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17/03/2020 | FRANCE | N°19/06843

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 17 mars 2020, 19/06843


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IA



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 MARS 2020



N° RG 19/06843 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPBU



AFFAIRE :



[K]



C/

[J] [S]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 2018L2121



Expéditions exécutoires
r>Expéditions

Copies

délivrées le : 17.03.2020



à :



Me Franck LAFON



Me Martine DUPUIS



TC de NANTERRE



MP



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IA

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MARS 2020

N° RG 19/06843 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPBU

AFFAIRE :

[K]

C/

[J] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 2018L2121

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 17.03.2020

à :

Me Franck LAFON

Me Martine DUPUIS

TC de NANTERRE

MP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société [K] société de mandataires judiciaires prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège mission conduite par Maître [K] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société VISIOCOM

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20190411 et par Maître Francis PIERREPONT, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [S]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 9] de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1962646 et par Maître Selas DENOVO, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Maître COURAUD, avocat au barreau de PARIS

Le PROCUREUR GÉNÉRAL

Cour d'Appel de VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 5]

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Janvier 2020, Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Olivia TUKUMULI

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du  10 décembre 2019 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.

La SA Visiocom, dirigée par M. [J] [S], exploitait une activité de régie publicitaire sur des véhicules qu'elle mettait à disposition de collectivités territoriales ou d'associations de droit privé. Son capital social était détenu par la société Visiocom Europe, créée en 2002 et domiciliée au Luxembourg, M. [J] [S] étant également au conseil d'administration de celle-ci.

La société Visiocom a fait l'objet de quatre redressements fiscaux et plusieurs contentieux l'ont opposée à l'administration fiscale à propos de l'exigibilité de la taxe sur les véhicules de société (TVS) utilisés pour son activité.

Aux termes d'un traité d'apport partiel d'actif en date du 10 septembre 2008, elle a apporté son activité de publicité par affichage à la société Trèfle communication, créée en 2002, devenue Visiocom affichage, dirigée par M. [T] [S].

Elle a également régularisé le 4 mai 2009 avec la société Trafic communication, créée en 2008 et détenue à 80% par la société Visiocom Europe, une convention aux termes de laquelle elle a mis à disposition de la société Trafic communication des moyens matériels et administratifs.

Selon jugement en date du 1er avril 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Visiocom, la Selarl Bauland Carboni Martinez étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl [K] en qualité de mandataire judiciaire, procédure qui a été convertie en redressement judiciaire le 18 novembre 2015.

Un plan de cession a été arrêté par jugement du 1er février 2016.

Le 24 février 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Visiocom et notamment désigné la Selarl [K], prise en la personne de maître [K] [K], en qualité de liquidateur judiciaire.

Sur requête du liquidateur judiciaire, le juge-commissaire désigné dans la procédure a, selon ordonnance du 27 juillet 2016, désigné le cabinet Exafi conseils afin d'analyser les comptes de la société Visiocom et les flux entre celle-ci et les sociétés Trafic communication, Visiocom affichage, Visiocom invest, Axion et Visiocom Europe. En suite du recours exercé par M. [S] à l'encontre de cette décision, la présente cour, statuant comme cour de renvoi par arrêt du 12 novembre 2019, après avoir annulé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 octobre 2016 et déclaré le recours recevable, a confirmé l'ordonnance litigieuse.

Le rapport a été déposé le 2 mai 2018.

Considérant que les opérations de la procédure collective ont mis en évidence un certain nombre de fautes de gestion imputables à M. [S], dirigeant de droit, la Selarl [K], ès qualités, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif et sanctions personnelles.

Selon jugement contradictoire du 20 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

- débouté M. [S] de son exception de sursis à statuer ;

- débouté maître [K] [K], ès qualités, de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à indemnité procédurale,

- condamné maître [K], ès qualités, aux dépens de l'instance à l'exception des frais de greffe qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Après avoir retenu une insuffisance d'actif de 4 793 338,71 euros, le tribunal a considéré que les fautes de non respect des obligations fiscales, non tenue d'une comptabilité fidèle et d'usage des biens de la société Visiocom à des fins contraires à l'intérêt de celle-ci au profit des sociétés Visiocom invest et Visiocom affichage dans lesquelles M. [S] était intéressé n'étaient pas établies.

