COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89E
5e Chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUILLET 2020
N° RG 19/02747
N° Portalis DBV3-V-B7D-TJS6
AFFAIRE :
SAS OPTIONS
C/
CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2019 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Versailles
N° RG : 12/02135
Copies exécutoires délivrées à :
Me Frédérique BELLET
CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS OPTIONS
CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS OPTIONS
[...]
[...]
représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0881 substitué par Me David BODSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0881
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
Département Juridique - BP 204
[...]
[...]
représentée par M. J... X... (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 juin 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Caroline BON, Vice présidente placée chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
N° RG 19/02747
Le 3juillet2006, la société Options SAS (ci-après, la Société) a souscrit une déclaration d'accident du travail survenu le 1erjuillet2006 à 10heures au préjudice de M.P..., salarié en qualité de conditionneur, dans les circonstances suivantes :
'Circonstances détaillées de l'accident : La victime déclare : 'je me suis penché pour attraper un bac de vaisselles et en voulant me relever je suis resté bloqué',
Siège des lésions : Dos,
Nature des lésions : Douleurs'.
L'accident ainsi décrit par la victime était connu de l'employeur le 3juillet2006 à 14heures30.
M.R...S. était identifié en qualité de témoin.
Le certificat médical initial établi le 1erjuillet2006 par le centre hospitalier de Versailles faisait état d'un 'lumbago aigu'. Un arrêt de travail était prescrit à M.P... jusqu'au 4juillet2006.
Le 10juillet2006, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (ci-après, la CPAM ou la Caisse) a pris en charge d'emblée cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'état de santé de M.P... était déclaré consolidé avec séquelles à la date du 20mars2008.
Par courriers des 2septembre2009 et 30juin2010, la Société a demandé que la Caisse communique à un médecin mandaté l'ensemble des certificats médicaux permettant de justifier le bien-fondé des prestations portées au débit de ses relevés de compte employeur. La CPAM n'a pas donné suite à ces demandes.
Par courrier en date du 12juin2012, la Société a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 1erjuillet2006. La dite commission a rejeté le recours de l'employeur en sa séance du 11octobre2012.
Le 28décembre2012, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines afin de solliciter l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident survenu le 1erjuillet2006 à M.P....
Par jugement en date du 10mai2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles a :
- reçu la Société en son recours et l'a dit mal fondé ;
- dit que la décision de la CPAM de prendre en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle dont a été victime M.P... le 1erjuillet2016 est bien fondée et opposable à la Société ;
- dit que la décision de la CPAM de prendre en charge les soins, prestations et arrêts prescrits à M.P... en suite de l'accident dont il a été victime le 1erjuillet2016 jusqu'au 20mars2008 est bien fondée et opposable à la Société ;
- débouté la Société de l'ensemble de ses demandes et notamment sa demande d'expertise médicale judiciaire ;
- condamné la Société aux éventuels dépens postérieurs au 1erjanvier2019.
Le 27juin2019, la Société a interjeté appel de cette décision et les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 9juin2020.
La Société, reprenant oralement ses écritures, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel, le disant recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
A titre principal, sur l'absence de preuve de la matérialité de l'accident allégué par M.P...,
- constater que dans ses rapports avec elle, la CPAM ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un fait accidentel qui serait survenu le 1erjuillet2006 au temps et au lieu du travail ;
- en conséquence, dire et juger que la décision que la CPAM de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident du 1erjuillet2006, invoqué par M.P..., lui est inopposable
N° RG 19/02747
A titre subsidiaire, sur l'absence de justification par la Caisse d'une continuité de symptômes et de soins pour bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail,
- constater que l'employeur conteste les décision de prise en charge de l'ensemble des prestations, soins et arrêts, pris en charge par la Caisse au titre de l'accident du travail du 1erjuillet2006 de M.P... ;
- constater que la Caisse ne justifie pas d'une continuité de symptômes et de soins à compter du certificat médical descriptif du 30avril2007 pour pouvoir bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail ;
- en conséquence, dire et juger que les lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la Caisse, au titre de l'accident du travail du 30avril2007 de M.P..., lui sont inopposables ;
A titre infiniment subsidiaire, sur l'absence de justification par la CPAM de sa décision de prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail au titre de l'accident de M.P... du 1erjuillet2006,
- constater que les prestations servies à l'assuré font grief à l'entreprise au travers de l'augmentation de ses taux de cotisations accidents du travail ;
- en conséquence, constater qu'il existe un litige d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité de l'ensemble des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre de la lésion déclarée par M.P... ;
- ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire, confiée à tel expert qu'il plaira au tribunal de nommer, le litige intéressant les seuls rapports Caisse/employeur, afin de vérifier la justification des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la Caisse, au titre de la lésion de M.P... du 1erjuillet2006 ; l'expert désigné aura pour mission de :
1° - ordonner au service médical de la Caisse de communiquer l'entier dossier médical de M.P... en sa possession en application de l'article L.141-2-2 du code de la sécurité sociale ;
2° - prendre connaissance de l'entier dossier médical de M.P... établi par la Caisse ;
3° - convoquer et entendre les parties, éventuellement représentées par un médecin de leur choix ;
4° - fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec la lésion de M.P... du 1erjuillet2006 ;
5° - dire notamment, si pour certains arrêts de travail et soins, il s'agit d'une lésion indépendante de celle déclarée le 1erjuillet2006 ou d'un état indépendant évoluant pour son propre compte ;
6° - fixer la date de consolidation de l'état de santé de M.P... résultant de son accident de travail du 1erjuillet2006 à l'exclusion de tout état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte ;
7° - déterminer la date à partir de laquelle les lésions, soins et arrêts de travail sont en rapport avec un état antérieur évoluant pour son propre compte ou relève d'une cause étrangère ;
8° - ordonner à l'expert de soumettre un pré-rapport aux parties avant le dépôt du rapport définitif ;
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure afin qu'il soit débattu du caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts en cause, après dépôt du rapport de l'expert judiciaire.
