COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 02 JUILLET 2020
N° RG 19/06357
N° Portalis DBV3-V-B7D-TN22
AFFAIRE :
SA AXA FRANCE IARD
C/
[S] [N] épouse [X] agissant en son nom propre et en sa qualité de tutrice légale de [Z] [F] [X]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 15/12169
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Anne-laure DUMEAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 9]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Représentant : Me Jérôme CHARPENTIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216
APPELANTE
****************
1/ Madame [S] [N] épouse [X], agissant en son nom propre et en sa qualité de tutrice légale de [Z] [F] [X], né le [Date naissance 8] 1984
née le [Date naissance 5] 1953
de nationalité Française
2/ Monsieur [A] [O] [X]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 11]
de nationalité Française
3/ Monsieur [H] [X]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 10] (93)
de nationalité Française
4/ Madame [V] [X]
née le [Date naissance 1] 1987
de nationalité Française
5/ Madame [P] [Y] épouse [N]
née le [Date naissance 4] 1929 à [Localité 11]
de nationalité Française
6/ Madame [I] [L] [K]
née le [Date naissance 6] 1926
de nationalité Française
Demeurant tous :
[Adresse 7]
[Localité 11]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42116
Représentant : Me Rémy LE BONNOIS de la SELAS CABINET REMY LE BONNOIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0299
INTIMES
7/ CGSS DE MARTINIQUE
[Adresse 12]
[Localité 11]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE - assignée à personne habilitée le 2 juin 2017
****************
Composition de la cour :
L'affaire était fixée à l'audience publique du 29 mai 2020 pour être débattue devant la cour composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
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En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.
Les parties en ont été avisées par le greffe le 4 mai 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.
Ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 11 juin 2011 au [Localité 11] (97), M. [Z] [X], âgé de 26 ans, comme né le [Date naissance 8] 1984, a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'il était passager avant droit du véhicule conduit par M. [U] [J], assuré par la société Axa France Iard (Axa), qui a violemment percuté une motocyclette arrivant en sens inverse, dont le conducteur et la passagère ont été projetés sur le pare-brise au niveau où se trouvait M. [Z] [X]. Le conducteur de la motocyclette a été tué et la passagère très grièvement blessée.
M. [Z] [X] a subi un grave traumatisme crânien, un hématome intra crânien sous dural aigu droit, un oedème cérébral et des pétéchies frontales bilatérales. Il se trouve aujourd'hui dans un état de conscience minimal.
Il a été placé sous la tutelle de sa mère, Mme [S] [X], désignée tutricepour une durée de 60 mois par jugement du 23 novembre 2011 du juge des tutelles de Fort de France.
Par ordonnance en date du 6 novembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a désigné en qualité d'expert le docteur [E] comme expert médical et M. [T] comme expert architecte.
Le docteur [E] a procédé à sa mission et, aux termes d'un rapport du 23 mars 2014, a conclu ainsi :
'Le déficit fonctionnel temporaire est total : la victime est dans l'incapacité totale de poursuivre ses activités habituelles.
La date de consolidation peut être fixée au 14 février 2013.
Le déficit fonctionnel permanent peut être chiffré à 98 % en raison d'un état pauci-relationnel.
La victime, du fait de son déficit fonctionnel permanent, est dans l'incapacité totale d'exercer une quelconque activité professionnelle.
Les souffrances endurées sont évaluées à 6/7 pour un traumatisme crânien gravissime ayant nécessité un séjour en réanimation et un séjour en rééducation prolongée de l'ordre d'un an.
Le préjudice esthétique temporaire est fixé à 5/7 en raison d'une part des déformations des mains des pieds, de l'enfoncement très important de la quasi totalité de l'hémicrane droit jusqu'à la cranioplastie.
Le préjudice esthétique permanent est évalué à 4,5/7.
Il y a un préjudice d'agrément.
La victime ne pourra pas avoir de relations sexuelles et par conséquent avoir d'enfants.
Il convient de prévoir des aides humaines.'