La Selarl [K], ès qualités, a interjeté appel de cette décision le 27 septembre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 décembre 2019, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- condamner M. [S] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société Visiocom et à lui payer la somme mise à la charge de la société ;

- prononcer la faillite personnelle de M. [S] et subsidiairement, une interdiction de diriger, gérer ou administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou toute personne morale ;

en tout état de cause,

- débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [S] à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [S] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par maître Franck Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 janvier 2020, M. [J] [S] demande à la cour de :

- dire et juger la Selarl [K], ès qualités, mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter la Selarl [K], ès qualités, de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la Selarl [K], ès qualités, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Selarl [K], ès qualités, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris Versailles, maître Martine Dupuis, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans son avis communiqué aux parties par RPVA le 10 décembre 2019, le ministère public s'en rapporte à la sagesse de la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. SUR CE,

1- Sur la responsabilité de M. [S] pour insuffisance d'actif

À titre liminaire, la Selarl [K], ès qualités, soutient que les fautes reprochées à M. [S] ne sauraient constituer de simples négligences et que ces dernières ont un lien causal avec l'insuffisance d'actif de la société.

Après avoir rappelé l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 septembre 2018 ayant tranché en faveur de l'applicabilité immédiate aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours de l'article 146 de la loi du 9 décembre 2016 qui a instauré une cause exonératoire de responsabilité du dirigeant en cas de 'simple négligence' ainsi que la nécessité pour le liquidateur judiciaire de rapporter la preuve des fautes alléguées, l'intimé expose que les hypothèses formées par ce dernier, sur la base du rapport Exafi, et qu'il conteste, sur la comptabilité et un prétendu transfert d'activité ne répondent pas aux exigences du droit positif et qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les fautes reprochées et l'insuffisance d'actif qui correspond quasiment exclusivement à la créance fiscale de TVS.

L'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, dispose notamment que 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut pas être engagée'.

La qualité de dirigeant de droit de M. [J] [S] n'est pas contestée.

* Sur l'insuffisance d'actif

La Selarl [K] expose que l'actif réalisé s'élève à la somme de 1 568 372,13 euros pour un passif de 14 922 088,13 euros, dont 6 472 814,13 euros à titre définitif, soit une insuffisance d'actif de 4 793 338,71 euros.

M. [S] indique que le passif déclaré est de 14 922 088,13 euros, dont 8 449 274 euros à titre provisionnel qui n'a pas à être pris en compte, la créance fiscale déclarée à titre définitif étant de 6 316 739,10 euros, et que l'actif réalisé s'élève à la somme de 1 568 372,13 euros.

Le montant de l'actif réalisé, qui n'est pas critiqué, est de 1 568 372,13 euros

Selon la liste des créances en date du 30 mars 2018, le passif admis à titre définitif est de 6 472 814,13 euros, dont il convient de déduire le passif super-privilégié (2 319,83 euros) et privilégié (5 230,57 euros) déclaré par le CGEA Ile de France, faute de précision quant au caractère antérieur ou postérieur de ce passif.

Le montant de l'insuffisance d'actif s'établit ainsi à la somme de 4 896 891,60 euros.

Toutefois au regard du montant de celle-ci tel que retenu par le liquidateur judiciaire, déjà relevé par les premiers juges, seule la somme de 4 793 338,71 euros est susceptible d'être mise à la charge de M. [S].

* Sur le non respect des obligations fiscales

La Selarl [K] prétend que la société Visiocom, qui a fait l'objet de nombreux redressements fiscaux dès l'année 2005 et qui a procédé au règlement du premier redressement, reconnaissant par la même le bien fondé de la position de l'administration fiscale, a commis une faute de gestion en s'abstenant de procéder au cours des années suivantes au paiement de la TVS à laquelle elle était assujettie, soulignant que ce n'est que dans les comptes annuels 2015 qu'une provision pour risque de 9 551 037 euros a été comptabilisée. Rappelant que c'est une somme de plus de 14 000 000 d'euros qui a été déclarée par l'administration fiscale, elle fait valoir que le défaut de paiement de cette taxe a permis à la société de poursuivre une activité qui en réalité aurait dû être déficitaire. Elle considère que le fait d'avoir persévéré ainsi dans son erreur et cumulé une dette aussi considérable constitue une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif au regard du montant de la créance fiscale.

