COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
16e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUIN 2019
N° RG 17/06245 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RY7V
AFFAIRE :
SA DEXIA CREDIT LOCAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
C/
COMMUNE DE [Localité 10] agissant en la personne de son Maire en exercice
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 6
N° RG : 13/10437
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA DEXIA CREDIT LOCAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42196
Représentants : Me Nicolas AUTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS et Me Patrick LEDOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
COMMUNE DE [Localité 10] agissant en la personne de son Maire en exercice
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentants : Me Bruno WERTENSCHLAG de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1702 ; Me Julien MOREAU de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1702 et Me Olivier POINDRON de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758218
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Avril 2019, Madame Patricia GRASSO, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER
FAITS ET PROCÉDURE
Pour refinancer un précédent prêt souscrit en 2006, la SA Dexia a consenti à la commune de [Localité 10] :
- un contrat de prêt 2008 n°1, d'un montant de 8.464.797,21 euros, remboursable sur une période de 26 ans et un mois portant intérêts :
pendant une première phase du 1er décembre 2008 au 1er janvier 2010 à un taux variable EONIA + 0,35% par mois,
pendant une seconde du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2035 assujettie à un taux d'intérêt fixe égal à 5,32% par an.
- un contrat de Prêt 2008 n° 2 d'un montant de 3.000.000,00 euros et d'une durée de 25 ans, avec un taux d'intérêt distinct en fonction des phases du contrat, étant précisé que le taux d'intérêt applicable à la phase d'amortissement serait structuré, suivant offre signée par le prêteur le 21 août puis par la commune le 2 septembre 2008 suivant .
Ce second contrat de prêt, conclu le 21 août 2008, a été refinancé en 2011, suivant offre signée par le prêteur le 9 août puis par la commune le 22 août 2011 suivant, après fax de confirmation du 1er juillet 2011, par laquelle la société Dexia a consenti à la commune un contrat de prêt n°MPH276089EUR d'un montant de 2.801.842,14 euros, afin de refinancer le capital restant dû au titre du contrat de prêt de 2008 n°2.
Ce contrat de prêt de 2011, remboursable sur une période de 22 ans porte intérêt :
pendant une première phase du 1er décembre 2011 inclus au 1er décembre 2013 exclu au taux de 4,37% l'an,
une seconde phase du 1er décembre 2013 inclus au 1er décembre 2029 exclu à un taux variable déterminé de manière post-fixée, selon les modalités suivantes :
* si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an est supérieure ou égale à 0,30%, le taux applicable pour la période d'intérêts écoulée est de 3,55%,
* si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an est inférieure à 0,30%, le taux applicable pour la période d'intérêts écoulée est de 7,65% moins 5 fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an,
une troisième phase de 4 an du 1er décembre 2029 inclus au 1er décembre 2033 exclu au taux de 3,55% l'an.
Les contrats de prêt 2008 n°1 et 2011 sont l'objet du présent litige.
Par acte d'huissier délivré le 30 juillet 2013, la commune de [Localité 10] a fait assigner la société Dexia devant le tribunal de grande instance de Nanterre, se plaignant de manquements de la banque à ses obligations légales, elle demandait au tribunal :
S'agissant du TEG :
de constater l'omission du TEG dans la «'confirmation'» constatant le contrat n°MIN261977EUR/0278560,
de constater l'omission du TEG dans la «'confirmation'» constatant le contrat n°MPH276089EUR/0295052,
de constater que le TEG indiqué à titre d'exemple à l'article 19 du «'contrat'» n°MIN261977EUR/0278560 est erroné, en ce qu'il ne reflète pas le coût réel de l'opération,
de constater que le TEG indiqué à titre d'exemple à l'article 12 du «'contrat'» n° MPH276089EUR/0295052 est erroné, en ce qu'il ne reflète pas le coût réel de l'opération,
de constater que les taux d'intérêt des contrats n°MIN261977EUR/0278560, n° MPH276089EUR/0295052 sont déterminés sur la base d'une année de 360 jours, et non sur la base de l'année civile,
S'agissant du pouvoir et de la capacité de la commune :
de constater que la commune n'avait ni la capacité ni le pouvoir de conclure le contrat n° MPH276089EUR/0295052, en ce qu'il constitue une convention spéculative,
de constater que le contrat n° MPH276089EUR/0295052 est contraire à des lois qui intéressent l'ordre public,
de constater que le contrat n°MPH276089EUR/0295052 présente une cause et un objet illicite,
S'agissant des man'uvres dolosives de la société Dexia Crédit Local et de l'erreur de la commune:
de constater que les man'uvres et réticences de la société Dexia Crédit Local sont constitutives d'un dol ayant vicié le consentement de la commune lors de la conclusion des contrats n°MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052,
de constater que des manquements de la société Dexia Crédit Local est résultée une erreur ayant viciée le consentement de la commune lors de la conclusion du contrat n° MPH276089EUR/0295052, en ce qu'il constitue une convention spéculative,
S'agissant des manquements de la société Dexia Crédit Local,
de constater que la société Dexia Credit Local a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde envers la commune,
de constater que la société Dexia Crédit Local a agi de manière déloyale envers la commune, tant dans la phase de formation des contrats n° MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052, que dans celle de leur exécution,
de constater que la société Dexia Crédit Local a violé les règles de bonne conduite énoncées aux articles L 533-11 et suivants du code monétaire et financier,
En conséquence, à titre principal,
d'écarter l'application de la loi n°2014-844 du 29 juillet 2014,
de prononcer la nullité des taux d'intérêt stipulés aux contrats n°MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052,
de prononcer l'application du taux d'intérêt légal pour toute la durée des contrats n°MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052,
de condamner, en conséquence, la société Dexia Crédit Local au remboursement des intérêts perçus par elle en excès du taux d'intérêt légal,
A titre subsidiaire,
de prononcer l'annulation des contrats n°MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052,
A titre très subsidiaire,
de prononcer la résiliation des contrats n°MIN261977EUR/0278560 et n°MPH276089EUR/0295052,
En tout état de cause,
de condamner la société Dexia Crédit Local à payer à la commune une somme de 5.546.990,06 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire,
d'assortir cette condamnation de l'intérêt au taux légal à compter de la date signification de l'assignation,
d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
de condamner la société Dexia Crédit Local à verser à la commune la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamner la société Dexia Crédit Local aux entiers dépens,
d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a:
annulé la stipulation conventionnelle d'intérêts du contrat de prêt référencé n°MIN261977EUR (contrat de prêt 2008 n°1),
dit que la société Dexia Crédit Local devra substituer aux taux conventionnel le taux légal depuis la conclusion du contrat de prêt, ce taux subissant les modifications successives que la loi lui apporte,
dit que la société Dexia Crédit Local devra restituer à la commune de [Localité 10] les intérêts trop perçus,
condamné la société Dexia Crédit Local à payer à la commune [Localité 10] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné la société Dexia Crédit Local aux dépens.
