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11/09/2019 | FRANCE | N°16/01338

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 11 septembre 2019, 16/01338


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 11 SEPTEMBRE 2019





N° RG 16/01338





AFFAIRE :





[K] [P]





C/





SAS MAZARS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Commerce


N° RG : F 12/00551





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Saïd HARIR



SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 SEPTEMBRE 2019

N° RG 16/01338

AFFAIRE :

[K] [P]

C/

SAS MAZARS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : F 12/00551

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Saïd HARIR

SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2], de nationalité française

représenté par Me Saïd HARIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J105

APPELANT

****************

SAS MAZARS

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 784 824 153

représentée par Me Saskia HENNINGER de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Isabelle VENDRYES, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [K] [P] (ci-après M. [P]), né le [Date naissance 1] 1981, a été engagé par la société MAZARS en qualité de consultant, coefficient 110, position cadre, selon contrat à durée indéterminée en date du 11 juillet 2006 à effet au 17 septembre 2006. Au dernier état de la relation de travail, il exerçait ses fonctions en qualité de senior.

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, société de conseil dite SYNTEC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 mars 2010, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 9 avril 2010.

M. [P] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 avril 2010 dans les termes suivants :

'Monsieur,

pour faire suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 9 avril 2010, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour les motifs qui vous ont été indiqués qui sont les suivants : attitudes professionnelles inacceptables et incompatibles avec la bonne marche de la ligne de métier organisation et systèmes.

Nous devons en effet constater que depuis de nombreux mois, votre niveau d'activité personnelle s'avère exceptionnellement faible, alors même que celui de la ligne de métier est très fort. En dehors de vos périodes d'arrêt maladie, vous n'avez ainsi, depuis septembre 2009, été en mission facturable que pendant 252 heures, sur un total potentiel de 872 heures.

Cet état de fait est corrélé par une absence chronique de motivation qui se matérialise par une propension à gérer votre planification de manière à ne pas pouvoir être intégré dans des missions. Cette attitude avait déjà fait l'objet d'un avertissement oral de la part de votre hiérarchie à la fin de l'année 2008 mais la situation s'est encore détériorée depuis l'été 2009. Vous avez ainsi continué à délivrer des informations erronées sur votre planning, rendant toute planification opérationnelle impossible.

De même, durant vos périodes de disponibilité, nous avons dû constater que vous n'étiez pas au bureau lorsque l'on vous appela au téléphone et, alors que vous disiez' être à un autre étage», vous ne vous présentiez qu'un long moment après, généralement une heure plus tard. De plus, lorsque vous êtes présent à la tour, vous vous installez systématiquement ailleurs que dans la staff-room de la ligne de métier, pour pouvoir échapper à tout contrôle de votre hiérarchie. Dans le même esprit, vous n'hésitez pas à planifier vos congés a posteriori, lorsque vos absences ont été découvertes et ne sont pas justifiables.

Enfin, nous avons découvert au début de l'année que vous étiez le gérant de deux sociétés, 'Meli-Melo' (RCS 51 35 94 655) et SEA SPA ( RCS 51 39 53 604) sans avoir demandé la moindre autorisation à votre employeur, vis-à-vis duquel vous êtes tenu à une clause contractuelle d'exclusivité.

L'ensemble des éléments cités révèle une situation où votre attitude est loin d'être ce que l'on serait en droit d'attendre d'un collaborateur de votre niveau d'expérience et démontre une volonté délibérée de vous soustraire à vos obligations professionnelles pour agir à votre guise et vous occuper de vos affaires personnelles ; elle ne nous permet pas d'envisager la poursuite de nos relations contractuelles et nous conduit donc à vous signifier votre licenciement.(...)'

M. [P] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 5 mars 2012.

Lors de l'audience de jugement, il a demandé au Conseil de prud'hommes de :

- à titre principal, dire nulle et de nul effet la clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail,

- à titre subsidiaire, dire que cette clause ne lui était pas opposable le 14 avril 2010,

- en tout état de cause, condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

- 42.124 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral causé par l'insertion d'une clause abusive dans son contrat de travail,

- 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement.

