COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRÊT N° 193
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUIN 2019
N° RG 18/04518
N° Portalis : DBV3-V-B7C-SXY4
AFFAIRE :
[G] [O]
Syndicat CGT DES MINES ET DE L'ÉNERGIE DE LOIRE- ATLANTIQUE
C/
SA RÉSEAU DE TRANSPORT ÉLECTRICITÉ
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 15 Octobre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : Référé
N° RG : 18/00304
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 14 Juin 2019 à :
- Me Fabrice FÉVRIER
- Me Romain ZANNOU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 09 mai 2019 puis prorogé au 13 juin 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [O]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Le Syndicat CGT DES MINES ET DE L'ÉNERGIE DE LOIRE- ATLANTIQUE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Pierre VIGNAL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Fabrice FÉVRIER de la SCP Alain LEVY et Associés, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0126
APPELANTS
****************
La SA RÉSEAU DE TRANSPORT ÉLECTRICITÉ
N° SIRET : 444 619 258
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Nicolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Romain ZANNOU, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0113
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Réseau de Transport Electricité (RTE) est un opérateur de transport d'électricité à haute et très haute tension, chargé d'entretenir, d'exploiter et de développer le réseau de transport d'électricité national. Elle emploie près de 8 400 agents répartis entre quatre établissements et soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières.
M. [G] [O] était engagé par les Industries Electriques et Gazières (IEG) le 14 janvier 1985 en qualité de technicien "antenne opérationnelle transport". Il passait au service de la société RTE le 1er janvier 2001. Il occupait en dernier lieu le poste de technicien maintenance au centre de maintenance de [Localité 2] et bénéficiait, depuis le 1er janvier 2014, d'une dispense à hauteur de 100 % de son activité professionnelle pour l'exercice de ses mandats représentatifs et syndicaux.
Aux mois de mai et juin 2016, des mouvements sociaux avaient lieu au sein de la société RTE. Des salariés grévistes étaient amenés à pénétrer dans des locaux électriques dans le cadre d'occupations de sites.
Le 12 septembre 2016, la société RTE adressait à M. [O] une lettre lui rappelant la réglementation régissant l'accès à un local électrique.
Le 14 décembre 2017, dans le cadre d'un nouveau mouvement de grève, M. [O] se rendait avec d'autres salariés dans un poste électrique situé à [Localité 3] ([Localité 4]).
Le 26 janvier 2018, M. [O] était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire.
Le 1er février 2018, la société RTE lui notifiait un avertissement pour présence non autorisée au sein du poste électrique de [Localité 3] le 14 décembre 2017.
Le 23 juillet 2018, M. [O] ainsi que le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique saisissaient la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester les sanctions disciplinaires dont le salarié avait fait l'objet.
Par ordonnance du 15 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit qu'il n'y a pas lieu à référé,
- dit qu'il n'est pas nécessaire de faire droit aux demandes d'article 700 du code de procédure,
- rejeté les autres demandes formulées par les parties,
- laissé les dépens éventuels à la charge des trois parties pour la part qui les concerne.
M. [O] et le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique ont interjeté appel de la décision par déclaration du 30 octobre 2018.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 12 décembre 2018, M. [O] et le syndicat CGT demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue,
Et statuant à nouveau,
- déclarer M. [O] recevable et bien fondé en son action,
- dire y avoir lieu à référé,
- dire et juger illégales et nulles les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 par la société RTE à M. [O],
- dire et juger que les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 par la société RTE à M. [O] constituent ainsi un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser,
En conséquence,
- ordonner à la société RTE de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. [O] dans un délai de 72 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce sous astreinte passé ce délai de 500 euros par jour de retard,
- se réserver la possibilité de liquider ladite astreinte,
- condamner la société RTE à devoir verser à M. [O] et au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme de 5 000 euros chacun à titre de provision sur dommages-intérêts,
- condamner la société RTE à devoir verser à M. [O] et au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 11 janvier 2019, la société RTE demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique,
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et en ce qu'elle a débouté M. [O] et le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner M. [O] et le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique à verser individuellement à la société RTE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2019.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; en outre, selon l'article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Ainsi, même en cas d'une contestation sérieuse, dès lors que le demandeur fait état d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, le juge des référés peut statuer.
En l'espèce, les appelants se prévalent de l'existence d'un trouble manifestement illicite qui justifie selon eux que la cour ordonne à la société RTE de procéder au retrait des sanctions disciplinaires prononcées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à l'encontre de M. [O].