Par déclaration en date du 11 août 2017, la société Dexia Crédit Local a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions transmises le 25 mars 2019, elle demande à la cour :
de recevoir la société Dexia Crédit Local en son appel et l'y dire bien fondée,
Par ailleurs, en premier lieu et à titre principal,
de dire et juger que l'obligation de mentionner le taux effectif global (TEG) dans les contrats de prêts consentis aux professionnels et que la sanction de nullité prévue en droit français constituent chacune une entrave aux libertés de circulation protégées par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
A titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas directement droit à la demande de la société Dexia Crédit Local :
de poser une question préjudicielle à la cour de justice de l'union européenne ayant pour objet de déterminer si l'obligation de mentionner un TEG dans les contrats entre un établissement de crédit et un professionnel constitue une entrave à la liberté d'établissement, à la libre prestation des services et à la liber circulation des capitaux,
de surseoir en conséquence à statuer en application de l'article 378 du code de procédure civile,
de dire et juger que le fax de confirmation du 5 août 2008 ne constitue par un «'écrit constatant un contrat de prêt'» au sens des articles L 313-2 (ancien) du code de la consommation et L 313-4 du code monétaire et financier et que la société Dexia Crédit Local a respecté la réglementation applicable en matière de taux effectif global, celui-ci étant mentionné dans le contrat de prêt n°MIN261977EUR émis le 22 août 2008,
En toute hypothèse, quelle que soit la qualification donnée au fax de confirmation du 5 août 2008 au regard des dispositions susvisées du code de la consommation et du code monétaire et financier:
de dire et juger que le contrat de prêt numéroté MIN261977EUR du 22 août 2008 est le seul acte juridique constatant le prêt en vigueur entre les parties,
de dire et juger que la conclusion du contrat de prêt numéroté MIN261977EUR du 22 août 2008, intervenue postérieurement à la signature du fax de confirmation du 5 août 2008, prive de tout fondement l'action en nullité de la stipulation du taux d'intérêt engagée par la ville de [Localité 10],
En conséquence,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* annulé la stipulation conventionnelle d'intérêts du contrat de prêt numéroté MIN261977EUR,
* décidé que le taux légal devait être substitué aux taux d'intérêt conventionnel depuis la conclusion du contrat de prêt numéro MIN261977EUR, et
* condamné la société Dexia Crédit Local à restituer à la ville de [Localité 10] les intérêts trop perçus,
de condamner la ville de [Localité 10] à restitue à la société Dexia Crédit Local l'intégralié des sommes reçues pour la ville en exécution du jugement susvisé avec intérêts et capitalisation ainsi qu'à payer la somme correspondant à l'exécution du contrat de prêt MIN261977EUR selon la formule contractuelle avec intérêts et capitalisation,
En deuxième lieu et à titre subsidiaire, si la cour considérait que le TEG devait être mentionné dans le fax de confirmation du 5 août 2008 et que la conclusion du contrat de prêt numéroté MIN261977EUR n'a produit aucun effet :
de dire et juger que la sanction de l'absence de mention du TEG est contraire au principe de proportionnalité prévu en droit européen et qu'une telle sanction constitue une entrave à la liberté d'établissement, à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux,
A titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas directement droit à la demande de la société Dexia Crédit Local,
de poser une question préjudicielle à la cour de justice de l'union européenne ayant pour objet de déterminer si la sanction de la nullité de la clause d'intérêts conventionnels pour défaut de mention du TEG constitue une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement, à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux,
de surseoir en conséquence à statuer en application de l'article 378 du code de procédure civile,
de dire et juger que cette absence du TEG dans le fax de confirmation ne saurait justifier l'application du taux d'intérêt légal au lieu et place du taux d'intérêt contractuel, une telle sanction étant injustifiée, infondée et disproportionnée,
En conséquence,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause d'intérêts conventionnels et condamné la société Dexia Crédit Local à restituer à la ville de [Localité 10] les intérêts trop perçus,
de condamner la société Dexia Crédit Local uniquement à supporter la différence, pour le contrat de prêt numéro MIN261977EUR, entre le TEG qui y est mentionné et le taux d'intérêt conventionnel prévu audit contrat de prêt, et à verser en tant que de besoin, le montant correspondant à la ville de [Localité 10],
de condamner la ville de [Localité 10] à restituer à la société Dexia Crédit Local l'intégralité des sommes reçues par la ville en exécution du jugement avec intérêts et capitalisation et à payer à la société Dexia Crédit Local tant sur les échéances échues que sur celles à échoir les intérêts calculés conformément au taux conventionnel avec intérêts et capitalisation,
d'autoriser les parties à pratiquer la compensation entre les sommes dues,
En toute hypothèse,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Dexia Crédit Local à payer à la ville de [Localité 10] la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour le surplus,
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions favorables à la société Dexia Crédit Local, notamment en ce qu'il a :
* rejeté la demande de nullité de stipulation d'intérêts du contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011, au motif qu'elle est validée par application de la loi n°2014-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêt structurés souscrits par les personnes morales de droit public,