M. [T] a déposé son rapport le 16 juin 2014.
Par actes des 10 et 15 septembre 2015, Mme [S] [N], épouse [X], mère de M. [Z] [X], en son nom personnel et en sa qualité de tutrice, M. [A] [X], son père, M. [H] [X] et Mme [V] [X], son frère et sa soeur, Mme [P] [Y] épouse [N] et Mme [I] [L] [K], ses grand-mères ont assigné Axa et la CGSS Martinique devant le tribunal de grande instance de Nanterre en réparation des préjudices subis.
Par jugement du 9 mars 2017, la juridiction a :
condamné Axa à payer à Mme [S] [X], en qualité de tutrice de M. [Z] [X], à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, les sommes de :
dépenses de santé futures : 231 816,83 euros
frais divers : 14 862,00 euros
tierce personne avant consolidation : 29 580,00 euros
tierce personne définitive pour la période du 1er juillet 2015 au 1er septembre 2016 : 227 360,00 euros
pertes de gains avant consolidation : 9 817,84 euros
arrérages échus des perte de gains professionnels actuels : du 14 février 2013 au 1er mars 2017 : 58 800 euros
incidence professionnelle : 90 000 euros
aménagement du véhicule et de son renouvellement : 108 297,08 euros
aménagement du domicile : 197 350 euros
déficit fonctionnel temporaire : 17 520 euros
souffrance endurée : 50 000 euros
préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros
déficit fonctionnel permanent : 676 200 euros
préjudice esthétique : 30 000 euros
préjudice d'agrément : 10 000 euros
préjudice sexuel : 30 000 euros
préjudice d'établissement : 40 000 euros
soit la somme de 1 829 603,75 euros,
condamné Axa à payer à Mme [X] en qualité de tutrice de M. [Z] [X]:
- une rente trimestrielle et viagère au titre de la tierce personne d'un montant de 48 720 euros, payable à compter du 1er septembre 2016 et qui sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours,
- une rente trimestrielle et viagère au titre des pertes de gains professionnels futurs d'un montant de 3 600 euros à compter du jugement,
' dit que ces rentes seront payables à terme échu avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et seront révisables chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du jugement ;
condamné la société Axa à payer à :
- Mme [S] [X] (mère), en son nom personnel, 40 000 euros au titre du préjudice moral et 30 000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence,
- M. [A] [X] (père), 40 000 euros au titre du préjudice moral et 30 000 euros au titre du trouble dans les conditions d'existence,
- M. et Mme [X] ensemble, 30 000 euros au titre des frais de déplacement,
- M. [H] [X], (frère), 20 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, et 1 500 euros au titre des frais de déplacement,
- Mme [V] [X], (soeur), 25 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, et 1 500 euros au titre des frais de déplacement,
- Mme [N] (grand-mère), 12 000 euros en réparation du préjudice moral,
- Mme [K] (grand-mère), 12 000 euros en réparation du préjudice moral,
condamné la société Axa à payer à la CGSS de Martinique la somme de 1 846 232,80 euros au titre des débours définitifs exposés pour M. [Z] [X],
condamné Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,
condamné Axa à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- à Mme [X] représentant M. [Z] [X], la somme de 4 000 euros,
- à M. [A] [X], à Mme [S] [X], à M [H] [X], à Mme [V] [X], à Mme [Y] épouse [N], à Mme [L] [K], la somme de 500 euros chacun,
condamné Axa à payer l'indemnité forfaitaire de gestion à la CGSS de Martinique pour une somme de 1 047 euros,
ordonné l'exécution provisoire pour la moitié de l'indemnité allouée à M. [X] et en totalité en ce qui concerne les rentes viagères, les indemnités allouées aux consorts [X] et à la CGSS de Martinique, les frais irrépétibles et les dépens,
rejeté le surplus des demandes.
Par acte du 5 avril 2017, la société Axa a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 22 novembre 2018, la cour a :
infirmant partiellement le jugement et statuant à nouveau :
sursis à statuer sur les postes relatifs aux pertes de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent subis par M. [Z] [X] dans l'attente de la production par ses soins des documents permettant de connaître avec précision sa situation au regard de l'attribution d'une pension d'invalidité,
ordonné le retrait du rôle du dossier, lequel pourra y être remis sur justification des productions demandées,
fixé ainsi les postes de préjudice suivants :
concernant M. [Z] [X] :
dépenses de santé futures à charge : 226 047,12 euros
tierce personne avant consolidation et jusqu'au 30 juin 2015 : 22 185 euros
tierce personne échue entre le 1er juillet 2015 et le 31 août 2016 : 204 624 euros
pertes de gains professionnels après consolidation et jusqu'au 31 juillet 2017 : 64 200 euros
aménagement du véhicule : 104 159,27 euros
aménagement du domicile : 170 100 euros
préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros
préjudice esthétique permanent : 20 000 euros
concernant Mme [S] [N] épouse [X] et M. [A] [X] :
frais de déplacement, ensemble : 10 000 euros
confirmé le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires,
en conséquence,
récapitulé comme suit les sommes revenant :
- à M. [Z] [X], représenté par sa tutrice, Mme [S] [N] épouse [X], poste par poste, provisions non déduites, et indépendamment des créances des tiers payeurs :
frais divers : 14 862 euros
dépenses de santé futures à charge : 226 047,12 euros
tierce personne avant consolidation et jusqu'au 30 juin 2015 : 22 185 euros
tierce personne échue entre le 1er juillet 2015 et le 31 août 2016 : 204 624 euros
tierce personne à compter du 1er septembre 2016 : rente trimestrielle viagère payable d'avance de 48 720 euros
perte de gains professionnels avant consolidation : 9 871,84 euros
pertes de gains professionnels échues entre la consolidation et le 31 juillet 2017 : 64 200 euros
perte de gains professionnels échues à compter du 1er août 2017 et à échoir : sursis à statuer
incidence professionnelle : sursis à statuer
frais d'aménagement du véhicule : 103 968,67 euros
frais d'aménagement du domicile : 170 100 euros
déficit fonctionnel temporaire : 17 520 euros
souffrances endurées : 50 000 euros
préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros
déficit fonctionnel permanent : sursis à statuer
préjudice esthétique permanent : 20 000 euros
préjudice d'agrément : 10 000 euros
préjudice sexuel : 30 000 euros
préjudice d'établissement : 40 000 euros
- à Mme [S] [N] épouse [X] : 40 000 euros au titre du préjudice d'affection et 30 000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence
- à M. [A] [X] : 40 000 euros au titre du préjudice d'affection et 30 000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence
- à Mme [S] [N] épouse [X] et M. [A] [X], ensemble, 10 000 euros au titre des frais de déplacements
- à Mme [V] [X] : 1 500 euros au titre des frais de déplacement et 25 000 euros au titre du préjudice d'affection
- à M. [H] [X] : 1 500 euros au titre des frais de déplacement et 20 000 euros au titre du préjudice d'affection
- à Mme [P] [N] : 12 000 euros au titre du préjudice d'affection
- à Mme [I] [L] [K] : 12 000 euros au titre du préjudice d'affection
- à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Martinique (CGSS) : 1 846 232,80 euros au titre des frais pharmaceutiques, d'hospitalisation, et frais futurs et 1 047 euros au titre de l'indemnité réglementaire forfaitaire
condamné la société Axa France IARD à payer lesdites sommes, en deniers ou quittances,
l'a condamnée également à payer à Mme [S] [N], épouse [X], en son nom personnel et en sa qualité de tutrice, M. [A] [X], M. [H] [X] et Mme [V] [X], Mme [P] [Y] épouse [N] et Mme [I] [L] [K], unis d'intérêts, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Par conclusions de reprise d'instance en date du 29 août 2019, Mme [S] [X] demande à la cour de condamner la société Axa à lui payer, en sa qualité de représentante légale de son fils, les sommes de :
754 080 euros au titre des ses préjudices patrimoniaux : perte de gains professionnels échus et futurs
676 200 euros au titre de ses préjudices extra patrimoniaux : déficit fonctionnel permanent
2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la condamnation d'Axa aux dépens avec recouvrement direct et demande à la cour de rendre l'arrêt à intervenir commun à la CGSS.
Aux termes de conclusions du 28 avril 2020, la société Axa France IARD demande à la cour, vu l'arrêt du 22 novembre 2018, de :
réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
fixer les préjudices de M. [X], en deniers ou quittances, provisions non déduites, comme suit :
perte de gains professionnels futurs : 43 200 euros outre au 15/07/20 une rente trimestrielle jusqu'à 65 ans de 3 600 euros versée à terme échu,
à titre subsidiaire : 340 329,60 euros, à titre infiniment subsidiaire : 345 024 euros
incidence professionnelle : 50 000 euros
déficit fonctionnel permanent : 588 000 euros
débouter M. [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuer ce que de droit sur les dépens avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR QUOI,
-Sur la clôture
Les parties ont été destinataires de l'avis adressé en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et ont déposé leurs dossiers.
La clôture est intervenue à la date initialement fixée pour l'audience de plaidoiries, soit le 29 mai 2020.
- Sur le fond
Trois postes de préjudice restent en débat : les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.
Mme [X] soutient qu'ayant sa carrière professionnelle devant lui compte tenu de son jeune âge, il n'est pas contestable que son fils souffrait d'une perte de chance importante de gagner en moyenne durant sa vie active une somme de 2 000 euros net par mois, perte de chance qu'elle évalue à 75% au regard de son activité professionnelle, de celle de son mari, du frère de [Z] et de sa soeur. Elle sollicite donc une somme de 37 500 euros pour la période échue du 1er août 2017 au 31 août 2019, puis, à compter du 1er septembre 2019, une somme de 716 580 euros.
Elle demande la confirmation du jugement entrepris s'agissant de la somme de 90 000 euros allouée au titre de l'incidence professionnelle, rappelant que du fait de ses lourdes séquelles, [Z] ne travaillera plus jamais et ne participera plus à la vie active et sociale qu'apporte une activité professionnelle.
Enfin, s'agissant du DFP, elle sollicite la somme de 676 200 euros, sur la base d'un point de 6 900 euros et donc la confirmation du jugement.
Axa considère que c'est à raison que le tribunal, en cela approuvé par la cour s'agissant des pertes de gains passées, a évalué le salaire de la victime à la somme mensuelle de 1 200 euros. Elle offre ainsi de payer la somme de 43 200 euros au titre des pertes du 15 juillet 2017 au 14 juillet 2020, puis, une rente trimestrielle jusqu'à l'âge de 65 ans, d'un montant de 3 600 euros. Elle considère que Mme [X] ne peut solliciter l'application du barème de la Gazette du Palais publié en novembre 2018 dès lors que la cour a d'ores et déjà définitivement statué sur nombre d'autres préjudices en faisant application du barème 2016, dont elle sollicitait la mise en oeuvre. Sur la base de ce barème 2016, elle offre à titre subsidiaire de verser un capital de 340 329,60 euros.
S'agissant de l'incidence professionnelle, Axa rappelle la jurisprudence récente de la Cour de cassation selon laquelle l'indemnisation de la perte de ses gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle. Néanmoins, et par souci de modération, Axa offre de verser de ce chef une somme de 50 000 euros pour tenir compte d'une perte de chance de droits à la retraite.
Enfin, elle sollicite l'infirmation du jugement s'agissant de l'évaluation du DFP pour lequel elle propose de payer une somme de 588 000 euros, sur la base d'un point à 6 000 euros.
***
Mme [X] verse aux débats un courrier que lui a adressé le 7 février 2019 la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de la Martinique dans laquelle celle-ci indique que M [Z] [X] ne bénéficie pas d'une pension d'invalidité en lien avec l'accident du 11 juin 2011.
Il n'est pas justifié de la moindre démarche de Mme [X] pour que son fils perçoive une telle pension, alors que la cour dans son arrêt du 22 novembre 2018 avait sollicité qu'il soit justifié d'une telle demande ou alors qu'il soit établi que la victime ne pouvait y prétendre.
Comme l'avait déjà noté la cour dans l'arrêt précité, force est de constater qu'il n'est pas produit la moindre pièce sur l'activité professionnelle antérieure proche de la date de l'accident de M [Z] [X], lequel n'avait ni emploi régulier, ni qualification professionnelle. Il n'est en effet justifié que d'emplois occupés de manière précaire par M [Z] [X] dans le cadre de CDD au profit de divers employeurs, toujours en qualité d'ouvrier ou de manutentionnaire : l'aéroport (du 3.07.2006 au 10.09.2006, du 18.12.2006 au 11.02.2007, du 25.06.2007 au 22.07.2007), les Ets E. Mussard (décembre et novembre 2007, mai 2006, deux semaines en mai 2008), la société Martinique Nutrition Animale (août 2009, décembre 2009, d'août 2010 à fin novembre 2010).
