COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 mai 2020
N° RG 17/04136
N° Portalis DBV3-V-B7B-RYLN
AFFAIRE :
[E] [N]
C/
SAS FUJIFILM FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F 14/02474
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT
Me Nicolas SAUVAGE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 22 avril 2020 puis prorogé au 18 mai 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [N]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177
APPELANT
****************
SAS FUJIFILM FRANCE
N° SIRET : 412 838 526
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Nicolas SAUVAGE de la SELAS SEA AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2240
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Février 2020, Madame Clotilde MAUGENDRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 24 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a:
- dit que le licenciement de M. [E] [N] repose sur une faute grave,
- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SAS Fujifilm France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de M. [N].
Par déclaration adressée au greffe le 2 août 2017, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 janvier 2020.
Par dernières conclusions déposées au greffe le 22 décembre 2019, M. [N] demande à la cour de :
- le recevoir en son appel du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 24 juillet 2017,
- l'y déclarer bien fondé,
- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement par la société Fujifilm selon lettre en date du 25 juillet 2014,
- condamner la société Fujifilm à lui verser :
. 17 998,74 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied, outre l'incidence congés payés à hauteur de 1 799,87 euros brut,
. 35 997,48 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'incidence congés payés à hauteur de 3 599,75 euros brut,
. 269 734,27 euros net, à titre principal, au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,
. 120 087,20 euros net, à titre infiniment subsidiaire, correspondant à l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 2 917,76 euros brut à titre de prorata de 13ème mois,
. 50 707,50 euros brut à titre de prime pour l'exercice 2014,
- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 7 août 2014 et ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner en outre la société Fujifilm à lui verser les sommes suivantes :
. 697 553 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 110 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi en raison de la rupture vexatoire du contrat de travail,
- condamner enfin la société Fujifilm à procéder à l'affichage de la décision à intervenir dans les locaux de l'entreprise, sur le tableau d'affichage destiné à l'information du personnel, dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard,
en tout état de cause,
- condamner la société Fujifilm au paiement de la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Fujifilm aux entiers dépens.
La SAS Fujifilm France a constitué avocat mais n'a pas conclu.
LA COUR,
Sur la procédure,
En application de l'article 954 du code de procédure civile stipule, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
La cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Au fond,
La société Fujifilm France est la filiale du groupe Fujifilm. Elle est spécialisée dans la commercialisation et la maintenance de tous les produits se rapportant à l'imagerie médicale, principalement de la marque Fujifilm, utilisés en radiologie et dans l'endoscopie.
M. [E] [N] a été engagé par la société Fuji Medical Systems France en qualité de directeur administratif, par contrat à durée indéterminée en date du 14 octobre 1992.
Par contrat de travail du 2 mai 1996, il a été embauché par la société GRED en qualité également de directeur administratif, puis par contrat de travail du 21 mars 2005, précisant qu'après avoir longuement discuté les deux sociétés GRED et Fuji Medical Systemes France s'étaient mises d'accord pour le passage d'une société à une autre, M. [N] a été à nouveau engagé par la société Fuji Medical Systems France cette fois comme directeur général.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [N] était de 18 474,95 euros.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce de gros.
Par lettre du 11 juin 2014 remise en mains propres, M. [N] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 23 juin 2014.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 juillet 2014, faisant état de la révélation de nouveaux faits, la société Fujifilm France a convoqué M. [N] à un nouvel entretien préalable fixé au 21 juillet 2014.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 25 juillet 2014 ainsi libellée :
« Fin mars 2014, la protestation d'un client sur un bon de commande nous a conduit à initier une enquête interne qui a abouti à la découverte de fraudes suffisamment graves pour entraîner votre mise à pied conservatoire ainsi que celle de votre adjointe, Madame [M], et d'un de vos directeurs régionaux, Monsieur [W].
Par lettre du 11 juin 2014, vous avez été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif disciplinaire prévu le 23 juin 2014. Lors de cet entretien auquel vous étiez assisté par Monsieur [G] [P], représentant du personnel, nous vous avons présenté les griefs retenus à votre encontre, griefs que vous avez contestés.
Pendant votre mise à pied conservatoire, nous avons pu, pour la première fois depuis des années, accéder librement à votre bureau et à celui de votre adjointe.
Les dizaines de documents que nous avons alors exhumés ont mis à jour une organisation frauduleuse de grande envergure qui a nécessité plusieurs semaines d'enquête interne de la part de la direction financière de la société et a entraîné votre convocation par lettre du 11 juillet 2014 à un second entretien préalable prévu le 21 juillet 2014 pour vous exposer les faits nouveaux que vous avez choisi de ne pas entendre.
La mise à pied conservatoire prononcée à votre encontre a par ailleurs permis à de nombreux salariés, sentant proche la fin de l'omerta que vous faisiez régner, de venir spontanément révéler à la direction certains de vos faits frauduleux. Elle a, en outre, incité de nombreux clients à formuler des réclamations.
Cette enquête déjà très avancée se poursuivra fin août - début septembre pour mesurer l'ampleur des conséquences de vos manquements pour la société.
Cependant, au vu de la nature des faits qui vous sont reprochés et de leurs conséquences connues à ce jour, nous sommes d'ores et déjà contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.
Ces faits sont les suivants :
1. Vous avez résisté, depuis l'acquisition de notre société par le groupe Fuji, à l'utilisation du module devis du logiciel SAP en maintenant, à dessein, des procédures archaïques de traitement des prises de commande. Le logiciel déployé vise à tracer les commandes clients depuis le bon de commande jusqu'à l'encaissement des factures.
Ce refus délibéré de faire respecter et de respecter l'utilisation de SAP vous a permis de maintenir si longtemps, via une organisation centralisée de l'équipe dont vous aviez la charge, un traitement opaque et frauduleux de ventes de matériels qui a profité à certains clients complices et à certains salariés de la société.
2. Vous avez délibérément permis avec l'aide de Madame [M] la falsification de bons de commandes surévalués par Monsieur [W].
Ces falsifications permettaient à Monsieur [W] d'atteindre ses objectifs personnels lui ouvrant ainsi droit à une rémunération indue et à vous d'atteindre artificiellement vos objectifs sur la division «Modalité ».
Madame [M] facilitait cette organisation frauduleuse en communiquant mensuellement un tableau récapitulatif des commandes obtenues par chaque commercial. L'absence d'utilisation de SAP et d'informatisation de l'intégralité du traitement de la commande permettait en effet à Madame [M] de comptabiliser tous les bons de commandes sans les confronter aux factures ultérieurement émises.
Aucun contrôle de cohérence ne pouvait également être effectué par la direction financière non informée du contenu du tableau précité.
Comme évoqué ci-dessus, de nombreux clients ayant appris par le marché la mesure conservatoire prise à votre égard ont formé des réclamations pour obtenir des avoirs sur des factures litigieuses basées sur des bons de commandes que vous et vos deux comparses aviez falsifiés.
3. Vous avez volontairement gardé par devers vous dans votre bureau et celui de Madame [M], tous deux en permanence fermés à clé par le passé, de très nombreuses pièces comptables (bons de commandes, factures, avoirs) remontant parfois jusqu'à 2011 et que vous faisiez échapper au contrôle de la direction financière et des commissaires aux comptes et également, à la facturation.
Ainsi, nous avons découverts dans votre bureau des dossiers papiers concernant du matériel livré aux clients mais dont les factures n'ont finalement jamais été envoyées ou qui ont finalement fait l'objet d'avoirs pour l'intégralité de leur valeur.
A notre plus grande stupéfaction, certains bons de commande comportaient encore leurs 3 exemplaires d'origine, aucun n'ayant donc été renvoyé au client avec leur signature ; or le bon de commande accepté par l'entreprise est le seul acte juridique permettant d'engager le client à ce qu'il achète le matériel concerné.
4. Nous avons enfin relevé d'importantes incohérences dans la reprise du matériel ancien des clients.
Deux catégories de pratiques ont en effet été dégagées :
' La vente d'un matériel neuf avec reprise de l'ancien moyennant une réduction de prix ne donne parfois pas lieu à désinstallation ni retour du matériel repris, dans nos entrepôts.
' La conclusion de contrat de maintenance sur du matériel neuf suivie d'un avoir plus élevé que la valeur du contrat, de sorte que le matériel ancien, en fait laissé sur place, se trouve couvert par la maintenance (gratuite) du matériel neuf.
Il n'est pas impossible que la suite de l'investigation en cours qui se poursuivra jusqu'à début septembre mette à jour un trafic de matériels d'occasions dont vous auriez directement ou indirectement profité.
La gravité des agissements mentionnés ci-dessus, la déloyauté persistante qu'ils matérialisent et l'importance du préjudice causé à la société tant en terme financier qu'en terme d'image ne peuvent vous échapper. Aussi, vous comprendrez que nous ne puissions tolérer un tel comportement plus longtemps.
Dans ce contexte, il nous est impossible de poursuivre toute collaboration avec vous. Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave'.
Le 4 août 2014, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes.
Sur la rupture :
M. [N] expose qu'à compter de la fin de l'année 2012, la société s'est trouvée confrontée à de graves difficultés économiques et que sa tâche a été compliquée par des dysfonctionnements du service technique et des dissensions avec la direction financière.
Il ajoute qu'à l'automne 2013 la direction lui a demandé de mettre en place au sein de l'entreprise un plan de réorganisation, assorti d'un plan de sauvegarde de l'emploi, prévoyant la suppression de 52 postes sur un effectif de 263 salariés, que le 1er juin 2014 tous les projets étaient finalisés et que la nouvelle organisation devait être mise en place à compter du 1er septembre 2014, date de la notification des licenciements.
Il affirme qu'au moment de la mise en place effective du plan de sauvegarde de l'emploi, pour supprimer son poste sans avoir à lui payer les indemnités dues au titre du plan de sauvegarde de l'emploi représentant la somme de 700 000 euros, la société Fujifilm France l'a licencié brutalement et qu'elle a fait de même à l'égard de Mme [M] son assistante de direction.
M. [N] conteste fermement l'ensemble des griefs figurant dans la lettre de licenciement et se prévaut de l'irrégularité de la procédure de licenciement.
L'article L. 1332-2 du code du travail, sans sa version applicable à l'espèce, prévoit qu'une sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.
Le délai d'un mois imparti à l'employeur pour notifier la sanction est impératif.
En l'espèce, le salarié a été convoqué à deux entretiens préalables fixés les 23 juin et 21 juillet 2014 et le licenciement a été notifié le 25 juillet 2014, plus d'un mois après le premier entretien mais moins d'un mois après le second.
Le jugement, pour décider que la procédure était régulière, a retenu que la poursuite de l'enquête
avait permis la découverte de nouveaux faits qui devaient être présentés au salarié dans le cadre d'un nouvel entretien préalable, lequel avait eu lieu dans le délai d'un mois après le premier entretien.
Pour ce faire, il a précisé que l'enquête avait révélé au moins sept autres fraudes en plus de celles évoquées lors du premier entretien.
Le compte-rendu de l'entretien préalable du 23 juin 2014, signé du délégué syndical qui a assisté M. [N], ne relate que des griefs vagues et la présentation par la direction de différentes copies de documents censés mettre en évidence des falsifications.
Les pièces de l'employeur produites en première instance, que le salarié communique devant la cour, synthèse des entretiens des 12 et 16 mai 2014, synthèse de l'audit mené au siège à [Localité 6] du 16 au 18 juin 2014, deux attestations de salariés ne mentionnant pas de dates de découverte des faits, rapport d'audit du Cabinet Ernst & Young du 16 octobre 2014, contrats de maintenance ne mettent pas en évidence la découverte de faits nouveaux entre le 23 juin et le 21 juillet 2014.
Ainsi, faute d'avoir été notifié dans le délai d'un mois après le premier entretien préalable, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Sur l'ancienneté
M. [N] se prévaut d'une ancienneté remontant au 14 octobre 1992 en expliquant qu'après sa première embauche à cette date par la société Fuji Medical Systems France, il a évolué au sein du groupe Fujifilm en étant d'abord muté au sein de la société GRED puis en étant à nouveau transféré au sein de la société Fuji Medical Systems France.
Dès lors qu'il n'est pas établi que le premier contrat passé avec la société Fuji Medical Systems France a été rompu avant que le deuxième contrat soit signé avec la société GRED et qu'il résulte en revanche des termes du troisième contrat que les sociétés GRED et Fuji Medical Systems France se sont entendues pour procéder au transfert de M. [N], il convient de faire droit à la demande du salarié de reprise de son ancienneté à compter du 14 octobre 1992.
