COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2019
N° RG 17/04831 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R32L
AFFAIRE :
SAS INOVA
C/
[M] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : E
N° RG : F14/00243
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
SELEURL ASVG AVOCAT
Me Martine PERON
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS INOVA
N° SIRET : 662 032 176 00189
[Adresse 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Bruno COURTINE (VAUGHAN Avocats Associés), Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094 - Représentant : Me Aude VAN GAVER de la SELEURL ASVG AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 697
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [P]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 8] - 62
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Philippe GENTILHOMME de la SCP G & D, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1210 - Représentant : Me Martine PERON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 366
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BOUBAS, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
La société INOVA est spécialisée dans la construction et l'exploitation de centrales énergétiques d'incinération de déchets ménagers ou de biomasse. Elle intervient également dans le domaine de la modernisation et de la mise en conformité des centrales de production d'énergie.
En 2011, la société INOVA a été rachetée par le Groupe ALTAWEST, groupe industriel spécialisé dans la construction d'équipements et les services à destination des marchés de l'énergie, de l'industrie, et de l'environnement.
Monsieur [M] [P] a été embauché par la société INOVA (anciennement INOR) à compter du 1er juillet 1983 selon un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef d'usine.
Il a passé l'intégralité de sa carrière au sein de la société INOVA.
En dernier lieu, il a occupé un poste de Directeur de développement, statut cadre, position 3, coefficient 240 selon la convention collective nationale des industries de la Métallurgie.
En qualité de Directeur de développement, il a été chargé de déterminer la politique commerciale et de définir les axes et les stratégies de croissance de la Société.
Il a également été chargé de prospecter et d'identifier les opportunités d'implantations de nouveaux marchés, et ce afin de développer de nouveaux partenariats.
En contrepartie de ses fonctions, Monsieur [P] a perçu une rémunération brute mensuelle moyenne de 14.965 euros.
Monsieur [P] a été licencié le 5 décembe 2013, pour faute grave.
Il a saisi le Conseil de prud'hommes de NANTERRE le 28 janvier 2014 pour contester le motif de son licenciement.
Par jugement de départage du 22 septembre 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le Conseil de prud'hommes a:
- jugé que le licenciement de Monsieur [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- condamné la Société à lui verser les sommes suivantes :
- 359.176 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 89.794,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 8.979,40 euros au titre des congés payés sur préavis
- 237.954,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 7.842,62 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire ;
- 784,26 euros au titre des congés payés afférents ;
- 25.874 euros à titre de prime d'objectif 2013 ;
- 2.587,40 euros à titre de congés payés ;
- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement ;
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Exécution provisoire de droit, conformément à l'article R. 1454-14 et 5 du Code du travail ;
La société INOVA a interjeté appel de cette décision le 11 octobre 2017.
En parallèle, elle a saisi en référé le Premier Président de la Cour d'Appel de Versailles afin de solliciter la suspension de l'exécution provisoire de droit dont était assorti le jugement du Conseil de prud'hommes, ce dont elle a été déboutée au terme d'une ordonnance du 11 janvier 2018.
La Société INOVA a versé les sommes concernées par l'exécution provisoire de droit à Monsieur [P] au terme d'un courrier en date du 19 janvier 2018, soit 134.691,03 €, cette somme étant soumise à cotisations de sécurité sociale et à CSG/CRDS.
Le 21 novembre 2017, Monsieur [M] [P] a procédé à une saisie conservatoire de droits d'associés et valeurs mobilières à valoir sur le montant global des condamnations prononcées par le Conseil de prud'hommes de Nanterre à l'encontre de la société INOVA.
Le même jour, Monsieur [M] [P] a procédé à une saisie conservatoire de marque.
La Société INOVA a saisi le Juge de l'Exécution afin qu'il ordonne la main levée de ces saisies conservatoires.
Aux termes d'un jugement du 22 mars 2018 puis d'un jugement du 30 août 2018, le Juge de l'exécution a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires et la constitution d'une garantie bancaire par la société INOVA.