Sur la recevabilité de l'action en justice du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique
Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
La société RTE soutient que le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique n'est pas en droit d'agir puisque l'action en cause constitue un droit exclusivement attaché à la personne du salarié.
Les appelants répliquent que l'action du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique est recevable au regard de l'atteinte portée au droit de grève et de la sanction injustifiée de ses représentants, de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.
Le présent litige portant sur la nullité de sanctions disciplinaires résultant de l'exercice par les salariés de leur droit de grève, infligées à l'un de ses représentants, le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique justifie d'un intérêt à agir, lequel peut d'autant moins être contesté que ledit syndicat est à l'initiative des mouvements de grève auxquels M. [O] a participé. Son intervention doit donc être déclarée recevable.
Sur la nullité des sanctions disciplinaires notifiées à M. [O]
Les appelants soutiennent que les faits reprochés à M. [O] relèvent de l'exercice normal de son droit de grève et de ses mandats de représentants du personnel ; qu'ils ne constituent en outre pas des fautes lourdes, de sorte que les deux sanctions prononcées sur ce seul motif encourent la nullité et doivent être retirées.
La société RTE prétend qu'en demandant le retrait des sanctions, M. [O] sollicite en réalité l'annulation de la lettre de rappel à la règle et de l'avertissement, ce que la formation de référé ne peut faire puisqu'elle ne dispose pas du pouvoir de trancher le fond du litige. Elle fait valoir que le salarié n'est pas fondé à se prévaloir de la violation d'une quelconque règle de droit, laquelle caractériserait un trouble manifestement illicite ; qu'en outre aucune urgence ne peut être caractérisée puisque le salarié a attendu près de deux ans pour contester le courrier de rappel à la règle et six mois pour contester l'avertissement.
La saisine du juge des référés en vue de faire cesser un trouble manifestement illicite n'est pas soumise aux conditions d'urgence ni d'absence de contestation sérieuse, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Il convient donc de vérifier si la situation dénoncée est ou non constitutive d'un trouble manifestement illicite.
Selon les articles L. 1132-2 et L. 1132-4 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève et tout acte pris en méconnaissance de cette disposition est nul.
Seule une faute lourde peut justifier une sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié gréviste.
La faute lourde est la faute d'une exceptionnelle gravité et commise avec l'intention de nuire à l'employeur, qui a pour effet de désorganiser l'entreprise ou d'empêcher les salariés non-grévistes d'accomplir leur travail. Elle suppose la participation personnelle du salarié aux faits illicites qui lui sont reprochés.
- Sur la qualité de gréviste du salarié
M. [O] fait valoir qu'il a pris part aux mouvements de grève qui ont conduit les salariés grévistes à occuper des postes électriques le 17 mai 2016, le 24 mai 2016 et le 14 décembre 2017 ; que quand bien même il ne se serait pas déclaré comme gréviste, il bénéficie d'une convention de gestion lui permettant de consacrer 100 % de son temps de travail à l'exercice de ses mandats de représentant du personnel, ce qui fait de lui un permanent.
La société RTE considère que le 14 décembre 2017 M. [O] n'était plus déclaré comme gréviste à partir de 9 heures 45 ; que selon l'extraction du logiciel de temps, il a déclaré ce jour là deux heures de grève entre 7 heures 45 et 9 heures 45 puis a effectué ses horaires normaux de travail à compter de 9 heures 45.
En l'espèce, il est acquis que des mouvements de grève avec occupations de sites ont eu lieu au sein de l'entreprise durant les mois de mai et juin 2016 ; que le 27 octobre 2017, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT a déposé un préavis de grève portant sur la période du 6 novembre 2017 au 31 décembre 2017 et que le syndicat CGT a appelé les salariés à faire grève le jeudi 14 décembre 2017.
Il ressort en outre des constatations des huissiers requis par la société RTE pour se rendre sur les sites occupés afin de procéder à des constatations, que M. [O] se trouvait parmi les salariés grévistes et qu'il a participé aux mouvements de grève avec intrusion dans des locaux électriques - le 17 mai 2016 à [Localité 3] ([Localité 4]), le 14 décembre 2017 à [Localité 3] - ce que l'intéressé ne remet pas en cause. Le simple fait qu'il ait cessé le travail de façon concertée, fut-ce pour une durée limitée, suffit à établir qu'il était gréviste. Il apparaît au surplus, selon les bulletins de paie des mois de juin 2016 et janvier 2018, que l'employeur a opéré une retenue sur salaire pour absence. Dans ces conditions, le salarié doit être considéré comme gréviste, peu important qu'il se soit ou pas déclaré comme tel, qu'il ait badgé normalement à compter de 9 h 45 le 14 décembre 2017 et qu'il ait agi ou pas dans le cadre de son mandat de représentant syndical.
