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04/04/2019 | FRANCE | N°16/03881

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 04 avril 2019, 16/03881


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES














Code nac : 80B





11e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 04 AVRIL 2019





N° RG 16/03881 - N° Portalis DBV3-V-B7A-Q4PF





AFFAIRE :





SELAS PHARMACIE R...








C/





W... H...














Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2

0 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE


Section : Commerce


N° RG : F 13/02081








Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Dan NAHUM


Me Philippe LEJARD





le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,


La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2019

N° RG 16/03881 - N° Portalis DBV3-V-B7A-Q4PF

AFFAIRE :

SELAS PHARMACIE R...

C/

W... H...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : F 13/02081

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Dan NAHUM

Me Philippe LEJARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SELAS PHARMACIE R...

[...]

représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 36

APPELANTE

****************

Monsieur W... H...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Philippe LEJARD, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 112

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

Le 26 août 2002, M. W... H... était embauché en qualité de préparateur en pharmacie par contrat à durée indéterminée au service de Mme T... S... . Le 3 janvier 2011, l'officine était cédée à la SELAS Pharmacie R.... Le contrat de travail de M.W... H... était donc transféré à la nouvelle structure.

Le 3 mai 2013, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 25 mai 2013, il lui notifiait son licenciement pourmotif économique.

Le 28 juin 2013, M. W... H... saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre afin que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du 20 juin 2016 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- requalifié le licenciement économique de M. W... H... en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en conséquence :

- condamné la SELAS R... à verser à M. W... H..., les sommes suivantes :

- 25000,00 euros (vingt-cinq mille euros), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

-1000,00 euros (mille euros), au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- débouté la SELAS R... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SELAS R... aux entiers dépens,

- débouté M. W... H... pour le surplus de ses demandes.

Vu la notification de ce jugement le 23 juin 2016.

Vu l'appel interjeté par la SELAS Pharmacie R... le 21 juillet 2016.

Vu les conclusions de l'appelante la SELAS Pharmacie R... notifiées le 6 février 2017 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. W... H... est justifiée par un motif économique,

- dire et juger que la SELAS Pharmacie R... a rempli son obligation de reclassement vis-à-vis de M. W... H...,

- débouter M. W... H... de toutes ses demandes, fins et conclusions à rencontre de la SELAS Pharmacie R...,

En tout état de cause,

- condamner M. W... H... à payer à la SELAS Pharmacie R... la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les écritures de l'intimé, M. W... H..., notifiées le 21 mars 2017 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,

Y ajoutant cependant,

- condamner l'appelant à payer à M. H... une somme de 3000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'exécution éventuels du jugement à intervenir.

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Sur le licenciement

M. H... conteste d'une part le motif économique du licenciement et invoque d'autre part une absence totale de recherche de reclassement par son employeur, lequel conteste ces deux moyens ;

Aux termes de l'articleL.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ;

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ;

Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation ;

Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ;

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée le 25 mai 2013 par la SELAS Pharmacie R... à M.H... invoque la nécessité de sauvegarder sa compétitivité et de supprimer dans ce cadre le poste de M. H... ; la SELAS Pharmacie R... y indique notamment avoir généré sur l'exercice 2012 une capacité d'autofinancement avant rémunération et charges sociales du dirigeant de 121 502 euros et que ce montant ne permet pas même de rembourser l'intégralité du capital emprunté par la société et dû, au titre de l'année, d'un montant de 160 025 euros ; elle mentionne aussi avoir dû faire appel à son fournisseur principal afin d'obtenir des délais de paiement sur les factures de septembre 2012, et produit un plan de règlement de la société OCP en ce sens, et fait ensuite état d'une insuffisance du taux de marge de l'officine ; elle rappelle dans ses écritures que la capacité d'autofinancement de l'officine en 2011 était de 77963 euros et comportait un différé d'un an de l'amortissement du capital de sorte que les quote-parts d'emprunts à rembourser étaient alors nulles ;

Le rapport sur la situation économique établi par le cabinet d'expertise comptable Quercy souligne l'ensemble de ces données chiffrées et la capacité d'autofinancement trop faible de l'entreprise au cours de l'exercice clos en 2012 ;

M. H... relève que l'achat d'un fonds de commerce de pharmacie constitue une acquisition en capital, sans toutefois contester ces données chiffrées ; il relève aussi que le chiffre d'affaires est passé de 2 010 002 euros pour l'exercice 2011 à 2 254 054 euros pour l'exercice 2012 et que le résultat après impôts est passé d'une perte de 258 829 euros à un bénéfice de 6294euros ;