Le 6 mars 2018, Monsieur [P] a formé un appel incident devant la Cour afin de constat de la caducité, de la nullité et de l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la société INOVA.
Monsieur [P] a accusé la société de tromperies caractérisant un dol pénal.
Aux termes d'une ordonnance du 11 juin 2018, le conseiller de la mise en état a débouté Monsieur [M] [P] de l'ensemble de ses prétentions.
Au terme de ses dernières conclusions, soutenues à l'audience du 20 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société INOVA demande à la cour de :
-Infirmer le jugement entrepris et,
A titre principal :
- Constater que les motifs invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave de Monsieur [P] reposent sur des éléments objectifs qui lui sont imputables et qui justifient le licenciement pour faute grave,
En conséquence,
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [P] est fondé ;
- Débouter Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour entrait en voie de condamnation :
- Réduire les prétentions de Monsieur [P] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne sauraient excéder l'évaluation du préjudice dont il rapporte expressément la preuve, soit 6 mois de rémunération.
En tout état de cause :
- Débouter Monsieur [P] de sa demande au titre de l'article 700 du CPC d'un montant de 3.000 euros;
A titre reconventionnel :
- Condamner Monsieur [P] à verser à la Société INOVA le somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.
Aux termes de ses dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Monsieur [P] a demandé à la cour de :
-Préalablement, juger nulle l'action d'Inova comme constitutive d'une tentative de dol pénal ;
-Réformer la décision en ce qu'elle a considéré comme non prescrit le premier grief de faute allégué par Inova, et statuant à nouveau,
-Juger prescrit le premier grief de la lettre de licenciement,
Confirmer la décision en ce qu'elle a :
' Jugé que le licenciement de M. [P] pour faute grave est injustifié et vexatoire.
' Fixé la moyenne des salaires à la somme de 14.965,67 € bruts.
' Condamné la SAS Inova à verser à [M] [P] les sommes de :
o 89.794,02 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
o 8.979,40 € à titre de congés payés afférents ;
o 237.954,13 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;
o 7.842,62 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
o 784,26 € à titre de congés payés afférents ;
o 25.874 euros à titre de rappel de prime d'objectifs de 2013;
o 2.587,40 € au titre des congés payés afférents.
' Ordonné la capitalisation au taux d'intérêt légal.
' Ordonné sous astreinte de 50 € par jour de retard la remise d'un certificat de travail rectifié et d'une attestation Pôle emploi conformes ainsi que des bulletins de paye rectifiés pour les mois d'octobre à décembre 2013.
' Condamné Inova à payer à M. [P] 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2019.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 20 septembre 2019.
L'affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2019.
MOTIFS :
Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.
Sur le dol pénal :
Monsieur [P] sollicite de la cour qu'elle annule la procédure d'appel au motif que la société INOVA se serait rendue coupable d'une tentative de dol pénal, en abusant de sa liberté de parole dans ses conclusions, en produisant des documents inexacts, et en substance en abusant de son droit d'agir en justice.
La société INOVA indique que le Conseiller de la mise en état a débouté Monsieur [P] de cette demande.
Il résulte des pièces de la procédure, que par ordonnance sur incident en date du 11 juin 2018, le Conseiller de la mise en état a débouté Monsieur [M] [P] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité, la caducité et l'irrecevabilité de l'appel principal et des conclusions de l'appelante, la société INOVA.
Il ne ressort pas de ces pièces que la question du dol pénal ait été soulevée.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le dol, est un ensemble d'agissements trompeurs ayant entraîné le consentement qu'une des parties à un contrat n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres. Le dol suppose à la fois, de la part de l'auteur des manoeuvres, une volonté de nuire et, pour la personne qui en a été l'objet, un résultat qui lui a été préjudiciable et qui justifie qu'elle obtienne l'annulation du contrat fondée sur le fait que son consentement a été vicié (définition tirée du Dictionnaire juridique de [X] [L], conseiller honoraire de la cour d'appel de VERSAILLES).
Le dol désigne en droit pénal la volonté de commettre une infraction en ayant connaissance de son caractère prohibé par la loi.
Force est de constater qu'aucun élément constitutif du dol ou éventuellement du dol pénal, à supposer que la 19ème chambre sociale de la Cour d'appel de Versailles ait une quelconque compétence pour constater une infraction pénale, n'est rapporté par Monsieur [P].
De même, il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation, que s'il constitue un acte de malice, de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol.
Les pièces produites par l'intimé au soutien de cette demande vise des situations totalement étrangères au litige opposant Monsieur [P] et la société INOVA, en ce qu'il s'agit d'arrêts relatifs à des escroqueries au jugement, rendues par des juridictions pénales.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la demande formulée par Monsieur [P] sur le fondement du « dol pénal ».
Sur la faute grave :
Aux termes de l'article L.1235-1 du Code du travail, le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de fait imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier un salarié doit en apporter la preuve.
En l'espèce, la société INOVA reproche à Monsieur [P] d'avoir conclu des contrats irréguliers et incohérents:
le contrat PLH: inadéquation entre l'objet sociale de PLH Conseil et l'objet du contrat signé, absence de besoin de la société INOVA pour une telle prestation, absence de toute prestation réalisée par PLH Conseil, une usurpation de titre, Monsieur [P] n'ayant plus la qualité de président au moment de la signature du contrat, la falsification de la date et de la signature du contrat;
la rédaction succincte du contrat DCC alors que l'engagement financier était important (124.000 euros sur 4 ans);
la rédaction irrégulière d'autres contrats.
Monsieur [P] s'oppose vivement à cette présentation des faits et conteste tous les griefs qui lui sont reprochés, estimant que la société échoue à rapporter la preuve de la faute grave qui lui est reprochée. En premier lieu, il soulève la prescription du premier grief invoqué, relatif au contrat PLH Conseil.
Sur la prescription du grief relatif au contrat conclu avec la société PLH Conseil:
L'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; toutefois, si la faute ne peut plus, passé ce délai, être sanctionnée de manière isolée, elle peut toujours être invoquée à l'occasion d'une nouvelle faute ; de même, la prescription ne joue pas lorsque le comportement fautif du salarié se poursuit dans le temps.
Si l'employeur engage les poursuites disciplinaires plus de deux mois après la date de commission des faits fautifs, il lui appartient de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.
Le délai court du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète des faits reprochés.
En l'espèce, la société INOVA a sollicité Monsieur [P] le 23 juillet 2013, afin qu'il communique au nouveau Président, Monsieur [E], le contrat signé avec la société PLH Conseil.
Il n'est pas contesté et pas contestable que Monsieur [P] n'a pas communiqué l'ensemble des informations relatives au contrat PLH Conseil à cette date, ni dans les semaines qui ont suivi.
Monsieur [K], gérant de la société PLH Conseil, a sollicité un rendez-vous auprès de Monsieur [E] afin d'exposer les prestations effectuées.
L'entretien s'est déroulé le 26 septembre 2013, et c'est à cette date que Monsieur [E] a pris la décision d'engager des poursuites disciplinaires, n'étant pas satisfait des éléments produits.
La société avait jusqu'au 25 novembre 2013 pour mettre en oeuvre une procédure de licenciement.
Il résulte des pièces produites et non contestées, que la procédure de licenciement a été engagée le 19 novembre 2013; dès lors, les faits reprochés ne sont pas prescrits.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué sur ce point.
Sur le contrat PLH :
La société INOVA fait valoir que Monsieur [P] a conclu un contrat avec la société PLH Conseil qui comporte de nombreuses incohérences et qui présente de fait un risque pour la société.
Monsieur [P] fait valoir qu'il avait toute compétence pour signer un tel contrat, même s'il est manifeste qu'il y a eu une erreur de rédaction, qu'il impute à sa secrétaire, quant à ses fonctions. Il fait valoir que la société PLH Conseil a réalisé des prestations, qu'il a agi dans l'intérêt de la société, qu'il existait un contrat officieux entre les deux sociétés. Monsieur [P] a contesté son licenciement par courrier du 4 décembre 2013.
La société produit plusieurs pièces au soutien de ce grief qui permettent de constater que:
la société PLH Conseil n'avait aucune expertise ni aucun savoir-faire dans le domaine d'activité visé, à savoir l'installation d'un incinérateur sur la commune de BESSE MAREMNE (KBIS de la société PLH Conseil, contrat relatif à la construction de l'unité de valorisation énergétique de [Localité 6]);
les prestations visées par le contrat litigieux concernent exclusivement le maître d'ouvrage, alors que la société INOVA était maître d'oeuvre sur ce projet (contrat signé entre les sociétés INOVA et PLH Conseil, courriel de Monsieur [J], responsable financier);
Monsieur [P] a signé ce contrat alors qu'il n'avait plus la qualité de président (contrat signé entre les sociétés INOVA et PLH Conseil, PV d'assemblée générale INOVA);
que le contrat est officiellement daté du mois de novembre 2012, alors que l'audit réalisé entre décembre 2013 et février 2014 fait apparaître que le document a été signé le 21 janvier 2013, qu'il est en conséquence antidaté (audit ordonné par la société INOVA, rapport [C] en date du 14 février 2014, constat d'huissier);
aucun interlocuteur de la société à l'exception du service en charge du règlement des factures, ne connaît la société PLH Conseils, et ce en contradiction avec les procédures internes (attestation de Madame [I], DRH, courriel de Monsieur [J]);
aucun collaborateur de la société PLH Conseil n'est présent aux réunions relatives au projet de BESSE MAREMNE (attestation de Madame [I]) ;
il n'existe aucun document relatif à des calendriers d'intervention, des comptes-rendus de déroulement des prestations officiellement attribuées à PLH Conseil et ce alors que le contrat porte sur un montant global de 1,4 million d'euros et qu'il prévoit des réunions régulières et a minima mensuelles. A titre d'exemple, la société fournit le rapport d'activités de la société ACTITE qui intervenait dans le cadre d'une convention d'assistance. Ce contrat permet de constater que la société partenaire justifie du déroulement des prestations commandées. Au surplus, il n'est pas contesté qu'au cours de la réunion qui s'est tenue le 26 septembre 2013, Monsieur [E], Madame [H], Directrice juridique INOVA , Monsieur [P] et Monsieur [K] (gérant de la société PLH Conseil) ont évoqué cette question mais aucun document n'a été communiqué à la société INOVA quant au contenu des prestations réalisées par PLH Conseil;
la société INOVA justifie que le démarrage du marché de BENESSE MAREMNE a été fixé le 15 avril 2013, ce qui signifie qu'avant cette date la gestion de « l'Opération » n'était pas engagée. L'ordre de service de la tranche des travaux, « mise au point et mise en régime des installations, mise en service industriel » a été accordé en 2014. On constate qu'aucun élément ne vient confirmer une intervention effective de la société PLH Conseil avant ces dates ni même après;
Monsieur [P] s'est montré très attentif quant au règlement de la facture de 59.800 euros TTC émise par PLH Conseil au printemps 2013 et de son suivi (cf deux courriels adressés par Monsieur [P] à des collaborateurs du service comptabilité les 28 mai 2013 et 12 juillet 2013) ;
lorsque la société INOVA a indiqué mettre un terme à ce contrat qu'elle considérait comme nul, il n'y a eu aucune revendication de la part de la société PLH Conseil, pas plus qu'aucune difficulté dans la poursuite du projet, alors que le contrat portait sur la somme de 1,4 million d'euros, ce qui laisse supposer l'inexistence des prestations visées au contrat litigieux et officiellement attribuées à la société PLH Conseil.
