COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51M
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 MARS 2019
N° RG 17/03455 - N°
Portalis
DBV3-V-B7B-RQR6
AFFAIRE :
Société d'Economie Mixte SEMIV
C/
K... A... U... S...
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23
Février 2017 par le Tribunal d'Instance de versailles
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 11-15-1138
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26/03/19
à :
Me Pascal KOERFER
Me Martine DUPUIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société d'Economie Mixte SEMIV
[...]
Représentant : Me Valérie LEPOUTRE, Avocat substituant Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 - N° du dossier 15137241
APPELANTE
****************
Monsieur K... A... U... S...
né le [...] à [...]
de nationalité Française
[...]
[...]
Madame R... O... N... épouse S...
née le [...] à SANTA MARIA MAIOR - PORTUGAL
de nationalité Française
[...]
[...]
INTIMES ayant pour Représentant : Me Martin LECOMTE de l'ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110 - Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Janvier 2019, Madame Isabelle BROGLY, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Isabelle BROGLY, Président,
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Lucile GRASSET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 6 avril 1967, la Société d'Economie Mixte Immobilière de Vélizy (SEMIV) a donné à bail à M. S... un appartement situé [...], [...] .
Le bail a été renouvelé par tacite reconduction.
Par courrier en date du 21 décembre 1987, M. et Mme S... ont accepté le renouvellement du bail moyennant un nouveau loyer mensuel de 173,11 euros (1.135,05 francs).
Le bail s'est ensuite renouvelé par tacite reconduction.
M. et Mme S... n'ayant pas accepté l'augmentation qui leur a été proposée en 2009, après des pourparlers, les parties ont signé un protocole d'accord le 10 février 2010 valant renouvellement du bail pour 6 ans sans application de l'article 17c.
La SEMIV a engagé une nouvelle procédure de réévaluation du loyer en 2014.
Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 6 novembre 2014 reçue le 7 novembre 2014 par M. S... et par acte d'huissier de justice délivré le 28 novembre 2014 à Mme S..., la SEMIV a notifié une proposition de renouvellement de bail avec fixation d'un nouveau loyer.
M. et Mme S... n'ont pas donné suite à cette offre.
La SEMIV a saisi la Commission Départementale de Conciliation mais les locataires ne se sont pas déplacés.
La SEMIV a, dès lors, par acte d'huissier en date du 18 juin 2015, fait délivrer assignation à comparaître à M S... devant le tribunal d'instance de Versailles, Mme S... étant intervenue volontairement à l'instance, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- dire et juger que le loyer acquitté par M. et Mme S... au titre du logement qu'ils occupent est manifestement sous évalué,
- dire et juger que la sous-évaluation du loyer est prouvée par référence aux loyers payés dans le voisinage pour des logements comparables,
- dire et juger que les données comparatives fournies par la SEMIV sont conformes aux dispositions de la loi,
- constater que M. et Mme S... ne versent aucune référence aux débats,
par conséquent,
- dire et juger irrecevables et, à tout le moins mal fondés, M. et Mme S... en l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions et les en débouter purement et simplement,
- condamner solidairement M. et Mme S... à payer le loyer réévalué à la somme de 527,43 euros par mois, soit un loyer de 6,78 euros le mètre carré pour une surface de 77,80 mètres carrés,
- dire et juger que l'échelonnement devra se faire ainsi que suit :
* au 1er juillet 2015 : 329,64 euros,
* au 1er juillet 2016 : 369,20 euros,
* au 1er juillet 2017 : 408,75 euros,
* au 1er juillet 2018 : 448,31 euros,
* au 1er juillet 2019 : 487,87 euros au 1er juillet 2020 : 527,43 euros,
- dire et juger que le loyer à acquitter par M. et Mme S... sera donc de 329,64 euros à compter du 1er juillet 2015,
- dire et juger que le 1er juillet de chacune des 5 années suivantes, le loyer mensuel sera à nouveau augmenté de 39,56 euros,
- dire et juger que le loyer acquitté par M. et Mme S... sera en outre réévalué chaque année au 1er janvier en fonction des variations de l'indice de référence des loyers conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989,
- dire et juger que l'augmentation de loyer se cumulera donc avec celle liée à cette variation de l'indice de référence des loyers.
- condamner M et Mme S... à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 23 février 2017, le tribunal d'instance de Versailles a, avec exécution provisoire :
- donné acte à Mme S... de son intervention volontaire à l'instance,
- constaté que la procédure de réévaluation du loyer initiée par la SEMIV aurait dû être fondée sur les dispositions de l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989,
- dit irrecevable la demande de la SEMIV en ce qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article 17c,
- condamné la SEMIV à faire effectuer des travaux de remplacement de l'intégralité des sols de l'appartement loué à M. et Mme S...,
- condamné la SEMIV au paiement des dépens de l'instance,
- condamné la SEMIV à payer à M. et Mme S... une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration en date du 29 avril 2017, la SEMIV a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions transmises le 25 septembre 2018, elle demande à la cour de :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a dit irrecevable la demande de révision du loyer fondée sur les dispositions de l'article 17c,
en conséquence,
- dire et juger recevable la SEMIV en ce qu'elle a fonde sa demande de renouvellement de loyer sur l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989,
- dire et juger que le loyer acquitté par M. et Mme S... au titre du logement par eux occupé est manifestement sous-évalué.
- dire et juger que la sous-évaluation du loyer est prouvée par référence aux loyers payés dans le voisinage pour des logements comparables,
- dire et juger que les données comparatives fournies par la SEMIV sont conformes aux dispositions de la loi susvisée,
- condamner solidairement M. et Mme S... a payer le loyer réévalué à la somme de 527,43 euros par mois, soit un loyer de 6,78 euros le m2 pour une surface de 77,80 m2,
- dire et juger que l'échelonnement devra se faire ainsi qu'il suit :
* au 1er juillet 2015 : 329,64 euros,
* au 1er juillet 2016 : 369,20 euros,
* au 1er juillet 2017 : 408,75 euros,
* au 1er juillet 2018 : 448,31 euros,
* au 1er juillet 2019 : 487,87 euros,
* au 1er juillet 2020 : 527,43 euros,
- dire et juger que le loyer à acquitter par M. et Mme S... sera donc de 329,64 euros à compter du 1er juillet 2015,
- dire et juger que le 1er juillet de chacune des cinq années suivantes, le loyer mensuel sera à nouveau augmenté de 39,56 euros.
- dire et juger que le loyer acquitté par M. et Mme S... sera, en outre, réévalué chaque année au 1er janvier, en fonction des variations de l'indice de référence des loyers conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989,
- dire et juger que l'augmentation de loyer se cumulera donc avec celle liée à cette variation de l'indice de référence des loyers,
- condamner solidairement M. et Mme S... à verser à la SEMIV une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. et Mme S... à verser à la SEMIV une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner solidairement M. et Mme S... aux entiers dépens.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 21 novembre 2018, M. et Mme S... demandent à la cour de :
à titre principal,
- dire et juger que la demande de la SEMIV aurait dû être fondée sur l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989,
en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes de la SEMIV irrecevables,
subsidiairement,
- dire et juger que la SEMIV n'a pas engagé la procédure à l'encontre de Mme S...,
- annuler la signification de l'offre de renouvellement de bail en date du 28 novembre 2014 et l'assignation qui aurait été délivrée à l'attention de Mme S... le 18 juin 2015,
- dire et juger que Mme S... n'a pas été régulièrement convoquée par la Commission Départementale de Conciliation,
- dire et juger que l'offre de renouvellement de la SEMIV est nulle, faute de contenir des références représentatives de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage,
en conséquence,
- dire et juger les demandes de la SEMIV irrecevables,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que l'appartement loué à M. et Mme S... a une surface de 73,10 m²,
- dire et juger que le loyer servant de base est le loyer indexé,
- dire et juger que le loyer dû au 1er juillet 2015 n'était pas manifestement sous-évalué,
- dire et juger que, compte tenu de l'état des sols de l'appartement, le loyer réglé au 1er juillet 2015 par M. et Mme S... était justifié,
en conséquence,
- débouter la SEMIV de sa demande de réévaluation de loyer,
- confirmer jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SEMIV de sa demande de dommages et intérêts pour « résistance abusive »,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- débouter la SEMIV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme S... les frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer dans le cadre de la présente instance,
- condamner en conséquence la SEMIV à payer à M. et Mme S... la somme de 6.000 euros,
- condamner la SEMIV aux entiers dépens de l'instance dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 décembre 2018.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de confirmer le jugement déféré en sa disposition non contestée par les parties, relative à la condamnation de la société SEMIV à faire effectuer les travaux de remplacement de l'intégralité des sols de l'appartement donné à bail à M. et Mme S...,
Sur l'appel de la société SEMIV.
- sur les moyens d'irrecevabilité soulevés en défense.
