COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53J
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 OCTOBRE 2020
N° RG 19/00416 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S5AC
AFFAIRE :
BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
C/
[W] [M] [B] - [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles
N° chambre : 2ème
N° RG : 15/08833
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 08/10/2020
à :
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN avocat au barreau de VERSAILLES
Me Valérie YON, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HIUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :
BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et par les textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit
N° SIRET : B 549 800 373 (RCS Versailles)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
APPELANTE
****************
Monsieur [W] [M] [B]
(nom d'usage [B] - [F])
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] ([Localité 6])
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Valérie YON de la SCP GAZAGNE & YON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511 - N° du dossier 199502
Représentant : Me Angélique LAFFINEUR VIOSSAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0118
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2020, Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Nazia KHELLADI
Greffier, lors du délibéré: Monsieur Antoine DEL BOCCIO
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon contrat de prêt établi par acte sous seing privé en date du 12 janvier 2005, la Banque Populaire Val de France a consenti à la SARL Syldom un prêt professionnel d'un montant de 690.000 € au taux contractuel de 4,1 %.
En garantie du remboursement de ce prêt, la société Syldom a nanti au profit de la banque 100 parts sociales qu'elle détenait au sein de la société Steverone. Le remboursement du prêt était également garanti par la caution solidaire de M. [W] [B] et de M. [O] [Y], engagements souscrits par actes séparés.
La société Syldom ayant cessé de rembourser le prêt, la banque a rendu sa créance exigible selon courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 mars 2009 et a adressé à la même date une mise en demeure à M. [B] qu'elle a ensuite attrait devant le tribunal de grande instance de Créteil.
Selon jugement en date du 29 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- débouté M. [B] de ses moyens ;
- l'a condamné à payer à la Banque Populaire la somme de 553.221,55 € arrêtée au 15 avril 2009 outre les intérêts au taux conventionnel de 4,1 % l'an à compter du 16 avril 2009.
M. [B] a interjeté appel du jugement mais n'a pas suivi sur son appel.
En exécution du jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Créteil, la banque a saisi le Tribunal d'instance de Nogent sur Marne d'une demande de saisie des rémunérations.
Un procès-verbal de non-conciliation en date du 3 décembre 2015 a autorisé la saisie des rémunérations de l'emprunteur.
M. [B] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val de Marne, ce qui a eu pour effet de suspendre toute mesure d'exécution à son encontre. Il a ensuite fait assigner en responsabilité la société Banque Populaire Val de France par acte d'huissier du 9 octobre 2015.
Le tribunal de grande instance de Versailles a rendu le 4 décembre 2018 un jugement qui a :
- dit irrecevable l'action intentée par M. [W] [B] à l'encontre de la société Aviva Vie ;
- condamné la société Banque Populaire Val de France à payer à M. [W] [B] la somme de 553.221,55 € majorée des intérêts conventionnels au taux de 4,15 % l'an du 16 avril 2009 au 7 octobre 2010 ;
- dit que la condamnation à paiement de la Banque Populaire Val de France est majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts légaux dus au moins pour une année entière à compter de la date de l'assignation ;
- débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la Banque Populaire Val de France aux entiers dépens.
La SA Banque Populaire Val de France a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 janvier 2019.
Dans ses dernières conclusions transmises le 12 septembre 2019, la société Banque Populaire Val de France, appelante, demande à la cour de :
A titre principal,
Sur l'autorité de la chose jugée,
- dire que le jugement définitif prononcé par le tribunal de grande instance de Créteil a autorité de la chose jugée ;
- juger M. [W] [B] irrecevable en ses demandes à son encontre ;
- infirmer le jugement prononcé par la 2ème chambre du tribunal de grande instance de Versailles le 4 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;
Sur la prescription,
- dire l'action en responsabilité de M. [W] [B] prescrite et, de ce fait, ses demandes irrecevables ;
- infirmer le jugement entrepris.
A titre subsidiaire,
- dire qu'elle n'a pas commis de faute contractuelle ;
- dire que M. [B] n'a pas fait de la souscription ou non par M. [Y] d'une assurance-décès et I.A.D. une condition déterminante de son engagement ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A titre encore plus subsidiaire,
- juger que le préjudice allégué par M. [B] s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter ;
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris et ramener le montant de la condamnation à de plus justes proportions ;
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- vu l'article 1347 du code civil, ordonner la compensation entre les dettes réciproques des parties ;
- condamner M. [W] [B] à lui payer une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [W] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions d'intimé transmises le 13 juin 2019, M. [W] [B] déclare former appel incident et entend voir la cour :
- confirmer le jugement prononcé par la 2ème chambre du tribunal de grande instance de Versailles le 4 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;
- débouter la SA Banque Populaire Val de France de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Banque Populaire Val de France à lui verser une indemnité de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- condamner la Banque Populaire Val de France à lui verser une somme de 7.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 janvier 2020. L'audience de plaidoiries a été fixée au 11 mars 2020.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'autorité de chose jugée
La Banque populaire Val de France soutient, pour l'essentiel, au visa des articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, que M. [B] est irrecevable à mettre en jeu sa responsabilité s'agissant d'un moyen de défense qui aurait dû être développé dans la précédente instance devant le tribunal de grande instance de Créteil sauf à contourner l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement définitif du 29 novembre 2010 et à méconnaître le principe de la concentration des moyens ; que le décès de [O] [Y] est antérieur à cette date et ne constitue donc pas un événement survenu postérieurement à la décision dont l'autorité est invoquée ; qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle alors que le litige oppose les mêmes parties et que d'objet du litige est identique à savoir l'engagement de caution solidaire en date du 12 janvier 2005 de M. [B] en garantie du remboursement du prêt consenti à la société Syldom.
M. [W] [B] oppose, en réplique, que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée lorsqu'un fait ou un acte postérieur à la décision dont l'autorité de la chose jugée est alléguée, modifie la situation antérieurement reconnue en justice ; que si le décès de M. [Y] est antérieur au jugement rendu le 29 novembre 2010, il est postérieur à la clôture des débats et aux plaidoiries alors que l'appel qu'il avait interjeté a été radié sans examen au fond de l'affaire ; que sa présente demande est nouvelle ayant pour cause, non pas le décès de M. [Y], mais un événement intervenu postérieurement à la première décision à savoir le défaut de mise en 'uvre par la Banque populaire de l'assurance-vie.
L'article 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose :
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formulée par elles et contre elles en la même qualité. »
Il est de principe constant que la nouvelle demande, qui invoque un fondement juridique que le demandeur s'était abstenu de soulever en temps utile, se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.
Ce principe a été bilatéralisé aux parties et l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des évènements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Il résulte des éléments du dossier que le prêt consenti par la Banque populaire Val de Marne à la société Syldom le 12 janvier 2005 bénéficiait notamment de la caution solidaire de M. [B] à hauteur de 897 000 euros et de celle de [O] [Y] pour le même montant avec par ce dernier délégation du contrat d'assurance-vie souscrit auprès de Aviva couvrant le risque décès-perte totale irréversible d'autonomie à hauteur de 100 % ; que sur l'action introduite par l'appelante, le tribunal de grande instance de Créteil a condamné M. [B] au paiement de la somme de 553 221,55 euros en rejetant la thèse de M. [B] qui contestait la validité de son obligation en raison de la disproportion entre le montant de son engagement de caution et ses revenus, au visa de l'article L 341-5 du code de la consommation ; que le 7 octobre 2010 [O] [Y] est décédé.
Il est avéré que la clôture de l'instruction de l'affaire devant le tribunal est intervenue le 5 septembre 2010, que les plaidoiries se sont tenues le 4 octobre 2010 et que le jugement a été prononcé le 29 novembre 2010 ; que M. [B] qui avait relevé appel de cette décision assortie de l'exécution provisoire, a laissé radier la procédure sans examen au fond.
M. [B], qui reconnaît que le décès de [O] [Y] est antérieur au jugement qu'il a laissé devenir définitif, tente vainement de faire admettre qu'il ne pouvait pas porter cet événement à la connaissance des juridictions alors que, dans le cadre du délibéré, il aurait pu en informer les juges et solliciter la réouverture des débats et que, en appel, il avait la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire en se fondant sur l'article 524 2° du code de procédure civile.
Il est acquis que le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile.
Il s'ensuit qu'en saisissant les juges, cinq ans après le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 29 novembre 2010, pour voir la banque condamnée à lui verser une somme de 737 313,55 euros à titre de dommages et intérêts, M. [W] [B] viole l'autorité de la chose jugée attachée à la première décision et contrevient au principe de la concentration des moyens ; que cette nouvelle procédure intervient entre les mêmes parties agissant sous la même qualité, la chose demandée étant identique ainsi que la contestation ayant trait à son engagement de caution ; que s'il s'était inquiété en temps utile des conséquences du décès de [O] [Y] sur son propre cautionnement, ce qui s'imposait d'autant plus que si, comme il le prétend, l'existence d'autres garanties était déterminante de son propre engagement, il aurait pu opposer à la Banque populaire Val de Marne devant les premiers juges ou en appel, le moyen de défense tiré de la faute commise par cette dernière qui aurait omis de s'assurer qu'elle était bien rendue destinataire de la délégation d'assurance de [O] [Y].
Il convient, en conséquence, de déclarer M. [W] [B] irrecevable en ses demandes.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
DÉCLARE M. [W] [B] irrecevable en toutes ses demandes,
CONDAMNE M. [W] [B] à payer à la Banque populaire Val de Marne la somme de
2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [W] [B] aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, pour le Président empêché et par Monsieur Antoine DEL BOCCIO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,