Il convient ensuite d'examiner pour chacun des événements ayant donné lieu à notification à M. [O] d'un courrier, lettre de rappel à la règle ou avertissement, si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute lourde.
- S'agissant de la lettre de rappel à la règle du 12 septembre 2016
Le courrier ayant pour objet "Lettre de rappel à la règle" adressé par la société RTE le 12 septembre 2016 à M. [O] est ainsi rédigé :
« Votre présence a été constatée :
1. à l'intérieur du poste de [Localité 3] le 17 mai 2016 et ce alors que l'ouverture des 2 départs à 400 kV [Localité 5] 2 et [Localité 6] a été réalisée, entraînant la mise en défaut de la protection différentielle de barres de 400 kV et l'envoi par le CNES d'un message A' d'atteinte à la sûreté,
2. à l'intérieur du poste de Joli Mai le 24 mai 2016 et ce alors que l'ouverture du départ à 63 kV [Localité 7] a été réalisée, entraînant la coupure de 20 MW sur [Localité 2], [Localité 8] et [Localité 9].
Nous vous rappelons, par la présente, que l'accès à un local électrique est strictement réglementé et nécessite une autorisation préalable du chargé d'exploitation.
Tel n'était pas votre cas.
La prise en local entraîne la perte d'observabilité de l'installation par le chargé de conduite empêchant la bonne exécution de son activité.
L'ouverture non maîtrisée d'un «départ» relève d'un mode dégradé pour le pilotage du réseau de nature à porter atteinte à la sécurité d'alimentation électrique.
Je considère ces règles comme essentielles et vous invite, à l'avenir, à les respecter scrupuleusement. »
M. [O] soutient que cette lettre constitue une sanction disciplinaire puisqu'elle énonce des reproches à l'égard de son comportement. Il considère qu'elle est illicite, la sanction disciplinaire n'ayant pas été prévue dans le règlement intérieur et ne figurant pas dans le statut national du personnel.
La société RTE réplique que l'objet de la lettre était strictement limité au rappel de la réglementation en vigueur en matière d'accès à un local électrique et ne visait pas à stigmatiser un comportement jugé fautif ; que l'employeur n'a pas manifesté la volonté de sanctionner M. [O] ; que le courrier, qui n'a pas été intégré au dossier disciplinaire du salarié, n'a pas eu de répercussion sur sa présence dans l'entreprise ; que de surcroît le signataire de la lettre n'était pas titulaire du pouvoir de notifier une sanction disciplinaire ; que la lettre de rappel à la règle du 12 septembre 2016 ne peut s'analyser en une sanction disciplinaire.
L'article L. 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Dans le courrier du 12 septembre 2016, l'employeur constate que M. [O] n'est pas titulaire d'une autorisation du chargé d'exploitation lui permettant d'accéder au local électrique dans lequel il a pénétré et l'invite de manière impérative à respecter les règles régissant l'accès à un tel local.
L'employeur ne peut soutenir sans contradiction que ce courrier, qui rappelle la présence non autorisée et donc fautive de M. [O], à deux reprises, dans des locaux électriques strictement réglementés, ne constitue qu'une simple lettre de rappel à la règle et qu'elle n'a pas été versée à son dossier disiciplinaire, alors qu'il y fait expressément référence dans l'avertissement qui sera ensuite notifié au salarié le 1er février 2018. Il en découle que cette lettre avait bien pour objet de stigmatiser un comportement regardé comme fautif et qui constituait un précédent dans le cadre du dossier disciplinaire du salarié.
La lettre du 12 septembre 2016 qui sanctionne un comportement fautif doit être assimilée à une sanction disciplinaire, peu important comme le fait valoir l'employeur que le signataire n'avait pas le pouvoir de prononcer une sanction disciplinaire, dès lors qu'en pratique tel a été le cas, l'employeur regardant en outre cette lettre comme un précédent.
Or, les faits sanctionnés qui s'inscrivent dans le cadre d'un mouvement de grève auquel le salarié a pris part, ne peuvent être considérés comme constitutifs d'une faute lourde. En effet, il ne résulte pas des constatations opérées par les huissiers qui se sont déplacés sur les sites occupés le 17 mai 2016 et le 24 mai 2016, que M. [O] a personnellement pris part aux actions de coupure d'électricité ou à d'autres actes illicites. En toute hypothèse, le courrier litigieux n'évoque pas d'autre fait fautif que la présence non autorisée dans les locaux. Enfin, le salarié ayant commis les faits reprochés dans le cadre d'un mouvement de grève, il ne pouvait en être tiré aucune conséquence à son encontre dès lors que la faute lourde n'était pas caractérisée.
La sanction est donc injustifiée et sa nullité doit être retenue en application des articles L. 1132-2 et L. 1132-4 du code du travail.
- S'agissant de l'avertissement du 1er février 2018
L'avertissement notifié à M. [O] le 1er février 2018 est ainsi rédigé :
« Au regard du courrier de rappel à la règle en date du 12 septembre 2016, et conformément à l'entretien que vous avez eu le 1er février 2018 avec M. [V], j'ai décidé de vous infliger l'une des sanctions prévues à l'article 6 du Statut National : "avertissement" à dater du 1er février 2018 pour les motifs suivants :
Présence non autorisée au poste de [Localité 3] le 14 décembre 2017. »
M. [O] soutient que cet avertissement est illicite en ce qu'il sanctionne l'occupation des locaux de l'entreprise alors qu'un tel acte relève de l'exercice normal de son droit de grève ; que le comportement sanctionné, qui ne constitue pas une faute lourde, ne peut pas faire l'objet d'une sanction disciplinaire ; qu'une sanction disciplinaire prise en raison de faits tirés de l'exercice de mandats représentatifs encourt la nullité.
La société RTE rétorque que l'avertissement sanctionne une présence non autorisée dans un lieu spécifique soumis à une réglementation particulière et non une simple occupation des locaux ; que le salarié n'a pas jugé utile de contester cet avertissement en usant de la procédure rappelée dans le courrier lui notifiant la sanction.
Sur ce, la cour observe que la lettre d'avertissement énonce clairement que le motif justifiant la notification de la sanction est la «'présence non autorisée au poste de [Localité 3] le 14 décembre 2017'». Aucun autre motif n'est invoqué.
La seule présence non autorisée dans le poste de [Localité 3] ne constitue pas une faute lourde, seule susceptible de justifier une sanction disciplinaire en cas de grève, dès lors qu'il n'est pas établi que le salarié a commis un acte avec l'intention de nuire à l'employeur ou qu'il a entravé la liberté du travail des autres salariés.
L'avertissement est donc injustifié et sa nullité doit être retenue.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que ces mesures qui sanctionnent des faits qui ne peuvent être qualifiés de faute lourde ne répondent pas aux exigences de l'article L. 1132-2 du code du travail selon lequel aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève. De surcroît, le prononcé d'une sanction injustifiée à l'encontre d'un salarié titulaire d'un mandat de représentation du personnel est de nature à porter atteinte à l'exercice de ce mandat.
M. [O] est ainsi bien fondé à se prévaloir de la violation des dispositions précitées du code du travail, laquelle caractérise un trouble manifestement illicite qui, nonobstant l'existence d'une contestation sérieuse, autorise la formation de référé à ordonner à la société RTE de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. [O] dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision.
La société RTE sera en outre condamnée à verser à M. [O] la somme de 1 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Sur la demande de provision sur dommages-intérêts du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique
Les sanctions disciplinaires infligées à M. [O], au mépris des dispositions des articles L. 1132-2 et L. 1132-4 du code du travail, sont de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique.
Il convient dès lors de condamner la société RTE à verser au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme de 500 euros à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
La société RTE, qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée à payer à M. [O] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Elle sera en outre condamnée à payer au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE recevable l'action du syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique ;
DIT que les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 par la société RTE à M. [G] [O] constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;
ORDONNE en conséquence à la société RTE de retirer les sanctions disciplinaires infligées le 12 septembre 2016 et le 1er février 2018 à M. [G] [O] dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu à astreinte ;
CONDAMNE la société RTE à verser à M. [G] [O] la somme de 1 000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts ;
CONDAMNE la société RTE à verser au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme de 500 euros à titre de provision sur dommages-intérêts ;
CONDAMNE la société RTE à verser à M. [G] [O] la somme totale de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société RTE à verser au syndicat CGT des mines et de l'énergie de Loire-Atlantique la somme totale de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE la société RTE de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société RTE aux dépens de première instance et d'appel ;
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,