M. et Mme S... soulèvent l'irrégularité de la procédure initiée à leur encontre par la société SEMIV, faisant essentiellement valoir que la procédure de renouvellement du contrat de bail d'habitation fondée sur l'article 17 c) ou sur l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 doit être engagée à l'encontre de tous les titulaires du bail, que cette obligation n'a pas été respectée en l'espèce, que les actes de la procédure ont été adressés à Mme K... S... et ce, alors qu'ils auraient dû l'être à Mme R..., O... N... épouse S..., qu'en effet, si Mme S... n'a jamais reçu la moindre lettre ou le moindre acte, c'est parce qu'ils ont été adressés sous l'identité de 'Mme K... S...' qui n'existe pas.
La société SEMIV réplique que M et Mme S... reprennent leur argumentation de première instance à laquelle ils avaient finalement renoncé pour conclure à l'irrecevabilité de sa demande dirigée à l'encontre de Mme S.... Elle soutient essentiellement que :
- Mme S... est le nom d'usage de Mme R... O... N... ,
- le fait que les actes lui aient été adressés et notifiés sous son appellation d'épouse est parfaitement régulier et ce, d'autant plus qu'elle est co-titulaire du bail en sa qualité d'épouse,
- Mme S... née N... est parfaitement identifiable sous son nom d'épouse, elle réside à l'adresse des actes successifs et n'allègue pas que la délivrance des actes serait inexacte,
- Mme S... ne justifie d'aucun grief consécutif, elle était représentée en première instance et l'est également en cause d'appel, de sorte qu'elle a pu et peut faire valoir ses arguments en défense.
Sur ce,
Conformément aux dispositions de l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de juste est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure et du caractère limitatif de la liste des vices de fond prévue par l'article 117 du code de procédure civile.
Il y a lieu de rappeler les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile qui prévoient que : 'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est
pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public'.
Il est aujourd'hui admis que l'obligation de désigner une justiciable par le nom de famille et les prénoms portés sur l'acte de naissance n'est pas prescrite à peine de nullité des actes d'huissier de justice.
En l'espèce, Mme S... est le nom d'usage de Mme R... O... N... , elle est parfaitement identifiable sous son nom d'épouse, et les actes lui ont bien été délivrés à son adresse.
Mme S..., représentée tant en première instance qu'en cause d'appel, ne justifie d'aucun grief, de sorte que le moyen est inopérant et la procédure est parfaitement régulière à l'égard de Mme R... O... N... épouse S....
- sur les dispositions légales applicables.
Au soutien de son appel, la société SEMIV reproche au premier juge de s'être fondé à tort sur les dispositions de l'article 82 II de la loi du 6 août 2015, dite loi Macron pour suivre la thèse des locataires qui soutenaient que l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 est seule applicable à l'exclusion de l'article 17 c) ancien de la loi susvisée. Elle fait valoir en effet que l'offre de renouvellement a été adressée à chaque époux le 6 novembre 2014 pour le terme du bail fixé au 30 juin 2015, le renouvellement prenant effet le 1er juillet 2015, alors que les dispositions de la loi Macron du 6 août 2015 sont postérieures au renouvellement du bail et ne peuvent donc trouver application en l'espèce.
Pour conclure à la confirmation du jugement déféré qui a déclaré irrecevable la demande de la société SEMIV, faute d'avoir été fondée sur les dispositions de l'article 17-2 nouveau de la loi du 6 juillet 1989, M et Mme S... répliquent que la loi du 24 mars 2014 a abrogé l'ancien article 17 c) de la loi du 6 juillet 1989 et qu'il est de jurisprudence constante que la loi nouvelle, d'ordre public, régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, qu'en l'espèce, la question de savoir si le loyer est manifestement sous-évalué est une situation juridique qui a pris naissance le 1er juillet 2009, date du précédent renouvellement du bail, donc avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle le 27 mars 2014, et qui n'était donc pas définitivement réalisée à cette date, l'acte extrajudiciaire proposant le renouvellement du bail avec fixation d'un nouveau loyer ayant été délivré postérieurement à cette date, soit le 18 juin 2015.
Ils concluent que l'offre de renouvellement est donc en l'espèce, effectivement régie par les dispositions de la loi nouvelle et en particulier par les dispositions des articles 17, 17-1, 17-2 de la loi du 6 juillet 1989, modifiée par la loi du 24 mars 2014.
Sur ce,
Il y a lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 issu le la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, le législateur a listé toutes les dispositions de ladite loi qui sont d'application immédiate aux contrats de location en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi : or, l'article 17-2 introduit pas la loi du 24 mars 2014 ne fait pas partie de la liste, de sorte que d'après l'interprétation littérale du texte, l'article 17 c) est applicable aux baux en cours.
