Cour D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 SEPTEMBRE 2020
N° RG 17/03217
N° Portalis DBV3-V-B7B-RUWF
AFFAIRE :
[F], [J], [G] [X] épouse [W]
C/
SNC HOTEL GRIL DE DREUX
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de Dreux
Section : E
N° RG : F 16/00169
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Antoine GUEPIN
Me Florence FROMENT MEURICE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F], [J], [G] [X] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (76)
de nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Antoine GUEPIN de la SCP GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de Chartres, vestiaire : 000021, substitué à l'audience par Me Jane MOOR, avocat au barreau de Chartres
APPELANTE
****************
SNC HOTEL GRIL DE DREUX
N° SIRET : 339 169 153
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Florence FROMENT MEURICE de la SELAS VIVANT CHISS FROMENT-MEURICE JAGLIN, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R245
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 juillet 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,
Par jugement du 13 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Dreux (section encadrement) a :
en la forme,
- déclaré Mme [F] [W] recevable en ses demandes,
- déclaré la SNC Hôtel Gril de Dreux recevable en sa demande reconventionnelle,
en droit,
- dit que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- débouté Mme [W] de l'intégralité de ses demandes y compris celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [W] à payer à la SNC Hôtel Gril de Dreux la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [W] aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 27 juin 2017, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2018.
Par dernières conclusions déposées au greffe le 22 février 2018, Mme [W] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dreux en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- la recevoir en ses demandes,
- dire ses demandes recevables et bien fondées,
- dire que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,
en conséquence,
- condamner la SNC Hôtel Gril de Dreux à lui verser les sommes suivantes :
. 73 428,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
. 4 620,86 euros au titre des 41 jours de congés-payés acquis et non pris,
. 2 316,64 euros au titre du remboursement des cotisations de mutuelle,
. 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés conformément à la décision à intervenir, attestation Pôle emploi, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution,
- condamner la SNC Hôtel Gril de Dreux en tous les dépens.
Par dernières conclusions déposées au greffe le 4 juin 2018, la société Hôtel Gril de Dreux demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dreux du 13 juin 2018 en ce que le licenciement de Mme [W] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sans distinction,
- à titre subsidiaire, réduire le montant des condamnations prononcées à de plus justes proportions,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] aux entiers dépens.
LA COUR,
La société Hôtel Gril de Dreux exploite l'hôtel restaurant Campanile, qui appartient au groupe « Louvre Hôtel » à [Localité 2] (28), lieu d'exécution des relations contractuelles.
Mme [F] [W] a été engagée par la société Hôtel Gril de Dreux en qualité de directrice adjointe, statut cadre, niveau V, échelon 1, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 septembre 2001, avec une reprise d'ancienneté au 6 avril 1998 (sa pièce 1) et selon un forfait jour.
Le contrat de travail prévoyait qu'elle devait assister son mari, directeur de l'établissement, dans ses fonctions, et « compte tenu de la complémentarité des fonctions de la Contractante et de M. [D] [W], de leurs aptitudes à remplir ces fonctions et de l'usage ci-dessus, il est convenu expressément que la rupture de l'un des deux contrats de travail, pour quelque cause que ce soit, constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement du titulaire de l'autre contrat. »
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997.
La société Hôtel Gril de Dreux emploie plus de 10 salariés.
En dernier état, la salariée percevait un salaire brut de base 2 459 euros, auquel s'ajoutaient diverses indemnités (sa pièce 2, bulletin de salaire).
Par un premier courrier remis en main propre contre décharge en date du 27 avril 2015, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 mai 2015 (sa pièce 4). Ce courrier prévoyait également une dispense d'activité à compter du 27 avril 2015.
Par un second courrier en date du 22 mai 2015, Mme [W] a été convoquée à un second entretien préalable fixé au 3 juin 2015 en raison « de nouveaux faits portés à notre connaissance », avec une mise à pied à titre conservatoire (sa pièce 5).
Il n'est pas contesté que l'époux de Mme [W] a été licencié pour faute grave à cette même date du 22 mai 2015.
