COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2020
N° RG 18/04991 - N° Portalis DBV3-V-B7C-S2BX
AFFAIRE :
[B] [S]
C/
Société SERVICLEAN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Novembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 17/00492
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELAS DADI AVOCATS
Me Claire RICARD
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [S]
né le [Date naissance 1] 1970 à PORTUGAL
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257
APPELANT
****************
Société SERVICLEAN
N° SIRET : 408 948 693
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
Représentant : Me Eve DREYFUS de la SELAS DF ASSOCIES, Déposant, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Maître PAPOULAR Sarah, avocate au barreau de PARIS.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
M. [B] [S] était embauché par la société Serviclean une première fois du 17 avril 1998 au 27 janvier 2000. Il était mis fin à son contrat pour des raisons personnelles.
Le salarié réintégrait la société le 17 avril 2000 en qualité d'agent qualifié propreté par contrat à durée indéterminé et à temps plein.
Le contrat prévoyait un salaire mensuel de 1 448,27 euros brut (9 500 francs) auquel s'ajoutait une « prime mensuelle de forfait vitrerie » de 304,90 euros brut (2 000 francs). S'ajoutait à ces éléments de salaire une « prime d'expérience » conventionnelle fonction de l'ancienneté.
Le 26 juin 2007, le médecin du travail déclarait le salarié « apte à son emploi de laveur de vitres mais inapte temporaire au travail en hauteur, à revoir dans trois mois ». Le 18 décembre 2007, le médecin du travail considérait que si M. [S] était toujours apte à son poste de laveur de vitres, il ne devait pas travailler sur les nacelles durant une période de six mois. Le 10 mars 2009, le médecin du travail indiquait que M. [S] était apte à ses fonctions de laveur de vitres mais seulement pour une hauteur maximale de trois mètres
L'employeur reclassait alors le salarié sur un poste d'ouvrier nettoyeur.
Constatant après son changement de poste que M. [S] continuait à percevoir la prime de vitrerie alors qu'il avait été déclaré inapte à l'exercice de cette prestation et reclassé sur un autre poste depuis plusieurs mois, la Société Serviclean adressait le 21 décembre 2010 un courrier à M. [S] pour l'informer que cette prime contractuelle lui serait maintenue mais intégrée dans sa rémunération brute mensuelle.
Par avenant du 23 décembre 2010, l'employeur modifiait les horaires de travail du salarié.
Par courrier du 22 août 2011, l'employeur notifiait un premier avertissement au salarié. Cet avertissement était relatif à l'utilisation par le salarié du téléphone portable professionnel à des fins personnelles.
Par courrier du 5 octobre 2011, l'employeur notifiait un second avertissement au salarié en raison de manquements professionnels dans l'exécution de ses fonctions contractuelles.
Le 20 décembre 2011, la société Serviclean notifiait au salarié une mutation disciplinaire.
Par courrier du 23 juillet 2013, l'employeur rappelait au salarié les règles concernant la pose des congés et les modalités d'utilisation du véhicule professionnel mis à sa disposition.
Le 3 mars 2014, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 13 mars 2014.
Le 25 avril 2014, M. [B] [S], étant membre élu de la délégation unique du personnel, l'employeur adressait une demande d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail. Le 16 juin 2014, l'inspection du travail rejetait la demande d'autorisation de licenciement.
Le 10 juin 2014, M. [S] saisissait le conseil de prud'hommes de Rambouillet de ses demandes de paiement de rappels de salaires et de primes, instance délocalisée devant le conseil de prud'hommes de Versailles le 10 octobre 2014.
Le 14 novembre 2014, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement et lui notifiait une mise à pied à titre conservatoire.
Le 20 novembre 2014, la société Serviclean convoquait le comité d'entreprise en réunion extraordinaire afin de délibérer sur le licenciement envisagé de M. [B] [S]. Le comité d'entreprise était de nouveau convoqué le 2 décembre 2014. Le 10 décembre 2014, la société Serviclean adressait de nouveau un courrier à l'Inspection du travail afin de demander l'autorisation de licencier M. [S]. Le 19 janvier 2015, l'Inspection du travail refusait d'autoriser le licenciement de M. [S]. Le salarié était mis à pied du 17 novembre 2014 au 28 janvier 2015.
Par courrier du 26 janvier 2015, la société Serviclean demandait au salarié de reprendre son poste. Par ce même courrier, la société Serviclean précisait qu'elle lui notifiait un avertissement pour les faits qui l'avait conduit à envisager un licenciement à son encontre.
Par ordonnance du 29 janvier 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles a condamné la SAS Serviclean à verser à M. [S] une somme de 16 000 euros à titre de provision à valoir sur les primes 'forfait vitrerie'. Cette ordonnance a été annulée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 juin 2018.
Vu le jugement du 22 novembre 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Versailles qui a :
- fixé la moyenne des salaires à 2 274, 06 euros conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail ;
- condamné la société Serviclean à payer à M. [B] [S] les sommes suivantes :
- 369,30 euros au titre du complément forfait vitrerie ;
- 36,93 euros au titre des congés payés ;
- débouté M. [B] [S] de toutes ses autres demandes indemnitaires formulées ;
- ordonné à la société Serviclean de produire des bulletins de salaire modifiés de M. [S] sur la période juin 2010 à décembre 2010 ;
- rejeté les demandes de M. [S] de production des autres documents sous astreinte ;
- dit que M. [B] [S] devra rembourser la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros ;
- dit que chacune des parties conservera à sa charge, ses frais irrépétibles et ses dépens ;
- dit ne pas avoir lieu à exécution provisoire ;
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
Vu l'appel interjeté par M. [B] [S] le 5 décembre 2018.
Vu les conclusions de l'appelant, M. [B] [S], notifiées le 5 mars 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Serviclean à payer à M. [S] les sommes suivantes : complément sur primes « forfait vitrerie » de juin à décembre 2010 (304,90 euros x 7 = 2 134,30 euros moins 1 765 euros payés) = 369,30 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 36,93 euros brut
Y ajoutant,
- condamner la société Serviclean à payer à M. [S] les sommes suivantes prime d'expérience afférente au rappel de primes « forfait vitrerie » de 369,30 euros (369,30 euros x 5% euros brut) = 18,46 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 1,84 euros brut
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus
Et statuant à nouveau :
- dire et juger que la société est redevable de la prime contractuelle « forfait vitrerie » de 304,90 euros à compter de juin 2010 ;
- fixer la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 2 594,20 euros brut, subsidiairement à la somme de 2 274,06 euros brut ;
- annuler la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 ;
- annuler les avertissements des 22 août et 05 octobre 2011, 23 juillet 2013 (mise en garde) et du 26 janvier 2015 ;
- condamner la SAS Serviclean à payer à M. [S] les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 imposée et injustifiée = 10 000 euros
- dommages et intérêts pour avertissements injustifiés = 5 000 euros
- dommages et intérêts pour clause contractuelle de « subordination privée » = 2 000 euros
- dommages et intérêts pour privation abusive de salaire (mise à pied conservatoire de
2,5 mois) = 5 000 euros
- dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement d'un salarié
protégé = 5 000 euros
- dommages et intérêt pour défaut de délivrance des bulletins de salaire de novembre et décembre 2014 = 2 000 euros
- dommages et intérêts pour harcèlement moral = 20 000 euros
- primes « forfait vitrerie » de janvier 2011 à décembre 2019 (304,90 euros x 103 mois) = 32 929,20 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 3 292,92 euros brut
- prime d'expérience y afférente (32 929,20 euros x 5% euros brut) = 1 646,45 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 164,64 euros brut
- dommages et intérêts pour défaut de paiement de la prime « forfait vitrerie » = 20 000 euros
- salaires du 28 janvier au 15 février 2015 (2 274,06 euros net x 0,60 mois) = 1 364,43 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 136,44 euros brut
- prime d'expérience y afférente (1 364,43 euros x 5%) = 68,22 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 6,82 brut
- dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires = 2 000 euros
- retenue indue « trop perçu » = 296,84 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 29,68 euros brut
- prime d'expérience y afférente (296,84 euros x 5%) = 14,84 euros brut et indemnité compensatrice de congés payés y afférente = 1,48 euros brut
- retenue indue « saisie sur salaire » = 259,67 euros net
- titres restaurant du 01 novembre 2014 au 15 février 2015 (4 euros x 77 jours)
= 308 euros net
- titres restaurant à compter du 15 février 2015 (4 euros x 150 jours) = 600 euros net
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- ordonner, en fonction des condamnations intervenues, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros et se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte bulletins de salaire.