Les premiers juges ont indiqué qu'il existait un contrat officieux entre les deux sociétés; force est de constater que cet élément invoqué lors de l'audience de première instance par le conseil de Monsieur [P] n'est confirmé par aucune pièce; que cette allégation ne peut venir valablement au soutien des éléments apportés par Monsieur [P] pour le dédouaner des comportements anormaux qu'il a adoptés au regard des procédures internes de la société INOVA.
S'agissant de la faute grave, il convient de rappeler que la gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
Si Monsieur [P] disposait des pouvoirs nécessaires pour engager la société INOVA dans des contrats portant sur des sommes conséquentes, il n'en demeure pas moins qu'il devait se soumettre aux procédures internes de sa société.
Force est de constater que Monsieur [P] a conclu un contrat d'assistance commerciale avec une société qui n'a manifestement rempli aucune des prestations commandées, qui a malgré tout sollicité le paiement de factures dont Monsieur [P] a sollicité et surveillé le paiement. Il résulte de l'ensemble des pièces produites par la société concernant le contrat PLH Conseil, que Monsieur [P] n'a pas respecté ses obligations, qu'il a ainsi fait courir un risque important à son employeur tant en termes financiers que judiciaires, ce qu'il ne pouvait ignorer au regard de l'inexistence des prestations commandés et facturées par la société PLH Conseil.
Ce comportement caractérise une faute grave rendant impossible le maintien du salarié au sein de la société, ce dernier ayant manifestement dissimulé volontairement à son employeur la réalité de l'objet du contrat passé avec la société PLH Conseil, faisant ainsi courir un risque à son employeur.
Il en résulte que sur ce seul grief, le licenciement prononcé pour faute grave est justifié; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement attaqué sur ce point.
Sur le contrat DCC:
La société INOVA reproche à Monsieur [P] d'avoir:
- en janvier 2013, licencié Monsieur [O] [G] moyennant le versement d'une indemnité de 125.000 euros ;
- alors que le 8 avril 2013, Monsieur [P] a signé une convention de conseil avec la société DCC, dont le représentant légal est Monsieur [O] [G] ;
- cette convention stipule un objet rédigé dans des termes anormalement vagues et imprécis et ce alors que l'objet du contrat porte sur un engagement de 124.000 euros sur 4 ans;
- cette société que la convention de conseil décrit comme une société exerçant dans la Région Nord-Pas-de-Calais depuis plus de trente années n'a été immatriculée que le 1er juin 2013 ;
- cette immatriculation au répertoire SIREN en date du 1er juin 2013 est postérieure à la signature de la convention de conseil qui est quant à elle datée du 8 avril 2013.
Monsieur [P] s'oppose à ce grief et fait valoir que si les termes de la convention initiale pouvaient apparaître peu clairs ou ambigus, cela n'a pas empêché la société INOVA de poursuivre ses relations commerciales avec la société DCC puisqu'un nouveau contrat a été signé entre les parties; que Monsieur [G], ingénieur des mines, avait toute compétence pour travailler avec la société INOVA dans ce nouveau cadre; que la société INOVA n'a connu aucun préjudice du fait de la mise en place de cette nouvelle forme de collaboration.
Force est de constater au regard des pièces communiquées et des explications respectives des parties, que le grief reproché n'est pas constitué, et qu'il ne peut servir à fonder un licenciement pour faute grave.
Sur les autres contrats:
La société INOVA fait valoir à titre de troisième grief dans la lettre de licenciement rédigée par Monsieur [E], Président, que : "Mon attention a été attirée par les services d'INOVA sur d'autres contrats passés entre la société et des prestataires différents. Les éléments d'analyse en ma possession à ce jour sont parcellaires et non aboutis, ce qui me conduit à réserver la position de la Société quant à la suite qui pourrait être prise".
La société INOVA a mandaté le cabinet [C] afin de réaliser un audit de l'ensemble des contrats suite à un scandale de corruption en BELGIQUE dans lequel Monsieur [P] a été mis en cause et même renvoyé devant le tribunal correctionnel. La procédure est actuellement pendante devant une cour d'appel belge.
Elle indique que les conclusions de l'audit [C] rendues le 14 février 2014 détaille les incohérences visées, et plus particulièrement s'agissant de deux clients « suspects », les sociétés EKO SYSTEM et MULTIFIN CONSULTING LIMITED.
Concernant ces deux sociétés, les factures qu'elles ont émises ont été adressées à Monsieur [P], et s'agissant de MULTIFIN CONSULTING LIMITED c'est toujours la signature de Monsieur [P] qui figure sur les documents; mais aucun contrat signé n'est répertorié au sein de la société INOVA, et ce en contradiction avec les procédures internes en vigueur.
Monsieur [P] fait valoir que ce grief ne peut être retenu par la cour car la rédaction de la lettre de licenciement sur ce point est bien trop imprécise, trop vague pour savoir précisément ce qui lui est reproché.
Il est constant qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié; dès lors que ces faits sont matériellement vérifiables, ils peuvent être précisés et discutés.
En l'espèce, la rédaction de la lettre de licenciement présente un caractère beaucoup trop vague et trop imprécis pour pouvoir retenir la validité de ce troisième et dernier grief, et ce même si un audit ultérieur viendra en préciser les contours.
Ce grief ne peut soutenir la faute grave reprochée au salarié.
* * *
Le grief tiré du contrat passé avec la société PLH Conseil est d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle au regard des risques financiers et judiciaires que Monsieur [P] a fait courir à son employeur, ce, ajouté au fait que l'on peut sérieusement douter de la réalisation de la moindre prestation par la société PLH Conseil alors que des factures ont été émises et réglées.
Par conséquent, il y a lieu de constater que la faute grave peut être invoquée à l'appui du licenciement de Monsieur [P] et que son licenciement a une cause réelle et sérieuse; le jugement attaqué sera en conséquence infirmé sur ce point ainsi que sur l'octroi des indemnités de rupture subséquentes et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.
Sur le caractère vexatoire du licenciement:
Monsieur [P] sollicite une indemnisation du fait du caractère vexatoire de son licenciement et de son départ brutal lié à sa mise à pied.
La société INOVA s'oppose à cette demande, et fait valoir qu'elle ne peut être valablement accueillie du fait de la faute grave reprochée au salarié.
Il convient d'infirmer le jugement attaqué sur ce point, l'employeur ayant valablement licencié le salarié au motif d'une faute grave; la mise à pied s'inscrivant dans le cadre de ce licenciement pour faute, mesure prévue par la loi et qui ne saurait en elle-même ouvrir droit à une quelconque indemnisation dès lors que le licenciement est justifié.
Sur le rappel de prime d'objectifs:
Monsieur [P] sollicite un rappel sur prime d'objectifs pour l'année 2013, à hauteur de 25.874 euros, outre la somme de 2.587,40 euros au titre des congés payés afférents. Le salarié justifie sa demande par le fait que la société n'a pas donné d'éléments quant aux modalités de calcul de cette prime d'objectifs, pas plus qu'elle n'a fourni d'éléments permettant de savoir si ces objectifs avaient été atteints et au moins dans quelle proportion.
La société conteste cette demande et fait valoir que Monsieur [P] a été rempli de ses droits. Ele fournit en pièce 31 et suivantes, les modalités de calcul de cette prime.
Force est de constater que si la société communique effectivement les modalités de calcul de cette prime sur objectifs, elle n'apporte pas d'éléments permettant de s'assurer du résultat de Monsieur [P]; dès lors, il sera fait droit à la demande du salarié, et le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires :
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Rejette la contestation fondée sur l'existence d'un dol,
Infirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 22 septembre 2017 en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, qu'il a alloué un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, ainsi que l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;
Confirme le surplus;
Rappelle que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme fixée par les juges, et de l'arrêt pour le surplus,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société INOVA à payer à Monsieur [M] [P] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Condamne la société INOVA aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,