* rejeté les demandes de la ville relatives à la nullité du contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011 en raison de sa prétendue illicéité,
* décidé que le calcul du taux conventionnel sur la base d'une année «'bancaire'» de 360 jours était valable,
* rejeté les demandes de la ville fondées sur la prétendue absence de mention du taux et de la durée de période dans le contrat de prêt n°MIN261977EUR émis le 22 août 2008 et le contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011,
* rejeté l'ensemble des demandes de la ville relatives à la nullité en raison d'un dol et d'une erreur allégués relativement au contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011,
* rejeté la demande de la ville tendant à la résiliation du contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011,
* rejeté la demande de la ville de dommages et intérêts en raison de prétendus manquements par la société Dexia Crédit Local aux obligations pesant sur les prestataires de services d'investissement et aux obligations du banquier prêteur,
de rejeter les demandes de la ville concernant l'inconventionnalité de la loi n°2014-844 du 29 juillet 2014,
de rejeter la demande de la ville selon laquelle le tribunal aurait dû relever d'office le prétendu caractère abusif de la stipulation d'intérêt du contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011, afin de déclarer la stipulation «'non écrite'», dès lors que cette demande est nouvelle en appel donc irrecevable en tout état de cause infondée,
de rejeter la demande de la ville de voir prononcer la nullité du contrat de prêt n°MPH276089EUR émis le 9 août 2011,
En tout état de cause,
de condamner la ville de [Localité 10] à verser à la société Dexia Crédit Local la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamner la ville aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions au fond transmises le 19 mars 2019, la commune de [Localité 10] demande à la cour :
de recevoir la ville en son appel incident et de l'y déclarer bien fondée,
En conséquence,
de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accueilli la demande de la ville de voir prononcer la nullité du taux d'intérêt stipulé au contrat Corialys n°MIN261977EUR,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la ville de sa demande de voir prononcer la nullité du taux d'intérêt stipulé au contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a omis d'examiner le caractère abusif de la stipulation d'intérêt du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la ville de sa demande de voir prononcer la nullité du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la ville de sa demande de voir prononcer la résiliation du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la ville de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau et réformant de ces chefs de jugement dont appel, à titre principal, s'agissant des contrats Corialys n°MIN261977EUR et Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'annuler les taux d'intérêt stipulés aux contrats Corialys n°MIN261977EUR et Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
En conséquence,
de prononcer l'application du taux d'intérêt légal pour toute la durée des contrats,
En conséquence,
d'ordonner le remboursement par la société Dexia Crédit Local à la ville des intérêts perçus par elle en excès du taux d'intérêt légal,
A titre subsidiaire, s'agissant du seul contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
de déclarer non écrite, la stipulation d'intérêts du contrat Tofixms 2011 n°PMH261958 à raison de son caractère abusif,
à défaut, de déclarer non écrite, l'indexation sur le différentiel des taux CMS € 30 ans et CMS € 1 an du taux du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
En conséquence,
de condamner la société Dexia Crédit Local à rembourser à la ville de [Localité 10] les intérêts perçues par elles,
à défaut, de condamner la société Dexia Crédit Local à rembourser à la ville de [Localité 10] les intérêts perçus par elles au-delà du taux de 3,55%,
de déclarer non écrite, la clause se rapportant au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
de dire en conséquence que la ville de [Localité 10] pourra résilier le contrat Tofixms 2011 n°MPH261958 sans verser d'indemnité à la société Dexia Crédit Local,
A titre encore plus subsidiaire, s'agissant du seul contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
d'annuler le contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
A titre encore plus subsidiaire, s'agissant du seul contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
de prononcer la résiliation du contrat Tofixms 2011 n°MPH261958EUR,
En tout état de cause,
de condamner la société Dexia Crédit Local à verser à la ville la somme de 5.546.990,06 euros, à parfaire, au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,
de condamner la société Dexia Crédit Local à verser à la ville la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamner la société Dexia Crédit Local aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mars 2019.
Par conclusions d'incident du 29 mars 2019, la commune de [Localité 10] demande à la cour de :
-révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 26 mars 2019.
-renvoyer la cause et les parties devant le Conseiller de la mise en état.
-dire que les dépens du présent incident suivront le sort des dépens au fond.
Elle fait valoir que la SA DEXIA a signifié des conclusions récapitulatives le 25 mars 2019 et communiqué 7 nouvelles pièces.
Par conclusions en réponse à incident en date du 5 avril 2019 la société DEXIA s' oppose à la révocation de l'ordonnance de clôture .