Après avoir rappelé les motifs pour lesquels la société Visiocom contestait être assujettie à la TVS et les différents contrôles et contentieux l'ayant opposée à l'administration fiscale devant les juridictions judiciaires et administratives, M. [S] prétend que ce contentieux n'a été définitivement tranché que par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 4 novembre 2015 démontrant ainsi que l'assujettissement de la société Visiocom à la TVS n'était pas évident. Pour contredire les affirmations du liquidateur judiciaire relatives à l'assujettissement de la société Visiocom au paiement de la TVS depuis 2005, il relève que d'autres sociétés concurrentes exerçant une activité similaire n'y sont pas assujetties ; qu'après le règlement des deux premiers redressements, elle a obtenu la suspension de l'exigibilité des suivants ; que les comptes ont été certifiés par le commissaire aux comptes, la mention du contentieux fiscal figurant en annexe ; que les organes de la procédure ont demandé à ne pas déclarer les véhicules et à consigner le montant des sommes dues au titre de la TVS pendant la période d'observation et ont contesté les garanties prises par l'administration fiscale sur les véhicules ; que le mandataire judiciaire lui même a contesté le redressement notifié pendant la période d'observation. Il fait valoir également qu'en procédant au paiement du premier redressement fiscal, la société Visiocom n'a pas reconnu le bien fondé de la position de l'administration fiscale mais a exécuté une décision exécutoire émanant de l'ordre judiciaire.

Le parc de véhicules de la société Visiocom, estimé à plus de 400 par l'administrateur judiciaire dans son bilan économique et social en date du 13 novembre 2015, est composé de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires.

Il est constant que la société Visocom a fait l'objet de plusieurs contrôles par l'administration fiscale.

Au terme du premier d'entre eux, réalisé sur la période du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2003, celle-ci a considéré que la société Visiocom était redevable de la TVS pour les véhicules de tourisme et a effectué un redressement de 1 168 934 euros, dont 579 091 euros en principal. La société a élevé une contestation qui, après avoir été accueillie en première instance, a été rejetée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 15 mai 2008, devenu définitif en suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2009 rejetant le pourvoi de la société.

Ayant obtenu la remise des intérêts et des pénalités, la société Visiocom s'est acquittée de cette dette en principal. S'agissant de l'exécution d'une décision devenue exécutoire, il ne peut pas être considéré qu'il s'agissait d'un acquiescement à la position défendue par l'administration fiscale et ce d'autant plus que la société Visiocom a élevé une nouvelle contestation en suite du deuxième contrôle réalisé pour la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 qui a donné lieu à un redressement à hauteur de 504 952 euros, laquelle n'a pas plus abouti, le jugement rejetant le recours ayant été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles.

Il en est de même s'agissant du règlement de cette dette dès lors que la société Visiocom a également exercé des recours à l'encontre des redressements liés aux contrôles effectués pour les périodes du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009 et du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, ayant abouti à des redressements respectifs de 2 863 099 euros et de 1 255 867 euros.

Nonobstant l'absence de production de ces décisions par les parties, il n'est pas contesté que les différents recours exercés par la suite par la société Visiocom, comme ses demandes de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, ont tous étés rejetés, la dernière décision résultant d'un arrêt du Conseil d'Etat en date du 4 novembre 2015.

S'il est exact qu'à l'exception du premier jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 14 juin 2007 qui a fait droit à la demande de dégrèvement présentée par la société Visocom, toutes les décisions rendues par la suite ont conclu à l'assujettissement de la société Visiocom à la TVS, il ne peut pas être reproché à M. [S] d'avoir commis une faute de gestion en ne remplissant pas ses obligations fiscales alors que ce n'est qu'en 2015 que le litige a trouvé son terme définitif. Au surplus, il n'est pas contesté que la société, en suite du premier redressement, a procédé aux déclarations de ses véhicules et s'est acquittée du paiement des deux premiers redressements.

Le grief sera écarté.

