COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80H
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 MARS 2019
N° RG 16/04879
AFFAIRE :
SARL ATB
C/
[J] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
N° Section : Industrie
N° RG : 15/00278
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
SELARL LEX LABOR
Me Xavier USUBELLI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL ATB
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 423 205 384
Représentée par Me Elvis LEFEVRE de la SELARL LEX LABOR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 076
APPELANTE
****************
Monsieur [J] [P]
[Adresse 1],
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Xavier USUBELLI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 359
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 22 Janvier 2019, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Maryse LESAULT, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Maryse LESAULT, Présidente,
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Monsieur [J] [P] (ci-après M. [P]) a été engagé en qualité d'ouvrier d'exécution maçon par la SARL ATB à compter du 2 septembre 2013 selon contrat à durée indéterminée pour un horaire mensuel de 169 heures.
La dernière rémunération perçue par M. [P] est de 2.249,84 euros.
La SARL ATB compte moins de 11 salariés et relève de la convention collective du bâtiment de la région parisienne.
A l'origine du licenciement litigieux est le départ en congé d'été de M. [P] dans le cadre d'un congé sans solde du 13 juillet au 31 juillet 2015 que l'intéressé déclare avoir été autorisé verbalement, ce que conteste l'employeur.
La SARL ATB a en effet considéré qu'il s'agissait d'une absence injustifiée et après convocation par lettre recommandée avec AR du 24 juillet à un entretien préalable fixé au 31 juillet 2015, a notifié au salarié, le 28 août 2015, son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes.
Par jugement du 20 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie a :
- requalifié le licenciement pour faute grave de M.[P] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la SARL ATB à payer à M.[P] les sommes de :
- 4.499,68 euros brut à titre d'indemnité de préavis,
- 449,96 euros brut à titre de congés payés afférents,
- 978,62 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2015, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse, conformément à l'article 1153 du code civil,
- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
- fixé à 2.249,84 euros brut la moyenne mensuelle en vertu des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail,
- condamné la SARL ATB à payer à M. [P] la somme de : 2.249,84 euros indemnité pour non-respect de la procédure,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement, conformément à l'article 1153-1 du code civil,
- ordonné à la SARL ATB de remettre à M. [P] sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification du jugement les documents sociaux conformes aux décisions du conseil soit bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi, et certificat de travail,
- dit que le conseil se réserve la possibilité de liquider ladite astreinte en cas de demande,
- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur la remise de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer,
- ordonné l'exécution provisoire, en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,
- condamné la SARL ATB à payer à M. [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [P] du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 2 novembre 2016, enregistrée le même jour, la SARL ATB a interjeté appel total du jugement.
Par dernières conclusions déposées au greffe, la SARL ATB demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes rendu le 20 octobre 2016,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [P] de ses demandes, à son encontre,
- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière,
- condamner M. [P] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la société ATB fait valoir sur l'absence alléguée de faute grave et de cause réelle et sérieuse qu'à compter du 13 juillet 2015, M. [P] a cessé de se rendre sur son lieu de travail, se plaçant ainsi en situation d'absence injustifiée, alors que ses congés ne devaient débuter que le 1er août 2015 ; que dans ces conditions, elle a sollicité M. [P] par courrier recommandé AR en date du 22 juillet 2015 afin qu'il justifie des raisons de son absence entre le 13 et le 31 juillet 2015, soit durant 18 jours, ce qu'il n'a jamais fait. Elle ajoute l'avoir alors convoqué à un entretien fixé au 31 juillet 2015 en vue d'un éventuel licenciement auquel il ne s'est pas présenté puis lui a notifié son licenciement pour faute grave le 28 août 2015. Elle expose que M. [P] ne justifie pas de l'autorisation verbale alléguée de prendre un congé sans solde et invoque la contradiction du salarié qui affirme que ce congé sans solde a été demandé et accepté dès février 2015, alors par ailleurs qu'il aurait été nécessité par l'état de santé dégradé de son père et qu'il ne pouvait anticiper que celui-ci serait victime d'un infarctus cérébral avec démence, diagnostiqué le 13 juillet 2015 par un spécialiste. Elle ajoute qu'il se devait en tout état de cause de justifier de son absence et elle fait valoir qu'étant une petite entreprise la seule absence de M. [P] a représenté une indisponibilité de 20% de son effectif affectant son fonctionnement, de sorte que son licenciement pour faute grave est parfaitement justifié.