Par courrier recommandé du 19 juin 2015, Mme [W] a été licenciée dans les termes suivants (sa pièce 6) :
« Madame,
Par courrier remis en main propre et envoyé en recommandé en date du 27 avril 2015, nous vous avons convoquée à un entretien en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Cet entretien s'est déroulé le 11 mai 2015, et vous étiez assistée de Monsieur [V], conseiller du salarié pour la ville de [Localité 7]. De nouveaux faits portés à notre connaissance nous ont conduits à vous convoquer à un 2ème entretien le 22 mai 2015, toujours en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, qui s'est déroulé le 3 juin 2015, auquel vous étiez assisté de Monsieur [V].
Par le présent courrier, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier et, conformément à l'article L.1232-6 du code du travail, nous vous en précisons les motifs :
En introduction, nous précisions que votre contrat de travail de Directrice Adjointe, que vous aviez signé en date du 5 septembre 2001, spécifiait que « Madame [F] [W] dans l'exercice de ses fonctions en qualité de Directrice Adjointe devra assister Monsieur [D] [W] dans ses fonctions ».
A ce titre, et dans le cadre de la répartition de vos missions respectives, vous étiez plus spécifiquement en charge des responsabilités suivantes au sein de l'établissement, listées en annexe de votre contrat de travail :
.Veiller au respect de la législation concernant rémission de factures
.Appliquer la réglementation en vigueur en matière de droit social
.Organiser le travail de l'équipe
Sur la base de ces éléments, nous avons été amenés à constater les manquements suivants de votre part dans l'exercice de vos fonctions de Directrice Adjointe.
En premier lieu, nous avons constaté en avril 2015 que vous avez régulièrement autorisé des repas gratuits au sein de votre restaurant Campanile, à vos enfants et à certaines de vos proches connaissances.
Nous avons ainsi relevé, sur la seule année 2015 et jusqu'à ce jour, 18 « bons de restauration » établis pour des repas gratuits et sans aucune facturation, pour un total de 38 repas. Parmi ces 18 bons de restauration, 8 bons comportent des prénoms identifiés, de vos enfants [E] et [T], ou de connaissances proches, notamment Monsieur [B] [N], ancien collaborateur de votre établissement, pour un total de 13 repas.
Ces 13 repas seuls représentent un manque à gagner estimatif de 221€ de chiffre d'affaires, sur la base d'un ticket repas moyen d'une valeur de 17 euros sur votre établissement. Au global les 38 repas totalisent quant à eux une perte potentiel de chiffres d'affaire estimée à 646 Euros.
Vous avez reconnu que vos enfants déjeunaient régulièrement au sein de votre établissement, en arguant que vous n'aviez vous-même que peu souvent le temps de déjeuner. Or cet amalgame ne saurait être pris en compte, les repas gratuits et réguliers de vos enfants n'étant d'aucune manière autorisés par les process internes ou votre hiérarchie.
Vous nous avez informés par ailleurs que les bons gratuits accordés à Monsieur [B] [N] correspondaient à un échange commercial, en contrepartie de la présence d'une banderole Campanile sur le terrain d'éducation canine où travaillerait Monsieur [N]. Ces gratuités constatées chaque midi depuis 3 ans, ne sauraient constituer d'aucune manière une entente commerciale acceptable, et qui plus est sans aucune autorisation préalable de votre hiérarchie.
Par ailleurs, nous avons appris en avril 2015 également que vous aviez accordé et organisé depuis plus de 2 ans à une société externe un service gratuit de séchage et pliage de leur linge. Ainsi la société La Rumba, spa et école de danse basée à [Localité 2], déposait sur votre établissement chaque jour 10 à 12 sacs de linge (serviettes éponges et peignoirs notamment) à plier et sécher, ceci générant une surcharge de travail conséquente pour vos collaborateurs. Votre hiérarchie avait constaté la présence de ce linge début 2014 sur votre établissement, et vous avait alors interrogée à ce sujet. Vous lui aviez alors indiqué que cette société, avec laquelle vous aviez par ailleurs des accords commerciaux, vous avait demandé à titre exceptionnel ce service temporaire (vous aviez à l'époque fait état d'un « dépannage » d'une semaine, du fait de la panne du sèche-linge de cette entreprise).