- ordonner, en tout état de cause, la délivrance des documents suivants sous astreinte journalière de 100 euros et se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte bulletins de salaire selon condamnations ;
- ordonner l'anatocisme ;
Vu les conclusions de l'intimée, la SAS Serviclean, notifiées le 28 mai 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- dire et juger que les sommes demandées par M. [S] ne sont pas dues
- débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- condamner reconventionnellement M. [S] à verser à la société Serviclean la somme de 15 194,64 euros à titre de remboursement des sommes indûment versées au salarié à titre de provision sur la prime « forfait vitrerie » dans le cadre de l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 29 janvier 2015, avec intérêts de droit au taux légal
- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [S] aux entiers dépens
Vu l'ordonnance de clôture du 14 septembre 2020.
SUR CE,
Sur la prescription :
La SAS Serviclean soulève la prescription triennale des demandes de rappels de salaires et primes de M. [S] et indique que la saisine du conseil de prud'hommes de Versailles datant du 10 octobre 2014, les demandes du salarié antérieures au mois de novembre 2011 sont prescrites.
Le salarié rappelle que sa saisine de la juridiction prud'homale datant du 10 juin 2014, ses demandes sont recevables à compter du 10 juin 2010 et donc, l'ensemble de ses réclamations sont recevables.
En effet, compte tenu de la loi du 14 juin 2013, la prescription pour les rappels de salaire est passée de 5 ans à 3 ans à compter du jour ou celui qui exerce l'action en paiement a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (article L. 3245-1 du code du travail) et, compte tenu du régime de prescription transitoire pour les actions en cours, il apparaît que les demandes de M. [S] portant sur son contrat de travail et sur ses salaires et primes à compter du 10 juin 2010, date de la saisine du conseil de prud'hommes, ne sont pas prescrites.
Sur l'exécution du contrat de travail :
sur la clause de subordination privée :
Le salarié reproche à la SAS Serviclean d'avoir introduit dans le contrat de travail une clause illicite, l'obligeant à informer l'employeur de tout changement dans sa situation de famille, violant ainsi tant l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme que l'article 9 du code civil. Il indique que les renseignements exigés par la société ne sont pas nécessaires au maintien d'une relation professionnelle normale de sorte que cette clause est attentatoire à sa vie privée (personnelle, familiale et publique) et ne comporte aucune contrepartie financière. Il indique qu'il existe nécessairement un préjudice s'agissant du non-respect de principes fondamentaux et réclame la somme de 2 000 euros.
L'employeur ne répond rien sur ce point.
La cour constate que le contrat de travail de M. [S] mentionne que l'employeur a souscrit un accord de prévoyance au titre de la garantie décès, rente éducation du chef du salarié et dès lors, la situation de famille du salarié doit être connue de l'employeur pour connaître l'étendue du risque garanti ; il n'apparaît donc pas qu'il s'agisse d'une clause de subordination privée illégale ; de plus, le salarié n'expliquant pas le préjudice dont il demande réparation, aucun préjudice n'étant nécessairement causé au salarié, il convient de le débouter de sa demande.
sur la prime forfait-vitrerie et prime d'expérience :
Le salarié reproche à son employeur de ne plus lui avoir versé l'intégralité de la prime vitrerie contractuellement prévue entre juin et décembre 2010 et sollicite la confirmation du jugement en ce que la SAS Serviclean a été condamnée à lui verser la somme de 369,30 euros outre les congés payés afférents ; il sollicite son infirmation pour le surplus et la condamnation de son employeur à ce titre à lui verser la prime forfait vitrerie de 304,90 euros de janvier 2011 à décembre 2019 soit la somme totale de 32 929,20 euros et les congés payés afférents, outre la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement de la prime « forfait vitrerie ».
Il expose qu'après avoir réduit unilatéralement cette prime à la somme de 300 euros mensuelle, l'employeur l'a encore réduite certains mois à compter de juin 2010 pour la supprimer totalement à compter de janvier 2011, sans son consentement ; c'est pourquoi, n'ayant jamais accepté la suppression de la prime, il en demande son règlement, outre des dommages et intérêts pour non-respect du contrat, puisqu'il est privé d'un élément de son salaire depuis plus de 8 années.
Il affirme que l'augmentation de sa rémunération mensuelle correspond à un accroissement de ses fonctions car l'employeur lui a confié l'encadrement d'une vingtaine de salariés, le nommant chef d'équipe.
La SAS Serviclean explique que M. [S] a été dans l'obligation de quitter son poste de laveur de vitres pour raison médicale après avoir été déclaré inapte par le médecin du travail de sorte qu'elle a été dans l'obligation de modifier ses fonctions et l'a placé à un poste d'ouvrier nettoyeur en intégrant le montant de la prime contractuelle dans sa rémunération globale ; elle l'en informait par lettres des 21 et 23/12/2010 (pièces 6 et 7 de l'employeur) ; elle conteste absolument que M. [S] ait été nommé en 2011 chef d'équipe pour justifier de l'augmentation de sa rémunération de base.
La cour relève que le contrat de travail du 17 avril 2000 régularisé entre les parties disposait que le salarié, embauché en qualité d'agent qualifié de propreté AQP/3, coefficient 210, percevait, en sus de son salaire de base de 9 500 francs par mois pour 151,67 heures de travail, une prime de 2 000 francs « forfait vitrerie » ; au passage du franc à l'euro en 2001, cette prime a été arrondie à 300 euros par l'employeur, sans acceptation justifiée du salarié à cette date pour un tel montant. Ainsi, depuis 2001, la prime « forfait vitrerie » que versait l'employeur était d'un montant mensuel de 300 euros.
Suivant certificat du médecin du travail du 10 mars 2009, le salarié était déclaré apte à son poste de laveur de vitre mais à une hauteur maximale de 3 mètres, après avoir été le 26 juin et le 18 décembre 2007 interdit médicalement de travailler sur une nacelle, de sorte que l'employeur souhaitait le reclasser en qualité d'agent très qualifié de service échelon 1 catégorie A et lui proposait la signature d'un avenant à son contrat de travail en date du 26/02/2010 ; cet avenant versé aux débats n'est pas signé du salarié ;
Pour la période de juin 2010 à décembre 2010, il apparaît que la prime d'un montant de 2 000 francs correspondait à la somme de 304,90 euros ; la SAS Serviclean ne s'explique pas sur le montant arrondi à la somme inférieure versée de sorte qu'elle était contractuellement tenue de servir la prime de 304,90 euros mensuellement ; compte tenu des sommes versées par l'employeur, M. [S] demande à la cour de confirmer sa condamnation à lui verser la somme de 369,30 euros outre 36,93 euros au titre des congés payés afférents.
La SAS Serviclean estimait ne plus avoir à verser le forfait vitrerie pour ce salarié qui ne pouvait plus accomplir sa prestation de laveur de vitres mais, pour permettre de maintenir sa rémunération globale au même niveau, elle intégrait le montant de cette prime (300,30 euros) qu'elle qualifiait de « chantier » dans le salaire mensuel de M. [S] à compter du 1er janvier 2011 pour correspondre au nouveau travail effectué par lui, de sorte que son salaire mensuel passait de 1 895,88 euros en décembre 2010 à 2 196,18 euros en janvier 2011, sans plus mention de la prime de chantier ; de son côté, le salarié explique cette augmentation salariale par le fait de l'accroissement de ses fonctions en affirmant qu'il était chargé d'encadrer une vingtaine de salariés en qualité de chef d'équipe et conteste la qualification donnée par l'employeur. La SA Serviclean nie la qualité de chef d'équipe revendiquée par M. [S] qui ne produit aucune pièce devant la cour pour en justifier.
La cour ne peut retenir la qualité revendiquée, sans justification, par le salarié et dès lors, constate que l'employeur a intégré à compter de janvier 2011 la prime de chantier à hauteur de 300,30 euros au salaire de base du salarié. M. [S] ne peut réclamer le règlement de la prime contractuellement due que sur la partie que l'employeur a omis d'intégrer dans son salaire, au titre de la prime de chantier ; en effet, la prime était d'un montant de 304,90 euros de sorte que l'employeur reste devoir la somme de 4,60 euros par mois de janvier 2011 jusqu'à décembre 2019, comme arrêtée par le salarié, soit la somme de 108 mois x 4,60 euros = 496,80 euros outre 49,68 euros au titre des congés payés afférents.