A l'audience, la Caisse réitère ses écritures aux termes desquelles elle sollicite de la cour qu'elle :
- déboute la Société en l'intégralité de ses demandes ;
- confirme en tous points la décision déférée ayant déclaré opposable à la Société sa décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les accidents du travail, le fait accidentel survenu à M.P... le 1erjuillet2006 ainsi que tous les soins et arrêts de travail qui s'en sont suivis jusqu'à la date de consolidation fixée au 20mars2008.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
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MOTIFS
Sur le caractère professionnel de l'accident
La Société soutient que le fait accidentel invoqué par M.P... ne repose que sur ses seules allégations, le témoin mentionné sur la déclaration d'accident du travail n'étant en réalité que la première personne avisée. Elle ajoute que la douleur ressentie par le salarié ne constitue pas un fait accidentel précis et soudain. L'employeur déplore avoir été prévenu tardivement alors que M.P... a continué sa journée de travail sans signaler l'accident. Comme la déclaration d'accident du travail, l'appelante expose que le certificat médical initial ne fait que reprendre les déclarations faites par l'assuré. Dès lors, pour la Société, la lésion au dos invoquée par M.P... a pu survenir à tout moment alors qu'il n'était pas sous le lien de subordination de son employeur.
La Caisse répond que la déclaration d'accident du travail, établie sans aucune réserve de l'employeur, désignait un témoin dont la présence et la qualité n'étaient pas contestées. Elle se prévaut du certificat médical initial établi le jour même de l'accident allégué duquel il ressort que le siège et la nature des lésions sont en totale conformité avec les circonstances de l'accident. L'organisme conteste le caractère tardif de la déclaration d'accident du travail soulevé par la Société.
Sur ce,
L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose que
Est considéré comme accident, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Ce texte édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au temps et au lieu du travail, sauf à démontrer qu'il résulte d'une cause totalement étrangère au travail.
Pour que la présomption d'accident du travail trouve à s'appliquer dans les rapports Caisse/employeur, il appartient à l'organisme, subrogé dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail.
Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.
En cas de contestation de l'employeur, il lui appartient de rapporter la preuve que l'accident avait une cause entièrement étrangère au travail.
Les juges apprécient souverainement la matérialité des faits.
En l'espèce, M.P... se plaint d'avoir été victime d'un accident du travail le 1erjuillet2006.
Sur la base des explications fournies par son salarié, la Société a déclaré l'accident deux jours après sans émettre de réserve.
Ce faisant, en l'absence de réserves de l'employeur, la CPAM a pris en charge d'emblée l'accident au titre de la législation professionnelle sans procéder à une enquête, ainsi qu'elle en avait la possibilité. Il en résulte que le témoin mentionné sur la déclaration d'accident du travail, dont la Société conteste la qualité sans établir qu'il s'agissait en réalité de la première personne avisée, n'a pas été entendu. Mais l'employeur est mal fondé à tirer argument de cette absence d'audition en ce qu'elle résulte de son propre fait.
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Il ressort ensuite du certificat médical initial versé aux débats que la lésion dont M.P... a déclaré souffrir a été médicalement constatée le jour même et qu'elle est compatible avec les circonstances de l'accident.
Enfin, si l'employeur n'a été avisé de la situation du salarié que le lundi à 14heures30 alors que l'accident allégué se serait produit le samedi à 10heures, il n'est aucunement démontré par la Société que M.P... aurait continué normalement sa journée de travail.
Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que la Caisse apporte suffisamment d'éléments permettant d'établir la matérialité du fait accidentel invoqué.
Le jugement ayant dit que la décision de la CPAM de prendre en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle dont a été victime M.P... le 1erjuillet2016 est bien fondée et opposable à la Société est confirmé sur ce point.
Sur l'inopposabilité des arrêts de travail et des soins en l'absence de continuité de symptômes et de soins
La Société rappelle que le certificat médical initial ne prescrivait qu'un court arrêt de travail de trois jours de sorte que les douleurs initialement décrites par l'assuré ne permettent pas d'expliquer une prescription de repos de 628jours. Elle considère qu'à compter du 30avril2007, les soins et arrêts de travail prescrits à M.P... ne sont plus en rapport avec la hernie discale mais avec le seul problème de surcharge pondérale de l'assuré. L'appelante soutient qu'elle rapporte des éléments susceptibles de constituer un commencement de preuve suffisant de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité qui bénéficie à l'accident du travail déclaré par M.P... et aux prestations qui ont par la suite été prises en charge. La Société se réfère notamment à l'avis médical de son médecin conseil. En présence d'un différend d'ordre médical, elle estime que l'expertise médicale judiciaire s'avère être le seul moyen de vérifier l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la Caisse au titre de l'accident du travail de du 1erjuillet2006.
La Caisse répond que l'assuré a bénéficié d'arrêts de travail et de soins indemnisés à compter de l'accident et ce jusqu'à la date de consolidation, de sorte que l'ensemble des prescriptions évoquées doit être imputé à l'accident du travail. Elle soutient que la persistance des douleurs après le 30avril 2007 est due en partie à un état antérieur à l'accident caractérisé par une surcharge pondérale. Mais ces douleurs prennent leur source dans l'accident du 1erjuillet2006 et si cet accident n'avait pas eu lieu, rien ne permet d'affirmer que la surcharge pondérale de M.P... aurait justifié des arrêts de travail au-delà du 30avril2007.
Sur ce,
La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ainsi instituée par l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime.
L'employeur qui conteste le caractère professionnel des arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident et pris en charge à ce titre, doit détruire la présomption d'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue au temps et au lieu de travail, en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail.
En l'espèce, la matérialité de l'accident du travail dont a été victime M.P... étant établie, ainsi qu'il a été statué plus haut, ses lésions initiales au dos bénéficient de la présomption d'imputabilité ainsi que leurs complications et les soins et arrêts de travail qui s'y rattachent.
Il est établi et non contesté que la Caisse produit des certificats médicaux couvrant la période du 1erjuillet2006 au 10janvier2007 ainsi que d'autres certificats du 13janvier2007 au 20mars2008.
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Il en résulte que M.P... a bénéficié d'une continuité d'arrêts de travail et de soins prescrits sans interruption sur la période initiale du 1erjuillet2006 au 10janvier2007. Donc la présomption d'imputabilité de ces soins et arrêts à l'accident du travail s'applique et ils sont opposables à son employeur.
Par contre, il existe manifestement une rupture dans la continuité des symptômes et des soins entre le 10 et le 13janvier2007, période pour laquelle la Caisse est dans l'impossibilité de produire un quelconque certificat médical. Même si la période litigieuse est courte, l'absence de continuité entraîne de facto un renversement de la charge de la preuve puisqu'à partir de cette date, la présomption d'imputabilité ne s'applique plus et il incombe à la CPAM de démontrer le lien de causalité entre les soins et arrêts et l'accident du travail.
Or, elle échoue à apporter cette preuve puisqu'elle ne produit aucun autre élément que les certificats médicaux de prolongation.
Il convient donc, sans ordonner d'expertise médicale, de déclarer opposables à la Société les soins et arrêts de travail prescrits à M.P... au titre de son accident de travail du 1erjuillet2006 sur la période du 1erjuillet2006 au 10janvier2007 et de déclarer inopposables ceux prescrits au-delà de cette date.
Le jugement entrepris est en conséquence partiellement infirmé en ce sens.
Sur les dépens
La Caisse, qui succombe principalement à l'instance, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 10mai2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Versailles (n°12/02135) sauf en ce qu'il a déclaré opposables à la société Options SAS les arrêts de travail et soins prescrits à M.P... pour la période 10janvier2007 au 20mars2008 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposables à la société Options SAS les soins, prestations et arrêts prescrits à M.P... en suite de l'accident dont il a été victime le 1erjuillet2006 au-delà du 10janvier2007 ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Achille Tampreau, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
N° RG 19/02747