sont donc pas prescrites.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a estimé non prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêtsengagée par M. et Mme P....
Le point de départ de la prescription de l'actiontendant au prononcé de la déchéance du droit auxintérêts du prêteur se prescrit par cinq ans à compter de prise de connaissance effective par l'intermédiaire d'un expert saisi par l'emprunteur profane, de l'erreur mathématique affectant la formule du taux effectif global de la convention souscrite.
Toutefois la cour relève que les règles spéciales dérogeant aux règles générales, et la qualité d'emprunteurs consommateurs non avertis de M. etMme P...n'étant pas contestée, les appelants doivent être déclarés recevables en leur appel fondé sur le seul article L 322-33 ancien du code de la consommation, qui sanctionne de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque l'erreur affectant le taux effectif global comme son défaut de mention, les juridictions saisies conservant l'appréciation souveraine de la mesure de cette déchéance, qui peut être totale ou partielle.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a estimé prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts.
Sur le bien-fondé de l'action en déchéance du droit aux intérêts :
Il est constant que les parties se sont soumises aux dispositions d'ordre public des articles L312-1 et suivants (anciens) du code de la consommation, qui trouvent application en l'espèce.
Plusieurs décrets ont successivement redéfini l'obligation d'indiquer le taux et la durée de la période selon la nature des prêts consentis.
Le mode de calcul du taux de période est précisé à l'article R 313-1 code de la consommation ancien pris dans sa rédaction en vigueur au moment de la conclusion des prêts litigieux,qui dispose :
'Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l' article L 311-3" ( crédits professionnels )'et à l'article L 312-2 du présent code' ( crédits immobiliers), pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif globald'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.
'Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés..
Pour les opérations mentionnées aux articles 3° de l'article L 311-3 et à l'article L 313-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autrequ'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.'
L'article R313-1 du code de la consommation,dans sa rédaction applicable aux contrats en cause contient deux phases distinctes, la première relative au calcul du TEG pour lequel une distinction doit être faite entre d'une part les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L 311-3 et à l'article L 312-2 du même code, d'autre part, toutes les autres opérations de crédit, et la seconde qui impose, quelleque soit l'opération de crédit, la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur.'
+ Sur le respect de l'égalité des flux :
En application de l'article R313-1 alinéa 2 du code de la consommation, le taux de période 'assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées
et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital,
intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.'
Enl'espèce, il y a lieu de tenir compte des analyses mathématiques effectuées par la société Humania consultants, qui établissent l'atteinte portée par la banque aux dispositionsd'ordre publicédictées par l'article R.313-1 anciendu code de la consommation, tel qu'applicable à la cause, et devenu ensuite article R 3143° du même code.
Ces analyses démontrentl'absence d'égalitéentre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur , et par suitele caractère erroné du taux de période et conséquemment du TEGstipulé dans chacun des prêts. Selon les conclusions du rapport d'Humania Consultants, il existe une différence de 314,40 € pour le prêt n° [...] et de 317,10 € pour le prêt n° [...] et entre les sommes prêtées et le montant des remboursements, en défaveur des emprunteurs.
+Sur le calcul du taux de période et la proportionnalité entre ce taux et le TEG :
La cour relève dans le texte susvisé quele taux de période est calculé actuariellement à partir
d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur, le taux effectif global applicable aux prêts litigieux étant quant à lui nécessairement un taux annuel proportionnel au taux de période.
Letaux périodique « t » recherché sera celui qui permettra de résoudre l'équationdérivée exposée en annexe de l'article R 313-1 ancien du code de la consommation, aujourd'hui R 314-3 du code de la consommation. Cette formule mathématique a été publiéeau Journal officiel dès sa parution en 2002.
M. etMme P... soutiennent que le TEG mentionné dans l'offre de prêt, soit 4,317 %, n'est pas proportionnel au taux de période affiché, de 0,360%. La société GE Money Bank apparaît en effet avoir arrondi non seulement le rapport entre le taux de période unitaire et le TEG annuel,
passant d'office pour les deux prêts de 4,31724 %et de 4,31748%à 4,317 %, mais également avoir choisi d'arrondir le taux de période unitaireà0,360% - il était respectivement de 0,35977 et de 0,35979 pour les deux prêts. Orle texte de loi sur les prêts immobiliers ne prévoit nullement la possibilité d'un arrondi dutaux de période unitaire, qui est le premier terme et le point de départ du calcul du TEG annuel.
Par ailleurs la société Humania Consultants expert amiablement saisi par M. et Mme P..., a calculé les taux de période qui devaient être affichés par la banque en fonction des éléments portés au contrat de prêt. Elle a précisé que les taux de période exacts, pour les deux prêts, sont respectivement de 0,36136 et de 0,36138 %, au lieu de 0,360 % tel que mentionné.
Outre qu'aucun texte n' autorise une banque à arrondir un taux de période, il est précisé par l'article R 313-1 alinéa 2que ce taux ' assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés..
Ce taux est ainsi unique pour chaque convention et son calcul n'admet qu'un seul résultat.
C'est pourquoi le rapport de la société Humania Consultants, qui fait application, pour déterminer le taux de période exact correspondant aux élément affichés au contrat, de la dérivée mentionnée en annexe de l'article R 313-1 ancien du code de la consommation, conserve sa force probante, même si l'expert amiable n'a pas été désigné contradictoirement : il n'estcomposé que de calculs mathématiques exacts et en toute hypothèse, a été soumis à la contradiction des débats. Par ailleurs, l'erreur dans le taux de période équivautà une absence de taux.
Sur le caractère erroné du TEG présenté par la banque :
Le TEG applicable aux contrats de prêt immobilier est un taux annuel proportionnel au taux de période et le manquement à cette obligation est sanctionné par la nullité de la clause de stipulation de l'intérêtconventionnel, ou bien si l'emprunteur est une personne physique consommateur comme en l'espèce, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, totale ou partielle.
En l'espèce, s'agissant du prêt de 241.613 € , le TEG est ainsi défini :
TEG = 0,36136 % (et non 0,360 %) x 365(365/12) = 4,33632 % , et non pas 4,317 %ainsi que l'a mentionné la société GE Money Bank ;
S'agissant du prêt de 240.773 € :
TEG = 0,36138% (et non 0,360 %)x 365(365/12) = 4,33656 % et non pas 4,317 % ainsi que l'a mentionné la banque.
L'analyse réalisée par la société Humania Consultants est validée au surplus en l'espècepar l'attestation motivéeversée aux débats d'un expert-comptable reconnu, M. R....
Ainsi si l'offre de prêt querellée,ne respecte pas le principe deproportionnalité entre le taux annuel et le taux de période,( lui-même minimisé par un arrondi illégal), la cour retient le résultat du rapport réel rétabli de ces deux éléments reste en deça de la tolérance éventuelle de la décimale.
Enl'espèce, l'erreur de taux dans les deux prêts est très modérée, en tous cas pour le taux de période inférieure à la décimale.
La cour disposedes éléments suffisants pour prononcer la déchéance partielledu droit aux intérêts contractuelsassortissant chacun des deux prêts litigieux, pour lesquels le dépassement par le TEGréel du TEG affiché est peu important : dans les deux prêts, le tauxd'intérêt conventionnel sera diminué de 1 %.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a estimé que le TEG avait bien été calculé sur la base d'une année civile. S'agissant du défaut de précision de la durée de la période invoquée par lesappelants, la cour retient que la seule mention de la périodicité des échéances est suffisamment explicité et vaut indication de la durée de la période, soitunmois. Ce dernier moyen des appelants est en tant que de besoin écarté.
Il y a lieu decondamner la SA MY MONEY BANK à produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêts en cause, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.
En conséquence, le jugement entrepris est réformé, la cour prononçant l'admission partiellede la demande subsidiaire des appelants.
Sur la demande de dommages-intérêts de M.et Mme P... :
Les appelants qui obtiennenten partie gain de cause, sont recevables en leur action en responsabilité, l'action relative aumanquement de la banque à ses obligations pré-contractuelles se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Toutefois, M. et Mme P... nedémontrentpas avoir subi un préjudice distinct de l'obligation derégler des intérêts conventionnels supérieurs ou distincts de ceux réellement dûs ;ce préjudice étant déjà réparé, leur prétention à dommages-intérêts supplémentaires pour manquement de la banque à ses obligations, est rejetée.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande d'allouer à M.etMmeP...une somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'ils ont été contraintsd'exposer en première instance comme en appel pour la préservation de leurs droits.
Au vu de la solution du litige, la société MY MONEY BANK supportera les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrits M. O... P... et Mme B... I... épouse P..., en leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels des prêts souscrits le 3 mars 2017, fondée sur l'indication d'un taux de période erroné et, partant,d'un taux effectif global erroné, et en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuantà nouveau de ces chefs :
Déclare M. O... P... et Mme B... I... épouse P... recevables en leurdemande subsidiaire fondée sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;
Prononce la déchéance partielle de la SAMY MONEY BANK, venant aux droits de la SA GE Money Bank, de son droit aux intérêts conventionnels sur les deux prêts 'Evoluto' souscrits par M. et Mme P... le 3 mars 2017 ;
Dit que le taux d'intérêt nominal de chacun des deuxprêts 'Evoluto'd'un montant de 241.613 € et 240.773 € souscrits le 3 mars 2017 par M.et Mme P..., est abaissé de un pour cent, et donc ramené à 3,150 % sur toute la durée de chacun desdeux prêts .
Condamne la société MY MONEY BANK à rembourser à M. et Mme P... le montant des intérêts prélevés indûment sur les deux contrats de prêt, à parfaire au jour du présent arrêt ;
Condamne la sociétéMY MONEY BANKà produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêts en cause, sous astreinte de 200 €par jour de retard à compter de la signification du présent ;
Dit que les échéances à venir seront assorties dans la mesure de la déchéance prononcée, du taux d'intérêt conventionnel de 3,15 % pour le deux prêts ;
Rejette toutes plus amples demandes ;
Condamne laSAMy MoneyBankà verser à M. et Mme P... une somme de 1.000€ au titre de l'article 700 en première instance, et celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; rejette la prétention du même chef de la société intimée ;
Condamne la société MY MONEY BANK aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,