Au terme de ses dernières conclusions déposées au greffe, M. [P] demande à la cour de :
- débouter la SARL ATB de l'ensemble de ses demandes, de le recevoir en son appel incident,
Y faisant droit,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, et,
Statuant à nouveau,
- requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la SARL ATB Ã lui payer les sommes suivantes :
- 12.000 euros pour rupture abusive (L. 1235-5 du code du travail),
- 4.499,68 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et,
- 449,96 euros de congés payés afférents,
- 2.249,84 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 978,62 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail, et de l'attestation Pôle emploi conformes à la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant de liquider ladite astreinte,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En tout état de cause, y ajoutant,
- condamner la SARL ATB à lui payer la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et tous les dépens de l'instance.
A l'appui de ses demandes, il fait valoir que s'agissant de l'absence de faute grave et de cause réelle et sérieuse du licenciement la SARL ATB, bien consciente que sa demande a été formulée et acceptée de façon orale, se contente d'affirmer avec une parfaite mauvaise foi qu'il n'apporterait pas la preuve de l'autorisation verbale de prendre un congé sans solde. Il ajoute que la société ne prouve ni même n'allègue que la faute qui lui est reprochée avait eu une répercussion sur le fonctionnement normal de l'entreprise. Il soutient au surplus que cet élément est d'autant plus nécessaire que son congé sans solde est intervenu avant la période de fermeture annuelle durant tout le mois d'août et non pas en pleine période d'activité. Ainsi, il fait valoir que la qualification de faute grave ne peut être retenue.
S'agissant de l'autorisation reçue, M. [P] maintient avoir demandé, en février 2015, à prendre un congé sans solde de 15 jours au mois de juillet afin d'être en congé du 11 juillet au 1er septembre 2015, pour être près de son père âgé qui habite en Turquie, dont l'état de santé se dégradait. A cet égard, il soutient que des liens de confiance existaient à l'époque entre la SARL ATB et celui-ci de sorte qu'avec cette acceptation, certes orale mais immédiate et sans condition du gérant, il n'avait pas pris la peine de solliciter une réponse écrite. Il précise qu'il avait par ailleurs assuré le rôle de chauffeur du gérant qui avait perdu son permis de conduire, mais avait souhaité cesser. Par ailleurs, il soutient que son employeur lui a demandé de justifier de son absence depuis que par courrier daté du 22 juillet 2015, envoyé en réalité le 23 juillet 2015. Or, l'employeur n'y indiquait nullement avoir tenté de le joindre téléphoniquement, vainement ou non, ce qui aurait pourtant dû être le premier réflexe de l'employeur, spécialement dans une petite structure de 5 salariés. M. [P] ajoute qu'aux termes de la convention collective applicable, le salarié a 48 heures pour justifier de son absence, et que l'employeur a attendu 12 jours (courrier envoyé le 23 juillet) pour demander la production d'un justificatif d'absence.
Enfin, il relève que le courrier lui demandant de justifier de son absence a été envoyé le 23 juillet 2015 et que dès le lendemain, soit le 24 juillet 2015 l'employeur lui a envoyé une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. Il soutient que c'est parce que l'employeur était conscient qu'il était déjà en Turquie et qu'il ne pouvait aller chercher le pli recommandé auprès des services postaux (compte tenu de son accord pour le congé sans solde à compter du 11 juillet 2015) qu'il lui a envoyé un courrier en vue d'un entretien préalable à un éventuel licenciement dès le lendemain de la lettre lui demandant de justifier de son absence. Il ajoute encore qu'il ressort du jugement déféré que l'employeur a reconnu qu'il avait déjà obtenu un congé sans solde pour la même période en 2013. Il en résulte que le changement d'attitude de l'employeur résulte de la perte de plusieurs chantiers lesquels ont impacté la trésorerie de la société.
Il soutient que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il convient d'en tirer toutes les conséquences de droit, à savoir les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité légale de licenciement et, en tout état de cause, une indemnité pour non-respect de la procédure et des frais de procédure.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample examen des moyens et demandes des parties, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR,
1- Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.
En l'espèce la lettre de licenciement du 28 août 2015 (pièce 6) est rédigée en ces termes :
« Monsieur,
Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.
En effet, vous êtes absent de la société depuis le 13 juillet et notre courrier du 21 juillet est resté sans réponse alors que nous vous demandions de justifier votre absence ou de réintégrer votre poste de travail.
A ce jour, nous sommes sans nouvelles de votre part.
Cette conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise, son organisation et le travail d'équipe. Vous n'avez pas souhaité vous présenter à votre entretien du 31/07/2015.
Sans explication nous ne pouvons pas modifier notre appréciation à ce sujet et vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période non travaillée du 13 juillet à la date de présentation de cette lettre ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous présenter le même jour au service du personnel pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et d'indemnité de congés payés et retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC.