Elle fait valoir que la Ville a signifié le mercredi 19 mars 2019 en fin de journée des conclusions récapitulatives n°3, obligeant Dexia Crédit Local à préparer et finaliser des écritures récapitulatives dans un délai très court, ce qui explique que les conclusions de Dexia Crédit Local aient signifiées le lundi 25 mars 2019 à 17h pour une clôture a été prononcée le mardi 26 mars 2019.
La cour a joint l'incident au fond .
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «'dire et juger'» et les 'constater' ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points mais seulement d'examiner les dits moyens.
Sur l'incident de révocation de clôture
L'article 783 du code de procédure civile dispose qu' « après l'ordonnance de clôture, aucune
conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité
prononcée d'office » (alinéa 1 er ), à l'exception des « demandes de révocation de l'ordonnance
de clôture » (alinéa 2).
Aux termes de l'article 784 du même code, une demande de révocation est accueillie et
l'ordonnance de clôture révoquée dès lors qu'il « se révèle une cause grave depuis qu'elle a été
rendue ».
La SA Dexia Crédit Local a signifié ses conclusions d'appel le 10 novembre 2017, auxquelles la commune de [Localité 10] a répondu par des conclusions d'intimée et d'appel incident du 10 janvier 2018.
La date de la clôture a été fixée au mardi 26 février 2019 et la date des plaidoirie au mercredi a
été fixée 10 avril.
Les parties ayant complété leurs écritures par des conclusions récapitulatives du 22 février 2019,
le conseiller de la mise en état a informé les parties, par un message RPVA, la clôture de l'instruction était reportée au mardi 26 mars 2019, l'audience de plaidoiries étant maintenue à la date du mercredi 10 avril 2019.
La commune de [Localité 10] a signifié le mercredi 19 mars 2019 en fin de journée des conclusions récapitulatives n° 3 et la SA Dexia Crédit Local a signifié ses conclusions en réponse dans ce court délai avant clôture le lundi 25 mars 2019 à 17h.
La clôture a été prononcée le mardi 26 mars 2019.
Par ces dernières écritures, la SA Dexia Crédit Local répond aux conclusions récapitulatives déposées par la ville le 19 mars 2019 ; aucun des éléments évoqués par Dexia Crédit Local dans ses dernières écritures n'était inconnu de la Ville à la date de la clôture et s'agissant des pièces nouvelles versées aux débats, certaines d'entre elles déjà produites par la ville à l'appui de ses propres écritures ou retracent des délibérations du conseil municipal de la Ville publiquement disponibles.
Aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile précité ne justifie donc la révocation de l'ordonnance de clôture .
Sur la nullité de la stipulation d'intérêts dans le contrat de prêt de 2008 N°1
Le tribunal a fait droit aux demandes de la Ville concernant le Contrat de Prêt 2008 n° 1, qui est un prêt à taux fixe ,jugeant que le TEG aurait dû figurer dans le Fax du 5 août 2008, au motif que ce document constituait un « écrit constatant un prêt » et qu'en application de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, le TEG devait être mentionné dans ce Fax.
La SA Dexia demande l'infirmation du jugement sur ce point, faisant valoir :
-d'une part que la commune est un professionnel et que la réglementation en matière de TEG, telle qu'elle découle du code monétaire et financier et qui impose l'obligation de mention du TEG aux prêts consentis à des professionnels, porte atteinte à la fois à la liberté d'établissement, à la libre prestation de service et à la libre circulation des capitaux,
-d'autre part que si la formulation de l'article L. 313-2 (ancien) du code de la consommation, reprise à l'article L. 313-4 (ancien) du code monétaire et financier, prévoyait que le TEG devait être mentionné dans tout « écrit constatant un contrat de prêt », le Fax de 2008 est un simple acte préparatoire qui ne contient pas les « caractéristiques essentielles du prêt », ne constitue pas un écrit constatant un contrat de prêt, puisqu'il n'en a pas les caractéristiques, les parties n'ayant par ailleurs jamais eu l'intention de lui prêter une telle qualification,
-enfin que, l'omission du TEG dans le Fax de 2008 a fait l'objet d'une confirmation par la signature du Contrat de Prêt 2008 n°1 de sorte que le vice de l'absence de TEG dans le Fax de 2008 a fait l'objet d'une réfection.
S'il peut être admis que le contrat était parfait dès l'acceptation de la télécopie, car celle-ci contenait l'ensemble des éléments nécessaires à l'expression de son consentement par la commune, et si le contrat de prêt subséquent ne peut en constituer la confirmation, car les conditions de validité de celle-ci n'étaient pas réunies puisque l'acte confirmatif doit mentionner, au terme de l'article 1338 ancien du code civil , la substance de l'obligation confirmée, la cause de la nullité et l'intention de réparer le vice de l'acte que constitue l'absence de mention du TEG, il n'en demeure pas moins que le contrat de prêt subséquent a sa propre existence juridique, en tant que «'réitération'» de la télécopie et que, sans remplacer rétroactivement le premier acte nul, il se substitue à celui-ci et produit ses effets notamment en ce qu'il contient de nombreuses stipulations venant compléter les éléments essentiels contenus dans le premier fax.
Or le Contrat de Prêt 2008 n°1, qui a sa propre existence juridique et produit ses effets entre les parties, dans son article 19 « Taux effectif global », fait bien état du TEG.
Ce second acte, qui résulte d'un nouvel échange de consentements des parties faisant suite à un précédent échange de consentements liant les parties par un contrat de nature juridique identique, en ce qu'il contient les mentions légales absentes du premier acte, exclue tout intérêt de la Commune emprunteur à agir en nullité du premier acte que constitue la télécopie.