Sur l'indemnité contractuelle de licenciement
Par courrier du 1er avril 1996, la société Fujifilm Medical Systems France a confirmé à M. [N] que ' comme nous nous y étions engagés, dans l'hypothèse où vous feriez l'objet d'un licenciement qui ne serait pas fondé sur une faute lourde ou une faute grave, l'indemnité de congédiement qui vous serait versée serait déterminée à partir de deux d'ancienneté :
- pour une tranche de 0 à 10 ans : 4/10ème de mois par année à compter de la date d'entrée dans l'entreprise,
- pour la tranche de 10 à 15 ans : 6/10ème de mois par année au-delà de 10 ans,
- pour la tranche au-delà de 15 ans : 8/10ème de mois par année au-delà de 15 ans.
Après cinq ans d'ancienneté, elle sera majorée de :
- 1 mois pour les collaborateurs âgés de plus de 45 ans,
- 2 mois pour les collaborateurs âgés de plus de 55 ans. '
Cet engagement a été signé par la société Fujifilm France quelques mois avant l'embauche de M. [N] par la société GRED, au terme en réalité d'une mutation au sein du même groupe. Au moment du licenciement M. [N] était à nouveau salarié de la société Fujifilm France, par l'effet d'une autre mutation.
L'engagement du 1er avril 1996, qui n'a jamais été dénoncé par la société Fujifilm France, doit recevoir application.
Il sera donc alloué à M. [N] de ce chef le montant justement calculé de 269 734, 27 euros.
Sur le salaire de la mise à pied conservatoire, le préavis et le 13ème mois
La société Fujifilm France sera également condamnée à verser au salarié un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et le pro rata du 13 ème mois sur la période de préavis dont il a été indûment privé et qui ont été correctement calculés.
Sur la prime d'activité
M. [N] établit qu'il percevait chaque année depuis 2007, au mois de janvier, une prime d'activité de 60 489 euros.
Cette prime ayant été ainsi contractualisée, il est fondé à solliciter son paiement au prorata de l'année 2014. Il sera fait droit à cette demande dont le montant est justement calculé.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [N] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement;
Au regard de son âge au moment du licenciement, 57 ans, de son ancienneté d'environ 22 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de ce qu'il établit que son poste a été supprimé, qu'il a donc été privé du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait à 22 ans d'ancienneté une indemnité globale de licenciement de 26 mois, comprenant l'indemnité conventionnelle de licenciement, et de la possibilité d'un congé de reclassement de 12 mois et qu'il n'a pu faire valoir ses droits à la retraite qu'en février 2019 après avoir perçu les allocations Pôle emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 480 000 euros.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.
Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire :
M. [N] soutient que les termes de la lettre de licenciement sont indignes et injurieux, qu'il a été mis à pied et sorti de l'entreprise quasi ' manu militari ', mise ainsi dans l'impossibilité de dire au revoir à ses collaborateurs et qu'il a été convoqué au pôle financier de la police judiciaire.
Les accusations dont M. [N] a fait l'objet, qui n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales, et le caractère brutal de son éviction après 22 ans de relation contractuelle ont causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.
Sur l'affichage de la décision dans les locaux de l'entreprise :
Il n'y pas lieu de faire droit à la demande d'affichage formulée par M. [N], qui n'en précise d'ailleurs pas le fondement juridique.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [N] les frais par elle exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement,
en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Fujifilm France à payer à M. [E] [N] les sommes suivantes :
. 480 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 17 998,74 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied, outre l'incidence congés payés à hauteur de 1 799,87 euros brut,
. 35 997,48 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'incidence congés payés à hauteur de 3 599,75 euros brut,
. 269 734,27 euros net à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,
. 2 917,76 euros brut à titre de prorata de 13ème mois,
. 50 707,50 euros brut à titre de prime pour l'exercice 2014,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,
ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Fujifilm France à payer à M. [N] de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
DÉBOUTE la société Fujifilm France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Fujifilm France aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente
Dorothée Marcinek, Clotilde Maugendre