M. [S] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement de la prime ; néanmoins, la cour constate que le salarié ne consacre pas même une ligne dans ses écritures pour évoquer et préciser le préjudice dont il demande réparation de sorte qu'il convient de le débouter de ce chef de réclamation ; il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
M. [S] réclame l'octroi de la prime d'expérience afférente à ses demandes d'un montant de 18,46 euros et 1 646,45 euros outre les congés payés afférents dans le dispositif de ses conclusions mais n'explicite nullement ces réclamations dans le corps de ses écritures de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont évoquées dans la discussion », la cour ne peut faire droit à ces demandes.
sur la mutation disciplinaire du 21 novembre 2011 :
Le salarié expose pour la première fois en cause d'appel qu'il a fait l'objet d'une mutation disciplinaire le 20 décembre 2011 puisqu'il a été muté sur le site Socomie à [Localité 6] à compter du 4 janvier 2012, sans son accord, pour de prétendues réclamations du client concernant des poubelles non vidées ; il affirme qu'alors qu'il était salarié protégé, il se voyait éloigné de sa communauté de travail en toute illégalité et demande tant l'annulation de la sanction que l'octroi de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SAS Serviclean ne répond rien sur ce chef de demande.
La cour constate que la mutation a été réalisée le 4 janvier 2012 suivant la lettre de la SAS Serviclean du 20 décembre 2011 à titre disciplinaire, après entretien préalable au cours duquel le salarié a été entendu assisté d'un salarié de l'entreprise ; le salarié a rejoint son nouveau lieu de travail à la date indiquée et ne justifie nullement les éléments de nullité qui entacheraient cette décision ainsi que l'existence d'un préjudice en résultant, n'explicitant pas la communauté de travail à laquelle il aurait été éloigné de ce fait alors qu'il travaillait auprès de clients et pas dans le cadre d'un emploi sédentaire avec d'autres salariés de l'entreprise, de sorte qu'il convient de le débouter de cette demande.
sur les avertissements :
Le salarié expose qu'il a reçu plusieurs avertissements, les 22/08/2011, 05/10/2011, 23/07/2013 (mise en garde), et enfin le 26/01/2015 qui sont injustifiés, le dernier étant de plus nul et illicite en plus d'être injustifié et en demande leur annulation ; il réclame l'octroi de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SAS Serviclean conclut que ces sanctions étaient justifiées et qu'il convient de débouter M. [S] de sa demande.
La cour relève que le premier avertissement avait été notifié pour utilisation personnelle du téléphone professionnel et que le deuxième l'avait été pour des manquements professionnels que M. [S] n'avait pas contestés à l'époque, de sorte qu'ils avaient été justement délivrés au salarié ; que le troisième n'est pas un avertissement mais une mise en garde ne revêtant pas de caractère disciplinaire de sorte que la cour ne peut l'annuler.
Quant au dernier avertissement du 26/01/2015, il a été notifié au salarié après que la demande présentée par l'employeur d'autorisation de le licencier pour faute grave avait été refusée par l'inspection du travail le 19 janvier 2015 au motif que « les faits reprochés au salarié ne peuvent donc pas être considérés comme étant d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, n'ayant pas perturbé de façon permanente et dommageable le fonctionnement de l'entreprise » de sorte qu'il est apparu la réalité des faits à l'administration du travail qui a statué sur la gravité pour refuser l'autorisation demandée ; en conséquence, la cour constate qu'en ayant notifié à son salarié une sanction de bien moindre gravité, l'entreprise a légalement pris sa décision et il convient de débouter M. [S] de ce chef de demande et de confirmer le jugement de ce chef. Il convient de le débouter en conséquence de sa demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés, pas plus motivée que ses précédentes réclamations.
sur la mise à pied conservatoire du 14/11/2014 :
Au cours de la procédure de licenciement dont la SAS Serviclean a saisi l'inspection du travail, l'employeur a placé le salarié en mise à pied conservatoire à cette date et n'a présenté sa demande à l'administration que le 17/12/2014. M. [S] prétend qu'il s'est trouvé sans salaire jusqu'en mars 2015 et sollicite le paiement du salaire du 28/01/2015 au 15/02/2015, sans expliquer la différence de date indiquée, soit la somme de 1 364,43 euros outre les congés payés et la prime d'expérience afférents, outre la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation abusive de salaire.