* Sur le défaut de tenue d'une comptabilité reflétant la réalité sociale

Critiquant la position du tribunal qui a considéré comme justifiée l'absence de comptabilisation de provisions, la Selarl [K] fait valoir qu'en vertu du principe de prudence comptable, l'ensemble des créances fiscales afférentes à l'assujettissement à la TVS aurait dû être provisionné au moins depuis 2005 alors que ce n'est que dans ses comptes annuels de 2015 que la société Visiocom a enregistré une provision pour risques de 9 151 037 euros.

Elle rappelle que la société Visiocom a été déboutée de l'intégralité de ses demandes de remises gracieuses et contentieuses comme de ses contestations et que les comptes auraient dû refléter les risques nonobstant les rapports du commissaire aux comptes, lesquels au demeurant établissent que c'est de propos délibéré que les dirigeants n'ont pas entendu provisionner le risque lié aux litiges avec l'administration fiscale. Evoquant le rapport Exafi pour lequel les comptes annuels 2011, 2012 et 2013 sont inexacts, elle explique que la comptabilisation des provisions aurait conduit à constater l'existence de fonds propres négatifs, obligeant la société à se recapitaliser dans un délai de deux ans ce qui lui aurait permis de faire face à son redressement. Elle conclut que l'option fiscale prise par la société Visiocom lui a permis de poursuivre son activité et d'aggraver sa dette fiscale.

M. [S] fait valoir que cette prétendue faute repose sur une simple hypothèse émise dans le rapport Exafi selon laquelle 'sous réserve de l'appréciation du tribunal, il pourra être considéré que les comptes annuels au 30/09/2011 - 30/09/2012 - 30/09/2013 soient inexacts', et qu'une hypothèse ne peut pas constituer une faute au sens de l'article L.651-2 code de commerce. Il fait observer que ces comptes ont été certifiés sans réserve, les principes et les normes ayant été parfaitement respectés et que ni le liquidateur judiciaire ni le rapport Exafi ne précise à quelle disposition légale ou réglementaire, à quel principe ou norme, la société et lui-même auraient contrevenu. Il précise également que lors de ses contrôles, l'administration fiscale n'a pas remis en cause l'absence de comptabilisation de la provision ou l'exactitude de la comptabilité.

Les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal, d'un grand livre et d'un livre d'inventaire.

Selon le Plan comptable général, le principe comptable de prudence est l'un des fondamentaux de la comptabilité. Il consiste à imputer immédiatement les charges sur le résultat dès lors que leur probabilité de réalisation est importante et donc à ne pas transférer des incertitudes de nature à grever le patrimoine et le résultat de l'entreprise sur les exercices futurs.

En l'absence de production des redressements notifiés, la cour ne peut pas vérifier l'affirmation de M. [S] selon laquelle l'administration fiscale 'n'a à aucun moment remis en cause l'absence de comptabilisation de la provision pas plus qu'elle n'a remis en cause l'exactitude de la comptabilité'.

Le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes de la société Visiocom clos au 30 septembre 2009 indique que ces 'comptes annuels ne comportent pas d'anomalies significatives. [...] Nous certifions que les comptes annuels sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice. Sans remettre en cause l'opinion exprimée ci-dessus, nous attirons votre attention sur le point 3- Informations complémentaires de l'annexe relatif au litige en cours avec l'administration fiscale'.Cette annexe rappelle l'existence d'un litige au sujet de la TVS et d'une décision condamnant la société au paiement des droits tout en indiquant 'une dette (ou provision) sera constatée lorsque les rectifications opérées par l'administration ou par le juge de l'impôt seront devenues définitives ou seront formellement acceptées'.

Les comptes clôturés au 30 septembre 2010, comportant une information dans les annexes aux termes de laquelle la société Visiocom estimait ne pas avoir à 'constater de provision' au titre du litige fiscal, ont également été certifiés par le commissaire aux comptes.

Il n'est pas justifié de la certification des comptes pour les exercices arrêtés au 30 septembre 2011, 30 septembre 2012, 30 septembre 2013, 30 septembre 2014 et 30 septembre 2015, qui mentionnent en annexe pour les quatre premiers l'existence d'un litige fiscal. Comme relevé par l'administrateur judiciaire dans son bilan économique et social, la comptabilisation d'une provision pour risque de 9 551 037 euros est réalisée pour la première fois dans les comptes clos au 30 septembre 2014.