Veuillez agréer, Monsieur, (') »
Les circonstances de l'espèce appellent les observations suivantes, s'agissant de l'existence, ou non, d'une autorisation verbale d'absence du salarié pour la période considérée.
La Cour retient tout d'abord que les parties ne remettent pas en cause la proximité de relations ayant existé entre le salarié et le gérant de la société ATB.
Or celle-ci apparaît ne s'être inquiétée pour la première fois de l'absence de M. [P] qu'une semaine après le début de celle-ci, par lettre recommandée avec AR du 22 juillet 2015 rédigée en ces termes :
'Vous ne vous êtes pas présenté à votre travail depuis le 13 juillet 2015.
Nous vous rappelons qu'aux termes de la convention collective applicable à notre entreprise, vous êtes tenu, non seulement de nous informer de toute absence, mais également de justifier les raisons de cette absence par la production, le cas échéant d'un certificat médical sous 48 heures.
Nous vous prions donc de bien vouloir nous justifier votre absence ou, à défaut, de réintégrer votre poste de travail à réception de la présente.
Dans le cas contraire, nous serons contraints de vous sanctionner en engageant une procédure disciplinaire à votre encontre.'
Cette lettre a été présentée le 24 juillet 2015 à l'adresse du salarié à Mantes la Jolie, mais non distribuée.
Il est à tout le moins surprenant que la société, qui souligne ici l'impact de l'absence d'un seul de ses cinq salariés sur son fonctionnement, ne se soit pas enquise immédiatement ou dès l'expiration du délai de 48 heures qu'elle rappelle, du motif de l'absence de M. [P], à tout le moins par message ou appel téléphonique ce qu'elle n'invoque pas avoir fait malgré la relation de proximité entre son gérant et le salarié.
Le jour même de présentation de la lettre citée, 24 juillet 2015, la société a convoqué le salarié pour un entretien préalable en vue du licenciement envisagé, fixé au 31 juillet 2015 à 9 heures (pièce 4).
Cette date peut paraître surprenante dès lors que la société ATB a indiqué que sa fermeture annuelle était pendant le mois d'août, et que, d'ailleurs la reprise du travail était prévue le 1er septembre 2015 pour le salarié.
Les 3 courriers cités ont été adressés au domicile du salarié de Mantes la Jolie.
L'attestation versée par M. [P] pour étayer son affirmation d'une autorisation verbale de congé pour le 10 juillet 2015 a été rédigée en ces termes (Attestation du 13 mars 2017-pièce 12)
« Je soussigné Mr [P] [K] avoir été présent lors d'un repas au restaurant kabab étoile d'Europe où les employés de la société ATB venaient manger souvent pendant les repas du midi.
J'ai bien été témoin de la conversation entre Mr [E] [K] et Mr [A] gérant de la société ATB.
Mr [A] a bien dit que Mr [E] [K] allée partir en vacances le 10 juillet 2015.
La date (mot illisible) ça a été dit était au mois de mai 2015 ».
Pour contester cette attestation la société ATB indique qu'une plainte a été déposée par son gérant Mr [A] le 10 avril 2017 contre ce témoignage. Celui-ci déclare dans cette plainte :
«- pendant un rendez-vous avec mon avocat, j'ai pu voir les pièces fournies par la partie adverse.
-J'ai alors constaté un témoignage d'un certain monsieur [P] [K] qui relate qu'il aurait été témoin d'une discussion entre moi et monsieur [P], et il aurait entendu que j'avais dit que Monsieur [P] était bien en vacances le 10 juillet 2015.
-Cette conversation aurait été effectuée au restaurant KEBAB ETOILE D'EUROPE
-je m'insurge contre ce témoignage qui est faux
-je ne connais pas monsieur [T] et je n'ai jamais eu cette conversation avec Monsieur [P]
-c'est une altération de la vérité
-je viens donc vers vous ce jour pour déposer plainte, notamment à la demande de mon avocat »
La Cour retient que la suite apportée à cette plainte n'est pas renseignée par le gérant de la société ATB, mais aussi que celui-ci ne conteste pas se rendre dans ce restaurant, comme ses salariés, et le fait qu'il ne connaisse pas M. [T], tiers à la société, ne peut suffire à discréditer le témoignage de celui-ci, déposé dans les formes prescrites par le code de procédure civile.
Par ailleurs le fait que M. [P] ait pu dès avril ou mai 2015 souhaiter disposer d'un congé plus long que le congé payé afin d'être auprès de son père âgé et souffrant n'est nullement en contradiction avec la survenance d'un accident cérébral chez celui-ci en juillet 2015 comme il est justifié par attestation de médecin hospitalier (pièce 3).
