COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 OCTOBRE 2020
N° RG 19/02719 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TJNB
AFFAIRE :
[X] [H]
C/
Association TENNIS CLUB BEAUMONTOIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Activités diverses
N° RG : 14/00319
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
SELARL AVI BITTON
SELARL DAMY - RAYNAL - HERVE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assisté de Me Avi BITTON de la SELARL AVI BITTON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0339, substitué par Me Laetitia LENCIONE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0339
APPELANT
****************
Association TENNIS CLUB BEAUMONTOIS
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Sébastien RAYNAL de la SELARL DAMY - RAYNAL - HERVE, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 4
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [X] [H] a été engagé à compter du 8 octobre 2003 par l'association Tennis Club Beaumontois en qualité d'éducateur sportif.
Les parties n'ont pas signé de contrat de travail écrit bien que Monsieur [H] ait été engagé pour travailler à temps partiel.
La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du sport.Â
En dernier lieu, Monsieur [H] exerçait les fonctions d'assistant moniteur de tennis AMT.
Par lettre en date du 19 mai 2012, le président de l'association a convoqué Monsieur [H] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.Â
Par lettre du 21 mai 2012, les membres du bureau de l'association ont manifesté leur désaccord sur cette mesure de licenciement.
Par lettre du 5 juin 2012, le président de l'association a indiqué à Monsieur [H] qu'il ne fera pas l'objet d'une mesure de licenciement.
Monsieur [H] a saisi une première fois le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir le paiement des salaires de décembre 2012 et des congés payés pour la période de 2008 à 2013.
L'audience de plaidoirie s'est tenue le 11 octobre 2013.
Monsieur [H] a été licencié pour faute grave le 14 octobre 2013.
Par jugement du 17 janvier 2014, l'association Tennis Club Beaumontois a été condamnée à verser à Monsieur [H] les sommes de 2 706,71 euros à titre d'indemnité de congés payés pour les années 2008 à 2012 et la somme de 100,28 euros à titre d'indemnité de congés payés pour la période allant jusqu'à avril 2013.
Monsieur [H] a saisi une deuxième fois le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, le 5 mai 2014, afin d'obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de contester la rupture de son contrat de travail.
Au moment de la saisine du conseil de prud'hommes, la rémunération mensuelle brute de Monsieur [H] s'élevait à la somme de 532 euros et l'association employait moins de 10 salariés.
Par jugement du 26 juin 2015, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :
- débouté Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné Monsieur [H] à verser à l'association Tennis Club Beaumontois la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté l'association Tennis Club Beaumontois du surplus de sa demande ;
- mis les dépens de la présente instance à la charge de Monsieur [H].
Monsieur [H] a relevé appel du jugement le 25 août 2015.
Par arrêt du 19 janvier 2017, la cour d'appel de Versailles a prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligence des parties.
M. [H] a demandé la réinscription de l'instance au rôle des affaires en cours.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement le 29 septembre 2020, Monsieur [H] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 26 juin 2015 ;
- condamner l'association Tennis Club à lui verser les somme suivantes:
- 34 580 euros à titre d'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
- 6 482 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 5 762 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 576 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 124 308 euros à titre de rappel de salaires pour les années 2008 à 2013 ;
- 3 060 euros en remboursement de ses frais d'avocat ;
- condamner l'association Tennis Club aux dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution, et dire que Maître Bitton pourra les recouvrer directement.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement, l'association Tennis Club Beaumontois demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement rendu le 26 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise ;
En conséquence, débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire :
- constater la prescription de la demande de rappel de salaire d'octobre 2008 au 5 mai 2009 ;
En tout état de cause, condamner M. [H] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [H] aux dépens ;
MOTIFS :
Vu la lettre de licenciement ;
Vu les conclusions des parties ;
Sur la requalification du contrat de travail :
Considérant que M. [H] demande la requalification de son contrat de travail en contrat à plein temps au motif qu'en violation de l'article L 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucun écrit ne mentionne la durée mensuelle de travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il fait valoir que depuis son embauche, il travaillait à temps complet, en donnant des cours aux jeunes et aux adultes, en entretenant les courts et locaux, en organisant les tournois et matchs de tennis, en participant aux journées d'inscription et en effectuant des tâches administratives ;
Considérant que l'association Tennis Club Beaumontois s'oppose à cette demande qui se heurte, selon elle, à la règle de l'unicité de l'instance, alors en vigueur ; qu'elle fait en effet observer que l'intéressé aurait dû présenter cette demande à l'occasion de la précédente instance qui s'est achevée le 17 janvier 2014 et qu'à défaut, il n'est plus recevable à le faire ;
Considérant qu'en application de l'article R 1452-6 du code du travail, encore en vigueur au moment de l'examen du litige, 'toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance' ;
Considérant qu'en l'espèce, le fondement des prétentions de M. [H] n'est pas né postérieurement à la première saisine du conseil de prud'hommes mais remonte en réalité à la date de son embauche, soit le 8 octobre 2003 ;
Considérant que dans ces conditions, les premiers juges ont appliqué à juste titre la règle de l'unicité de l'instance pour rejeter la demande du salarié qui n'était plus recevable ;
Considérant que M. [H] soutient que si cette demande est irrecevable en première instance, elle ne l'est pas en cause d'appel en vertu de la règle de l'article R 1452-7 du code du travail encore applicable au litige puisque les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel ;
Considérant toutefois que la demande de requalification n'est pas nouvelle ; qu'elle a en effet déjà été soumise aux premiers juges ;
Considérant que c'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a décidé que les causes du second litige étant connues avant l'achèvement de la première instance, la règle de l'unicité de l'instance s'opposait à l'introduction d'une seconde instance pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet ;
Que le jugement sera confirmé de ce premier chef ;
Sur la contestation de la validité ou du bien-fondé du licenciement:
Considérant que, selon la lettre de licenciement du 14 octobre 2013, l'assocation Tennis Club Beaumontois reproche à M. [H] des agissements constitutifs d'une faute grave ;
Considérant que si le principal grief invoqué à l'encontre du salarié est l'abandon de son poste de travail depuis le 1er septembre 2013, il est aussi fait état d'une mésentente, du non-respect des directives de son supérieur hiérarchique, des critiques articulées contre la direction du club et de 'l'action prud'homale envers le club avec refus de négociation et de signer un contrat de travail visant à régulariser sa situation' ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'employeur, l'exercice de cette action en justice n'est pas mentionné pour rappeler le contexte de la relation de travail mais constitue bien l'un des agisssements fautifs reprochés au salarié au même titre que les critiques de la direction ou son comportement durant le travail ;
Considérant qu'un tel grief porte directement atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et son évocation parmi les fautes prétendument commises par le salarié entraîne à elle seule la nullité du licenciement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs pour vérifier le bien-fondé de la rupture du contrat de travail ;
Considérant que le salarié fait en outre remarquer à raison que sa demande en justice était parfaitement fondée et que le conseil de prud'hommes y a fait droit en totalité ;
Considérant qu'en sanctionnant ainsi l'exercice d'une action prud'homale par le salarié, l'employeur a méconu la liberté fondamentale d'ester en justice et cette atteinte a pour conséquence la nullité du licenciement, quand bien même d'autres griefs sont invoqués pour justifier cette mesure ;
Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le licenciement reposait sur une faute grave ;
Que jugement sera infirmé sur ce point et le licenciement de M. [H] sera déclaré nul ;
Sur les conséquences financières d'un licenciement nul :
Considérant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant le caractère illicite de son licenciement d'un montant au moins égale à six mois de salaire ;
Considérant qu'en l'espèce, la rémunération mensuelle moyenne de M. [H], dont la demande en requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet n'a pas abouti, s'élevait à la somme de 532 euros ;
Considérant que compte tenu de l'âge du salarié au moment du licenciement, de ses 10 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise et de sa situation depuis son licenciement, il lui sera alloué la somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice ;
Considérant qu'il convient aussi de condamner l'association Tennis Club Beaumontois à lui verser la somme de 1 197 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et celles de 1064 euros et 106 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés y afférents ;
Considérant qu'enfin, l'association Tennis Club Beaumontois qui succombe en cause d'appel, sera condamnée à verser à M. [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande à ce titre ; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera quant à elle infirmée ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;
- Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification de la relation de travail en travail à temps complet et les prétentions salariales en découlant ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- Dit que le licenciement de M. [X] [H] est entaché de nullité ;
- Condamne l'association Tennis Club Beaumontois à verser à M. [X] [H] les sommes suivantes :
- 7 500 € en réparation du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement ;
- 1 197 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
- 1 064 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 106 € correspondant aux congés payés y afférents ;
- Condamne l'association Tennis Club Beaumontois à verser à M. [H] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;
- La condamne aux dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution, et dit qu'ils seront recouvrés directement par Maître Avi Bitton conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,