Le rapport Exafi relève 'le caractère inexact, à [son] sens, des comptes annuels aux 30/09/2011 - 30/09/2012 - 30/09/2013 en l'absence de comptabilisation des dettes relatives au litige fiscal sur la TVS, alors qu'une décision judiciaire était intervenue', précisant que jusqu'à l'arrêté des comptes au 30 septembre 2012, la société se contentait d'une mention dans l'annexe.

Si le litige opposant la société Visiocom à l'administration fiscale n'a connu une issue définitive qu'au cours de l'année 2015, le risque y afférent en revanche était connu depuis la notification du premier redressement en mars 2005 et à tout le moins de manière certaine à compter de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2009 ayant rejeté le pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 15 mai 2008.

Le fait pour le dirigeant d'avoir omis volontairement et de manière répétée, comme cela ressort des mentions figurant en annexe des comptes annuels, de provisionner les sommes réclamées par l'administration fiscale en violation du principe de prudence comptable constitue, non une simple négligence, mais une faute de gestion qui a donné une image erronée de la situation financière de la société, lui permettant ainsi de poursuivre une activité en réalité déficitaire, sans que l'absence de remise en cause des comptes par le commissaire aux comptes ne puisse l'exonérer de sa responsabilité.

Cette faute, qui a permis une augmentation importante de la dette fiscale, a contribué à l'insuffisance d'actif.

* Sur l'usage des biens ou du crédit de la société Visiocom à des fins contraires à l'intérêt de celle-ci pour favoriser d'autres personnes morales dans lesquelles M. [S] avait des intérêts.

À ce titre, la Selarl [K] reproche à M. [S], d'une part, d'avoir organisé l'insolvabilité de la société Visiocom par le transfert de l'activité à la société Trafic communication et, d'autre part, d'avoir usé des biens et du crédit de la société Visiocom au profit des sociétés Visiocom Invest et Visiocom Affichage.

Sur le premier point, l'appelante, en s'appuyant sur le rapport du cabinet Exafi, souligne que l'activité relative aux véhicules utilitaires non assujettis à la TVS a été transférée sans contrepartie à la société Trafic communication, laquelle bénéficiait également de moyens matériels et humains mis à disposition sans juste rémunération. Elle détaille la création de la société Trafic communication aux fins d'isoler ces véhicules et le montage juridique qui a conduit à son absorption par la Sarl Jeninvest, créée le 15 septembre 2015 par M. [I] [R], ancien président de la société Trafic communication et directeur commercial de la société Visocom, avant de reprendre la dénomination de Trafic communication. Elle précise que les sociétés Trafic communication et Visiocom présentaient une identité de sièges sociaux, de dirigeants et globalement de détention du capital et soutient que le détournement réalisé en suite de la dégradation de la situation de la société Visiocom a été chiffré par le cabinet Exafi à la somme de 2 299 500 euros.

En réplique à l'intimé, elle fait valoir notamment que le grief ne peut être expliqué ni par le traité d'apport partiel au profit de la société Tréfle communication ni par l'acquisition directement par la société Trafic communication de véhicules utilitaires et expose que le chiffre d'affaires de la société Trafic communication a augmenté entre 2009 et 2015, période durant laquelle celui de la société Visiocom a subi une diminution importante, que la première a utilisé les moyens de la seconde moyennant une simple rémunération n'intégrant aucune part de charges fixes et de frais professionnels et une redevance fixe pour la gestion administrative et comptable qui n'a pas varié au cours des exercices alors que la rémunération variable pour frais d'expertise était supprimée unilatéralement en 2014.

En deuxième lieu, elle affirme que la société Visiocom invest a bénéficié d'une avance financière s'élevant à la somme de 541 866 euros en 2015 qui lui a permis d'augmenter son patrimoine et ses revenus au profit de M. [S], son principal dirigeant et associé au détriment de la société Visiocom. Elle précise que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette somme n'a pas été remboursée en dépit des résultats déficitaires de la société Visiocom avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Elle fait également état d'avances de trésorerie au profit de la société Visiocom affichage à hauteur de 952 976 euros au 30 septembre 2014 et de 459 976 euros au 30 septembre 2015 alors que les capitaux propres de la société Visiocom étaient ruinés à hauteur de 9 224 000 euros.