Vous nous avez indiqué lors de notre entretien que cette entreprise vous avait de son côté permis durant l'année 2013, de faire usage d'une de leur salle afin que vos clients puissent prendre leur petit déjeuner, alors que votre restaurant avait été fermé durant plusieurs semaines par les autorités administratives pour des raisons sanitaires.
Vous nous avez ainsi indiqué que ce service rendu en 2013 justifiait ce service de séchage en contrepartie, et vous nous avez par ailleurs fait mention de l'existence d'un accord commercial avec cette société, qui diffuse de la publicité pour votre hôtel sur leur établissement. Or cette diffusion de film publicitaire vous est facturée par cette entreprise, à hauteur de 120€ par mois.
Et il n'existe à notre connaissance aucune contrepartie financière au fait que vous séchiez gratuitement leur linge.
Ici encore, ces ententes et arrangements ne sauraient constituer des dispositions commerciales et contractuelles acceptables, et ont de plus été réalisés en dehors de tout accord de votre hiérarchie.
Nous avons également constaté des déficiences dans la gestion du planning de vos équipes et ce en contradiction avec les dispositions légales en vigueur, que vous gériez habituellement sur l'hôtel.
Pour rappel, en date du 5 novembre 2014, votre Responsable Ressources Humaines avait procédé, avec votre mari et vous-même, à un audit au sein de votre établissement, portant notamment sur la vérification des plannings de vos équipes.
A cette occasion, elle vous avait rappelé d'une part que toute journée de travail ne saurait comporter de plage horaire supérieure à 13 heures entre l'horaire de début et l'horaire de fin de la journée de travail, incluant une éventuelle coupure dans la journée de travail (alors que certains de vos collaborateurs avaient alors des plannings comportant des plages horaires supérieures à cette amplitude). Elle vous avait également rappelé la nécessité d'observer un repos quotidien de 11 heures minimum entre deux journées de travail. Ces éléments vous avaient été indiqués à l'oral, puis par mail.
Or malgré ce rappel récent nous avons constaté à l'occasion d'un nouveau contrôle que le 20 avril 2015, un de vos collaborateurs était planifié sur les horaires suivants :
. 5h45 / 15h-17h30 / 23h,
soit une plage horaire de travail de plus de 17 heures, et plus de 14 heures travaillées dans la même journée, en totale opposition avec les dispositions légales en vigueur.
Ce même salarié, sur la même semaine, le 25 avril 2015, terminait un soir à 23heures pour reprendre le lendemain matin à 6h, ceci ne représentant qu'un temps de repos de 7 heures, ici encore en totale illégalité.
Enfin, en date du 13 mai 2015 vers 18h15 , alors que vous étiez de passage en voiture à proximité de l'établissement, après notre premier entretien, vous avez salué certains de vos collaborateurs en stoppant votre véhicule. Vous avez alors indiqué aux collaborateurs présents que s'il y avait le moindre témoignage ou attestation contre vous et/ou votre mari, de leur part ou de la part de leurs autres collègues, vous ne les « rateriez pas », confirmant de la sorte que vous aviez une parfaite connaissance des faits que nous vous avions reprochés, à vous-même et votre mari. Vous avez par ailleurs spécifiquement évoqué une de vos collaboratrices, en allant jusqu'à mentionner que « si vous la chopiez, elle verrait ce qui allait lui arriver ».
Vous avez également fait part à vos collaborateurs de votre intention « d'attaquer le groupe », et avez indiqué que vous seriez « riche et gagneriez 80 000 Euros ».
Devant la gravité de ces éléments, constituant des pressions et des menaces de représailles, et alors que nous vous avions spécifiquement mentionné lors de notre entretien du 27 avril 2015 que vous deviez prévenir et organiser toute venue de votre part sur l'hôtel, auprès de votre hiérarchie le temps du déroulé de la procédure disciplinaire en cours à votre encontre, nous vous avions alors de nouveau convoquée à un nouvel entretien qui s'est déroulé le 3 juin 2015, suite à ces agissements.
L'ensemble de ces faits constitue des manquements graves à vos obligations contractuelles que nous ne pouvons pas tolérer. Dans ces conditions, nous nous trouvons dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour motif réel et sérieux. La période de mise à pied à titre conservatoire que nous vous avions notifiée le 27 mai 2015 vous sera rétroactivement rémunérée.
(') »
Par requête du 9 juillet 2015, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Dreux aux fins de contester son licenciement.
Sur le remboursement des cotisations mutuelle :
Mme [W] affirme s'acquitter depuis 2012 du paiement d'une cotisation mutuelle alors que son mari y a également souscrit, et que cette mutuelle couvre les besoins du couple ; ce qui fait ainsi double emploi selon elle et qui justifie la somme de 2 316,64 euros à titre de remboursement de ses ses cotisations.
L'employeur expose que la convention collective, dans son avenant étendu du 6 octobre 2010, ne prévoit aucune dispense d'adhésion pour les conjoints déjà bénéficiaires de la mutuelle ; il ajoute que la demande de dispense prévue par l'article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale n'est pas automatique.
En l'espèce, la salariée a eu parfaitement connaissance du champ d'application du régime mutuelle qui lui était applicable en vertu de l'annexe 1 du contrat de travail en date du 5 septembre 2001 qu'elle a signé (sa pièce 1), cette annexe relative à la protection sociale prévoyant une prise en charge « Pour le cadre, son conjoint (ou concubin) et leurs enfants à charge ». Elle produit également l'annexe relative à la protection sociale du contrat de travail de son époux signée le 5 septembre 2001 (sa pièce 21).
De plus, elle ne conteste pas le régime conventionnel applicable visé par l'employeur, à savoir l'article 4 de l'avenant du 6 octobre 2010 à la convention collective, lequel prévoyait une faculté de dispense d'adhésion pour le salarié, « sous réserve d'en faire la demande écrite auprès de l'employeur ».
En outre, comme le rappelle justement l'employeur, s'agissant d'une garantie mise en place à titre obligatoire au profit du salarié en vertu de l'article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, la dispense d'affiliation était conditionnée à la production d'une demande dispense du salarié concerné.
Or, Mme [W] ne produit pas cette demande de dispense d'affiliation à la mutuelle de l'entreprise.
Confirmant le jugement de ce chef, sa demande sera rejetée.
Sur la procédure de licenciement :
Mme [W] soutient que son licenciement notifié le 19 juin 2015 est nécessairement dépourvu d'une cause réelle et sérieuse, son employeur n'ayant pas respecté le délai d'un mois qui commençait à courir à la date de son premier entretien préalable qui a eu lieu le 11 mai 2015 et pour lequel elle avait été convoquée le 27 avril 2015 ; et alors-même qu'elle n'a pas sollicité de second entretien.
L'employeur rétorque de manière succincte que les manquements de Mme [W] n'ont été découverts que lorsque les manquements du mari de la salariée ont également été découverts, ce qui explique selon lui la nécessité d'une seconde convocation le 22 mai 2015 à un second entretien qui s'est tenu le 3 juin 2015.
Il développe aussi un moyen selon lequel le point de départ de la prescription de deux mois est reporté dans l'hypothèse où il n'a pas pu prendre immédiatement connaissance des faits.
A titre liminaire, la cour relève que la question ne porte pas sur la prescription des faits fautifs tel qu' invoqués par l'employeur (article L. 1332-4 du code du travail), mais bien sur le délai de notification du licenciement en cas de report de l'entretien préalable, seule question qui sera examinée à ce stade.
L'alinéa 4 de l'article L. 1332-2 du code du travail dispose, dans sa version applicable au litige : « La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. »
Le délai d'un mois imparti à l'employeur pour notifier la sanction est impératif.
En l'espèce, les parties ne contestent pas la chronologie de la procédure de licenciement, à savoir une première convocation en date du 27 avril 2015 à un entretien préalable fixé au 11 mai, entraînant par ailleurs une mise à pied conservatoire, suivi d'une seconde convocation en date du 22 mai 2015 pour un entretien fixé au 3 juin 2015, assortie également d'une mise à pied conservatoire.
Plus précisément, si les parties ne contestent pas que deux entretiens se sont bien tenus le 11 mai 2015 et le 22 juin 2015, l'employeur ne répond pas utilement sur le fait que la rupture du contrat de travail était décidée à l'issue du premier entretien dans la mesure où l'employeur avait demandé à Mme [W] la restitution des clés de l'établissement et des mots de passe professionnels comme s'en prévaut la salariée.
Comme rappelé plus haut, le délai d'un mois imparti à l'employeur pour notifier le licenciement est impératif et doit être respecté lorsque la sanction est un licenciement disciplinaire, ce qui est le cas en l'espèce. Le délai d'un mois commence à courir à compter du jour fixé pour l'entretien.
Ce jour correspond au 11 mai 2015 de sorte que la notification du licenciement devait intervenir au plus tard le 11 juin 2015 (qui était un jeudi). Le non-respect de ce délai rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et il en va de même si l'employeur, invoquant de nouveaux griefs à la suite du premier entretien, convoque le salarié ' comme c'est ici le cas ' à un second entretien. En pareil cas, seul le premier entretien fait courir le délai de notification de la rupture.
La rupture est intervenue par lettre de licenciement du 19 juin 2015 et par conséquent, en dehors des délais impératifs prescrits par la loi.
Il en résulte que le licenciement de Mme [W] intervenu plus d'un mois après le jour fixé pour le premier entretien, est nécessairement dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières :
Mme [W] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.
Au regard de son âge au moment du licenciement, 42 ans, de son ancienneté d'environ 17 ans dans l'établissement, du montant de la rémunération qui lui était versée, du fait qu'elle n'ait toujours pas retrouvé d'emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 30 000 euros.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur les congés payés :
Il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation.
Les mentions des bulletins de paie ne permettent pas d'établir, à elles seules, la réalité des congés payés rémunérés pris par le salarié.
La salariée sollicite le paiement de 41 jours de congés payés non pris, correspondant à la somme de 4 620,86 euros, soit 11 jours en 2013, 18 jours en 2014, ainsi que 4,75 jours plus huit jours en 2015.
L'employeur, qui ne conteste pas le nombre de jours de congés payés réclamés par la salariée, rétorque tout d'abord que les congés payés non pris avant le 31 mai de chaque année sont perdus en application de la loi, puis il ajoute dans un second temps avoir bien payé les congés payés en visant le solde de tout compte (sa pièce 11).
En l'espèce, le reçu de solde de tout compte mentionne une indemnité compensatrice de CP acquis à hauteur de 3 077,66 euros, ainsi qu'une seconde indemnité pour « CP encours » à hauteur de 1 051,92 euros, sans mention particulière sur les périodes retenues au titre du paiement des congés payés.
De plus, le solde de tout compte produit par la société (sa pièce 11), n'est pas signé par Mme [W].
Or, le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié ne fait pas preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, et il appartient en conséquence à l'employeur de justifier de ce paiement.
Il en résulte que l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, n'établit pas avoir payé le nombre de jours de congés payés acquis par le salarié sur la période litigieuse.
En conséquence, la salariée est fondée à réclamer la somme de 4 620,86 euros pour ses 41 jours de congés payés.
Le jugement sera infirmé de ce chef et statuant à nouveau, la société sera condamnée à payer cette somme à Mme [W].
Sur la remise des documents de rupture :
Sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner à la société Hôtel Gril de Dreux de remettre à Mme [W] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [W] les frais par elle non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros pour les frais de première instance et d'appel.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [W] à payer à son employeur la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Hôtel Gril de Dreux qui succombe, doit supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dreux le 13 juin 2017,
Statuant à nouveau,
DIT le licenciement de Mme [F] [W] dépourvu d'une cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Hôtel Gril de Dreux à payer à Mme [W] les sommes suivantes :
. 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 4 620,86 euros au titre des congés payés non pris,
ORDONNE à la société Hôtel Gril de Dreux de remettre à Mme [W] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt,
REJETTE la demande d'astreinte,
ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,
DEBOUTE la société Hôtel Gril de Dreux de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Hôtel Gril de Dreux à payer à Mme [F] [W] la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et en première instance,
CONDAMNE la société Hôtel Gril de Dreux aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente
Dorothée Marcinek Clotilde Maugendre