Par jugement du 21 janvier 2016, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [P] à payer à la SAS MAZARS la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. [P] aux dépens.

Par déclaration du 24 mars 2016, enregistrée le 31 mars 2016, M. [P] a interjeté appel de la totalité du jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [P], appelant, demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger nulle et de nul effet la clause d'exclusivité sise dans son contrat de travail,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la clause d'exclusivité sise dans son contrat de travail ne lui était pas opposable le 14 avril 2010,

En tout état de cause,

- constater le caractère inopérant des motifs invoqués au soutien de la mesure de licenciement dont il a fait l'objet,

- dire et juger le licenciement dont il a fait l'objet sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société MAZARS à lui payer les sommes suivantes :

- 42.124 euros à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse,

- 25.000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé cette dernière,

- 15.000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé l'insertion d'une clause abusive dans son contrat de travail,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société MAZARS aux entiers dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société MAZARS, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

En conséquence,

- dire et juger le licenciement de M. [P] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- constater que la clause d'exclusivité figurant au contrat de travail est parfaitement justifiée et proportionnée,

Par conséquent,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

A titre subsidiaire,

- constater que la demande de M. [P] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est totalement excessive,

- constater que les demandes de M. [P] au titre de l'indemnisation de son prétendu préjudice moral du fait de son licenciement est totalement infondée et n'a pour but que de recevoir indemnisation d'un préjudice déjà pris en compte dans l'attribution d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater que la demande de M. [P] au titre de l'indemnisation de son prétendu préjudice moral du fait de la clause d'exclusivité est totalement infondée et excessive.

Par conséquent,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS,

1. Sur la validité et l'opposabilité de la clause d'exclusivité

M. [P] fait ici valoir que la clause stipulée dans son contrat outrepasse le simple intérêt de la société MAZARS en ce qu'elle est rédigée en des termes généraux, qu'elle prohibe toute activité pour un tiers concurrent ou non.

Il énonce que la prohibition de toute activité non rémunérée n'est pas justifiée, que cette clause est donc nulle et de nul effet.

Subsidiairement, il sollicite de lui voir dire cette clause inopposable étant observé qu'au regard des dates d'immatriculation des sociétés MELI-MELO et SEA SPA, la société MAZARS ne pouvait se prévaloir de telles clauses qu'à compter, respectivement, du 14 juillet 2010 et du 28 juillet 2010 et ne pouvait donc le 14 avril 2010, décider de son licenciement au motif pris de la violation d'une clause qui ne lui était pas encore opposable.

La société MAZARS fait valoir que cette clause était parfaitement justifiée par la défense des intérêts légitimes de l'entreprise, la nature des tâches d'encadrement de M. [P] et sa forte présence avec les clients et le niveau de sa rémunération.

Sur ce,

L'article L1121-1 dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Il est rappelé que la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail et qu'elle n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

La clause d'exclusivité visée à l'article 11 du contrat de travail stipule en l'espèce qu'à compter de sa date d'engagement, M. [P] est tenu de consacrer entièrement son temps et son activité au service de l'entreprise. Il ne peut exercer, parallèlement à son emploi, aucune activité rémunérée ou non, hors de l'entreprise pour un tiers concurrent ou non, sauf s'il en a obtenu préalablement l'autorisation expresse de son employeur.

La cour observe que si la prohibition de toute activité au sein d'une société concurrente est justifiée par le domaine d'activité de conseil de la société MAZARS et les fonctions de cadre consultant qu'exerçait M. [P], la prohibition, d'exercer sans autorisation de l'employeur, une activité auprès d'un tiers non concurrent ainsi qu'une activité non rémunérée n'est pas justifiée par la nature de ses tâches et n'est pas, du fait sa généralité, proportionnée non plus au but recherché.

La nullité de cette clause sera donc constatée.

L'opposabilité opérée par l'employeur de cette clause dans le cadre du licenciement conduira à allouer à M. [P] une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi.

2. Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 14 avril 2010 qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. [P] un niveau d'activité personnelle exceptionnellement faible, une absence chronique de motivation se matérialisant par une propension à gérer sa planification de manière à ne pas pouvoir être intégré dans des missions, la situation se détériorant depuis l'été 2009.

L'employeur reproche de même à M. [P] de ne pas être au bureau lorsqu'on l'appelle au téléphone durant ses périodes de disponibilité, de s'installer systématiquement dans la staff room de la ligne de métier afin d'échapper à tout contrôle de sa hiérarchie, de planifier des congés a posteriori lorsque ses absences ont été découvertes, soit une volonté délibérée de se soustraire à ses obligations professionnelles pour agir à sa guise et s'occuper de ses affaires personnelles et notamment de ses deux sociétés Meli-melo et SEA SPA.

M. [P] fait pour sa part valoir que son licenciement trouve sa cause dans ces absences pour maladie en février et mars 2010, le fait qu'il était inscrit en tant que gérant de société n'étant qu'un prétexte.

Il observe que les faits énoncés dans la lettre de rupture ne sont pas datés ou sont prescrits puisque le plus récent date de la fin de l'année 2009 alors qu'il n'a été convoqué à un entretien préalable que le 30 mars 2010. Il observe que les faits reprochés n'ont jamais donné lieu au moindre avertissement, que lorsqu'il n'était pas affecté en mission chez un client (au titre des heures dites facturées), il était au cabinet et travaillait sur des projets en interne ou sur des appels d'offres importants, qu'en tenant compte des heures facturées, des heures non facturées passées sur des contributions en interne et validées par la hiérarchie et en déduisant ses congés payés et ses arrêts maladie, son taux d'activité pour 2009 n'est pas de 29 % comme indiqué par la société mais de 75 %.

Il fait par ailleurs remarquer qu'aucuns objectifs de dimension commerciale et chiffrés ne lui ont été donnés, qu'en tout état de cause, les courriels qu'il produit aux débats justifient de son professionnalisme et de son dévouement tandis que la société MAZARS ne produit pour sa part aucune pièce justifiant des griefs allégués.

Sur ce,

La cour observe que M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 30 mars 2010 tandis que la société MAZARS fait état dans la lettre de licenciement d'un comportement réitéré du salarié caractérisé par une absence chronique de motivation et une propension à gérer sa planification de travail de manière à ne pas pouvoir être intégrée dans des missions.

L'employeur produit aux débats un tableau portant sur la période s'étendant du 9 janvier 2009 au 8 mars 2010 relative aux heures de travail facturables et non facturables de M. [P] durant cette période.

Au regard de la réitération du comportement opposé au salarié et de la dégradation de ses chiffres d'activité qui lui sont reprochés jusqu'à début mars 2010, la prescription de ces faits n'est pas acquise.

La cour observe cependant que la société MAZARS produit des données le taux d'activité du salarié limitées à la période de janvier 2009 à mars 2010 sans produire de données antérieures permettant de constater la détérioration invoquée pour l'année 2009.

Les entretiens d'évaluation communiqués aux débats par le salarié justifient de très bonnes appréciations portées sur lui depuis son embauche en septembre 2006, sa persévérance à progresser aboutissant à des augmentations annuelles régulières de rémunération en fonction de l'évaluation de ses performances.

La dernière synthèse des fiches d'évaluation produite pour la période s'étendant de janvier à juin 2009 mentionne sa réactivité, son efficacité et sa capacité d'analyse, son supérieur, Monsieur [R], énonçant que M. [P] est un collaborateur de qualité qui a su se faire apprécier par le client et son encadrement.

Cette évaluation ne concorde pas avec la mention de l'avertissement oral dont l'intéressé aurait fait l'objet par sa hiérarchie à la fin de l'année 2008 et mentionnée, sans autre justificatif, dans la lettre de licenciement.

S'agissant de la baisse d'activité de M. [P], il convient d'observer que celle ci doit être relativisée.

La société MAZARS produit en effet aux débats une synthèse de l'activité de l'intéressé dont il ressort 252 heures facturables, 620 heures non facturables et 808 heures au titre d'absences de septembre 2009 à mars 2010.

Les chiffres visés pour leur part par le salarié dans son tableau récapitulatif visent 382 heures travaillées, 483 heures non travaillées et 178 heures sans affectation entre janvier et août 2009 et 204 heures travaillées, 252 heures non travaillées et 408 heures sans affectation entre septembre 2009 et mars 2010 soit un total de 586 heures travaillées, 735 heures non travaillées et 586 heures sans affectation.

Étant tenu compte de son arrêt maladie d'un mois du 24 février 2010 au 21 mars 2010, il s'en déduit une moyenne mensuelle d'heures au titre de missions extérieures et de travaux internes de 108,12 heures entre janvier 2009 et fin août 2009 et de 102 heures entre septembre 2009 et mars 2010.

Il convient par ailleurs d'observer que l'employeur se place ici sur le terrain disciplinaire et qu'il lui appartient de démontrer que la baisse d'activité du salarié est liée à une attitude professionnelle inacceptable dans les termes visés dans la lettre de rupture.

Or, il doit être observé que l'intimée n'explicite pas les missions qui auraient été notamment proposées à M. [P] et que celui ci aurait éludées en étant absent à son bureau.

Il convient de noter que les termes de l'attestation de M. [L], son supérieur, reste particulièrement évasifs sur ce point, se limitant, sans précision de dates ni mention des projets concernés, à viser qu'il avait constaté 'l'absence de M. [P] au bureau alors que sa présence était nécessaire pour certains travaux'.

La régularisation des absences a posteriori dont il est fait grief au salarié n'est pas non plus justifiée.

La seule justification de la création par M. [P] de deux sociétés avec des membres de sa famille, soit la société de restauration Meli-Melo créée le 13 juillet 2009 et la société SEA SPA, spécialisée dans les soins esthétiques, le 23 août 2009, ne suffit pas à établir l'attitude inacceptable reprochée au salarié étant à cet égard observé qu'aux termes des attestations délivrées d'une part, par la société d'expertise comptable Fiparco et d'autre part par le cabinet d'expertise comptable [T], M. [P] n' a perçu aucun revenu au titre des activités des deux sociétés s'agissant des exercices 2009- 2010.

Ces éléments conduiront à retenir, par infirmation du jugement entrepris, que la justification de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'est pas ici apportée

3. Sur les demandes en paiement

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle versée à M. [P](4.000 euros), de son âge, de son ancienneté depuis le 17 septembre 2006, de sa perception des allocations Pôle Emploi jusqu'en octobre 2012 telle que justifiée aux débats et des conséquences du licenciement à son égard, la société MAZARS sera condamnée à lui régler la somme de 28.000 euros à titre indemnitaire.

La procédure de licenciement ayant permis à M. [P] de présenter ses arguments en défense, la demande indemnitaire au titre du préjudice moral a lieu d'être écarté, le lien entre la rupture et l'arrêt maladie de quelques semaines de l'intéressé n'étant pas établi.

Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Statuant par décision contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [P] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONSTATE la nullité de la clause d'exclusivité,

DIT le licenciement de M. [K] [P] intervenu sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société MAZARS à payer à M. [K] [P] les sommes suivantes :

- 2.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la nullité de la clause d'exclusivité,

- 28.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société MAZARS à payer à M. [K] [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société MAZARS de sa demande de ce chef,

CONDAMNE la société MAZARS aux dépens.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01338
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/01338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;16.01338 ?
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