Elle conclut que ces fautes, constitutives d'un manque à gagner, ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société Visiocom qui dans le même temps ne pouvait pas régler sa TVS courante.

M. [S] réplique que la prétendue perte de chiffre d'affaires alléguée est due, d'une part, à hauteur de 1 400 000 euros à une comparaison erronée entre les chiffres d'affaires 2008, d'une durée de treize mois, et 2009, d'une durée de onze mois, et d'autre part, à l'apport effectué le 31 octobre 2008 au profit de la société Tréfle communication de l'activité d'affichage qui représentait un chiffre d'affaires supérieur à 2 400 000 euros. Il conteste la thèse d'un transfert d'actifs et d'activité de la société Visiocom au profit de la société Trafic communication rappelant la nature des contrats d'une durée de trois ans liant la société Visiocom aux collectivités locales et précisant que la société Trafic communication, qui avait acquis ses propres véhicules, disposait de ressources matérielles et humaines.

Invoquant l'existence d'un pool de trésorerie, il explique que les avances au profit de la société Visocom affichage ont été effectuées en vertu de conventions de trésorerie, non remises en cause par l'administration fiscale, et que le tribunal a justement relevé qu'il n'existait plus aucune créance de la société Visiocom à l'égard de la société Visiocom affichage au 30 septembre 2015.

S'agissant de l'avance effectuée au profit de la société Visiocom invest, M. [S] prétend qu'il s'agissait d'une opération de trésorerie parfaitement licite et conforme aux dispositions de l'article L.500-7 3° du code monétaire et financier et qui été remboursée sur le compte de la procédure collective ce que le liquidateur judiciaire ne peut pas ignorer.

Il en déduit que ces avances ne constituent pas une faute de gestion et qu'elles n'ont pu avoir aucune incidence sur l'insuffisance d'actif.

Il ressort des statuts de la société Visiocom, dans leur version au 29 septembre 2008, de l'extrait Kbis en date du 2 avril 2015, des écritures des parties et du bilan économique et social que l'activité de la société Visiocom était exploitée à l'aide de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires.

La société Trafic communication a été immatriculée le 27 juin 2008 au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux pour exploiter une activité de publicité notamment à l'aide de véhicules utilitaires.

Les pièces produites montrent que chacune de ces sociétés exploitait son activité à l'aide de véhicules dont elle avait fait l'acquisition. En effet, si le rapport Exafi relève, s'agissant de la société liquidée, une diminution des immobilisations corporelles (poste matériel de transport) de près de 50% entre 2010 et 2015, la preuve n'est pas rapportée pour autant d'un transfert des véhicules de la société Visiocom au profit de la société Trafic communication, étant souligné qu'il note également une diminution des acquisitions par la première et le délai rapide d'amortissement de ces véhicules qui étaient ensuite vendus aux collectivités ou associations utilisatrices.

Selon M. [S], la société Trafic communication 'disposait' de six salariés et de locaux commerciaux à [Adresse 8], lieu de son siège social. Il convient toutefois de relever que ce dernier a été fixé à la même adresse que l'établissement secondaire immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux de la société Visiocom comme indiqué dans le bilan économique et social.

Les rapports entre ces sociétés étaient régis par une convention datée du 4 mai 2009, renouvelable par tacite reconduction, précisant que la société Trafic communication 'bénéficie du soutien de la société Visiocom qui met à sa disposition différents moyens matériels et administratifs. Ce soutien se concrétise sous plusieurs formes :

1/ Un certain nombre de commerciaux, employés et rémunérés par Visiocom pour son activité 'publicité par minibus', travaillent ponctuellement pour le compte de Trafic communication. La société Visiocom refacturera ainsi à Trafic communication les commissions payées aux commerciaux sur le chiffre d'affaires qu'ils réalisent pour le compte Trafic communication, ainsi que les charges sociales correspondantes.

2/ La société Visiocom assume également pour le compte de Trafic communication diverses prestations administratives : secrétariat, comptabilité, téléphone, photocopieur, ainsi qu'une mise à disposition de locaux. A ce titre, Visiocom refacturera à Trafic communication un montant annuel de 58 000 euros HT, avec effet au 1/11/2008.

3/ La société Visiocom fait bénéficier la société Trafic communication de son expertise dans le domaine de la publicité par minibus. A ce titre, Visiocom facturera à Trafic communication une participation égale à 10% du chiffre d'affaires réalisé'.

Le conseil d'administration de la société Visiocom a par la suite, courant mai 2015, autorisé la mise en place d'un nouvel avenant à effet du 1er octobre 2014 prévoyant qu'à compter de cette date la refacturation intégrerait les salaires fixes des représentants, les salaires des délégués régionaux et les charges y afférents ainsi que leurs frais professionnels au prorata des chiffres d'affaires réalisés. La société Visiocom a donc supporté jusqu'à cette date, sans contrepartie, à tout le moins la masse salariale fixe et les frais professionnels des commerciaux qui travaillaient pour la société Trafic communication.

En outre, par avenant en date du 18 septembre 2014, les deux sociétés ont décidé la suppression à compter du 1er octobre 2013 de la participation égale à 10% du chiffre d'affaires réalisé par la société Trafic communication sans pour autant mettre fin au soutien de la société Visiocom à ce titre.

En comparant les données financières des deux sociétés durant les exercices 2006 à 2015, le rapport Exafi mentionne une progression du chiffre d'affaires de la société Trafic communication de 2 139 000 euros qui correspond à la perte cumulée de chiffre d'affaires de la société Visiocom de 2 274 000 euros au 30 septembre 2013.

Contrairement à ce qui est allégué, la modification de la durée de l'exercice 2007-2008, qui a été portée à 13 mois, la clôture étant fixée au 31 octobre 2008, selon le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société Visiocom du 29 septembre 2008, a bien été relevée par le Cabinet Exafi en page 27 de son rapport.

S'il est justement soutenu par M. [S] que cette diminution de chiffre d'affaires s'explique partiellement par le traité d'apport partiel d'actif en date du 10 septembre 2008, aux termes duquel la société Visiocom a apporté son activité de publicité par affichage à la société Trèfle communication, créée en 2002, devenue Visiocom affichage, il est néanmoins également établi par les éléments ci-dessus et au demeurant non sérieusement contesté que la société Trafic communication a été créée pour préserver l'activité réalisée avec les véhicules utilitaires non concernés par le litige relatif à la TVS. La société Visiocom a donc progressivement diminué cette activité qui s'est développée au sein de la société Trafic communication.

Cette décision ne constitue pas en soi une faute de gestion au regard du litige fiscal en cours.

En revanche, le fait de n'avoir pas réduit les charges alors que le résultat se dégradait, le rapport Exafi mentionnant une augmentation des frais de personnel de 57% à 72% du 30 septembre 2012 au 30 septembre 2015, d'avoir fait supporter à la société Visiocom des charges sans contrepartie et de les avoir maintenues alors que sa situation financière se dégradait et ce notamment afin de financer le développement de l'activité de la société Trafic communication caractérise l'usage de biens de la société Visiocom à des fins contraires à l'intérêt de celle-ci, sans que cette faute ne puisse s'analyser en une simple négligence au regard de la volonté délibérée de préservation de l'activité réalisée avec les véhicules utilitaires.

Elle a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif.

S'agissant des avances consenties, si le rapport Exafi, le bilan économique et social et les écritures de M. [S] font état d'un pool de trésorerie avec la société Visiocom affichage, pour autant les conventions de trésorerie entre les sociétés ne sont pas versées aux débats.

Le rapport Exafi montre que les avances effectuées par la société Visiocom au profit du pool de trésorerie (compte 451100), dont il précise sans être contredit sur ce point qu'il correspond à la société Visiocom affichage, et de la société Visiocom invest (compte 467400) se sont élevées au 30 septembre 2014 à la somme de 952 976 euros, rapportée au 30 septembre 2015 à 459 976 euros pour la première et à 541 760 euros puis 541 866 euros pour la seconde, aux mêmes dates, et ce alors que les résultats nets des exercices 2014 et 2015 étaient déficitaires et les capitaux propres négatifs de 7 366 003 euros pour l'exercice 2014 et de 9 224 279 pour l'exercice 2015.