Cependant, la Cour de cassation, par un avis numéro 15002 en date du 16 février 2015 a estimé qu'il ne fallait pas faire une lecture littérale de l'article 14 et que certaines dispositions de la loi ALUR, bien que non mentionnées par l'article 14 de la loi du 24 mars 2014 étaient d'application immédiate, notamment celles relatives aux délais de paiement, à l'article 22 concernant la majoration de 10% en cas de non-restitution du dépôt de garantie, ainsi qu'aux congés.
Même si certaines juridictions de fond ont résisté à cet avis, estimant que la jurisprudence de la Cour de cassation qui s'en est suivie a vidé de sa substance l'article 14 susvisé, il n'en demeure pas moins que les dispositions de la loi ALUR sont applicables dès lors que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.
Pour autant en l'espèce, force est de constater que pour relever des dispositions de l'article 17-2-I de la loi du 6 juillet 1989, le logement, objet de la procédure de réévaluation de loyer, doit faire partie d'une zone tendue au sens de l'article susvisé, qui renvoie lui-même au décret du 10 juin 2015 fixant la liste des communes comprises dans ces zones, que ce décret n'a été publié que le 12 juin 2015 et n'est entré en vigueur que le lendemain, 13 juin 2015, soit sept mois environ après la proposition de fixation de nouveau loyer notifiée le 6 novembre 2014 par la société SEMIV à M et Mme S..., de sorte que ce décret n'était à l'évidence pas applicable lors de la demande de renouvellement de bail avec fixation d'un nouveau loyer.
Bien plus, à supposer qu'il eût été applicable, l'article 17-2 I supposait la promulgation d'un arrêté fixant le loyer de référence minoré, le fait que le logement soit situé dans une agglomération visée par le décret ne suffisant pas à rendre applicables les dispositions de l'article précité : or, à la date d'effet du renouvellement du bail soit le 1er juillet 2015, un seul arrêté préfectoral avait été promulgué, à savoir celui portant le numéro 2015 176-0007 du 25 juin 2015 entré en vigueur le 1er août 2015 et ne concernant que la seule ville de Paris intra muros.
L'offre de renouvellement du bail avec fixation d'un nouveau loyer qui a été notifiée à M et Mme S... ne peut donc qu'être soumise aux dispositions de l'article 17 c), de sorte que l'offre est régulière et ce, d'autant plus que le bailleur a intégralement reproduit le texte applicable à la présente espèce, étant souligné à cet égard que les mentions de l'article 17 c) sont analogues à celles de la loi nouvelle (article 17-2 I ) à l'exception de la notion de loyer de référence minoré dont il convient de rappeler qu'il n'a été défini que par un décret pris postérieurement à la date de la notification de l'offre de renouvellement du bail par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 novembre 2014 reçue le 7 novembre 2014 par M. S... et par acte d'huissier de justice délivré le 28 novembre 2014 à Mme S....
Le moyen d'irrecevabilité soulevé par M et Mme S... doit donc être rejeté, le jugement étant infirmé sur ce point.
- sur le fond du litige.
La société SEMIV expose qu'elle a scrupuleusement suivi la procédure de renouvellement de bail et respecté ses obligations en fournissant six références de loyers dont quatre de plus de trois ans et deux de moins de trois ans conformément aux dispositions de l'article 17c) précité, toutes prises dans son parc immobilier, alors même qu'elle aurait pu prendre en considération les loyers des logements appartenant à des tiers dont les montants sont considérablement supérieurs et que les calculs effectués sur la base de ses références font ressortir que le loyer actuel acquitté par M et Mme S... est manifestement sous-évalué, puisqu'il est de 3,73 euros le m².
M et Mme S... répliquent que :
- la SEMIV est propriétaire de très nombreux bâtiments situés sur la commune de Velisy Villacoublay, à tel point qu'elle dispose d'ailleurs d'un quasi monopole dans ce secteur,
- la lettre de la société SEMIV portant offre de renouvellement de contrat de bail comporte six références dont aucune ne concerne l'immeuble dans lequel ils demeurent,
- aucune des références ne porte sur des immeubles comparables à celui dans lequel est situé leur appartement, étant précisé que chaque bâtiment est dans un état d'entretien différent et est situé dans un lieu géographique également différent.
- en réalité, la société SEMIV a sélectionné dans son parc immobilier, les références les plus élevées, qui lui sont bien évidemment plus favorables,
- de ce fait, les références ne peuvent être considérées comme étant représentatives de l'ensemble des loyers habituellement constatées dans le voisinage pour des logements comparables, de sorte que l'offre de renouvellement de la société SEMIV est nulle.
Sur ce,
Sur le fond, conformément aux articles 17 c et 19 de la loi du 6 juillet 1989, il y a lieu de s'assurer que les références données portent sur des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables situés, soit dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupe d'immeubles comportant des caractéristiques semblables et dans la même zone géographique, étant précisé que l'article 19 de la loi susvisée n'exige pas que les logements qui servent de références soient similaires, mais qu'ils soient seulement comparables : en effet, la comparaison n'implique pas la similitude et suppose une certaine diversité.
En l'espèce, la société SEMIV a notifié à M. et Mme S... la proposition de renouvellement du bail plus de six mois avant l'échéance du bail, reproduisant les dispositions de l'article 17 c), mentionnant le montant du loyer et en annexant six références ayant servi à la détermination du nouveau loyer dont quatre concernent des baux de plus de trois ans.
Il résulte de l'offre de renouvellement que le montant du loyer mensuel de M. et Mme S... s'élève à la somme de 290,08 euros mensuels, hors charges, pour un appartement de quatre pièces. La société SEMIV indique que la surface de l'appartement est de 77,80 m², outre la moitié de la surface de la loggia, soit4,70 m², ce qui n'est pas contesté par les locataires. Le prix du m² mensuel était donc de 3,73 euros lors de la notification de l'offre de renouvellement.
M et Mme S... se bornent à affirmer que les références de la société SEMIV correspondent à des appartements qui ne sont pas comparables au leur, sans s'expliquer davantage sur ce point.
Contrairement à ce qu'ils prétendent, les appartements relatifs aux références annexées à l'offre de renouvellement sont situés dans le même secteur géographique que le leur, ainsi qu'il ressort du plan de la ville de Velizy Villacoublay.
Les références visent des appartements similaires situés pour quatre d'entre eux au deuxième étage, les deux autres étant respectivement au 1er et 4 ème étage, étant souligné que celui donné à bail aux époux S... se trouve au 3ème étage. Le standing, la date de construction des immeubles et les éléments de confort sont identiques (absence d'ascenseur, loggia, wc intérieur, salle d'eau, chauffage et cave).
Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des six références annexées à l'offre de renouvellement que la moyenne des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables correspondent à un prix au m² mensuel de 9,83 euros
Le loyer appliqué à M. et Mme S..., soit 3,73 euros le m², était donc manifestement sous-évalué lors de la notification de l'offre de renouvellement.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de réévaluation du loyer de M et Mme S... telle que sollicitée par la société SEMIV.
La différence entre le loyer proposé et le loyer acquitté lors de la notification de l'offre de renouvellement est de 6,10 euros (9,83 euros - 3,73 euros).
L'augmentation du loyer que peut demander le bailleur est égale à la moitié de la différence entre le loyer déterminé conformément aux dispositions de l'article 17 C) de la loi du 6 juillet 1989 et le loyer à la date du renouvellement, soit 3,73 euros + 3,05 euros (6,10 euros :2) = 6,78 euros le m², soit un loyer mensuel de 527,43 euros tel que demandé par la société SEMIV alors qu'il aurait dû être de 527,48 euros si l'on multiplie 6,78 euros par 77,80 m².
La différence entre le montant de l'ancien loyer et du nouveau loyer s'appliquera par sixième, soit 39,56 euros chaque année.
A défaut pour les locataires de signer le nouveau bail dans les conditions judiciairement fixées, il y a lieu de juger que la présente décision vaudra bail aux clauses et conditions du bail expiré, non contraires à la présente décision.
- sur la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de M et Mme S....
La société SEMIV sollicite à l'encontre de M et Mme S..., la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Eu égard aux éléments de la cause, et en l'absence de démonstration d'une faute imputable à M et Mme S..., la société SEMIV doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
M et Mme S... seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées.
En équité, il n'y a pas de lieu de faire droit à la demande des parties au titre des frais de procédure par elle exposés en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
M et Mme S... sont condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel,
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celle non contestée par les parties relative à la condamnation de la société SEMIV à faire effectuer les travaux de remplacement de l'intégralité des sols de l'appartement donné à bail à M. et Mme S...,
Dit que le loyer de M. et Mme S... était manifestement sous-évalué lors de la notification de l'offre de renouvellement du bail,
Fixe le nouveau loyer à 6,78 euros le m² avant après application du décret de modération, soit à la somme mensuelle de 527,43 euros, la majoration mensuelle s'appliquant par sixième à compter du 1er juillet 2015 au cours des six années du bail renouvelé, le loyer étant par ailleurs réévalué chaque année au 1er janvier, en fonction des variations de l'indice de référence des loyers conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989,
A défaut pour les locataires de signer le nouveau bail dans les conditions judiciairement fixées, la présente décision vaudra bail aux clauses et conditions du bail expiré, non contraires à la présente décision,
Déboute la société SEMIV de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. et Mme S... aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,