COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2019
N° RG 17/02532 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RRO3
AFFAIRE :
[K] [H] [E] [T]
C/
SARL MASTER NET
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 16/00802
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Roland ZERAH
M. [S] [N]
(Délégué syndical ouvrier)
Me Augustin KEMADJOU
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [K] [H] [E] [T]
née le [Date naissance 1] 1968
de nationalité Portugaise
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : M. Jean Jacques FLOHIC (Délégué syndical ouvrier)
APPELANTE
****************
SARL MASTER NET
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Roland ZERAH, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0164 substitué par Me Timothée BERTRAND, avocat au barreau de PARIS
SARL L'OCEAN
CONSTITUTION INTIMÉE
N° SIRET : 450 697 941 00018
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Augustin KEMADJOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2088 - N° du dossier 17/0707
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 1er septembre 2012, Mme [K] [H] [E] [T], ci-après dénommée Mme [T], était embauchée par la société TEP Propreté Associés en qualité d'agent de service par contrat à durée déterminée et à temps partiel, à raison de 86,67 heures. A l'occasion de la cession de la société TEP Propreté Associés à la société S.G.N.E, les parties régularisaient le 3 juin 2013, un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 86,67 heures. Le contrat de travail de Mme [K] [H] [E] [T] était ensuite transféré à la SARL Master Net à compter du 4 juin 2014.
A la fin de l'année 2014, la SARL Master Net devait faire face à un accroissement temporaire d'activité sur une période de 11 mois et proposait à Mme [K] [T] une augmentation de son volume horaire.
Le 22 décembre 2014, les parties signaient un avenant portant la durée mensuelle du travail de la salariée à 152 heures pour la période courant du 1er janvier au 6 novembre 2015.
Par courrier du 27 novembre 2015, la salariée demandait à la SARL Master Net de régulariser sa situation, considérant être passée d'un temps partiel à un temps plein.
Par courrier du 4 décembre 2015, la SARL Master Net répondait à la salariée le caractère ponctuel de l'augmentation de ses heures de travail et les termes de l'accord du 22 décembre 2014.
En raison de la perte du marché auquel était affectée Mme [T], son contrat de travail était transféré à la SARL Océan.
Le 21 avril 2016, Mme [K] [T] saisissait le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet.
Vu le jugement du 8 février 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui a :
- constaté la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures au contrat de travail à temps partiel de la salariée,
- dit qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de travail de la salariée en contrat de travail à temps plein,
- débouté Mme [K] [H] [E] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la société L'Océan de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [E] [T] aux dépens.
Vu la notification de ce jugement aux SARL Master Net et Océan le 14 avril 2017 et à Mme [T] le 20 avril 2017.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme [T] le 15 mai 2017.
Vu les conclusions de Mme [T] notifiées le 4 août 2017, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- de dire recevable et bien fondée la demande de Mme [E] [T],
- de requalifier le contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée en temps complet,
- de rétablir son ancienneté au 1er septembre 2012,
- de condamner la société Master Net au paiement des sommes suivantes:
- à titre d'indemnité compensant la perte de salaire du 01 janvier 2016 au 31 décembre 2016: 23 189,40 euros
- à titre de congés payés afférents: 2 318, 94 euros
- à titre de rappels de salaire pour les congés sans solde: 1 152,42 euros
- à titre de congés payés afférents: 115,42 euros
- à titre de paiement de majoration des heures complémentaires: 1 662,96euros
- à titre de congés payés incidents : 166,29euros
- à titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile: 1 500euros
- de remettre les bulletins de salaire conformes,
- de condamner la société Master Net aux entiers dépens.
Vu les écritures de la SARL Master Net notifiées le 23 septembre 2017, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- débouter Mme [E] [T] de l'ensemble de ses demandes,
Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en l'état du 8 octobre 2018, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles le 10 janvier 2019, ayant déclaré irrecevables les conclusions signifiées par la SARL L'Océan le 20 septembre 2018.
Vu l'ordonnance de clôture du 25 février 2019.
SUR CE,
Mme [T] fait valoir qu'à compter du 1er janvier 2015, la SARL Master Net a agi en méconnaissance de ses obligations contractuelles et qu'elle était à temps partiel de manière illégale. Elle soutient que de février 2016 à décembre 2018, elle a accompli 152 heures de travail par mois alors que l'employeur ne lui en a payé que 86,67. Elle se prévaut des dispositions de l'article L 3123-19 du code du travail et réclame le paiement de la majoration due au titre des heures complémentaires excédant le 1/10ième de la durée mensuelle de son contrat de travail, soit un rappel de salaire de 1 829,25 euros, outre les congés payés afférents.
Enfin, elle explique que depuis le 4 juin 2014, l'employeur a procédé à la fermeture de son site de travail en raison de l'inactivité scolaire sans l'affecter à un autre lieu de travail, en la plaçant en absence autorisée sans solde. Elle réclame 1 267,66 euros de rappel de salaire, outre les congés payés afférents.