Toutefois, le rapport d'expertise comptable relève également que l'évolution du chiffre d'affaires, si elle était positive, restait structurellement insuffisante et la faiblesse avérée du taux de marge, en baisse de 0,32 points, et du taux de rentabilité économique (7,39%) en comparaison des taux rencontrés dans le secteur d'activité (12,16% suivant l'analyse des rentabilités faite par le réseau CGP en 2012 et 10,56 % suivant l'analyse des rentabilités faite par le centre de gestion de la région parisienne) ;

Selon le compte-rendu d'entretien préalable produit par l'intimé, M. H... reprochait lui-même à M. R... « d'avoir vu trop grand » et lui indiquait que « si vous ne réorientez pas l'officine, vous allez mettre la clé sous la porte» ;

Par ailleurs, l'appelante produit le registre d'entrée et de sortie du personnel et précise que Mme N..., embauchée le 1er juillet 2013 au poste de pharmacienne, remplaçait Mme L... qui était en congé maternité puis en congé parental, ce dont elle justifie ;

Il résulte de ces éléments, faisant ressortir les graves difficultés de trésorerie et la faiblesse du taux de marge de l'officine, que la sauvegarde de sa compétitivité était menacée ;

Selon l'articleL.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent correspondant l'un et l'autre à la capacité et à l'expérience du salarié, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de celui-ci, sur un emploi d'une catégorie inférieure ;

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ;

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Les offres de reclassement doivent être écrites, précises, concrètes et personnalisées et il appartient à l'employeur, le cas échéant, de dispenser une formation permettant l'adaptation à un nouvel emploi ; il revient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté loyalement de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ; sauf dispositions conventionnelles étendant le périmètre du reclassement, l'employeur n'est pas tenu de rechercher des reclassements extérieurs à l'entreprise, lorsque celle-ci ne relève pas d'un groupe dans lequel des permutations d'emplois sont possibles ;

En l'espèce, M. H... fait valoir que la SELAS Pharmacie R... avait deux associés pharmaciens, soit M. R... qui travaillait à la pharmacie de Clichy et M. D... qui possédait une pharmacie à Boulogne-Billancourt tout en intervenant dans la gestion de la pharmacie de Clichy et notamment dans le cadre du recrutement ; il se réfère particulièrement à une annonce sur un site internet spécialisé datée du 16 septembre 2013 recherchant un préparateur en contrat à durée indéterminée dans une pharmacie de Boulogne invitant à contacter M. D..., en relevant que ce poste pour lequel il était disponible ne lui a pas été proposé ; il ajoute que M. R... appartient à la SAS «Paris Pharma» constituant un groupement de pharmaciens ;

Toutefois, les possibilités de reclassement s'apprécient antérieurement à la date du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé ; or l'annonce susvisée du 16 septembre 2013, outre qu'elle concernait la pharmacie de Boulogne, était postérieure de plusieurs mois au licenciement qui, comme le rappelle l'appelante, est intervenu le 25 mai 2013 ;

L'appelante ajoute que si les deux pharmacies de Clichy et Boulogne-Billancourt avaient un actionnaire commun en la personne de M. D..., elles ne constituaient pas ni ne faisaient partie d'un groupe et il n'est pas démontré qu'elles relevaient effectivement d'un groupe dans lequel des permutations d'emplois sont possibles ; la SELAS Pharmacie R... justifie avoir néanmoins tenté un reclassement externe de M. H... en adressant à cette fin son profil professionnel à 13 pharmacies de la région entre le 11 et le 30 avril 2013, en vain ;

Compte tenu de ces éléments, le manquement de la pharmacie R... à son obligation de reclassement n'est pas caractérisé ;

En conséquence, le jugement sera infirmé et M. H... débouté de l'ensemble de ses demandes;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs ;

Il convient, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposé ;

En outre, il est conforme à l'équité de laisser également à leur charge les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant de nouveau,

Dit que la rupture du contrat de travail de M. W... H... est justifiée par un motif économique et que la SELAS Pharmacie R... n'a pas manqué à son obligation de reclassement,

Déboute M. W... H... de l'ensemble de ses demandes,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et MmeSophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03881
Date de la décision : 04/04/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°16/03881 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-04;16.03881 ?
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