Il est rappelé qu'à son retour de Turquie M. [P] s'est présenté à son travail le 1er septembre 2015 pour y reprendre son activité, sans avoir auparavant été retirer les 3 courriers recommandés des 22, 24 juillet et 28 août 2015, envoyés, donc, pendant sa période non seulement d'absence discutée mais aussi de congé légal, de sorte qu'il a appris sur son lieu de travail qu'il avait été licencié.
Dès le lendemain M. [P] a adressé une demande de réintégration à son poste en ces termes :
'Monsieur,
Je me permets de vous adresser le présent, afin de solliciter ma réintégration au sein de l'entreprise.
En effet je suis embauché chez vous depuis le 2 septembre 2013, sans aucun problème, et il avait été entendu que je prenais mes congés payés du 11 juillet au 31 août 2015, avec une reprise le 1er septembre 2015.
Or à mon arrivée au dépôt le 1er septembre 2015, vous m'avez déposé mes affaires en me demandant de quitter les lieux et que je ne travaillais plus pour vous.
Ne comprenant pas, vous m'avez ensuite informé de l'envoi de recommandés avec accusé de réception, courriers que je ne pouvais pas retirer puisque vous saviez très bien que je me trouvais en congés.
Aussi, je reste à votre entière disposition, sachant que je suis prêt à tout moment, à reprendre mon activité, et j'attends impatiemment votre réponse (')'
Etant rappelé que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par l'employeur et le salarié, la Cour retient de ces circonstances et des éléments versés aux débats l'existence d'une autorisation verbale d'absence donnée par l'employeur à M. [P] de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ce licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse.
2- Sur les conséquences du licenciement
2-1- indemnité pour licenciement abusif
M. [P] demande le versement d'une indemnité de 12.000 euros pour rupture abusive en invoquant l'importance du préjudice subi. Il précise être marié et avoir 4 enfants à charge son épouse étant sans emploi rémunéré, les allocations familiales n'étant versées que pour les deux derniers enfants de 16 et 11 an (120 € par mois), l'aîné de 24 ans poursuivant ses études (sans bourse) en Turquie et le deuxième, âgé de 21 ans peinant à trouver du travail et étant ne plus être à sa charge. Il n'apporte pas d'élément sur ses recherches d'emploi ni sur sa situation actuelle, ses justificatifs de ressources concernant l'année 2015 et le premier semestre 2016. En dernier état de son contrat sa rémunération mensuelle brute a été de 2.249,84 euros.
Il a été embauché le 2 septembre 2013 par la société ATB qui compte moins de 11 salariés et avait une ancienneté de 2 ans au jour de la rupture. Compte tenu de ces éléments et des pièces versées aux débats la Cour fixe à 8.000 euros l'indemnité que la société ATS devra verser à M. [P].
2-2- indemnité pour non respect de la procédure
Le salarié souligne que l'employeur n'a pas respecté le délai minimal entre la convocation à l'entretien préalable et l'entretien lui-même et en demande réparation.
La société ATB soutient avoir envoyé un lettre recommandée avec AR le 24 juillet 2015 afin de convoquer M. [P] à un entretien en vue d'une éventuelle mesure de licenciement fixé le 31 juillet 2015. Elle précise que le courrier n'a été présenté au salarié que le 27 juillet 2015, de sorte que le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et la tenue de l'entretien préalable n'a pas pu être respecté. Elle prétend que même si le délai de 5 jours ouvrables avait été respecté scrupuleusement et le courrier présenté le 25 juillet 2015, M. [P] n'aurait pas non plus réceptionné la lettre de convocation à entretien préalable, puisqu'il était parti en Turquie dès le 13 juillet 2015 et le courrier recommandé étant revenu 'non réclamé' après être resté 15 jours auprès des services de la Poste.
La Cour retient que le non respect de la procédure étant établi, c'est pas une exacte application des dispositions de l'article L1235-2 alinéa 5 du code du travail que le jugement a fait droit à la demande d'indemnisation de M. [P].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation formée au titre du non respect de la procédure, qui est d'ordre public.
Les autres postes de condamnation seront confirmés.
3- Sur les autres demandes
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et rejeté la demande d'indemnisation pour rupture abusive ;
Statuant à nouveau sur ce point,
DIT que le licenciement par la société ATB de M. [J] [P] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société ATB à payer à M. [J] [P] la somme de 8.000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société ATB à payer à M. [J] [P] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société ATB aux dépens d'appel.
- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,