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16/05/2019 | FRANCE | N°17/02863

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 16 mai 2019, 17/02863


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2019



N° RG 17/02863 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RS6R



AFFAIRE :



[R] [I]





C/

SAS SOCIETE POUR LA RESTAURATION DIFFEREE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section : C
>N° RG : 15/00457



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la ASSOCIATION ASSOCIATION JARNOUX-DAVALON & PIERRE



Me Jeanne-Marie DELAUNAY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2019

N° RG 17/02863 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RS6R

AFFAIRE :

[R] [I]

C/

SAS SOCIETE POUR LA RESTAURATION DIFFEREE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 15/00457

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la ASSOCIATION ASSOCIATION JARNOUX-DAVALON & PIERRE

Me Jeanne-Marie DELAUNAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [I]

né le [Date anniversaire 1] 1986 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 2] [Adresse 3]

[Adresse 4]

Me Laurent PIERRE Représentant : de l'ASSOCIATION ASSOCIATION JARNOUX-DAVALON & PIERRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 491

APPELANT

****************

SAS SOCIETE POUR LA RESTAURATION DIFFEREE

N° SIRET : 305 220 188

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Représentant : Me Jeanne-Marie DELAUNAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 100

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur [M] LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 4 janvier 2012, M. [R] [I] était embauché par la SAS Société pour la Restauration Différée, ci-après dénommée la SAS SRD, exerçant sous le nom commercial LARS Traiteur, en qualité de plongeur polyvalent par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.

Le 29 septembre 2015, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 8 octobre 2015. Le 14 octobre 2015, il lui notifiait son licenciement pour faute grave. L'employeur reprochait à son salarié son insubordination.

Le 26 novembre 2015, M. [R] [I] saisissait le conseil de prud'hommes de Rambouillet en contestation du bien-fondé de son licenciement.

Vu le jugement du 11 mai 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Rambouillet qui a :

- dit que la demande de M. [R] [I] est en partie recevable et en partie fondée.

- dit et jugé que le licenciement de M. [R] [I] est requalifié en cause réelle et sérieuse.

- fixé le salaire mensuel brut de base à 1 696,80 euros.

- condamné la Société Pour la Restauration Différée (SRD), exploitant l'enseigne LARS Traiteur SAS, à verser à M. [R] [I] les sommes suivantes :

- Trois mille deux cent vingt huit euros et trente centimes (3 228,30 euros) au titre del'indemnité de préavis, sans avantage en nature,

- Trois cent vingt deux euros et quatre vingt trois centimes (322,83 euros) au titre des congés payés afférents,

- Mille deux cent quatre vingt neuf euros et cinquante six centimes (1 289,56 euros) au titre de l'indemnité de licenciement,

- Neuf cent vingt quatre euros et quarante huit centimes (924,48 euros) au titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- Quatre vingt douze euros et quarante quatre centimes (92,44 euros) au titre des congés payés afférents.

- ordonné à la Société Pour la Restauration Différée (SRD), exploitant l'enseigne LARS Traiteur SAS, de remettre à M. [R] [I] les bulletins de paye rectifiés, l'attestation pôle emploi, le certificat de travail sous astreinte de quinze euros (15 euros) par jour de retard à compter du 30ème jour après la notification du jugement.

- condamné la Société Pour la Restauration Différée (SRD), exploitant l'enseigne LARS Traiteur SAS, à verser à M. [R] [I] la somme de mille euros (1.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30ème jour après la notification du jugement.

- débouté M. [R] [I] du surplus de ses demandes.

- débouté la Société Pour la Restauration Différée (SRD), exploitant l'enseigne LARS Traiteur SAS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

- condamné la Société Pour la Restauration Différée (SRD), exploitant l'enseigne LARS Traiteur SAS aux entiers dépens y compris les frais d'exécution éventuels.

Vu la notification de ce jugement le 15 mai 2017

Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [R] [I] le 2 juin 2017.

Vu les conclusions de M. [I] notifiées le 12 octobre 2018, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- déclarer M. [I] recevable et bien fondé en son appel et ses demandes,

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur à payer à Monsieur [I] :

- 1 289,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 924,48 euros à titre de salaires pour la mise à pied conservatoire,

- 92,44 euros au titre des congés payés afférent à la mise à pied conservatoire,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus et en conséquence :

- condamner la société société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur à payer à M. [I] :

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour ce préjudice moral particulier,

- 3 393,60 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 339,36 euros au titre des congés payés afférent au préavis.

- enjoindre la société Pour la Restauration Différée de remettre à M. [I] dans les 15 jours suivants la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai, des exemplaires rectifiés de ses bulletins de paye de septembre à octobre 2015, de son attestation pôle emploi et de son certificat de travail rectifiés.

- condamner la société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur aux intérêts au taux légal sur toutes les sommes allouées à compter de l'arrêt à intervenir.

- condamner la société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais d'avocat exposé en première instance et une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais d'avocat exposé en cause d'appel.

- condamner la société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

- débouter la société Pour la Restauration Différée -LARS Traiteur de toutes ses demandes fins et conclusions.

Vu les écritures de la SAS Société Pour la Restauration Différée SRD notifiées le 8 août 2018, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- constater que M. [I] a tenu des propos irrespectueux à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques,

- constater que M. [I] a refusé, à plusieurs reprises, de suivre les directives qui lui étaient données,

- constater que M. [I] a fait preuve d'insubordination caractérisée.

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet, en date du 11 mai 2017 en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LARS Traiteur à verser à M. [I] les sommes suivantes :

- 3 228,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 322,83 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 289,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 924,48 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire,

- 92,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [I] est justifié,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [I] à verser à la société LARS Traiteur la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux éventuels dépens

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail :

La SAS SRD expose avoir dû infliger, à partir de 2014, un rappel à l'ordre et deux avertissements avant le licenciement, en raison du refus du salarié d'exécuter des tâches entrant dans ses missions et de départs avant l'heure fixée à son planning. Il estime que la réitération des faits d'insubordination le 29 septembre 2015, par le refus de suivre les directives données par son responsable de nettoyer les couverts en priorité et les propos inacceptables tenus à l'égard de la directrice, caractérisent la faute grave. Il conteste tout usage autorisant les salariés à quitter leur poste à 11h30, les heures supplémentaires invoquées et tous les faits allégués par le salarié pour remettre en cause la légitimité des sanctions notifiées.

M. [I] conteste les faits qui lui sont reprochés, indiquant avoir respecté les directives données par son supérieur et n'avoir jamais tenu les propos qui lui sont attribués. Il considère que les attestations produites par l'employeur, notamment celles des supérieurs à l'origine du licenciement, ne revêtent pas de caractère probant. Il conteste les faits ayant conduit l'employeur à lui notifier deux avertissements, soutenant avoir quitté son poste après autorisation ou sur demande de son supérieur et soutient ne pas avoir reçu le rappel à l'ordre invoqué.

Il développe ses demandes indemnitaires, sollicitant une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, estimant que l'employeur a profité de sa faiblesse consécutive à sa mauvaise maîtrise de la langue française. Il souligne avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

Par courrier en date du 14 octobre 2015, la SAS SRD a notifié à Monsieur [I] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 8 octobre 2015 et sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons, après réflexion, décidé de vous licencier pour les motifs suivants qui constituent une faute grave :

Pour rappel, vous avez été engagé à compter du 4 janvier 2012, en qualité de Plongeur Polyvalent.

Après des débuts prometteurs, nous avons constaté un changement dans votre comportement, incompatible avec une relation de travail sereine.

Malgré nos rappels à l'ordre oraux, vous n'avez pas estimé devoir modifier votre attitude.

Ainsi, nous avons été contraints de vous adresser un premier avertissement, en date du 18 mars 2015, pour avoir quitté votre travail avant l'heure prévue sans le signaler ni demander d'autorisation à votre responsable.

Nous vous avons également adressé un second avertissement, en date du 2 septembre 2015, dans la mesure où :

- Vous aviez falsifié votre feuille de relevé d'heure,

- Vous aviez refusé de suivre les directives qui vous avaient été données,

- Vous étiez absent, sans justification, les 31 juillet et 21 août 2015.

Force est de constater que, malgré ces avertissements, vous n'avez pas entendu vous ressaisir ni modifier votre comportement.

Le mardi 29 septembre 2015, vous avez, de nouveau, refuser de suivre les directives qui vous étaient données par Monsieur [Y], votre Responsable, à savoir de nettoyer les couverts en priorité.

Plusieurs minutes après vous avoir demandé d'effectuer ce travail, Monsieur [Y] a pu constater que vous ne vous exécutiez pas.

Il a alors réitéré sa directive en prenant le temps de vous expliquer que le nettoyage des couverts était impératif, car l'entreprise les attendait pour poursuivre son activité, et ce, en présence de Monsieur [F].

Vous avez cependant continué de nettoyer les assiettes.

Dans ce contexte, Monsieur [Y] n'a pas eu d'autre choix que d'avertir Madame [T], Directeur Administratif et Financier de la Société.

Cette dernière vous a convoqué dans son bureau et vous a expliqué que vous deviez suivre les directives qui vous étaient données.

En réponse, vous avez dit : « Moi, les ordres, je m'en fous, j'en ai rien à foutre ! » avant de quitter son bureau sans y être convié.

Vous vous êtes d'ailleurs conformé à vos déclarations en n'effectuant pas, de la journée, la tâche qui vous était demandée, nous contraignant à solliciter un de vos collègues pour faire votre travail.

Ce dernier incident cristallise le comportement que vous adoptez depuis plusieurs mois et qui n'est pas acceptable.

En outre, cela a eu pour conséquence de perturber gravement l'organisation de l'entreprise.

En effet, en décidant de n'effectuer que les tâches décidées par vous, à savoir le lavage des assiettes, en refusant de laver les couverts, vous avez bloqué la chaîne de lavage et entraîné un retard considérable dans la suite de la chaîne d'entretien de la vaisselle et de chargement des casiers de rangement. Ce comportement a entraîné des retards dans les livraisons.

Lors de notre entretien en date du 8 octobre, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [J] [R], vous n'avez apporté aucune explication de nature à modifier notre décision. Au contraire, vous avez reconnu les faits et indiqué que vous faisiez bien votre travail dans l'ordre qui vous semble le mieux. Vous n'entendez donc pas modifier votre comportement.

Votre insubordination caractérisée et votre comportement général ne permettent pas d'envisager la poursuite de notre collaboration de travail, y compris pendant la durée du préavis ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il ressort de la lettre de licenciement du 14 octobre 2015 que M. [I] a été licencié en raison d'actes d'insubordination faisant suite à un rappel à l'ordre et deux avertissements pour des faits de même nature.

L'employeur reproche au salarié d'avoir, le mardi 29 septembre 2015, refusé de suivre les directives données par son responsable M. [Y], relatives au nettoyage prioritaire des couverts. Il lui fait également grief d'avoir répondu à Mme [T], directeur administratif et financier de la société, qui lui expliquait qu'il devait respecter les directives : « Moi, les ordres, je m'en fous, j'en ai rien à foutre ! » avant de quitter son bureau sans y être convié.

Pour justifier ces griefs, la SAS SRD verse aux débats :

- l'attestation de M. [M] [Y], responsable logistique qui indique : « Le 29 septembre 2015, faisant un bref point sur les tâches qui restaient à faire pour la journée, j'ai demandé à M. [I] de nettoyer les couverts qu'il y avait dans sa plonge, il était 9h30/10h00, il me répondit qu'il allait les faire juste après qu'il nettoie une série d'assiette. Suite à sa réponse positive, je suis parti faire autre chose. Après cela, je suis revenu voir ce qu'il faisait et là, toujours pas de couverts. Alors donc, je lui demande une explication. M. [I] me dit qu'il fera les couverts plus tard et que ce n'était pas à moi de savoir quelle était l'organisation de son travail. Bref M. [I] n'a pas voulu respecter les ordres que je lui ai donnés. Suite à cette altercation avec M. [I], M. [F] et moi-même l'avons convoqué dans le bureau avec Mme [T] pour avoir plus d'explication sur son comportement avec son responsable ('). M. [I] nous a expliqué sa version et (') nous a dit qu'il n'en avait rien à foutre ».

- l'attestation de M. [Z] [F], responsable logistique, qui explique que « le 29 septembre 2015, M. [Y] demande à M. [I] de nettoyer les couverts en lui expliquant la raison de l'urgence et de la priorité de cet ordre. M. [I] explique à M. [Y] qu'il va finir de nettoyer les assiettes et que ensuite, il fera les couverts. M. [Y] insiste sur le fait que nous attendons après les couverts et que par conséquent, il est impératif de le faire immédiatement. Pensant que M. [I] avait compris l'ordre que lui avait donné M. [Y], M. [Y] et moi-même retournons à notre bureau. Quelques instants après, M. [Y] ordonne à M. [B] de conditionner les couverts que M. [I] a commencé à laver, mais M. [B] explique à M. [Y] qu'aucun couvert n'a été nettoyé. Aussitôt M. [Y] retourne vers M. [I] en lui demandant pourquoi il n'avait pas commencé à nettoyer les couverts et M. [I] dit à M. [Y] qu'il le fera après les assiettes. Devant ce refus d'obtempérer n'en avertis Mme [T] en la présence de M. [Y] et nous décidons de convoquer sur le champ M. [I]. Mme [T] explique à M. [I] que celui-ci doit obéir à un ordre donné par l'un de ses supérieurs et ce sans en discuter. Sur ce M. [I] finit par dire à Mme [T], M. [Y] et moi-même, je cite : «Moi les ordres je m'en fous, j'en ai rien à foutre » et aussitôt M. [I] quitte le bureau sans en demander la permission ». 

L'attestation de Mme [T] qui certifie que : « (') Le mardi 29 septembre 2015 matin, M. [Z] [F] et M. [M] [Y] ont demandé mon intervention concernant le comportement de M. [I]. En effet, un de nos employés, M. [B], préposé ce jour-là au conditionnement des couverts était dans l'incapacité de remplir sa mission parce que M. [I] ne voulait pas suivre les instructions qui lui étaient données, à savoir laver les couverts en priorité pour qu'ils puissent être conditionnés. Ce comportement ayant provoqué par le passé des retards préjudiciables à la bonne marche de l'entreprise j'ai rappelé à M. [I] qu'il devait respecter les consignes données par sa hiérarchie et que le client attendait. M. [R] [I] dont j'ai souvent temporisé le comportement car il entrait volontiers en conflit avec ses collègues a persisté dans son entêtement prétendant que c'était à lui de décider de l'ordre des choses à faire. Il a lancé « moi les ordres je m'en fous, j'en ai rien à foutre » et il a mis fin brusquement à ma tentative de conciliation. Il a persisté dans son entêtement en ne nettoyant pas les couverts, nous contraignant à faire appel à d'autres personnes pour exécuter le travail et mettant le respect du délai de livraison en danger ».

Ces trois témoignages concordants démontrent que M. [I] a refusé de suivre la directive donnée par l'employeur, qu'il a tenu des propos et adopté un comportement inadmissibles à l'égard de celui-ci. Si M. [I] invoque un process prévoyant d'abord la mise en trempage des couverts pendant le lavage des assiettes, puis le lavage des couverts, il n'en demeure pas moins que le 29 septembre 2015, M. [Y], son supérieur hiérarchique, lui a demandé de nettoyer en urgence les couverts et qu'il a refusé de s'exécuter. Contrairement à ce que soutient le salarié, ces attestations ne peuvent être considérées comme étant faites par complaisance au seul motif qu'elles émanent de ses supérieurs hiérarchiques, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité.

Au surplus, la SAS SRD verse aux débats l'attestation de M. [J] [R], qui a assisté le salarié au cours de l'entretien préalable, et qui écrit ceci : « Je vous adresse cette lettre pour apporter mon témoignage au sujet de la rencontre concernant M. [R] [I] plongeur à LARS-Traiteur, M. le responsable de l'entrepôt et PDG M. [V]. J'ai assisté à cet entretien au cours duquel le responsable a reproché à M. [R] [I] (') son insubordination récurrente à sa hiérarchie, sa relation conflictuelle permanente avec les cuisiniers, ses refus injustifiés d'exécuter un ordre hiérarchique et le fait de pointer des heures de travail qu'il n'a pas exécutées et M. [R] [I] a finalement reconnu les faits. Je certifie sur l'honneur être témoin de ces propos le jour de l'entretien du 8 octobre 2015 ».

Ce témoignage conforte les attestations des supérieurs hiérarchiques de M. [I]. A nouveau, il ne peut être considéré que cette attestation serait de complaisance, en raison du rapport de subordination de M. [R] à l'égard de l'employeur, aucun élément probant n'étant de nature à remettre en cause la sincérité des déclarations du témoin. Les faits fautifs du 29 septembre 2015 doivent par conséquent être tenus pour établis.

Par ailleurs, ces manquements s'inscrivent dans le prolongement de deux avertissements des 18 mars et 2 septembre 2015 que M. [I] conteste.

S'agissant du premier avertissement du 18 mars 2015, M. [I] reconnaît être parti plus tôt que l'heure prévue sur son planning le 12 mars 2015, mais soutient qu'il avait obtenu l'autorisation de son supérieur. Il précise qu'il réalisait souvent des heures supplémentaires et qu'il était d'usage que l'employeur, en contrepartie, l'autorise parfois à quitter son poste plus tôt. Cependant, le salarié ne produit au soutien de ses dires aucun élément probant. Si l'employeur n'a pas estimé nécessaire d'opérer une retenue sur le salaire du mois de mars 2015 au titre de cette absence, il ne saurait en être déduit que le manquement n'est pas caractérisé, alors que M. [I] reconnaît avoir quitté l'entreprise avant l'heure prévue sur le planning et que la SAS SRD verse aux débats la feuille d'absence établie le 12 mars 2015 mentionnant, le concernant, : « a quitté l'entreprise à 11h30 sans avertir le responsable ». Dans ces conditions, il doit être considéré que l'avertissement est justifié.

En ce qui concerne le second avertissement du 2 septembre 2015, il lui a été reproché d'avoir - falsifié sa feuille de relevé d'heure en indiquant être parti à 15h15 le 18 août 2015 alors qu'il avait quitté l'entreprise à 14h15,

- refusé d'effectuer la plonge batterie,

- été absent, sans justification, les 31 juillet et 21 août 2015.

M. [I] ne conteste pas avoir quitté l'entreprise à 14h15 et non 15h15, comme il l'a indiqué sur sa feuille de relevé d'heures, le 18 août 2015. Il prétend cependant que ce sont ses supérieurs qui le lui ont demandé, en raison d'un niveau d'activité moindre ce jour-là et de la nécessité de brancher l'alarme au départ du dernier salarié. Cependant, à nouveau, le salarié ne produit au soutien de ses dires aucun élément probant. En outre, l'employeur verse aux débats la feuille de relevé des alarmes de l'entreprise, accompagnée d'une attestation de l'installateur/mainteneur expliquant son fonctionnement et le report des événements sur une imprimante. Il y figure, entre autres, les noms de M. [Y] et de M. [F]. Il en ressort que le 18 août 2015, l'alarme de l'entrepôt a été désactivée à 6 heures et qu'elle a été réarmée à 18h30, soit plus de 4 heures après le départ de M. [I].

S'agissant du refus d'effectuer la plonge de la batterie, la SAS SRD ne produit aucune pièce probante confirmant ce manquement, même si le salarié ne l'avait pas contesté après notification régulière de l'avertissement le 4 septembre 2015, ce fait n'est pas justifié.

Enfin, M. [I] ne conteste pas ne pas s'être rendu sur le lieu de travail les 31 juillet et 21 août 2015, mais soutient qu'il s'agissait de ses jours de repos.

Cependant, l'employeur verse aux débats le planning des semaines concernées dont il ressort qu'il devait travailler les 31 juillet et 21 août 2015, ses jours de repos étant fixés les samedis et dimanches. Le salarié soutient que ce planning est faux dans la mesure où il est indiqué qu'il était de service le 28 août 2015, alors qu'il n'a pas travaillé puisqu'il s'est rendu au service des impôts pour déposer un chèque. Cependant, le document fiscal qu'il verse aux débats ne peut avoir été établi le 28 août 2015, date portée à la main, dès lors qu'il est fait référence à une mise en recouvrement (MEC) le 31 juillet 2015 et à l'application d'une majoration le 15 septembre 2015. Comme indiqué précédemment, si l'employeur n'a pas estimé nécessaire d'opérer une retenue sur le salaire du mois de mars 2015 au titre de cette absence, il ne saurait en être déduit que le manquement n'est pas établi. Dans ces conditions, il doit être considéré que ce second avertissement est justifié.

Ces éléments démontrent que les manquements du 29 septembre 2015 caractérisent un comportement d'insubordination réitérée du salarié, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et par conséquent, constitutif d'une faute grave.

Le jugement entrepris sera infirmé et M. [I] sera débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [I].

La demande formée par la SAS SRD au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [R] [I] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne M. [R] [I] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [R] [I] à payer à la SAS SRD la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02863
Date de la décision : 16/05/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°17/02863 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-16;17.02863 ?
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