La SAS Serviclean reconnaît qu'elle a placé M. [S] en mise à pied conservatoire à compter du 17 novembre 2014 compte tenu des faits qu'elle lui reprochait et qui ont été sanctionnés par l'avertissement du 26/01/2015 ; après le refus de l'administration du licenciement du salarié, l'employeur a réglé les sommes retenues suivant les bulletins de salaire de janvier et février 2015 (pièces 41 de la société) et a demandé au salarié de reprendre immédiatement son poste de travail par lettre du 26/01/2015 ; le salarié a attendu milieu février pour s'exécuter.
La cour relève que M. [S] ne justifie pas que ses salaires n'aient pas été réglés comme il le prétend, ses bulletins de salaire démontrant le contraire et alors qu'il ne s'explique pas sur sa reprise au 15 février 2015 seulement malgré la demande de son employeur d'une reprise au 26 janvier, il y a lieu de le débouter de ces chefs de réclamation injustifiés et de confirmer le jugement entrepris.
sur le défaut de délivrance des bulletins de salaire de novembre et décembre 2014 :
Le salarié réclame la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour « défaut de délivrance » ; la SAS Serviclean s'y oppose en affirmant qu'elle verse en pièce 41 les dites fiches de paie ;
La cour les découvre effectivement et en l'absence de toute explication compréhensible de la demande ainsi formulée, déboute M. [S] de cette demande non justifiée.
sur les retenues salariales :
Le salarié prétend qu'une retenue de 296,84 euros a été opérée indument par son employeur sur son bulletin de salaire de janvier 2015 pour un trop perçu de décembre 2014 et une saisie sur salaire de 259,67 euros, estimant dès lors justifié son refus de reprendre son travail. C'est pourquoi il réclame règlement de ces sommes ainsi que celle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires.
La SAS Serviclean explique que les heures de délégation de décembre n'avaient pu être prises par le salarié en mise à pied conservatoire et elles lui ont été réglées en janvier d'où un salaire mensuel supérieur à cette date et elle affirme avoir reçu du trésor public un avis à tiers détenteur pour retenir la somme de 259,67 euros, somme qu'elle a ensuite restituée au salarié après justification qu'il avait entre temps réglé directement au trésor public sa dette .
Ainsi, la cour constate que M. [S] a été complètement réglé des sommes qui lui étaient dues, qu'il ne peut justifier son absence au travail par le fait d'une contestation du montant de sa rémunération sur son bulletin de salaire de janvier 2015 de sorte qu'il convient de le débouter de ces demandes et de confirmer le jugement rendu de ce chef.
sur les titres restaurant :
Le salarié indique que les titres restaurant pour la période de novembre 2014 au 15 février 2015 sont dus ainsi que ceux retenus sans raison à compter du 16 février 2015 et demande paiement de la somme de 308 euros nets (4 euros x 77 jours). Il demande en sus le paiement de 150 titres restaurant « retenus sans raison à compter du 15 février 2015 » pour 600 euros nets.
La SAS Serviclean estime que le bénéfice de ticket restaurant est lié à une présence effective du salarié à son poste de travail puisqu'ils sont remis au salarié qui ne peut rentrer à domicile en raison de son travail de sorte que, exclu provisoirement de l'entreprise, le salarié ne pouvait se voir remettre les dits tickets.
Si effectivement le salarié qui n'est pas dans l'entreprise pour un motif dont il est à l'origine (congés, arrêts maladie) ne peut bénéficier de tickets restaurant, il apparaît que l'absence de M.[S] entre novembre 2014 et janvier 2015 résultait de la décision de l'employeur de le placer sous le régime de la mise à pied conservatoire ; celle-ci ayant été levée après que l'inspection du travail a rejeté la demande de licenciement pour faute, le salarié devait se voir régler l'intégralité du salaire pour la période correspondante à la mise à pied conservatoire (17 novembre 2014-26 janvier 2015) de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement et de condamner l'employeur à verser à M. [S] la contrepartie de ces tickets, soit la somme de 4 euros pour chacun des jours ouvrés correspondant à cette période soit la somme de 196 euros (4 euros x 49 jours), sans que la cour ne puisse le suivre sur sa demande supplémentaire de 150 jours postérieurs à défaut de toute explication dans ses écritures, cette demande étant « sans raison ».
sur le harcèlement moral :
Le salarié indique que les faits précédents laissent supposer une situation de harcèlement moral et affirme qu'il a droit à une indemnisation à ce titre. Il réclame la somme de 20 000 euros.
Néanmoins, à supposer même que le salarié ait été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur, il apparaît qu'il ne donne à la cour aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté (page 25 de ses conclusions), et en conséquence, et en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile précité, alors qu'aucun préjudice n'est automatique, la cour n'a pas à statuer sur cette demande et ne peut que débouter M. [S] de ce chef de demande
sur les dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :
Le salarié reproche à l'employeur de l'avoir placé en mise à pied conservatoire le 14 novembre 2014, de n'avoir saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licencier que le 12 décembre 2014 au lieu du 30 novembre 2014 au plus tard, et indique que ces délais sont prévus pour ne pas laisser le salarié protégé dans une trop grande incertitude et de ne le priver de revenus que pendant un délai très restreint de sorte qu'il n'a perçu qu'un salaire amputé en novembre 2014 et qu'il n'a reçu aucun salaire avant avril 2015 ayant pour conséquence que privé de tout revenu, particulièrement pendant les fêtes de Noël et du jour de l'an, un salarié protégé ne peut plus assumer correctement ses fonctions. Il réclame la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SAS Serviclean ne répond pas précisément sur cette contestation du salarié.
La cour relève que l'employeur a effectivement convoqué le comité d'entreprise tardivement et a demandé également tardivement à l'inspection du travail l'autorisation de licencier ce salarié protégé ; ce laps de temps supérieur à celui nécessaire pour réaliser la procédure alors que le salarié était placé sous la procédure de mise à pied conservatoire entraînant l'absence de paiement de son salaire durant le temps d'étude de sa situation lui a causé un préjudice, puisqu'il a eu un salaire amputé en novembre 2014 et son salaire de décembre 2014 ne lui a été versé qu'avec celui de janvier 2015 ; la cour évalue son préjudice à la somme de 1 000 euros et condamne la SAS Serviclean à lui verser cette somme.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;
Sur la demande reconventionnelle de la SAS Serviclean :
La SAS Serviclean sollicite la condamnation de M. [S] à lui verser la somme de 15 194,64 euros à titre de remboursement des sommes indument versées au salarié à titre de provision sur la prime « forfait vitrerie » à laquelle elle a été condamnée, dans le cadre de l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles du 29 janvier 2015 avec intérêts de droit au taux légal. Le salarié a poursuivi l'employeur en saisie attribution pour se faire régler cette somme.
Le salarié ne répond rien sur ce chef de demande.
La cour constate que l'ordonnance précité a condamné la SAS Serviclean à verser à M. [S] la somme de 16 000 euros et a fait l'objet d'un recours de la part de l'employeur. Par arrêt du 21 juin 2018, la cour d'appel de Versailles a annulé cette ordonnance de sorte que les sommes versées par la SAS Serviclean à M. [S] de ce chef ne sont pas dues et doivent être remboursées par lui ;
La SAS Serviclean justifie avoir réglé à M. [S] la somme totale de 15 194,64 euros à ce titre ; le salarié doit donc être condamné à restituer ladite somme avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [S] ;
La demande formée par la SAS Serviclean au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions relatives au dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, aux tickets restaurant et au montant de la prime de chantier intégrée dans le salaire à compter de janvier 2011 jusqu'à décembre 2019 ;
Et statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne la SAS Serviclean à verser à M. [S] :
la somme de 496,80 euros outre 49,68 euros au titre des congés payés afférents, au titre du salaire de janvier 2011 à décembre 2019,
la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la procédure de licenciement
et 196 euros au titre des tickets restaurant omis du 17 novembre 2014 au 26 janvier 2015
Déboute M. [S] du surplus de ses réclamations
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne M. [S] à rembourser à la SAS Serviclean la somme de 15 194,64 euros avec intérêts au taux légal à compter des conclusions demandant le remboursement
Condamne M. [S] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [S] à payer à la SAS Serviclean la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRESIDENT