COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2020
N° RG 19/07896 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TR46
AFFAIRE :
SARL HERBIO VERSAILLES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
C/
Société civile FRANCE BOUTIQUE 2 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 24 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° RG : 19/00949
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Marc BRESDIN
Me Stéphane CHOUTEAU
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL HERBIO VERSAILLES agissant en la personne de son gérant Monsieur [Y] [I] domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 829 228 220
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marc BRESDIN de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 190284
APPELANTE
****************
Société civile FRANCE BOUTIQUE 2 prise en la personne de son gérant la SA BNP PARIBAS REAL ESTATE INVESTMENT MANAGEMENT FRANCE elle prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 327 705 927
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS,avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004498
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie LE BRAS, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, président,
Madame Marie LE BRAS, conseiller,
Madame Marina IGELMAN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE,
EXPOSÉ DU LITIGE,
Par acte authentique du 27 octobre 2017, la société civile France Boutique 2 a consenti un bail commercial à la SARL Herbio Versailles portant sur des locaux à usage commercial dans un ensemble immobilier situé [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 50 000 euros HT payable par trimestre, avec des aménagements au cours des 2 premières années, à savoir 40 000 euros HT annuels la 1ère année et 45 000 euros HT annuels la seconde année.
A la suite de loyers impayés, la société civile France Boutique 2 a fait délivrer à son preneur par acte du 21 mars 2019 un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur une somme en principal de 32 259,89 euros au titre des loyers, provisions pour charges et taxes impayés.
Puis, par acte en date du 24 juin 2019, la société civile France Boutique 2 a fait assigner en référé la SARL Herbio Versailles afin de voir déclarer acquise la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 27 octobre 2017, obtenir son expulsion ainsi que la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle à un montant correspondant à celui du loyer et des charges majoré de 50 % et sa condamnation à lui verser une provision de 38 380,12 euros correspondant au solde locatif au 29 août 2019 avec intérêts.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 24 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles a :
- déclaré acquise la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 27 octobre 2017 ;
- ordonné l'expulsion, du local sis [Adresse 1], de la SARL Herbio Versailles et de tout occupant de son chef y compris avec le concours de la force publique, ainsi que la séquestration des meubles, après un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
- dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code de procédure civile d'exécution,
- condamné la société Herbio Versailles à verser à la société civile France Boutique 2 la somme de 38 380,12 euros à titre provisionnel avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,
- fixé l'indemnité d'occupation à la somme prévue au contrat au titre du loyer et des charges et ce à compter du 21 avril 2019 et jusqu'a la sortie effective des lieux de la société Herbio Versailles,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Herbio Versailles aux dépens qui incluront le coût du commandement de payer,
- rappelé que la présente ordonnance bénéfice de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 13 novembre 2019, la SARL Herbio Versailles a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 décembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SARL Herbio Versailles demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Versailles le 24 septembre 2019 ;
- dire nul et de nul effet le commandement de payer du 21 mars 2019 ;
- suspendre l'acquisition de la clause résolutoire ;
- dire que sa dette est de 20 000 euros (à parfaire le jour des plaidoiries) ;
- débouter la société France Boutique 2 de ses demandes ;
- condamner la société France Boutique 2 à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 6 mars 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société civile France Boutique 2 demande à la cour au visa des articles L. 145-41 du code de commerce et des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :
- la recevoir en toutes ses demandes fins et conclusions ;
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la provision allouée ;
statuant à nouveau,
- condamner la société Herbio Versailles à lui payer la somme de 30 103,30 euros TTC, au titre des arriérés de loyers et de charges et d'indemnités d'occupation, provisoirement arrêtés au 6 mars 2020 (terme du 1er trimestre 2020 inclus), avec intérêts de droit ;
- condamner la société Herbio Versailles à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Herbio Versailles aux dépens de première instance et d'appel, que Maître Stéphane Chouteau, avocat, pourra directement recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
- sur la régularité du commandement de payer :
La SARL Herbio Versailles demande à la cour de juger le commandement de payer qui lui a été délivré le 21 mars 2019 nul et de nul effet au motif qu'il n'était pas détaillé et qu'aucun décompte n'était joint à l'acte.
Pour s'opposer à ce moyen de nullité, la société civile France Boutique 2 lui répond que le commandement de payer comprenait bien un décompte détaillé de sa créance sur 3 pages.
Sur ce,
Il sera en premier lieu rappelé qu'il n'est pas dans le pouvoir du juge des référés, et de la cour à sa suite, de prononcer la nullité d'un acte, l'éventuelle irrégularité pouvant uniquement amener le juge à retenir l'existence d'une contestation sérieuse des prétentions adverses.
La société civile France Boutique 2 produit l'intégralité du commandement de payer litigieux en sa pièce 2 sur lequel il est expressément renvoyé à un décompte en annexe de l'acte.
