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19/11/2020 | FRANCE | N°20/01322

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 19 novembre 2020, 20/01322


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E



5e Chambre











ARRET N°20/885



CONTRADICTOIRE



DU 19 NOVEMBRE 2020



N° RG 20/01322



N° Portalis DBV3-V-B7E-T5ML



AFFAIRE :



Société LE JOINT FRANCAIS





C/





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

de CERGY PONTOISE

N° RG : 12-00439





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL ABDOU ET ASSOCIES



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES



Copies certifiées conformes délivrées à :



Société LE JOINT FRANCAIS



CAISSE PRIMAIRE D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

5e Chambre

ARRET N°20/885

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° RG 20/01322

N° Portalis DBV3-V-B7E-T5ML

AFFAIRE :

Société LE JOINT FRANCAIS

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 12-00439

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL ABDOU ET ASSOCIES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société LE JOINT FRANCAIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société LE JOINT FRANCAIS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2 substituée par Me Denis LELIEVRE, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 25

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Mme [O] [X] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valentine BUCK, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,,

Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [S] a été embauché par la société le Joint Français (ci-après la 'Société') le 1er février 2005, en qualité de technicien chimiste.

Le 16 mars 2010, la Société a souscrit une déclaration d'accident du travail survenu le 15 mars 2010 auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (ci-après la 'Caisse' ou 'CPAM') dans les termes suivants :

'En mélangeant du 5277 + accélérateur, a ressenti un blocage au poignet drt avec douleur. Par la suite un oedème est apparu

Faits enregistrés à l'infirmerie 15/03/10. Volet remis le 15/03/10

Siège des lésions : poignet drt

Nature des lésions : douleur'

Un certificat médical initial établi le 15 mars 2010 a mentionné une 'tuméfaction de la main droite' et a prescrit un arrêt de 4 jours, qui a été prolongé à neuf reprises jusqu'au 1er décembre 2010.

Le 26 mars 2010, la Caisse a notifié à la Société sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 9 janvier 2011, la Caisse a considéré que l'état de M. [S] était consolidé.

Le 12 décembre 2011, la Société a saisi la commission de recours amiable (ci-après 'CRA') afin de contester l'imputabilité des soins et arrêts de travail à l'accident du travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 21 mars 2012, la Caisse a notifié à la Société le rejet de sa requête par la CRA.

Le 26 mars 2012, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après 'TASS') afin de contester la décision de la CRA.

Par jugement contradictoire en date du 29 juin 2018, le TASS (RG n° 12-00439) a débouté la Société de sa demande d'expertise médicale judiciaire et a confirmé la décision de la CRA du 16 février 2012.

Par déclaration reçue au greffe le 18 juillet 2018, la Société a interjeté appel.

Par arrêt contradictoire en date du 21 novembre 2019, la cour (RG n° 18/03276) a ordonné la radiation de l'affaire.

Par conclusions soutenues oralement, la Société demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'expertise médicale judiciaire ;

- ordonner, conformément aux articles L. 142-1 et R. 142-17 du code de la sécurité sociale, l'organisation d'une expertise médicale judiciaire afin d'établir l'imputabilité professionnelle des soins et arrêts de M. [S], leur cause exacte et leur rapport avec son accident du 15 mars 2010, et le cas échéant, de fixer une nouvelle date de consolidation des lésions imputables au seul accident litigieux.

Par conclusions reprises oralement, la Caisse sollicite de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 29 juin 2018 ;

- de débouter la Société de sa demande d'expertise médicale judiciaire, et de toutes ses autres demandes, fins et conclusions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

La Société soutient qu'assumant exclusivement, par le biais des cotisations, les conséquences financières des arrêts de travail observés par M. [S] au titre de son accident du 15 mars 2010, elle est en droit de savoir si ces arrêts sont, totalement ou partiellement, justifiés et donc de demander une expertise judiciaire.

Elle estime que seule l'expertise médicale permet la manifestation de la vérité et que les contre-visites médicales restent limitées dans leur action et ne permettent pas de vérifier l'imputabilité des prolongations au titre de la lésion traumatique initiale ni leur relation de cause à effet, que la preuve du bien fondé des arrêts du travail, étant détenue exclusivement par la Caisse, ne peut être renversée, que les exigences du secret médical entraînent une rupture d'égalité dans l'accès des pièces du dossier entre la Caisse et l'employeur.

Elle s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation limitant la portée du secret médical dans le cadre de certains contentieux, notamment en contestation du taux d'incapacité, mais aussi sur celle de la Cour européenne des droits de l'homme suivant laquelle le principe du contradictoire et le droit à un recours effectif sont conditionnés par la possibilité donnée par le juge de désigner un expert judiciaire, indépendant, à charge de recevoir et d'étudier les pièces médicales du litige.

Elle expose qu'aucun élément formel ne permet de considérer que la Caisse s'est assurée lors de ses contrôles du bien-fondé des prescriptions d'arrêts de travail successifs.

Elle estime qu'il est difficile d'admettre qu'une tuméfaction de la main droite puisse provoquer une incapacité totale de 301 jours alors que le barème indicatif du docteur [H] [C] prévoit une durée moyenne d'arrêt de travail de 3 à 4 mois pour une entorse grave du poignet.

Elle en conclut que la durée des arrêts du salarié est totalement disproportionnée par rapport à la lésion initiale.

Elle constate que le fait qu'aucune prescription médicale n'ait été délivrée au salarié entre le 31 mai 2010 et le 4 juin 2010 crée un doute certain quant à l'imputabilité au sinistre des arrêts de travail postérieurs à cette dernière date.

Enfin, elle s'appuie sur le rapport de son médecin consultant, le Docteur [M] [I].