Dans ce contexte, la référence aux revenus professionnels de ses parents et frère et soeur, par ailleurs non sérieusement étayée par la communication de pièces probantes, ne saurait suffire à justifier une indemnisation sur la base d'un salaire moyen de 2 000 euros par mois.
Il résulte en effet de l'unique bulletin de paie datant de 2015 versé par chacun des membres de la famille [X] que la mère percevait un salaire net fiscal de 3 318 euros, en fin de carrière (61 ans), le père un salaire net fiscal de 2 947 euros, également en fin de carrière, que la soeur de la victime, titulaire d'un BTS percevait un salaire net fiscal de 1 139 euros, et que le frère de la victime, titulaire d'un diplôme d'ambulancier, percevait un salaire net de 1 211 euros.
Les pertes de gains échues de la victime ont été évaluées par la cour sur la base d'un salaire de 1 200 euros et cette somme sera retenue pour l'évaluation des pertes postérieures au mois de juillet 2017 dès lors qu'âgée de 26 ans lors de l'accident, la victime n'avait aucune qualification professionnelle.
Ainsi, sur la période du 15 juillet 2017 au 14 juillet 2020, il lui sera alloué la somme de 43 200 euros (1 200 euros x 36 mois).
A compter du 15 juillet 2020, la réparation s'effectuera sous la forme d'une rente, plus conforme à l'intérêt de la victime, à laquelle sont ainsi garanties des ressources à l'abri des aléas de placements financiers.
Ainsi il lui sera alloué une rente trimestrielle de 3 600 euros et ce à titre viager eu égard à son jeune âge lors de l'accident et au fait qu'il pas pu se constituer de droits à la retraite un tant soit peu significatifs.
Selon la nomenclature Dintilhac, le poste de préjudice de l'incidence professionnelle "a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle.
M [Z] [X] ne pourra plus jamais travailler et se voit allouer une rente viagère destinée à compenser une perte totale et définitive de revenus.
Le préjudice de la victime doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
Si l'attribution d'une rente viagère destinée à compenser la perte de revenus d'une victime qui ne pourra plus jamais occuper un emploi, interdit à l'évidence de réparer l'incidence professionnelle dans sa composante objective liée à la manière dont l'activité est exercée (pénibilité accrue, dévalorisation sur le marché du travail, obligation de reconversion ...), puisque précisément il n'y aura plus jamais d'activité, elle n'interdit pas par principe la réparation des composantes plus subjectives de l'incidence professionnelle.
En l'espèce, M [Z] [X] sollicite, au titre de l'incidence professionnelle un préjudice distinct de la perte de gains professionnels futurs et découlant de la dévalorisation sociale liée à l'impossibilité d'exercer un travail.
Ce préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.
La victime souffre d'un DFP de 98% et elle était âgée de 28 ans lors de la consolidation. C'est au terme d'une exacte analyse que le tribunal lui a alloué de ce chef la somme de 676 200 euros, soit 98% x 6 900.
Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnisation complémentaire à Mme [X] au titre des frais irrépétibles.
Chacune des parties conservera la charge des dépens éventuellement exposés postérieurement à l'arrêt du 22 novembre 2018.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'arrêt du 22 novembre 2018 ;
Confirme le jugement s'agissant de la somme allouée à M [Z] [X] en réparation de son déficit fonctionnel permanent.
L'infirme s'agissant de l'indemnisation de l'incidence professionnelle et des pertes de gains professionnels futurs.
Condamne la société Axa France IARD à payer à Mme [S] [X] en sa qualité de tutrice de son fils M [Z] [X] :
la somme de 43 200 euros au titre des pertes de gains professionnels échues du 15 juillet 2017 au 14 juillet 2020
une rente trimestrielle et viagère de 3 600 euros au titre des pertes de gains professionnels postérieures au 15 juillet 2020
la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.
Dit que la rente sera payable à terme échu avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et sera révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985.
Dit que le présent arrêt est commun à la CGSS de Martinique.
Rejette la demande formée par Mme [X] en sa qualité de tutrice de M [Z] [X] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens éventuellement exposés postérieurement à l'arrêt du 22 novembre 2018.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,