COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88E
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 FEVRIER 2019
N° RG 18/01248
N° Portalis DBV3-V-B7C-SGRG
AFFAIRE :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE
C/
[G] [O] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 31 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG :
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL CABINET BURGEAT
Me Charles TONNEL
Copies certifiées conformes délivrées à :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE
[G] [O] [J]
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Claude BURGEAT de la SELARL CABINET BURGEAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0001 substituée par Me Florence CHARLUET MARAIS de la SCP BURGEAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0001
APPELANTE
****************
Madame [G] [O] [J]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Charles TONNEL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 204
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/009041 du 12/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,
Mme [G] [J], de nationalité camerounaise, est la mère de trois enfants:
- D., née le [Date naissance 1] 2011 au Cameroun ;
- M-A. Et M-N., nées le [Date naissance 2] 2012 en France.
Mme [J] serait entrée sur le territoire français le 28 mai 2011 et sa fille D. serait arrivée le 2 octobre 2012.
Mme [J] dispose aujourd'hui d'une carte de séjour temporaire délivrée par l'autorité préfectorale avec la mention 'vie privée et familiale' l'autorisant à résider et travailler sur le territoire français.
Le 4 décembre 2012, Mme [J] a établi une demande de prestations familiales et d'aide au logement auprès de la caisse d'allocations familiales de Paris.
Cette caisse n'a pas fait droit à la demande, Mme [J] ne fournissant à l'appui de sa demande aucun document établissant la régularité de l'entrée de l'enfant D. sur le territoire français.
Le 11 juillet 2016, Mme [J] a sollicité le bénéfice des prestations familiales en faveur de ses trois enfants auprès de la caisse d'allocations familiales des Hauts de Seine (ci-après, la 'CAF' ou la 'Caisse').
Par courrier du 11 juillet 2016, la CAF lui a demandé de produire le certificat médical de l'OFII délivré dans le cadre de la procédure de regroupement familial.
Mme [J] ne produisant pas ledit document, la Caisse n'a pas donné suite à sa demande.
Le 21 novembre 2016, Mme [J] a saisi la commission de recours amiable puis introduit un recours contre la décision implicite de rejet de cette commission devant le tribunal de sécurité sociale des Hauts de Seine, le 20 février 2017.
A l'audience du 17 octobre 2017, Mme [J] a sollicité le versement des prestations familiales pour sa fille D. et fait valoir que :
- elle disposait d'un titre de séjour régulier ;
- elle exerçait une activité professionnelle sur le territoire français ;
- sa fille D. était intégrée et régulièrement inscrite dans un établissement scolaire depuis son arrivée en France en 2012 ;
- les dispositions de droit interne heurtaient les engagements internationaux de la France et notamment les conventions de l'Organisation internationale du travail n°97 et 118 mais également la convention bilatérale de sécurité sociale liant la France et le Cameroun, conclue le 5 novembre 1990, du fait que les ressortissants camerounais résidant légalement en France et y exerçant une activité salariée ou assimilée devaient être traités de la même manière que les ressortissants français, de telle sorte que la législation française ne devait pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française pour l'attribution des prestations familiales.
La CAF des Hauts de Seine soutenait quant à elle que :
- Mme [J] ne démontrait pas que sa fille D. était entrée de manière régulière sur le territoire français (soit par le biais de la procédure de regroupement familial, soit par la production de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale indiquant qu'elle était arrivée en France en même temps que l'un de ses parents, titulaire d'une carte de séjour délivrée avec la mention 'vie privée vie familiale') ;
- la convention bilatérale franco-camerounaise ne dispensait pas les personnes sollicitant le bénéfice des prestations familiales de produire l'un des documents exigés par l'article D512-2 du code de la sécurité sociale.
Par jugement en date du 31 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine dit que Mme [J] avait droit aux prestations familiales pour sa fille D. et ce, à compter du 14 juin 2014.
Le 27 février 2018, la CAF des Hauts de Seine a interjeté appel du jugement et les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 10 janvier 2019.
La CAF des Hauts de Seine, par ses conclusions écrites, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre du 31 janvier 2018 ;
- débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes.
Par ses conclusions d'intimé, Mme [J] sollicite:
- la confirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine du 31 janvier 2018 en ce qu'il a reconnu le droit aux prestations familiales en faveur de sa fille D. et ce, à compter du 14 juin 2014, compte tenu du délai de prescription biennale édictée par les dispositions de l'article 533-1 du code de la sécurité sociale ;
- le débouté de la CAF de sa demande d'infirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Aux termes de l'article D.512-2 du code de la sécurité sociale:
La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants :
1° Extrait d'acte de naissance en France ;
2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l' Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;
3° Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ;
4° Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou au 5° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L.311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1.
L'article 1 du titre premier de la convention se lit pour sa part : 'Les ressortissants français exerçant au Cameroun une activité salariée sont soumis aux législations de sécurité sociale (...) dans les mêmes conditions que les ressortissants camerounais'.
L'article 2 se lit quant à lui : 'Les ressortissants camerounais exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale (...) en bénéficient, ainsi que leurs ayants droits résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français'.
La cour note, certes, que Mme [J] se trouve en situation régulière sur le territoire national et exerce une activité professionnelle sur le territoire français.
En revanche, comme il a été régulièrement jugé dans des situations similaires, les dispositions de conventions comme la convention franco-camerounaise du 5 novembre 1990 ne font pas obstacle à ce que chacun des Etats concernés prennent les mesures qu'il estime nécessaire au contrôle des conditions d'accueil des enfants sur son territoire national.
La cour rappelle, dans cette perspective, que le trafic international d'enfants est l'un des trafics qui connaît un développement important et auquel les institutions internationales, onusiennes tout spécialement, invitent les Etats membre à porter une attention spéciale.
La France est ainsi fondée à adopter les dispositions législatives et réglementaires qu'elle estime adaptées, pour autant qu'elles n'apportent pas une atteinte excessive aux droits fondamentaux reconnus par la Constitution de la république, les traités internationaux et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
En l'espèce, il est constant que la fille aînée de Mme [J] a pénétré sur le territoire national postérieurement à l'entrée de sa mère et qu'elle ne disposait d'aucun des documents prévus par la réglementation susvisée.
Ainsi, la CAF pouvait et peut refuser le bénéfice de prestations familiales à Mme [J], estimant que l'existence d'une convention bilatérale de sécurité sociale ne dispense pas les personnes sollicitant le bénéfice des prestations familiales de produire l'un des documents exigés par l'article D.512-2 du code de la sécurité sociale.
Il est en effet acquis que les nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera Mme [J] de toutes ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 31 janvier 2018 en toutes ses dispositions;
Confirme la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine ;
Déboute Mme [G] [J] de sa demande de pouvoir bénéficier du droit aux prestations familiales en faveur de sa fille D. à compter du 14 juin 2014 ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,