La SARL Master Net répond que les parties ont régularisé un avenant temporaire parfaitement explicite et que Mme [T] a été payée de ses heures à un taux excédant son taux habituel, ces heures ne pouvant être considérées comme des heures complémentaires à son temps partiel. Il conteste le volume de 152 heures allégué par Mme [T] et l'absence de fourniture de travail prétendue, indiquant que les périodes non rémunérées correspondent à des demandes de congés sans solde de la salariée.
Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein
L'article L 3123-25 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que : « Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d'augmenter la durée du travail prévue par le contrat ».
Or, il résulte de l'article 6.2.5.2 de la convention collective des entreprises de propreté et des services associés que : « Un complément d'heures, conformément à l'article L 3123-25 du code du travail, pourra être proposé au salarié à temps partiel, par avenant à son contrat de travail, ayant pour objet l'augmentation temporaire de sa durée du travail contractuelle. Un complément d'heure ne peut être conclu, par avenant au contrat de travail, que lorsque la durée du travail de ce complément d'heures proposée au salarié est supérieure à 1/10 de la durée du travail inscrite au contrat de travail ».
Il ressort de l'avenant signé par Mme [T] et la SARL Master Net le 22 décembre 2014 que les parties ont convenu d'augmenter la durée du travail de la salariée de 86,67 heures à 152 heures par mois pendant une période limitée, soit du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015.
Il est en effet stipulé à l'article 1er de cet avenant que : « Conformément aux dispositions de l'article L 3123-25 du code du travail et à celles de l'article 6.2.5.2 de la convention collective des entreprises de propreté, le présent avenant est conclu pour une durée déterminée et a pour objet de porter temporairement la durée contractuelle fixée à 86,67 heures dans le contrat à temps partiel du 4 juin 2014 avec une reprise d'ancienneté au 12 novembre 2012 à 152,00 heures.
Ce complément d'heures correspond à plus du 1/10e de la durée contractuelle prévue dans le contrat du travail du 4 juin 2014 avec une reprise d'ancienneté au 12 novembre 2012. Il prendra effet à la date du 1er janvier 2015 jusqu'à la date du 6 novembre 2015.
A compter du 9 novembre 2015, la salariée reprendra son activité sur la base de 20,00 heures par semaine conformément aux dispositions contractuelles antérieures ».
Compte tenu de cet avenant, dont les termes sont conformes aux dispositions des articles L. 3123-25 du code du travail et 6.2.5.2 de la convention collective précitée, il ne peut être considéré que le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein du fait de l'augmentation de la durée du travail de Mme [T] sur la période contractuellement prévue du 1er janvier au 6 novembre 2015, au-delà de la durée de 86,67 heures issue du contrat de travail du 3 juin 2013, transféré à la SARL Master Net le 4 juin 2014.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification.
Sur le rappel de salaire au titre de la majoration des heures complémentaires
L'article 6.2.5.2 visé supra précise que « Les heures effectuées dans le cadre du complément d'heures ne sont pas des heures complémentaires. Par dérogation à l'article L 3123-17 du code du travail, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant sont majorées de 25% ».
L'article L 3123-25 susvisé confirme que seules « les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 % ».
Il apparaît donc que les heures travaillées dans la limite des 152 heures fixées à l'avenant du 22 décembre 2014 ne peuvent ouvrir droit à une majoration au titre d'heures complémentaires.
Mme [T] ne prétendant pas avoir travaillé au-delà de ce volume horaire, elle ne peut revendiquer aucune majoration du taux horaire et conséquemment, aucun rappel de salaire à ce titre.
Les dispositions de l'article L 3123-19 dont se prévaut la salariée ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors qu'elles concernent les heures complémentaires exécutées en dehors de tout avenant stipulant un complément d'heure.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
Sur le rappel de salaire au titre des congés sans solde
Mme [T] réclame un rappel de salaire pour les périodes suivantes :
- du 18 octobre au 3 novembre 2014,
- du 20 décembre 2014 au 5 janvier 2015,
- du 11 avril au 27 avril 2015.
Cependant, l'examen des bulletins de salaire des mois d'octobre, novembre 2014, janvier et avril 2015 ne fait apparaître aucune retenue sur les salaires au titre d'absences injustifiées.
En revanche, la fiche de paie du mois de décembre 2014 mentionne 18 heures d'absences non rémunérées pour les journées du 29 au 31 décembre 2014.
Si l'employeur soutient que « ces congés sans solde correspondaient à des congés/absence pris par cette dernière, en dehors de ses congés payés et en conséquence non rémunérées », il ne justifie d'aucune demande de congés ou d'absence de la salariée pour ces trois journées, de sorte que la SARL Master Net doit être condamnée à payer à Mme [T] la somme de 175,50 euros à titre de rappel de salaire, outre 17,55 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de chacune des parties par moitié. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis celles relative au rappel de salaire au titre des congés sans solde ;
Statuant de nouveau,
Condamne la SARL Master Net à Payer à Mme [K] [H] [E] [T] la somme de 175,50 euros, outre 17,55 euros de congés payés afférents au titre des absences non rémunérées des 29, 30 et 31 décembre 2014 ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation ;
Condamne les parties par moitié aux dépens d'appel ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRESIDENT