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06/06/2019 | FRANCE | N°17/02469

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 06 juin 2019, 17/02469


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2019



N° RG 17/02469 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RREY



AFFAIRE :



[K] [A]





C/

SASU BT FRANCE



Société BT GROUP PLC, société de droit anglais

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Avril 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 15/02853



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Olivier CABON



la SELARL MINAULT PATRICIA







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2019

N° RG 17/02469 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RREY

AFFAIRE :

[K] [A]

C/

SASU BT FRANCE

Société BT GROUP PLC, société de droit anglais

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Avril 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 15/02853

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier CABON

la SELARL MINAULT PATRICIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [A]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Cécile AIACH de l'AARPI AIACH EDELMANN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1366 - Représentant : Me Olivier CABON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 218

APPELANT

****************

SASU BT FRANCE

N° SIRET : 702 032 145

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 - substitué par Me Sébastien LEROY de la SELARL ACTANCE avocat au barreau de PARIS

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20170306

Société BT GROUP PLC, société de droit anglais

[Adresse 3]

LONDON EC1A 7AJ (ROYAUME-UNI)

Représentant : Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 - substitué par Me Sébastien LEROY de la SELARL ACTANCE avocat au barreau de PARIS

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20170306

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 07 février 2011, M. [K] [A] était embauché par la société SASU BT France en qualité de directeur grands comptes par contrat à durée indéterminée. D'avril 2009 à février 2011, il était consultant et travaillait pour BT Services, une autre société du groupe. Le contrat de travail était régi par la convention collective des télécommunications.

Le 04 septembre 2015, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 14 septembre 2015. Le 18 septembre 2015, il lui notifiait son licenciement pour motif disciplinaire, son employeur lui reprochait un management autoritaire et déstabilisant, étant notamment accusé par l'une de ses collaboratrices de harcèlement moral dans le but de la contraindre à la démission.

Le 09 octobre 2015, M. [K] [A] saisissait le conseil de prud'hommes de [Localité 4] en référé pour obtenir paiement de son bonus 2014-2015 et 2015-2016 et par ordonnance du 19 février 2016, le conseil de prud'hommes de [Localité 4] condamnait la SASU BT France, après avoir mis hors de cause la société BT Group PLC, société de droit anglais, à lui payer ses bonus 2014-2015 et 2015-2016 à titre provisionnel ainsi que le conseil de prud'hommes de [Localité 4] au fond pour contester son licenciement.

Vu le jugement du 03 avril 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de [Localité 4] qui a :

- mis hors de cause BT Group PLC ;

- dit que le licenciement de M. [A] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence BT France à lui verser la somme de 125 000 euros à titre d'indemnité de ce fait ;

- condamné en outre BT France à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la perte de chance liée aux actions gratuites et aux stock-options ;

- condamné BT France à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;

- ordonné le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [A], du jour du licenciement au jour de la mise à disposition du présent jugement, dans la limite de 6 mois des dites indemnités versées ;

- condamné BT France aux éventuels dépens.

Vu la notification de ce jugement le 03 mai 2017.

Vu l'appel interjeté par M. [K] [A] le 10 mai 2017.

Vu les conclusions de l'appelant M. [A] notifiées le 17 octobre 2018 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau

- fixer le salaire de référence à 21 716 euros brut / mois

- constater l'existence d'un co-emploi des sociétés BT Group PLC et BT France

- condamner solidairement les sociétés BT Group PLC et BT France à régler les sommes suivantes :

- 260 592 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité de la santé

- 10 000 euros à titre d'Indemnité pour licenciement vexatoire

- 3 000 euros à titre d'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pole emploi

- 130 296 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

- 126 340 euros à titre d'indemnité pour perte chance de réaliser la vente de stock-options et actions attribuées non exerçable au moment du licenciement

- 3 582 euros au titre des 5 jours de Congés Payés impayés

- 502 526 euros brut au titre des heures supplémentaires au-delà de 35 h d'août 2012 à septembre 2015

- 50 252 euros à titre de congés payés afférents

- condamner solidairement les sociétés BT Group PLC et BT France à régler la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures des intimées, la SASU BT France et la société BT Group PLC notifiées le 26 juillet 2018 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- déclarer M. [K] [A] mal fondé en son appel principal et l'en débouter ;

- déclarer les concluantes recevables et bien fondées en leur appel incident ;

Sur le co-emploi

- constater l'absence de situation de co-emploi entre les sociétés BT Group PLC et BT France ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 4] en date du 3 avril 2017 en ce qu'il a débouté M. [K] [A] de cette demande ;

Sur le licenciement

- constater l'absence de licenciement verbal ;

- constater l'absence de licenciement économique déguisé ;

- constater les méthodes de management brutales et intimidantes adoptées par M. [K] [A] ;

- constater le désengagement professionnel de M. [K] [A] de ses missions de « Client Partner » ;

- constater l'absence de support de M. [K] [A] à ses équipes ;

- constater l'absence de conditions vexatoires du licenciement ;

- constater l'absence de violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 4] en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [K] [A] comme ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- dire et juger le licenciement de M. [K] [A] reposant sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [K] [A] de ses demandes afférentes en ce qu'elles sont infondées ;

Sur la demande au titre des prétendues heures supplémentaires

A titre principal,

- constater que M. [K] [A] bénéficiait du statut de cadre dirigeant ;

A titre subsidiaire,

- constater le caractère fallacieux du décompte d'heures supplémentaires opéré par M. [K] [A] ;

- constater l'absence de travail dissimulé ;

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger que M. [K] [A] bénéficiait du statut de cadre dirigeant ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [K] [A] n'établit pas la réalité des heures supplémentaires dont il réclame le paiement ;

- débouter M. [K] [A] de ses demandes afférentes à la durée du travail ;

Sur les demandes formulées au titre de la perte de chance de réaliser actions gratuites (ISP) :

A titre principal,

- constater que M. [K] [A] est inéligible à la moindre indemnisation de la perte de ses actions gratuites en raison de la cessation de son contrat de travail ;

- constater que M. [K] [A] réclame la réparation d'un préjudice inexistant, les critères de performance permettant la réalisation des actions n'ayant pas été atteints ;

A titre subsidiaire,

- constater la valeur actuelle de l'action BT qui conduira la cour à ramener les prétentions de M. [K] [A] à de plus justes proportions ;

En conséquence,

A titre principal,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 4] en ce qu'il a octroyé des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de vendre les stocks options et actions gratuites ;

- débouter M. [K] [A] de sa demande d'indemnisation de la perte de ses actions gratuites ;

A titre subsidiaire,

- fixer les prétentions de M. [K] [A] à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de [Localité 4] en ce qu'il a débouté M. [K] [A] du surplus de ses demandes

- débouter M. [K] [A] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [K] [A] à titre reconventionnel, à une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [K] [A] aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault avocat au barreau de Versailles Toque 619, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture du 18 mars 2019.

SUR CE,

Embauché le 14 février 2011 par la SASU BT France en qualité de directeur grands comptes au sein de l'entité GBFM qui regroupait les comptes des clients relevant des secteurs banque, finance et assurance, M. [A] était responsable d'une vingtaine de collaborateurs et bénéficiait du statut de cadre dirigeant ; accusé de harcèlement moral en avril 2015 par l'une de ses collaboratrice, Mme [X], il était licencié par la SASU BT France le 18 septembre 2015 en raison de ses méthodes de management, de son désengagement dans les missions et de l'absence de soutien à ses équipes. M. [A] conteste cette mesure et présente diverses réclamations au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Sur l'exécution du contrat de travail :

sur la situation de co-emploi :

M. [A] expose qu'il a été embauché par la filiale française (SASU BT France) de la société holding de droit anglais, la société BT Group PLC, qui s'est comportée comme employeur à son égard ; il affirme que cette société holding a commis une ingérence abusive dans le cadre de sa relation avec la SASU BT France et qu'il s'est retrouvé dans un lien de subordination à l'égard de la société BT Group PLC, reportant directement au personnel de cette société anglaise. Il expose enfin que la société BT Group PLC s'immisçait dans la gestion économique et sociale de la filiale française, ayant notamment pris la décision de bloquer le paiement des bonus du personnel français avant de se heurter à l'obligation de payer la rémunération variable contractuelle, en application du droit du travail français. C'est pourquoi il demande la condamnation solidaire des SASU BT France et BT Group PLC au titre des conséquences financières de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

La SASU BT France et la société BT Group PLC contestent l'existence d'un co-emploi revendiqué par le salarié et demandent la confirmation du jugement qui a mis hors de cause la société BT Group PLC.

Une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

La cour constate que si la SASU BT France était une filiale de la société BT Group PLC à 100 %, il appartient à l'appelant de démontrer, en l'absence de lien de subordination démontré, la confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la maison mère dans sa filiale ;

À ce sujet, M. [A] affirme qu'il devait « reporter » à ses supérieurs localisés à Londres et appartenant au personnel de la société BT Group PLC et ainsi, justifie qu'il a alerté en mai 2015 MM. [S] et [R] sur les risques psycho-sociaux au sein d'une équipe sous pression (pièces 68 à 70), que ses évaluations étaient centralisées et contrôlées par la société BT Group PLC à Londres, comme les accès internet et que l'organigramme du comité de direction portait le nom du copyright ''BT Group PLC'' et donnent des exemples du lien de subordination qui existait à l'égard de la société BT Group PLC dans ses écritures (pages 12 à 14) pour affirmer que la responsable des ressources humaines rendait compte à la direction de la société BT Group PLC.

Néanmoins, les quelques exemples décrits par M. [A] ne démontrent pas l'existence d'un lien de subordination juridique par l'immixtion de la société BT Group PLC dans la gestion de la filiale française, alors que les mails émanent de ce salarié en direction de salariés de la maison mère, sans que ces derniers n'aient sollicité son intervention et qu'il n'apparaît pas inutile qu'une coordination existe dans les actions économiques de sociétés appartenant au même groupe et de l'état de domination économique que peut engendre cette appartenance ; ainsi, M. [A] ne justifient nullement l'existence d'une situation de co-emploi et la cour confirme le jugement entrepris de ce chef.

Sur la violation de l'obligation de sécurité de la santé :

M. [A] expose que son employeur n'a pris aucune mesure face aux innombrables alertes qu'il a présenté sur les dangers courus par les membres de son équipe et a négligé tout soutien alors qu'il était en souffrance. Il expose qu'il a été contraint de rendre 2 visites au médecin du travail mi-août et 1er septembre 2015 et de se soumettre à un suivi hebdomadaire chez un psychologue et produit une attestation rédigée par sa thérapeute qui relate les troubles qu'il a présentés et affirme qu'il « a été confronté à un véritable harcèlement moral du fait des pressions, injonctions contradictoires et des violences psychologiques subies ».

La SASU BT France retient que si le salarié a rencontré le médecin du travail à sa demande en août et septembre 2015, celui-ci l'a déclaré apte sans réserve et demande, pour ce fait, d'écarter l'attestation du médecin [K] de sorte que compte tenu de l'absence totale de préjudice subi, elle sollicite le débouté de la demande présentée.

La cour constate qu'effectivement, sans en tirer plus de conséquence, le médecin du travail a retenu l'aptitude au travail de M. [A] en août et septembre 2015 tandis que les termes utilisés par sa psychologue dans son attestation du 1er juin 2016 ne font que traduire les propos que lui a tenus son patient sans qu'elle ne constate personnellement les pressions, injonctions contradictoires ou violences psychologiques dont elle affirme l'existence et qui constituent le harcèlement moral dont elle le dit victime ; en conséquence, M. [A] ne justifie pas de la violation dont il demande réparation. Il convient de le débouter de ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires :

[K] [A] conteste avoir été nommé cadre dirigeant au sein de son entreprise, demande à la cour de constater que la clause de forfait contractuellement prévue est nulle en raison de l'absence d'accord d'entreprise mettant en place les modalités de contrôle du temps de travail des cadres soumis à un tel forfait et n'a d'ailleurs jamais bénéficié d'entretien mesurant sa charge de travail ; il réclame alors paiement des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies sans en être rémunéré d'août 2012 à septembre 2015 pour un montant de 502 526 euros outre les congés payés y afférents.

La SASU BT France soutient qu'à compter du 14 février 2011, M. [A] a bénéficié d'une convention de forfait jour l'empêchant de solliciter le paiement d'heures supplémentaires et qu'à partir du 1er juillet 2011, il a de plus été nommé cadre dirigeant ; aussi, elle conclut au débouté de la demande ainsi présentée.

Sur le statut de cadre dirigeant : Après avoir été désigné cadre autonome ' groupe G par contrat de travail du 7 février 2011 pour sa fonction de directeur grands comptes (client Partner), M. [A] a signé le 24 juin 2011 un avenant à son contrat de travail le désignant à compter du 1er juillet 2011, compte tenu de la nature des fonctions accomplies, des responsabilités qui lui étaient confiées impliquant une grande indépendance de son emploi du temps et des prises de décisions de façon largement autonome, cadre hors classification par lequel l'application de la réglementation sur le temps de travail est exclue de sorte que la rémunération définie à son contrat de travail constituait la contrepartie forfaitaire de son activité. La SASU BT France expose qu'il résulte de l'article 6.1.2 de la convention collective des télécommunications que « les emplois hors grille de la classification ainsi que les emplois relevant du niveau G qui, du fait de leurs fonctions, sont des cadres dirigeants au sens du (') code du travail (...) » ;

Pour contester cette qualification, M. [A] expose qu'il devait demander l'octroi de congés selon la procédure interne avec validation du DRH comme tout salarié au forfait, et que ses bulletins de salaire mentionnaient un forfait de 214 jours, que sa délégation de signature n'était valable que pour la signature de contrats commerciaux limités en valeur d'engagement, qu'il n'était pas maître de l'organisation du service GB-FM puisqu'il devait obtenir l'accord de M. [S] pour son projet de réorganisation, que ses évaluations de collaborateurs étaient modifiées à la baisse, qu'il n'avait pas la possibilité de décider de la mutation ou d'un recrutement d'un salarié de son équipe de sorte qu'il n'avait pas l'autonomie nécessaire à la qualification de cadre autonome.

La SASU BT France retient que M. [A] faisait partie des cadres percevant une des plus haute rémunération de l'entreprise et se voyait octroyer des actions gratuites de 2013 à 2015 comme seulement 1,5 % du personnel de direction, qu'il appartenait au comité de direction, qu'il se voyait confier d'importantes responsabilités impliquant une grande indépendance, avait une large indépendance décisionnelle de sorte qu'il relevait bien de la catégorie des cadres dirigeants de l'entreprise.

La cour relève que M. [A] a été recruté par la SASU BT France à un niveau de rémunération dont il n'est pas contesté qu'il se situait au niveau le plus élevé dans la grille hiérarchique de la classification conventionnelle et dans l'entreprise, qu'il bénéficiait de la rémunération la plus élevée de tous les salariés de la société en ce qui concerne la rémunération hors avantage en nature (le salarié revendiquant un salaire mensuel brut de 21 716 euros) et se trouvait en seconde position des salaires versés dans l'entreprise en intégrant les avantages en nature, qu'il dirigeait le département GB-FM France regroupant une vingtaine de collaborateurs, dont des cadres sous son autorité, et était devenu membre du comité de direction à compter de cette même date de juillet 2011. Il disposait, à compter du 20 octobre 2011, d'une délégation de signature pour signer, au nom de la SASU BT France, les contrats clients pour des montants jusqu'à 15 millions d'euros HT, signer les accords de confidentialité quel qu'en soit le montant et tous les courriers y afférent ; s'il devait informer la DRH sur le nombre de RTT dont il bénéficiait sur l'année, pièce 123, ce document ne démontre pas qu'il devait présenter une demande d'autorisation comme il le prétend et il avait une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail, son employeur ne lui demandant aucun rendu compte de cette organisation ;

Si, à compter d'avril 2015, ses décisions ont pu être contestées par ses supérieurs (notation de ses collaborateurs par exemple), en tout cas, jusqu'à cette date il organisait l'entité GB-FM comme il le souhaitait et de manière autonome ; si le statut de cadre dirigeant n'empêche pas le salarié dans cette catégorie de fonction de devoir rapporter ses décisions à un supérieur (en l'espèce M. [S], VP Europe GBFM), il ne justifie pas que lesdits supérieurs lui aient donné, durant le temps de la relation contractuelle, des directives d'exécution ; enfin il ne conteste pas avoir participé aux comités de direction ; néanmoins, la SASU BT France ne justifie, ni même n'allègue, que M. [A] ait participé à la direction de l'entreprise, ne versant aucun compte rendu de ces comités de direction ou de décisions prises par lui démontrant que M. [A] ait pu, par ses décisions, engager la société alors qu'il n'avait aucune délégation de pouvoir de la direction, se bornant à pouvoir signer des contrats commerciaux d'un montant limité de sorte que la qualification de cadre dirigeant ne peut être retenu pour qualifier ce salarié au sein de la SASU BT France.

Sur le forfait-jour : M. [A] conclut à la nullité de la clause à laquelle il a été soumis dans son contrat de travail et affirme qu'il n'a pas connaissance d'un accord d'entreprise mettant en place les modalités de contrôle du temps de travail des cadres soumis à un tel forfait et affirme qu'il na pas été bénéficiaire de mesures consacrées à la vérification de l'amplitude horaire et la compatibilité entre sa vie privée et sa vie professionnelle de nature à garantir sa santé. La SASU BT France n'en justifie pas disant que son statut de cadre dirigeant l'excluait du forfait contractuel de sorte que si la mention est restée portée sur ses bulletins de salaire, cela résultait d'une erreur.

Ainsi, la cour ne trouve aucun élément permettant de relever que l'employeur s'est astreint à suivre les journées travaillées et celles de non-travail comme mentionné dans le contrat de travail (aucune mention dans les bulletins de salaire comme prévu par le dit contrat de travail) et n'a donc pris aucune mesure destinée à garantir que l'amplitude et la charge de travail de ce salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, de son travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier. Dans ces conditions, la convention de forfait en jours appliquée à M. [A] doit être déclarée nulle.

En conséquence, le contrat de travail relevait de la législation sur le temps de travail légal, soit 35 heures/semaine.

S'il résulte du texte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

[K] [A] expose dans ses écritures qu'il effectuait au minimum 50 heures par semaine puisque ses horaires habituels étaient de 9h à 20 h et réclame le paiement de la somme de 502 526 euros en paiement de ses heures supplémentaires, compte tenu de la majoration à 25% pour les 8 premières heures et à 50 % pour les suivantes.

Il verse pour étayer sa demande en pièces 135 la liste des mails qu'il a envoyés entre 2012 et 2015 et en pièce 136 le récapitulatif de ses horaires quotidiens d'arrivée et de départ du travail entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2015, en retirant chaque jour 0h45 au titre de pause, mentionnant que ses horaires revendiqués sont justifiés par les pièces 123-1 et 123-3 de son dossier, ces pièces ne figurant néanmoins pas dans son bordereau de communication de pièces.

Ces pièces contiennent des éléments suffisamment précis quant aux horaires prétendument réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; il étaye donc sa demande,

La SASU BT France reproche alors à ce listing d'avoir été rédigé après la rupture du contrat de travail sans lien avec la réalité, tandis que les réclamations au titre de l'année 2012 ne sont étayées d'aucun autre document ; elle reproche au salarié d'avoir indiqué qu'il a travaillé invariablement de 9h à 20h toute l'année 2012, tandis que pour les années suivantes, elle conteste que le dernier mail adressé par le salarié justifie qu'il a travaillé de façon continue jusqu'à cet horaire, alors que ces mails ne constituent, pour certains d'entre eux, que des mails de retransmission ne nécessitant aucun travail personnel ou des messages automatiques, tandis qu'il affirme avoir commencé son travail à 9 heures mais justifie que certains jours, le premier mail qu'il avait adressé se situe en fin de matinée ou début d'après-midi sans qu'il ne comptabilise alors son temps de travail à compter de ces mails et qu'il n'a enfin pas retiré l'intégralité de ses pauses ; elle expose que lorsqu'il était en déplacement en Asie, sa messagerie restait synchronisée sur l'heure de [Localité 5] de sorte qu'il retient qu'il débutait sa journée de travail à 3h du matin (semaine du 9 au 13/09/2013 par exemple) et réclame ainsi pour cette semaine près de 50 heures supplémentaires alors qu'il ne tient pas compte du décalage horaire de 7 heures et qu'il a reproduit cette situation lors d'autres déplacements professionnels ce qui ôte toute crédibilité à son décompte.

Elle conteste les affirmations de travail de M. [A] et verse des attestations de ses collaborateurs qui se plaignaient du manque de travail de M. [A] :

Mme [X] qui se plaignait le 29/12/2014 qu'il travaillait à mi-temps, puis « il est paresseux, travaille très peu, son agenda est rempli de rendez-vous personnels, ses retards sont en général de 30 mn il va lui-même préciser en arrivant qu'il était en rendez-vous personnel ( médecin, dentiste) »

M. [O] qui estimait qu'il n'était d'aucune aide et aucun support,

Mme [J] lui reprochant d'être toujours en retard et de déléguer les missions relevant de sa compétences

[K] [A] ne répond rien sur toutes les critiques portées par son employeur sur les horaires affichés par lui et ne conteste pas avoir eu des occupations personnelles au cours de ses journées de travail ;

En raison de ces nombreuses critiques non contestées, la cour retire des réclamations du salarié les heures pour lesquelles il ne justifie d'aucun travail, constate le caractère fictif des réclamations fixes présentées au titre de l'année 2012, constate qu'il consacrait une partie de son temps journalier pour des occupations personnelles, retire du temps de travail sollicité les pauses omises de sorte que, compte tenu de ces éléments, la cour évalue à la somme de 45 525 euros les heures supplémentaires dues par la SASU BT France à M. [A] sur la période de travail réclamée, outre la somme de 4 552,50 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

[K] [A] écrivait le 9/09/2015 à la SASU BT France, qu'au cours d'un rendez-vous le 3/09/2015 avec son supérieur [U] [S] et le DRH, il lui avait été annoncé par ceux-ci que BT France se séparait de lui, que son départ effectif était programmé avant la fin du mois de septembre, qu'il avait constaté que tous ces rendez-vous professionnels avaient été annulés à la demande du directeur général de sorte que son licenciement lui avait été annoncé verbalement et qu'il avait immédiatement été écarté des affaires. Il expose qu'il avait rappelé ce fait lors de l'entretien préalable sans être contredit par le DRH et verse le compte rendu du dit entretien pour en justifier (pièce 8). Il en déduit qu'il a été licencié verbalement à cette date du 3/09/2015.

La SASU BT France conteste l'existence d'un licenciement verbal et affirme que la réunion du 3/09/2015 avait pour but de faire le point sur les allégations de harcèlement moral portées par Mme [X] à son égard à compter d'avril 2015. Elle explique que l'annulation des voyages professionnels à l'étranger correspondait à la volonté de l'entreprise qu'il ne représente pas la société à l'étranger compte tenu de l'importance de son statut, ce qui ne justifie pas la preuve du licenciement verbal revendiqué par le salarié.

Alors qu'il n'apparaît pas que la SASU BT France ait reconnu lors de l'entretien préalable que M. [A] avait été licencié verbalement le 3/09 précédent et alors que M. [A] ne justifie pas qu'il n'a pu travailler à l'exception de l'annulation de ses deux déplacements à l'étranger, rien dans les pièces versées aux débats ne montre que la rupture du contrat de travail date du 3/09 alors que M. [A] est resté salarié de l'entreprise jusqu'à la notification de la lettre de licenciement datée du 18/09/2015. Il convient de le débouter de sa demande relative au licenciement verbal.

Par lettre du 18 septembre 2015, la SASU BT France notifiait à M. [A] son licenciement pour motif disciplinaire, exposant qu'en avril 2015 [D] [X] avait prétendu par courrier subir un harcèlement moral de sa part pour la pousser à démissionner, Mme [X] ayant saisi en mai 2015 le conseil de prud'hommes de [Localité 4] pour voir l'entreprise condamnée à des dommages et intérêts pour harcèlement moral. La SASU BT France exposait avoir alors diligenté une enquête compte tenu de l'ancienneté de la salariée se disant victime et de son professionnalisme reconnu. Si l'enquête n'avait pas révélé de harcèlement moral, elle avait néanmoins montré des dysfonctionnements importants tant dans son mode de management que dans son implication professionnelle, notamment dans le cadre de sa gestion du client Société générale : désengagement de sa part, abandon pur et simple de ses équipes (absences aux réunions des comités stratégiques, retards réguliers aux réunions, absence d'écoute des remontées et alertes ses membres de son équipe). Elle avait en plus constaté lors de cette enquête que les collaborateurs avaient eu à l'encontre de M. [A] des propos extrêmement durs et révélateurs du mode de management brutal et autoritaire, démontrant qu'il n'avait aucune écoute ni soutien à leur égard, les laissant en situation de souffrance et ne remplissant pas son rôle d'interface à l'égard de son propre management, ne remontant pas les difficultés rencontrées au sein de son équipe, conduisant à une forte démotivation de son équipe, certains évoquant leur démission. Cette situation étant d'autant plus inacceptable qui lui avait déjà été fait part de retours négatifs quant à son mode de management lors de l'enquête Care en 2014 et en janvier 2015. Ce comportement a eu pour effet de mettre en péril le fonctionnement de l'équipe et la pérennité des relations avec un des clients majeurs de l'entreprise, la Société générale. Il était préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise et rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

M. [A] soulève en premier lieu la prescription des faits fautifs reprochés ; il expose que la SASU BT France a débuté la procédure de licenciement par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable le 4/09/2015 de sorte qu'elle doit justifier avoir eu connaissance des faits reprochés après le 4/07/2015, ce qu'elle ne fait pas ; or, la cour note que si les entretiens des salariés relevant du pouvoir hiérarchique de M. [A] ont été réalisés par l'entreprise en juin 2015 (pièces 13 à 18 de l'employeur), après la plainte officielle de [D] [X] pour harcèlement moral exercé par [K] [A] « afin de la forcer à démissionner de son poste de travail » le 4 mai 2015, le compte rendu d'enquête valant conclusions a été établi le 6/07/2015 de sorte que la SASU BT France n'en a eu connaissance qu'à cette date ; la cour ne peut retenir la prescription invoquée par le salarié.

M. [A] soulève ensuite l'absence de cause réelle et sérieuse des griefs invoqués et soutient que son licenciement a pour unique cause la réorganisation générale et de la réduction des effectifs de la SASU BT France. Il convient d'examiner les griefs invoqués par l'employeur au soutien de la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige.

En ce qui concerne le management abusif et le harcèlement moral dénoncé par Mme [X] et sa saisine du conseil de prud'hommes à l'encontre de son employeur le 7 mai 2015 : la SASU BT France verse la plainte de cette salariée (pièce 12) et le compte rendu de son entretien du 24 juin 2015 (pièce 18) aux termes desquels cette salariée reprochait à M. [A] d'avoir supprimé son poste de travail sans qu'il ne la repositionne sur un autre poste nouvellement créé de CSE alors qu'il s'agissait de son poste et qu'il procédait à la sélection de candidats. Cette salariée indiquait que cette situation résultait de sa dénonciation de nombreux dysfonctionnements organisationnels et de ses méthodes de management brutales ; quatre autres salariés (MM. [M], [O] et Mmes [J], [Z]) étaient entendus sur les conditions de management de M. [A] et ces salariés relataient également un environnement de travail très tendu, un rejet de ces méthodes de management, une remise en cause de ses qualités de responsable, son manque de compréhension des problématiques, son manque de compétence et son comportement intimidant envers ses subordonnées : l'enquête concluait à l'impossibilité de maintenir M. [A] et Mme [X] dans le même service. Les termes utilisés par ses collaborateurs étaient particulièrement précis sur les reproches relatés puisque la cour peut relever les propos suivants proférés à son encontre par ses collaborateurs  : « pervers narcissique, il est dangereux car il fait péter les câbles à tout le monde, il n'est d'aucune aide ni d'aucune support, sa non-gestion angoisse toutes les équipes, il harcèle, il divise pour mieux régner, c'est une erreur de casting, il charge la mule, il a une image de lui hallucinante, il se considère extraordinaire, tout est de la faute des autres, il méprise les équipes, il ne remercie jamais les équipes, venir le voir alors qu'on est en souffrance est inutile, il oublie les gens, c'est une feuille Excel sur pattes, il ne ressent pas d'émotions, il est nocif, il ne travaille pas, il charge les équipes, il est grossier, sa communication est lapidaire, ses demandes sont irréalistes, il 'uvre et planifie de façon machiavélique, il hurle sur les équipes, il éructe en réunion avec l'équipe mais aussi chez le client, il procède à une répartition inégalitaire du travail, il a la volonté de s'accaparer la réussite des équipes, tous les comités stratégiques avec le client se préparent sans lui... » (pièces 13 à 18 de l'employeur).

D'ailleurs, déjà fin 2014, la SASU BT France avait été saisie de difficultés reprochées par les collaborateurs de M. [A] dans le cadre du client Société générale et les salariés avaient déjà émis des propos négatifs sur le management opéré sur eux par M. [A] : entretiens de la direction avec MM. [C], [O], [T] et Mmes [Z] et [X] (pièces 43 à 47), la SASU BT France ayant gardé les déclarations faites par les salariés à titre confidentiel de sorte que M. [A] n'en avait pas été informé mais les critiques portées par une partie de ces derniers s'étaient donc renouvelées quelques mois plus tard.

Pour contester ces appréciations portées sur lui par ses collaborateurs directs, M. [A] verse l'attestation de [N] [U] (pièce 40) qui se présente comme son adjoint et affirme que son supérieur était pris entre le marteau et l'enclume du fait de sa position hiérarchique, faisant de son mieux pour palier les contradictions stratégiques et affirmait qu'il a toujours été soutenu par lui, n'ayant jamais observé de pratiques de management brutal de sa part ni à son égard ni à l'égard des autres membres de l'équipe ; la cour note que ce salarié a fait lui aussi l'objet d'une procédure de licenciement par la SASU BT France.

[K] [A] verse ensuite ses comptes rendus d'entretiens individuels dont le dernier date de mars 2014 d'où il ressort qu'il était très bien considéré par son employeur ;

Si la SASU BT France ne lui reproche aucune insuffisance professionnelle, il apparaît que l'attestation unique rédigée par M. [U] et versée aux débats par M. [A], est en contradiction avec les appréciations portées par les autres membres de son équipe et ne peut venir les remettre en cause compte tenu du nombre de salariés qui ont témoigné sur le comportement managérial de M. [A] ; M. [A] conteste à ces comptes rendus toute valeur probante au motif qu'ils ne seraient pas signés de leur auteur ; mais la cour constate qu'il s'agir de comptes rendus d'auditions faits dans le cadre de la procédure diligentée par l'employeur pour harcèlement moral à la suite de la dénonciation de Mme [X] et qu'ils font partie de la procédure suivie contre l'entreprise ; ils sont donc en l'état recevables.

Il affirme qu'il a dénoncé auprès de sa hiérarchie « le manque de moyens fournis et la politique de réduction des coûts, véritable cause de burn-out et du stress anormal subi par l'équipe ». Il verse les mails qu'il a adressé à ses supérieurs pour exposer ses difficultés à remplir ses objectifs et à travailler avec les clients, ne mentionnant que les risques sur les performances financières (pièces 68 à 78) tandis que sa demande de consultation du médecin du travail ne concernait que sa propre situation et nullement celle de ses collaborateurs dont il n'avait nullement envisagé la situation éventuelle de burn-out (pièce 67).

Il en ressort que ce grief est établi et justifiait à lui seul le licenciement pour faute du salarié, sans qu'il soit besoin d'analyser les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement. Il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le doute devait profiter au salarié pour écarter les griefs énoncés.

Sur les conséquences de la rupture :

sur les indemnités de rupture : sans que les indemnités de licenciement et compensatrice de préavis ne soient remises en cause par les parties et alors que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il convient de débouter M. [A] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire.

sur la perte de chance de réaliser la vente de stock options et la perte d'actions gratuites : M. [A] réclame le versement de la somme de 126 340 euros au motif qu'il n'a pu lever ses options du fait de son licenciement qui doit être jugée sans cause réelle et sérieuse ; mais la cour disant que ce licenciement repose au contraire sur une cause réelle et sérieuse, M. [A] doit être débouté de sa demande à ce titre.

sur le règlement de 5 jours de congés payés manquants dans son bulletin de salaire de solde de tout compte : M. [A] expose qu'alors qu'il a pris 5 jours de congés payés entre le 3 et le 7 août 2015, 10 jours lui ont été déduits sur le bulletin de salaire de septembre 2015 ; il sollicite le paiement de la somme de 3 582 euros.

La SASU BT France le conteste en indiquant qu'elle lui a retiré exactement sur le bulletin de salaire de septembre 2015 les congés payés qu'il a pris du 3 au 14 août 2015.

Mais il appartient à l'employeur de justifier des congés payés pris par son salarié et la cour constate que la SASU BT France ne verse aucune pièce pour ce faire tandis qu'il apparaît en pièce 67 que M. [A] a sollicité une salariée de l'entreprise le 11 août 2015 de sorte que la cour le suit lorsqu'il soutient avoir travaillé à compter du 10 août 2015 ; en conséquence, il sera fait droit à sa demande.

sur la remise tardive de l'attestation Pôle emploi : M. [A] expose que l'attestation Pôle emploi qui lui avait été remise par son employeur comportait des erreurs de sorte qu'il avait sollicité des rectifications et demandé au bureau de conciliation le 12 avril 2016 la remise d'une attestation correspondant à ses droits ; il affirme l'avoir reçue le 9 juin 2016, soit 5 mois après la fin du préavis et demande la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, cette remise tardive lui causant nécessairement un préjudice de sorte qu'il a pas à rapporter la preuve du préjudice dont il demande réparation.

La SASU BT France reproche à M. [A] de ne pas justifier du préjudice dont il demande réparation.

En effet, si la SASU BT France a remis à M. [A] l'attestation Pôle emploi le 22 décembre 2015, et si celle-ci comportait des erreurs qu'elle n'a rectifiées qu'en avril 2016, il appartient cependant au salarié qui demande réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi de le décrire et d'en justifier ; à défaut de le faire, la cour déboute M. [A] de ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé : M. [A] réclame enfin cette indemnité en application des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail au motif que la SASU BT France l'a employé durant une période presque 2 ans du 19 avril 2009 au 1er février 2011 à des fonctions identiques en tous points au poste qui lui a été confié dans le cadre du contrat à durée indéterminée du 11/07/2011 et l'a même rémunéré forfaitairement, preuve d'un salaire régulier correspondant à ses fonctions. Il verse pour en justifier en pièce 1 les factures du 16/04/2009 au 01/02/2011.

La SASU BT France s'y oppose en faisant observer que les factures émises par M. [A] sous la dénomination HFE Conseils EURL l'ont été à destination de la société BT Services, entreprise différente de la SASU BT France, qui n'est pas partie à l'instance.

La cour constate qu'effectivement, alors que M. [A] ne verse pas le contrat de prestation de services qu'il a passé avec la société BT Services en 2009, il ne rapporte nullement la preuve qu'il a travaillé dans le cadre d'une relation contractuelle avec la SASU BT France avant la signature du contrat de travail du 7 février 2011 de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties ;

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [K] [A], alloué à celui-ci des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de la perte de chances liée aux actions gratuites et aux stocks option et débouté M. [K] [A] de sa demande au titre des heures supplémentaires  et des jours de congés payés ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Condamne la SASU BT France à verser à M. [K] [A] la somme de 45 525 euros à titre des heures supplémentaires outre 4 552,50 euros au titre des congés payés y afférents outre 3 582 euros au titre des 5 jours de congés payés

Dit que le licenciement de M. [K] [A] repose sur une cause réelle et sérieuse

Déboute M. [K] [A] de l'intégralité de ses autres demandes

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation ;

Condamne par moitié la SASU BT France et M. [K] [A] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Gaëlle POIRIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02469
Date de la décision : 06/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°17/02469 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-06;17.02469 ?
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