COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 61B
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 30 AVRIL 2020
N° RG 19/00351
N° Portalis DBV3-V-B7D-S4ZY
AFFAIRE :
[K] [M] épouse [J]
C/
Société CHARTIS AIG venant aux droits de la SA AIG EUROPE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 16/13696
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Frédéric LE BONNOIS
Me Marion CORDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [K] [M] épouse [J]
née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 9] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Pierre SALEM du Cabinet de Me Frédéric LE BONNOIS de la SELAS CABINET REMY LE BONNOIS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0299
APPELANTE
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1/ Société de droit étranger CHARTIS AIG dont le siège social est [Adresse 1] (LUXEMBOURG) venant aux droits de la SA AIG EUROPE ([Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 347 - N° du dossier S190069
Représentant Jean David BOERNER, Avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE
2/ CPAM DE LA GIRONDE
[Adresse 8]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE - assignée à personne habilitée le 25 février 2019
3/ Mutuelle OCIANE
[Adresse 7]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE - assignée à personne habilitée le 25 février 2019
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame DERNIAUX , conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
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FAITS ET PROCEDURE
Le 12 février 2009, Mme [M] épouse [J] se trouvait dans un magasin Lidl, assuré auprès de la société Chartis Aig, lorsqu'une étagère contenant des packs de soupe s'est effondrée sur elle.
A la suite de cet accident, Mme [J] a subi un traumatisme au niveau dorsal et de la jambe droite.
Une expertise amiable et contradictoire a été diligentée le 24 mai 2012 par les docteurs [B], missionné par la société Chartis Aig, et [Z], médecin-conseil de Mme [J]. Les experts ont retenu une date de consolidation au 13 mai 2011 et un taux de déficit fonctionnel permanent de 4 %.
Contestant ce rapport d'expertise, Mme [J] a sollicité l'organisation d'une expertise unilatérale auprès du docteur [U], lequel a considéré, au terme de son rapport du 29 avril 2013, que le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme [J] était de 10 % et que la consolidation de son état était acquise au 2 novembre 2011.
Mme [J] a par la suite sollicité une expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux le 30 septembre 2013.
L'expert judiciaire, le docteur [C] [S], a remis son rapport le 9 juin 2015 et a notamment retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 5% ainsi qu'une date de consolidation au 13 mai 2011.
C'est dans ce contexte que, par acte du 2 décembre 2016, Mme [J] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Chartis Europe Aig, la CPAM de la Gironde, à laquelle elle est affiliée, ainsi que sa mutuelle, la société Ociane, aux fins d'obtenir la liquidation de ses préjudices.
Par jugement du 20 décembre 2018, la juridiction a :
dit que le droit à indemnisation de Mme [J] suite à l'accident du 12 février 2009 est entier,
condamné par conséquent la société Chartis Europe Aig à payer à Mme [J] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
-dépenses de santé actuelles95,45 euros
-frais divers5 674,63 euros
-pertes de gains professionnels actuelles4 545,18 euros
-incidence professionnelle4 000,00 euros
-déficit fonctionnel temporaire 2 162,50 euros
-souffrances endurées4 000,00 euros
-déficit fonctionnel permanent7 200,00 euros
-préjudice d'agrément1 500,00 euros
dit que devront être déduites de ces sommes les provisions versées par la société Chartis Aig à Mme [J],
condamné la société Chartis Aig à payer à la CPAM de la Gironde la somme totale de 3 994,52 euros au titre des dépenses de santé actuelles et des indemnités journalières versées pour le compte de Mme [J], avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année en application de l'article 1343-2 du code civil à compter des premières conclusions signifiées le 19 septembre 2017,
condamné la société Chartis Aig à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,
condamné la société Chartis Aig aux entiers dépens,
condamné la société Chartis Aig à payer à Mme [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Chartis Aig à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
déclaré le jugement commun à la société Ociane,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par acte du 16 janvier 2019, Mme [J] a interjeté appel de cette décision, et, aux termes de conclusions du 20 mars 2019, demande à la cour de :
infirmer la décision entreprise en ses dispositions concernant les honoraires des docteurs [U] et [W],
la confirmer pour le surplus,
condamner la société Chartis Aig à lui payer les indemnités suivantes :
- 750 euros au titre des honoraires du docteur [U],
- 600 euros au titre des honoraires du docteur [W],
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- les entiers dépens 'par application des articles 699 et suivants du code de procédure civile'.
ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter de l'assignation par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil (1154 ancien),
rendre l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Gironde et à la mutuelle Ociane.
Par dernières écritures du 12 juin 2019, la société d'assurances Chartis Aig demande à la cour de :
juger non fondée Mme [J] en son appel limité,
confirmer le jugement attaqué du 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions sauf à condamner Mme [J] à lui payer la somme de 3 000 euros pour appel abusif,
la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec recouvrement direct.
La CPAM de la Gironde et la mutuelle Ociane ont été assignées le 25 février 2019 à personne habilitée. Elles n'ont pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2020.
SUR QUOI,
Le tribunal a jugé qu'il était constant que Mme [J], qui contestait les conclusions de l'expertise amiable et contradictoire, avait pris l'initiative d'organiser deux expertises unilatérales, sans d'ailleurs qu'aucune pièce ne justifie la réalisation d'une expertise psychiatrique et a donc limité la somme allouée à l'intéressée au titre des frais divers aux seuls honoraires des docteurs [Z] et [G] qui l'ont assistée lors des expertises amiables contradictoires (2 316 euros et 2 342,03 euros).
Mme [J] soutient que les importantes divergences de point de vue apparues à la suite de l'expertise contradictoire réalisée par les docteurs [B] et [Z] concernant l'imputabilité des arrêts de travail, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément l'ont contrainte à faire appel à des avis médicaux extérieurs pour appuyer sa demande d'expertise judiciaire. Elle indique qu'il s'est d'ailleurs révélé que les conclusions du docteur [U] étaient fort différentes de celles du rapport d'expertise amiable contradictoire qui fixait le DFP à 4 % tandis que le docteur [U] l'évaluait à 10 % et retenait l'existence d'un préjudice d'agrément, d'une incidence professionnelle et la nécessité d'une aide par tierce personne que l'expert judiciaire a d'ailleurs également retenus, contrairement au docteur [B]. Elle fait en outre valoir que l'expertise psychiatrique du docteur [W] était également indispensable compte tenu des séquelles psychiatriques de l'accident (état de stress post-traumatique), analyse confirmée par l'expert judiciaire.
Il sera observé que les quelques divergences opposant les docteurs [Z] (assistant Mme [J]) et [B] (assistant l'assureur) ont été clairement mentionnées dans leur rapport d'expertise établi à la suite de l'examen du 24 mai 2012. Elles portaient sur l'imputabilité des arrêts de travail à l'accident, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément. Ces praticiens avaient d'un commun accord fixé le DFP à 4 %, qui a ultérieurement été évalué à 5 % par l'expert judiciaire.
Il n'était donc nul besoin de recourir à deux expertises non contradictoires pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans le cadre d'une procédure de référé.
Si les frais d'assistance de la victime à l'expertise par un médecin conseil sont indemnisables au titre des frais divers, en revanche, le recours à des 'expertises' non contradictoires non indispensables voire non nécessaires doivent rester à la charge de celui qui en a pris l'initiative.
Les honoraires versés par l'appelante aux docteurs [U] et [W] (qui a d'ailleurs exclu l'existence d'un stress post traumatique et la possibilité 'd'obtenir un DFP supplémentaire') ne sauraient en conséquence être mis à la charge de la société intimée.
Il sera ajouté que les jurisprudences sur lesquelles prétend s'appuyer Mme [J] concernent toutes, ainsi que justement observé par l'assureur intimé, le remboursement, au titre des frais divers, des honoraires du médecin-expert qui assiste la victime à l'occasion d'une expertise amiable ou judiciaire et nullement les honoraires de médecins intervenant pour un examen non contradictoire.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [J] relatives aux honoraires des docteurs [U] et [W].
La société Chartis Aig ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de l'obligation de se défendre en appel, qui sera réparé au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif sera donc rejetée.
Succombant, Mme [J] sera condamnée aux dépens d'appel et versera à la société Chartis Aig la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris.
Y ajoutant :
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Chartis Aig.
Condamne Mme [J] à payer à la société Chartis Aig la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Condamne Mme [J] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,