Il y a donc lieu, infirmant sur ce pont le jugement, d'écarter toute contestation tenant à l'absence du TEG dans le Fax de 2008 eu égard à la signature du Contrat de Prêt 2008 n°1 puis à son exécution par la Ville pendant plusieurs années.
S'agissant de la communication de la durée de période était, à la date des faits en cause, prévue à l'article R. 313-1 (ancien) du code de la consommation dont le 3° d excluait notamment, du champ d'application des dispositions du chapitre concernant les crédits à la consommation : «Ceux qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public ».
Etaient donc exclues l'exigence de communication du taux de période, et, a fortiori, de la durée de période.
Le moyen sera écarté.
Sur la nullité de la stipulation d'intérêts dans le contrat de prêt de 2011
Pour ce contrat dit «'structuré'», la Commune invoqué la nullité des taux d'intérêt contractuels du contrat de prêt de 2011 en raison de ce que le TEG n'était pas mentionné dans la télécopie ayant précédé la conclusion de ce contrat, et l'absence de mention du taux et de la durée de période, la SA Dexia, comme l'a fait le tribunal, oppose à cette demande la loi n° 2014-844 , promulguée le 29 juillet 2014, relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, déclarée conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014.
Selon la commune de [Localité 10], la cour doit écarter l'application de cette loi dont les articles 1à 3 sont selon elle contraires aux articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du premier Protocole additionnel de la convention.
Mais une personne morale de droit public ne pouvant être considérée comme une organisation non gouvernementale au sens de l'article 34 de la CEDH, ne peut saisir cette instance, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou du Protocole additionnel et ce quelle que soit la nature du litige, cette dernière ne modifiant en rien sa qualité.
Il est rappelé que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 juillet 2014, a reconnu la conformité de la Loi aux exigences constitutionnelles applicables aux lois de validation telles que ces dernières découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, prenant le soin de vérifier l'existence d'un "motif impérieux d'intérêt général" (dont il n'appartient pas à la juridiction saisie d'apprécier la réalité économique) justifiant l'adoption d'une loi de validation rétroactive.
Il s'ensuit que le moyen tiré de l'aide d'Etat illicite que constituerait la loi et de l'incompatibilité avec les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention est écarté.
En conséquence et du fait de son intervention rétroactive il convient de faire application à l'espèce des dispositions de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014.
Il n'est pas contesté ni contestable, qu'en application de l'article 1er de cette loi, l'absence de mention du TEG n'est pas une cause de nullité de la clause de stipulation d'intérêts figurant dans un contrat de prêt souscrit par une commune.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts contenue au prêt de 2011.
Sur le recours à l'année lombarde
La Commune conteste la validité du taux stipulé aux Contrats à raison de l'erreur commise dans leur calcul.
La Commune agissant cependant en l'espèce dans le cadre de son activité de financement de ses investissements exerce ainsi une activité professionnelle non commerciale et les intérêts conventionnels peuvent donc librement être calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours pour les prêts octroyés aux collectivités locales qui ne sont pas un consommateur ou un emprunteur non professionnel, dès lors que, si le TEG doit être calculé sur la base de l'année civile, rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base que l'année civile.
En conséquence, doit être jetée la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts fondée sur l'utilisation de l'année de 360 jours dite année lombarde tant pour le prêt de 2008 que pour celui de 2011, le jugement étant confirmé pour ce second contrat.
Sur la nullité du contrat de prêt de 2011 en raison de sa nature
La commune de [Localité 10] affirme que le contrat contient des options incorporées et est une opération à terme, et subsidiairement, que l'emprunt en cause est un instrument hybride, composé d'un contrat hôte, le contrat de prêt, et de produits dérivés incorporés de nature optionnelle.
La SA Dexia soutient, au contraire, que les prêts litigieux ne sont ni des instruments financiers ni des contrats spéculatifs.
En effet, selon elle, seuls les produits ou contrats figurant à l'article L 321-1 du code monétaire et financier peuvent recevoir la qualification d'instruments financiers et que les contrats de prêts dits 'structurés' n'en font pas partie.
Elle ajoute que les contrats de prêts ne comportent pas de vente d'option et que l'élément conditionnel figurant dans la formule du taux d'intérêt de la deuxième phase du prêt n'est que l'expression mathématique des conditions de variation du taux d'intérêt et soutiennent en conséquence que les contrats ne confèrent nullement au prêteur le droit potestatif d'exercer ou non
son option à terme. Chacune des parties aux contrats de prêt est définitivement engagée dès la conclusion du contrat et ce sans qu'aucune manifestation de volonté soit requise de leur part.
Elle affirme que les modalités d'indexation des crédits à taux variable relèvent de la liberté contractuelle et n'affectent pas la nature des prêts litigieux.
Elle soutient encore que les contrats de prêts ne sont pas des contrats spéculatifs dans la mesure où la ville n'a jamais cherché un gain déconnecté d'un financement mais qu'elle a simplement souhaité re-financer des dépenses d'investissement par recours à l'emprunt en cherchant à optimiser son taux d'intérêt et que l'aléa inhérent à un taux variable d'emprunt ne confère pas un caractère spéculatif à l'opération.
Les contrats de prêt octroyés par un établissement bancaire appartiennent à la famille des opérations de crédit, régies par les articles L. 313-1 et suivants du code monétaire et financier.
Les instruments financiers sont visés aux articles L. 211-1 et D. 211-1 A du code monétaire et financier et relèvent des services d'investissement limitativement énumérés à l'article L. 321-1 dudit code.
Alors que la spéculation est la situation dans laquelle une personne met ses ressources en péril dans l'unique dessein de s'enrichir, la conclusion des contrats litigieux avait au contraire pour finalité de procurer à la Ville des ressources, non pas dans un but d' enrichissement, mais pour financer ou refinancer ses investissements par recours à l'emprunt de la manière qu'il jugeait optimale en termes de taux d'intérêt.
Les contrats de prêt dits « structurés » appellent l'utilisation de mécanismes destinés à fixer, en
fonction des conditions de marché, le taux d'intérêt applicable, mais demeurent néanmoins destinés à offrir une solution de financement à un client emprunteur dont l'obligation essentielle demeure celle de restituer les fonds prêtés, et en cela, contrairement à ce qu'affirme la Ville les contrats de prêt litigieux traduisent une opération économique unique .
Le prêt, même assorti d'une clause d'indexation complexe, qui relève de la liberté contractuelle, demeure une opération de crédit et ne peut être vu comme un "produit d'investissement', peu important que cette clause soit liée à l'évolution du change.
Si le contrat de prêt litigieux comporte un aléa, il ne constitue pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement.
Enfin, le contrat de prêt litigieux ne présente aucun caractère optionnel dans la mesure où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion des contrats et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible.
La présence d'une condition déterminant le calcul du taux dans la phase structurée, matérialisée par la locution « si », ne caractérise aucunement l'existence, dans le contrat de prêt, d'une option de vente, mais fixe simplement un seuil au-delà duquel le taux d'intérêt applicable à la phase en question ne sera pas le taux fixe de référence mais la formule prévue au contrat et pose une condition, liée à la survenance d'un événement futur, incertain et extérieur à la volonté des parties.
La demande de nullité du contrat pour son prétendu caractère illicite sera donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point. .
Sur la nullité du contrat de prêt de 2011 pour défaut de pouvoir de la commune
La Commune affirme que le maire n'avait pas compétence pour signer les prêts litigieux, la délégation qui lui a été consentie par le conseil municipal ne pouvant lui conférer la possibilité de signer des emprunts structurés de nature spéculative et donc illicite.
Elle se prévaut de la circulaire du 4 avril 2003 relative aux régimes des délégations de compétences en matière d'emprunt, de trésorerie et d'instruments financiers selon laquelle les délégations trop larges qui ne fixent pas de limites au champ des pouvoirs délégués peuvent être sanctionnées par le juge administratif et fait valoir qu'en l'espèce, la délibération du 5 juillet 2012 portant délégation de compétence au Maire ne reprend pas toutes les caractéristiques prévues à la circulaire du 4 avril 2003 puisque ne sont pas indiqués : le montant de l'emprunt,- le taux effectif global, la durée maximale de l'emprunt, le type d'amortissement et la possibilité de procéder à un différé d'amortissement, les index pouvant être retenus comme référence de taux d'intérêt et d'une manière générale les conditions de taux, la possibilité de recourir à des opérations particulières, comme des emprunts obligataires ou des emprunts en devises, la faculté de procéder à des tirages échelonnés dans le temps, à des remboursements anticipés et/ou consolidation.
Elle se prévaut également de l'article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles les délégations données par le conseil municipal au maire de la commune doivent, selon elle, être strictement délimitées et suffisamment précises, notamment en reprenant les conditions financières du prêt en faisant valoir que , agissant par délégation, le maire peut, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus, recourir à des emprunts, réaliser des opérations de couverture des risques de taux et de change, mais n'a aucune faculté pour conclure sur délégation des emprunts structurés de nature spéculative.
Elle se prévaut enfin de la circulaire du 15 septembre 1992 relative aux instruments de couverture du risque de taux d'intérêt offerts aux collectivités locales et aux établissements publics locaux qui restreindrait, selon elle, la faculté pour une collectivité de choisir une formule de taux dite "structurée".
La SA Dexia répond que le contrat n'est pas une opération spéculative, qu'il a été conclu dans le cadre de la politique de gestion de dette de la Ville afin de refinancer des contrats de prêt antérieurs, plus particulièrement le Contrat de Prêt 2008 n° 1, et de financer de nouveaux investissements, ce qui répond à un objectif d'intérêt général, et que le contrat de prêt 2011 a été valablement signé par l'adjoint au Maire chargé des finances et des affaires locatives, M. [U] [G], qui disposait des pouvoirs lui permettant de représenter et d'engager valablement la Ville lors de la conclusion du Contrat de Prêt 2011.
La circulaire du 15 septembre 1992, qui rappelle que les collectivités et établissements publics locaux doivent rechercher l'intérêt général et non la réalisation d'opérations à caractère spéculatif, ne pose pas le principe de l'interdiction de conclure des contrats présentant un caractère spéculatif, ceux-ci pouvant être librement conclus à la condition qu'ils ne le soient pas dans un but spéculatif mais dans l'intérêt général de la collectivité et une circulaire administrative n'a en tout état de cause aucune valeur normative devant les juridictions de l'ordre judiciaire.
Cette circulaire, qui n'est qu'une simple interprétation de la loi du 2 mars 1982 ne vise d'ailleurs que les instruments financiers de couverture souscrits par les collectivités et non les emprunts dits "structurés".
En l'espèce, le Contrat Tofixms 2011 a été conclu par le Maire de la Ville en application d'une délégation accordée par une délibération du conseil municipal du 23 avril 2009.
Cette délibération donne délégation au Maire de [Localité 10] pour procéder à la réalisation des
emprunts et aux opérations financières utiles à leur gestion y compris les opérations de couverture de risques de taux et de change et de passer à cet effet les actes nécessaires.
Elle précise que les contrats de prêt peuvent comporter un ou plusieurs des caractéristiques ci-après :
- la faculté d'opter parmi plusieurs taux d'intérêt différents et de modifier le choix initial
pendant la période d'amortissement ;
- la possibilité de modifier la périodicité, le profil de remboursement et la durée du prêt, de
procéder à des remboursements anticipés à des différés d'amortissement
- la faculté de procéder à des tirages échelonnées dans le temps avec possibilité de
remboursement anticipé et /ou de consolidation.
- de conclure tout avenant destiné à introduire dans le contrat initial une ou plusieurs
caractéristiques énoncées ci-dessus.
En application de la délibération n° 153/2009 du 23 avril 2009, le maire de la Ville a, le 29 juin
2011, pris une décision n° 26/11 qui :
- rappelle les dispositions du Code général des collectivités territoriales, la
délibération du conseil municipal n° 153/2009 du 23 avril 2009 et le capital du prêt
réaménagé ;
- indique le taux d'intérêt applicable à la prochaine échéance prévue, ainsi que le montant
des indemnités de remboursement anticipé ;
- détaille les principales caractéristiques de la proposition de refinancement (montant,
durée, périodicité, date d'effet, remboursement anticipé, taux d'intérêt, ') ;
- délègue à Monsieur [U] [G], adjoint en charge des finances, en application de
l'article L. 2122-23 du CGCT précité, le pouvoir de traiter par téléphone avec la salle
des marchés de Dexia Crédit Local, de signer le fax de confirmation et de signer
le contrat de prêt.
Puis, conformément à l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales, le maire de la Ville a informé le conseil municipal de sa décision 26/11 lors de la réunion du conseil municipal du 28 juillet 2011 .
Il a été démontré ci dessus que le contrat n'avait pas un caractère spéculatif et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande .
Sur la nullité du contrat de prêt de 2011pour dol et erreur de la commune
La Commune soutient que son consentement aurait été vicié sur le fondement du dol et de l'erreur.
Elle soutient qu'elle n'était pas un emprunteur averti , et se prévaut de «'mensonges et réticences'» de la SA Dexia qui lui aurait caché la véritable nature du contrat, les risques encourus et le TEG, lui aurait fait croire que le taux resterait stable sur toute la durée et l'aurait trompée sur le sort de l'indemnité de remboursement anticipé (IRA).
La SA Dexia , répond que la Commune est emprunteur averti, que la loi et la jurisprudence reconnaissent aux collectivités publiques le caractère averti et que la Commune de [Localité 10] avait de l'expérience et des compétences dans le domaine de ces emprunts.
Elle soutient que la Commune ne démontre pas l'existence des éléments constitutifs de dol , qu'il n'y a eu aucune dissimulation volontaire d'informations de se part, que les graphiques remis dans les documents de présentation donnaient les informations nécessaires à la Ville et que les probabilités d'augmentation significative et durable du franc suisse par rapport à l'euro étaient très faibles à la signature du contrat de prêt.
Elle fait valoir qu'aucune information susceptible de provoquer une erreur déterminante n'aurait été dissimulée à la Commune qui a reçu une information complète concernant les stipulations d'intérêts et sur le mécanisme de résiliation anticipée des prêts litigieux ainsi que sur le montant de l'indemnité de résiliation anticipée corrélative, qu'aucun élément trompeur ne lui aurait été communiqué.
Etant observé que la commune de [Localité 10] a régulièrement fait appel à l'emprunt pour financer ses dépenses d'investissement, que l'encours de dette de la commune s'élevait à 8,4 millions d'euros au 31 décembre 2006), à 12,09 millions d'euros fin 2008 et à 15,94 millions d'euros au 31 décembre 201, c'est par de justes motifs, que la cour reprend à son compte, qu'au visa des articles 1109 ancien du code civil selon lequel il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol et 1116 du code civil selon lequel le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, le tribunal a retenu, par un examen in concreto , que la commune de [Localité 10] était un emprunteur averti et que son consentement n'avait été vicié ni par le dol faute de démonstration de l'intention dolosive de la SA Dexia, ni par l'erreur eu égard à toutes les informations préalables qui lui avaient été procurées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande .
Sur la demande d'annulation ou de résiliation du contrat Tofixms n°MPH261958EUR
La Commune soutient que la SA Dexia a effet manqué à ses obligations précontractuelles et contractuelles, entendant se prévaloir à l'encontre de la banque du régime propre aux
prestataires de services d'investissement.
La SA Dexia répond que le régime des obligations applicables aux prestataires de services
d'investissement ne s'applique pas à la conclusion du contrat de prêt de 2011 et que les seules obligations qui pesaient sur elle à ce titre sont celles que la jurisprudence impose au banquier dispensateur de crédit à l'égard d'un emprunteur averti comme l'était la commune .
Aucun fondement juridique n'est invoqué à l'appui de la demande d'annulation du contrat qui se confond avec les moyens de nullité ci dessus évoqués et rejetés .
Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa version alors applicable, un contrat peut être résolu ou résilié judiciairement en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle .
Dès lors que la cour a retenu que la commune était un emprunteur averti et que le contrat n'était pas un instrument financier entrant pas dans le champ d'application de l'article L.211-1 du code monétaire et financier, les dispositions des articles L533-11 et suivants du code monétaire et financier relatives aux obligations des prestataires de services d'investissement ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce .
Ainsi que l'a retenu le tribunal, les prétendus manquements de la SA Dexia dans le cadre de ses obligations précontractuelles, ne peuvent fonder une demande de résiliation du contrat .
En tout état de cause, s'agissant des obligations de la banque en qualité de dispensateur de crédit, dès lors qu'il a été dit supra que la commune de [Localité 10] était un emprunteur averti, la banque n'était pas tenue à son égard d' une obligation de conseil non prévue contractuellement, ni d'un devoir de mise en garde, étant par ailleurs souligné que la commune ne prétend pas que les prêts litigieux comportaient un risque manifeste d'endettement excessif de la ville ou de difficulté pour cette dernière à faire face à ses obligations de remboursement ni que la banque aurait eu sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations que celles-ci ignorait.
La banque avait pour seule obligation, comme tout dispensateur de crédit, d'informer complètement la Commune sur les caractéristiques des prêts, afin d'éclairer sa décision.
A cet égard, la société Dexia établit avoir remis à la Commune des documents précis comportant les formules de calcul des intérêts, qui, pour être complexes, n'en étaient pas moins compréhensibles pour un emprunteur averti.
Sur le caractère abusif de la stipulation d'intérêts et de la clause de remboursement anticipé dans contrat Tofixms n°MPH261958EUR
La Commune soutient que le Tribunal aurait dû relever d'office le prétendu caractère abusif de la stipulation d'intérêt du Contrat de Prêt 2011 et de la clause de remboursement anticipé, afin de les déclarer « non écrites », en application des articles L 132-1 et L 212-1 du code de la consommation.
L' intimé répond que cette demande et irrecevable en se qu'elle est présentée pour la première fois en cause d'appel et se heurte au délai de prescription de cinq ans , et en tout état de cause non fondée .
Selon l'article L 132-1 ancien al. 1 du code de la consommation . « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Le juge ayant obligation de relever d'office le caractère abusif d'une clause , le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 564 du code de procédure civile doit être écarté.
Par ailleurs, la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
La demande est donc recevable.
Cependant, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne s'appliquent que dans les rapports entre les professionnels et non professionnels ou consommateurs.
Or, en l'espèce, la qualité de consommateur ne peut être reconnue à la Commune qui est une personne morale .
Ne peut non plus lui être reconnue la qualité de non professionnel ' qui se distingue du caractère «'averti'» s'opposant aux obligations précontractuelles de la banque- puisque l'emprunt a été contracté pour la réalisation de ses investissements et relève de ses besoins en matière de travaux de fourniture et de services en rapport direct avec son activité , de sorte que bien que ne recherchant pas le profit, la Commune a agi a une fin professionnelle non commerciale, en dépit de la Charte Gissler qui concerne l'hypothèse où la collectivité conclut des instruments financiers à terme et dont les termes ne peuvent être étendus aux opérations de crédit
Les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation doivent donc être en l'espèce écartées.
S'agissant de l'argument de l'appelante selon laquelle la stipulation d'intérêt exclut la réciprocité de la variation du taux, il convient d'observer qu'il existe en réalité une condition suspensive qui peut se réaliser comme retomber de sorte qu'il est inexact de conclure que la stipulation d'intérêts ne peut varier qu'à la hausse .
En effet, la formule prévoit un taux fixe de base (3,55%) applicable à défaut de déclenchement de la condition suspensive. En cas de déclenchement de cette condition, l'indexation se trouve activée et elle s'applique à la hausse comme à la baisse du taux, tant que la condition suspensive reste déclenchée, c'est-à-dire quand et aussi longtemps que)la différence arithmétique entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an devient inférieure à 0,30%. . Dans une telle hypothèse, le montant du taux dépendra du montant de l'écart négatif (ou inférieur à 0,30%) entre les deux taux. Cet écart varie bien dans les deux sens, ce qui entraîne une hausse ou une baisse du taux d'intérêt. 334. Si, à l'inverse, la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 1 an redevient supérieure à 0,30%, alors l'indexation cesse d'être activée et le taux fixe de base (3,55%) s'applique à nouveau.
Il incombe donc de rejeter la demande tendant à voir déclarées non écrites la stipulation d'intérêts du contrat et la clause se rapportant au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé du contrat.
Sur la demande de dommages et intérêts
Parce que toutes les demandes de la Commune tendant à voir prononcer la nullité ou la résiliation des contrats sont rejetées, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société Dexia les sommes engagées par elle et non comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort,
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture';
INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a annulé la stipulation conventionnelle d'intérêts du contrat de prêt référencé n°MIN261977EUR (contrat de prêt 2008 n°1),dit que la société Dexia Crédit Local devra substituer aux taux conventionnel le taux légal depuis la conclusion du contrat de prêt, ce taux subissant les modifications successives que la loi lui apporte, dit que la société Dexia Crédit Local devra restituer à la commune de [Localité 10] les intérêts trop perçus ;
Y substituant,
Rejette la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts du contrat de prêt référencé n°MIN261977EUR (contrat de prêt 2008 n°1)';
CONFIRME la décision entreprise pour le surplus ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu de déclarer non écrites la stipulation d'intérêts du contrat, l'indexation du taux d'intérêt et la clause se rapportant au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé du contrat';
Condamne la commune de [Localité 10] à payer à la société Dexia Crédit Local la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la commune de [Localité 10] aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Mme COLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,