La Caisse rétorque que s'applique la présomption d'imputabilité des lésions et des soins à l'accident du travail du 15 mars 2010 et que la Société n'apporte aucun élément objectif et médical de nature à justifier une expertise.

Sur ce,

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose :

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

La présomption d'imputabilité énoncée à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident délivrés sans interruption jusqu'à la date de consolidation.

Il appartient alors à la caisse primaire d'assurance maladie de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins et à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, le litige porte sur la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec les lésions initales provoquées par l'accident, Monsieur [S] ayant bénédicié de 301 jours d'arrêts de travail.

La déclaration d'accident du travail du 16 mars 2010 mentionne 'un blocage du poignet droit avec douleur. Par la suite un oedème est apparu', l'accident étant survenu le 15 mars 2010. Et, le certificat médical initial du même jour établi par le docteur [E] constate une 'tuméfaction' à la main droite, qui est une augmentation de volume ou un gonflement d'une partie du corps, comme un oedème.

Des certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail ont été établis successivement par le docteur [E], sans interruption, jusqu'au 25 mai 2020, constatant :

- en premier lieu une 'tuméfaction à la main droite',

- le 9 avril 2010 'une tuméfaction à la main droite (canal carpien probable)'

- le 29 avril 2010 'une douleur et une tuméfaction à la main droite (canal carpien probable)'

- le 25 mai 2010 '[illisible] douleur du poignet droit'.

Puis, un certificat médical de prolongation du docteur [D], rhumatologue, a été établi le 4 juin 2010 pour 'douleur poignet droit post traumatique'.

Le certificat médical suivant de prolongation a été réalisé par le docteur [E] le10 juillet 2010 pour 'douleur poignet droit post traumatique [illisible]'.

Les suivants du 25 juillet 2010 au 25 novembre 2010 ont été signés par le docteur [D] pour 'douleur poignet droit et pouce droit', puis pour 'douleur poignet droit'.

Enfin, le certificat médical final a été signé par le docteur [E] le 13 décembre 2010 pour '[illisible] poignet droit' concluant à une consolidation avec séquelles le 9 janvier 2011.

Selon les fiches de liaison médico-administrative produites par la Caisse, les 3 mai, 26 juin, 28 septembre et 6 décembre 2010, les médecins conseil ont estimé que l'arrêt de travail était justifié et en rapport avec l'accident et que l'état de M. [S] en rapport avec l'accident du 15 mars 2010 sera consolidé le 9 janvier 2011 avec séquelles.

Il résulte de ces éléments que la nature et le siège des lésions sont identiques, s'agissant de douleurs au poignet droit et que la continuité des symptômes et des soins est démontrée.

Dès lors, il appartient à la Société d'apporter des éléments de preuve qu'ils ne sont pas imputables à l'accident survenu le 15 mars 2010.

A cet égard, la Société produit le barème indicatif des arrêts de travail, en traumatologie, du docteur [H] [C] qui estime de 30 à 45 jours la durée de l'arrêt pour le syndrome du canal carpien (poignet). Toutefois, il s'agit de données indicatives, à caractère général, qui ne tiennent aucun compte des spécificités propres à l'assuré et qui, au demeurant, visent le syndrome du canal carpien qui n'a pas été en l'espèce médicalement confirmé.

Elle s'appuie aussi sur la consultation du docteur [M] [I] du 5 mars 2018 qui souligne que les certificats médicaux ne décrivent jamais une pathologie mais évoquent seulement des douleurs, le diagnostic du canal carpien n'ayant pas été confirmé, qui reproche aussi l'absence de bilan complémentaire et l'absence de projet thérapeutique en milieu spécialisé et qui conclut que :

'la lésion séquellaire de l'accident survenu le 15 mars 2010, s'apparente à une atteinte extrêmement bénigne du poignet, sans atteinte osseuse, sans atteinte ligamentaire et sans atteinte neurologique. Les phénomènes douloureux qui ont été décrits justifient des soins et arrêts de travail à type de repos pour une période de 45 jours.

Au-delà, il s'agit de l'évolution pour son propre compte d'une pathologie autre qui ne fait pas sa preuve dans les documents médico-administratifs transmis et qui n'est pas identifiable, même lors des constatations effectuées par un médecin spécialisé (rhumatologue).'

En réponse à cet avis médical, la Caisse verse aux débats les observations médicales de son médecin conseil du 9 septembre 2020 reprochant au docteur [I] des 'conclusions erronées' et attestant que 'le dossier médical de l'assuré met en évidence au contraire la réalisation d'examens complémentaires et de thérapeutiques spécialisées justifiant totalement la durée d'arrêt de travail et la date de consolidation'.

Cependant, la Caisse ne peut pas se contenter d'opposer l'existence d'examens médicaux qu'elle juge pertinents sans avoir laissé à la Société la possibilité de les soumettre à son propre médecin-conseil.

Dans ces conditions, la cour considère que ne peuvent être déclarés opposables à la Société que les soins et arrêts de travail pendant une durée de 45 jours maximum, soit jusqu'au 1er mai 2010. 

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale judiciaire, une telle mesure n'ayant pas pour but de pallier la carence des parties.

La cour fixera donc à la date du 1er mai 2010 la limite de l'opposabilité de la prise en charge des arrêts de travail à la suite de l'accident survenu le 15 mars 2010.

Sur les dépens  

La Caisse, qui succombe à l'instance, supportera les dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise du 29 juin 2018 (RG n° 12-00439) en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 février 2012 :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Décide que sont inopposables à la société Le Joint Français les arrêts de travail prescrits à M. [U] [S] à compter du 1er mai 2010 ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens  éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président, et par Mme Morgane BACHE, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01322
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°20/01322 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;20.01322 ?
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