COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80F
6e chambre
ARRÊT N° 192
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUIN 2019
N° RG 18/02808
N° Portalis : DBV3-V-B7C-SPDV
AFFAIRE :
[V] [S]
C/
SASU ISOR
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
N° Section : Référé
N° RG : R18/00002
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 14 Juin 2019 à :
- Me Virgile AMAUDRIC DU CHAFFAUT
- Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 17 janvier 2019, puis prorogé au 04 avril 2019, au 23 mai 2019 et au 13 juin 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [V] [S]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 10] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Virgile AMAUDRIC DU CHAFFAUT, constitué/ plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
La SASU ISOR
N° SIRET : 339 447 534
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Agnès MONDON, avocate au barreau de LYON, substituant Me Hugues PELISSIER, plaidant, avocat au barreau de LYON ; et par Me Christophe DEBRAY, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Isor exerce son activité dans le domaine de la propreté et l'hygiène des locaux.
A la suite de l'autorisation de transfert donnée par l'inspection du travail, Mme [V] [S] intégrait la société Isor le 6 février 2012 dans le cadre d'une reprise de marché, son ancienneté étant fixée au 15 février 2002.
Embauchée initialement en qualité d'agent de services, elle exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe, échelon 3 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, sur le site Cofely GDF Philibert Delorme. Elle était par ailleurs représentante de section syndicale au sein de l'établissement de [Localité 9] de la société Isor.
Fin 2014, la société GDF décidait de fermer le site Cofely GDF Philibert Delorme. La société Isor formulait alors successivement huit propositions de postes à la salariée, qui les refusait toutes. La salariée demeurait donc sans affectation, tout en continuant à être rémunérée.
Le 14 décembre 2016, elle se voyait reconnaître la qualité de travailleur handicapé. Le médecin du travail, qui examinait la salariée à sa demande, préconisait un poste "proche de son domicile ou en ligne directe par les transports, sans déplacement sur plusieurs niveaux sauf si ascenseur, sans déplacement prolongé à pied, sans postures contraignantes du rachis, sans port de charges supérieures à 5 kg". Il mentionnait en outre la nécessité de revoir la salariée quand un poste lui serait attribué.
Estimant avoir subi de la part de son employeur des actes de harcèlement moral et de discrimination, à tout le moins de différence de traitement, Mme [S] saisissait le 4 janvier 2018 la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication par la société Isor d'un certain nombre de documents qu'elle estimait utiles au litige au fond à venir.
Par ordonnance du 14 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- rejeté la demande de communication de documents formulée par Mme [V] [S] au titre de l'article 145 du code de procédure civile,
- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [S],
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Isor au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les éventuels dépens à la charge de chacune des parties pour ce qui la concerne.
Le 27 juin 2018, Mme [S] a interjeté appel total de cette décision.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 3 octobre 2018, elle demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en ses conclusions,
- infirmer dans sa totalité l'ordonnance déférée rendue le 14 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,
Et, statuant à nouveau,
- ordonner à la société Isor la communication à Mme [S], sous une astreinte de 100 euros par document manquant et par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir :
1) Concernant les salariés suivants : M. [P] [K], Mme [H] [W], M. [F] [T], M. [O] [R], M. [M] [A], M. [N] [X], M. [I] [U], Mme [C] [B], M. [D] [Y], M. [Z], Mme [E], Mme [V] [J] :
- le cas échéant de leur six derniers bulletins de paie établis et transmis par leur ancien employeur à la société Isor dans le cadre de la reprise par cette dernière de leur contrat de travail conformément à l'article 7 - ex annexe 7- de la convention collective des entreprises de propreté, justifiant de leur rémunération avant leur reprise par la société Isor,
- de leurs six premiers et six derniers bulletins de paie établis par la société Isor, justifiant de leur rémunération de départ et actuelle par la société Isor,
- de leur contrat de travail initial, des éventuels avenants au contrat de travail qu'ils ont pu conclure, et des éventuels courriers d'affectation qu'ils ont pu recevoir de la société Isor, ou de tout justificatif de leur affectation effective, et ce afin de justifier de leur qualification initiale, de leur évolution de carrière et de leur lieu de travail effectif,
2) De la liste des salariés présents, avec mention de leur qualification exacte, sur chacun des chantiers sur lesquels la société Isor a cherché à muter Mme [S], à savoir:
- liste des salariés présents sur le site « Eicar » à [Localité 8] (93) au 02/01/2015,
- liste des salariés présents sur le site « Yxime Tour Europlazza » à [Localité 7] (92) au 26/01/2015,
- liste des salariés présents sur le site « Tishman Speyer Tour Esplanade » à [Localité 7] au 16/02/2015,
- liste des salariés présents sur le site « Défense Plaza » à [Localité 7] (92) au 15/06/2015,
- liste des salariés présents sur le site « DHL Express International » au [Localité 6] (93) au 21/03/2016,
- liste des salariés présents sur le site « Sogeres IME » à [Localité 5] (95) au 8/02/2017,
- liste des salariés présents sur le site « Cofely Engie Tour F1 » à [Localité 7] (92) avant le 17/08/2017,
- liste des salariés présents sur le site « Tour Montparnasse » à [Localité 11] au 24/10/2017,
3) De tout élément permettant de justifier et d'expliquer l'annulation de la procédure de licenciement initiée le 9 mars 2017 à rencontre de la demanderesse et la réponse de l'inspection du travail à la demande de la société Isor d'autorisation de licenciement de Mme [S] en date du 9 mai 2017,
- dire que la cour d'appel de Versailles se réservera la liquidation de l'astreinte,
- condamner la société Isor à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 2 août 2018, la société Isor demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 14 juin 2018,
- dire que Mme [S] ne justifie ni de la nécessité ni de la pertinence des documents dont il est demandé la communication,
- dire que Mme [S] ne justifie d'aucun motif légitime à demander la communication de documents,
- débouter Mme [S] de sa demande de production de documents sous astreinte et de sa demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile,
- la condamner à verser à la société Isor la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2018.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [S] envisage d'intenter une action au fond pour voir condamner son employeur pour harcèlement et discrimination syndicale, à tout le moins inégalité de traitement. A cette fin et en application de l'article 145 du code de procédure civile, elle demande à la cour d'ordonner à la société Isor de communiquer une série de documents qu'elle estime utiles à la manifestation de la vérité.
La société Isor s'oppose à cette demande et soutient que l'appelante échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un intérêt légitime à obtenir la communication de ces pièces ; qu'elle ne produit aucun élément objectif tendant à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ou de discrimination à raison de sa qualité de représentante syndicale.
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Le respect de la vie privée du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions dudit article 145, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Il appartient à Mme [S] de justifier d'un motif légitime et de l'utilité de la recherche ou de la conservation de preuves, étant rappelé que la mesure peut tendre également à l'établissement de ces preuves.
Sur la demande de communication de documents relatifs aux douze salariés visés par Mme [S]
Mme [S] soutient qu'elle est victime de discrimination, en particulier syndicale, et d'inégalité de traitement ; que son action tend à l'obtention des bulletins de paie, contrats de travail, avenants et éléments relatifs à l'affectation de douze salariés de l'entreprise, qui sont soit chefs d'équipe échelon 3 comme elle, soit agents de service ou agents de maîtrise, c'est-à-dire à des niveaux hiérarchiques inférieurs ou supérieurs proches du sien, et ce afin de justifier de leur qualification initiale, de leur évolution de carrière et de leur lieu de travail effectif. Elle fait ainsi état de ce que trois salariés au moins, chefs d'équipe échelon 3, ont un salaire supérieur au sien. Elle observe que sur les quatorze bulletins de paie produits par la société Isor, seuls deux laissent apparent le nom du salarié, ce qui ne permet pas de savoir si les salariés concernés sont ou non délégués syndicaux comme elle.
La société Isor réplique que la salariée tente en réalité de pallier sa carence probatoire pour établir l'existence d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement ; que les documents dont elle demande la production peuvent contenir des informations confidentielles sur les salariés concernés ; qu'elle invoque aussi des faits qui concernent son précédent employeur et qui ne concernent en rien la société Isor.
Il convient de rappeler en premier lieu que selon l'article L. 1224-2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail lui ont été transférés, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.
En second lieu, il résulte du principe d'égalité de traitement, dont s'inspirent les articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22.9°, L. 2271-1.8° et L. 3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Lorsque le salarié soutient que la preuve de tels faits se trouve entre les mains d'une autre partie, il lui appartient de demander au juge d'en ordonner la production. Ce dernier peut ensuite tirer toutes conséquences de droit en cas d'abstention ou de refus de l'autre partie de déférer à une décision ordonnant la production de ces pièces.
Il ressort de son dernier bulletin de paie et des bulletins de salaire de trois salariés de la société Isor produits par l'appelante qu'elle est rémunérée sur la base d'un taux horaire de 12,33 euros brut tandis que Mme [L] [E] bénéficie d'un taux horaire de 14 euros, M. [I] [U] d'un taux horaire de 18,25 euros et M. [F] [G] d'un taux horaire de 14 euros, tous trois étant chef d'équipe échelon 3 comme Mme [S].
Mme [S], qui démontre par la production de ces pièces l'existence de différences de salaires entre salariés d'une même catégorie, justifie ainsi d'un motif légitime au soutien de sa demande puisque, pour voir prospérer son action au fond, elle devra s'appuyer sur des informations que seul l'employeur détient.
Pour s'opposer à la production des documents demandés par la salariée, l'employeur se borne à invoquer le fait que ceux-ci pourraient contenir des informations confidentielles, sans pour autant préciser lesquelles ou leur nature alors qu'il détient ces documents, ni proposer une quelconque mesure qui permettrait de préserver cette prétendue confidentialité tout en respectant le droit de la salariée d'obtenir les éléments de preuve nécessaires à l'introduction d'une action en justice. En effet, avant de faire obstacle au droit d'action du salarié sous le couvert d'une atteinte à la vie privée, il convient d'abord de rechercher, dans le cadre d'un contrôle de proportionnalité, la mesure appropriée, ce que ne permet pas l'employeur en ne fournissant aucun élément relatif à la confidentialité invoquée.
L'appelante est bien fondée à obtenir que la société Isor lui communique, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, pour les douze salariés dont les noms suivent, M. [P] [K], Mme [H] [W], M. [F] [T], M. [O] [R], M. [M] [A], M. [N] [X], M. [I] [U], Mme [C] [B], M. [D] [Y], M. [Z], Mme [E], Mme [V] [J] :
- leurs six derniers bulletins de paie établis et transmis par leur ancien employeur à la société Isor dans le cadre de la reprise par cette dernière de leur contrat de travail conformément à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, justifiant de leur rémunération avant leur reprise par la société Isor,
- leurs six premiers et six derniers bulletins de paie établis par la société Isor, justifiant de leur rémunération de départ et de leur rémunération actuelle par la société Isor,
- leur contrat de travail initial, les éventuels avenants à ce contrat, les éventuels courriers d'affectation qu'ils ont pu recevoir de la société Isor ou tout justificatif de leur affectation effective.
L'ordonnance entreprise sera infirmée sur ce point, étant précisé qu'en l'état le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.
Sur la demande de communication de la liste des salariés présents, avec mention de leur qualification, sur chacun des sites sur lesquels la société Isor a cherché à muter Mme [S]
L'appelante prétend que ces éléments permettront de démontrer que les propositions de postes qui lui ont été faites sur ces sites étaient soit artificielles soit non conformes à sa qualification ; qu'elle était donc parfaitement légitime à les refuser.
La société Isor réplique qu'une telle liste ne présente aucune utilité pour la salariée dans la mesure où elle ne retranscrit aucunement les besoins en personnel du client et le contexte dans lequel sont intervenues les propositions d'affectation formulées par l'employeur ; que la société lui a déjà transmis, par courrier du 29 septembre 2017, la liste des chantiers de l'établissement de [Localité 9], ce qui n'a suscité aucune réaction de la part de la salariée.
La société Isor justifie que le site Cofely GDF Philibert Delorme sur lequel Mme [S] était affectée a été fermé fin 2014 suivant décision du client GDF. L'employeur n'avait donc pas d'autre choix que de proposer une nouvelle affectation à la salariée, étant observé que les possibilités étaient limitées par les préconisations du médecin du travail.
Il convient de rappeler que l'employeur est tenu de prendre en considération les recommandations du médecin du travail en proposant au salarié un emploi correspondant à sa qualification, au besoin par la mise en 'uvre de mesures d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail.
La liste dont Mme [S] demande la communication ne permettrait aucunement d'apprécier si les propositions de postes que lui a faites son employeur étaient sérieuses ou pas. En effet, non seulement une telle liste n'indique pas les postes vacants sur chaque site mais en outre, la société Isor pouvait parfaitement transformer un poste existant ou créer spécialement pour Mme [S] un poste conforme aux préconisations du médecin du travail, et ce afin d'assurer l'exécution de son obligation de lui fournir un travail compatible avec son état de santé.
La demande formulée par l'appelante sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas motivée par un intérêt légitime et, confirmant l'ordonnance entreprise, il convient de la rejeter.
Sur la demande de communication d'éléments justifiant l'annulation de la procédure de licenciement initiée le 9 mars 2017 à l'encontre de Mme [S] et la réponse de l'inspection du travail à la demande de la société Isor d'autorisation de licenciement en date du 9 mai 2017
Mme [S] expose que le 9 mars 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; qu'en raison de sa qualité de représentante de section syndicale, l'avis du comité d'établissement a été recueilli ; que le résultat du vote a été 2 contre, 2 blancs ; que la procédure devait se poursuivre par une demande d'autorisation à l'inspection du travail et une enquête contradictoire ; que les explications de la société Isor ne permettent pas de comprendre les motifs de cette procédure de licenciement et de son annulation.
La société Isor fait valoir que la procédure de licenciement initiée le 9 mars 2017 à l'encontre de Mme [S] à la suite de ses différents refus d'affectation, a finalement été abandonnée suite à la perte du site client sur lequel elle souhaitait affecter la salariée ; que l'enquête contradictoire à laquelle il est fait référence dans le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 24 avril 2017 étant devenue sans objet et n'ayant pas eu lieu, il lui est impossible de produire des éléments qui n'existent pas ; qu'il en est de même pour la réponse de l'inspection du travail.
Selon l'article L.1134-1 du code du travail, le salarié qui se prétend victime d'une discrimination directe ou indirecte présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
A l'instar des dispositions applicables en matière de discrimination, il résulte de l'article L. 1154-1 du code du travail, que lorsqu'un salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans l'hypothèse où l'interruption de la procédure de licenciement initiée le 9 mars 2017 serait considérée par le juge du fond comme un des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination ou d'un harcèlement à l'égard de Mme [S], il appartiendra à la société Isor de démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou à tout harcèlement.
Le mécanisme probatoire des dispositions du code du travail relatives à la discrimination et au harcèlement rend donc inutile la production des éléments sollicités dans le cadre de la présente instance.
La demande présentée par l'appelante n'apparaît ainsi pas justifiée par un motif légitime et la décision qui l'en a déboutée sera confirmée.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
La société Isor supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [S] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et à la somme de 1'000'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME partiellement l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
ORDONNE à la société Isor de communiquer à l'appelante, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, les documents suivants concernant les salariés M. [P] [K], Mme [H] [W], M. [F] [T], M. [O] [R], M. [M] [A], M. [N] [X], M. [I] [U], Mme [C] [B], M. [D] [Y], M. [Z], Mme [E], Mme [V] [J] :
- leurs six derniers bulletins de paie établis et transmis par leur ancien employeur à la société Isor dans le cadre de la reprise par cette dernière de leur contrat de travail conformément à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, justifiant de leur rémunération avant leur reprise par la société Isor ;
- leurs six premiers et six derniers bulletins de paie établis par la société Isor, justifiant de leur rémunération de départ et de leur rémunération actuelle par la société Isor ;
- leur contrat de travail initial, les éventuels avenants à ce contrat, les éventuels courriers d'affectation qu'ils ont pu recevoir de la société Isor ou tout justificatif de leur affectation effective ;
DIT n'y avoir lieu à prononcer l'astreinte sollicitée ;
CONDAMNE la société Isor à payer à Mme [V] [S] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Isor à payer à Mme [V] [S] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
DÉBOUTE la société Isor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Isor aux dépens de première instance et d'appel ;
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,