S'agissant de l'avance faite à la société Visiocom invest, il remarque 'A la lecture du rapport spécial du commissaire aux comptes relatif aux comptes clos le 30 septembre 2014, nous relevons : ...avances financières concernant la construction d'un immeuble à usage de bureaux, pour un montant total de 541 760 € à la clôture de l'exercice'.

Si l'avance de trésorerie au profit de la société Visiocom affichage (compte 467000) de 19 568 euros existante au 30 septembre 2014 n'apparaissait plus au 30 septembre 2015, il n'est pas justifié, en revanche, du remboursement avant l'ouverture de la procédure collective de l'avance consentie au titre du pool de trésorerie.

S'il est démontré par la production des relevés de comptes bancaires des sociétés Visiocom invest et Visiocom du remboursement par la première à la seconde de la somme de 541 759,02 euros, il convient néanmoins de relever que ce virement, qui est daté du 20 novembre 2015, est postérieur à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en sorte que la faute de gestion qui consiste à avoir fait faire par la société Visiocom une avance de trésorerie alors que sa situation financière ne le permettait pas était bien constituée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Au demeurant, cet actif a nécessairement été pris en compte dans le calcul de l'actif recouvré, en sorte que la contribution à l'insuffisance d'actif est établie.

Cette faute, qui ne peut pas plus s'analyser en une simple négligence, a contribué à l'insuffisance d'actif de la société Visiocom en la privant avant l'ouverture de la procédure collective du recouvrement de créances à hauteur de 459 976 euros et 541 866 euros sur les sociétés Visiocom affichage et Visiocom invest alors que sa situation financière était obérée.

Le grief est donc caractérisé.

La responsabilité de M. [S] au titre de l'insuffisance d'actif est donc engagée.

M. [S] ne produit aucun élément sur sa situation personnelle et patrimoniale. Le rapport Exafi mentionne qu'il a perçu de 2011 à 2015 une rémunération annuelle de 183 000 euros à 169 000 euros. Selon le bilan économique et social, il était en outre membre du conseil d'administration de la société Visiocom europe, société holding, qui détenait des participations dans les sociétés Acanthique et Visiocom affichage, et associé à hauteur de 5% de la société Visiocom outdoor, dirigée par son fils [T]. Il était en outre, avant son absorption par la société Jeninvest, gérant de la Sarl Trafic communication.

Dans ces conditions, il convient, infirmant le jugement, de le condamner à payer à la Selarl [K] la somme de 600 000 euros à ce titre.

2- Sur les sanctions personnelles

La Selarl [K], ès qualités, demande le prononcé d'une mesure de faillite personnelle et subsidiairement d'une interdiction de gérer à l'encontre de M. [S] au visa des articles L.653-4-3° et L.653-5-6° du code de commerce.

M. [S] réplique que les griefs formulés au titre des sanctions extra-patrimoniales sont la reprise des fautes de gestion dans le cadre de la mise en oeuvre injustifiée de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et qu'ils ne peuvent donc pas être retenus.

Aux termes de l'article L.653-4 3° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

Ce grief est établi au vu des éléments rappelés ci-dessus, étant souligné que les charges supportées comme les avances consenties par la société Visiocom l'ont été au profit des sociétés Trafic communication, Visiocom affichage et Visiocom invest dans lesquelles M. [S] était directement intéressé en ses qualités de dirigeant et d'associé.

En outre, l'article L.653-5-6° du même code sanctionne de la faillite personnelle le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Ce grief est également caractérisé au regard des éléments ci-dessus.

Il n'y a pas lieu cependant, compte tenu du contexte lié au litige long et complexe qui a opposé la société Visiocom à l'administration fiscale sur le paiement de la TVS, de prononcer une sanction personnelle à l'encontre de M. [S].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, débouté M. [S] de son exception de sursis à statuer et débouté la Selarl [K], ès qualités, de sa demande de sanction personnelle à l'égard de M. [J] [S] ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que M. [J] [S] a commis des fautes de gestion de nature à engager sa responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Condamne M. [J] [S] à payer à la Selarl [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Visiocom, la somme de 600 000 euros ;

Condamne M. [J] [S] à payer à la Selarl [K], ès qualités, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [S] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de maître Lafon, avocat, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/06843
Date de la décision : 17/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/06843 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-17;19.06843 ?
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