Ce décompte détaillé de la créance apparaît effectivement joint au commandement, inséré entre la 2ème page qui rappelle les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce et reproduit la clause résolutoire, et la dernière page constituée du procès-verbal de signification du commandement au gérant de la SARL Herbio Versailles, étant précisé que l'huissier instrumentaire a, par mention, indiqué que le commandement comportait 6 pages, ce qui correspond au nombre de pages de la copie de l'acte, décompte compris, versé aux débats.
La contestation tiré de l'irregularité du commandement de payer n'apparaît dès lors pas sérieuse.
- sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses effets :
La SARL Herbio Versailles ne prétend pas avoir réglé les causes du commandement dans le délai imparti par l'article L. 145-41 du code de commerce et ne discute pas l'application de la clause résolutoire.
Elle soutient simplement qu'il n'a pas été tenu compte par le premier juge de 3 versements d'un montant global de 21 000 euros qui tendent à réduire sa dette arrêtée au 3 septembre 2019 à 17 380,12 euros.
La société civile France Boutique 2 conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce que le premier juge a constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, à défaut pour l'appelante d'avoir réglé les causes du commandement, a fixé une indemnité d'occupation et ordonné l'expulsion du preneur.
Sur ce,
L'article 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
Pour justifier de sa créance, la société civile France Boutique 2 produit aux débats le commandement de payer ainsi que sa signification, la copie du contrat de bail portant clause résolutoire ainsi que le décompte de sa créance de 32 259,89 euros en principal au titre des loyers et charges demeurés impayés au 20 mars 2019.
Il ressort du relevé des pièces produites par la SARL Herbio Versailles que les paiements qu'elle invoque sont tous intervenus après le 21 avril 2019, soit après l'expiration du délai d'un mois imparti.
Au vu de ce qui précède, la preuve est ainsi rapportée par le bailleur, sans contestation sérieuse, que les causes du commandement n'ont pas été réglées dans le délai requis, de sorte que la clause résolutoire du bail est acquise.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, sauf à préciser qu'elle a pris effet le 21 avril 2019.
Seront également confirmées les dispositions subséquentes relatives à la fixation à titre provisionnel d'une indemnité d'occupation et à la mesure d'expulsion, la SARL Herbio Versailles se trouvant occupante encore à ce jour sans droit, ni titre des locaux appartenant au bailleur.
- sur la demande de provision de la société civile France Boutique 2 :
La SARL Herbio Versailles fait grief au premier juge de l'avoir condamnée à payer une provision de 38 380,12 euros, sans qu'il ait été tenu compte des 3 paiements évoqués plus haut qui limiteraient sa créance arrêtée au 3 septembre 2019 à 17 380,12 euros.
La société civile France Boutique 2 soutient au contraire en produisant le relevé du compte bail actualisé au 6 mars 2020, que tous les versements effectués par la SARL Herbio Versailles ont été pris en compte et que la dette locative arrêtée au 6 mars 2020 s'élève encore à 30 103,30 euros.
Afin qu'il soit tenu compte de l'évolution de sa créance, l'intimée conclut à l'infirmation de l'ordonnance afin de voir fixer le montant de sa provision à cette somme de 30 103,30 euros.
Sur ce,
Aux termes de l'ancien article 809 du code de procédure civile devenu l'article 835 du même code applicable à compter du 1er janvier 2020, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
La hauteur de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que celle du montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Il sera en premier lieu relevé que la SARL Herbio Versailles évoque 3 paiements qui n'auraient pas été pris en compte sans toutefois en préciser ni les montants, ni les dates.
L'appelante verse notamment aux débats un extrait de son grand-livre des tiers édité le 3 novembre 2019 sans aucun commentaire pour déterminer les versements y figurant qui auraient été omis.
Il est dès lors impossible de vérifier la pertinence de ce moyen de contestation à partir de cette pièce, sachant par ailleurs que tous les paiements figurant sur le relevé bancaire de compte bail qu'elle produit en sa pièce 7 apparaissent également sur le relevé bancaire dudit compte présenté par la société civile France Boutique 2 (pièce 13) qui reprend l'historique des mouvements bancaires jusqu'au 6 mars 2020.
Il ressort d'ailleurs de ce relevé actualisé que le solde de la dette locative de la SARL Herbio Versailles s'élevait encore à cette date à un montant de 30 103,30 euros.
Les pièces présentées par la SARL Herbio Versailles ne suffisant pas à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse de la créance de la société civile France Boutique 2 arrêtée au 30 mars 2020, il convient, par voie d'infirmation pour tenir compte de l'actualisation de sa dette locative, de la condamner à payer à l'intimée une provision de 30 103,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2019, date du commandement de payer.
- sur la suspension de la clause résolutoire :
Dans le dispositif de ses conclusions, la SARL Herbio Versailles sollicite la suspension de la clause résolutoire, sans toutefois demander de délais de paiement. Elle précise dans le corps de ses conclusions qu'elle a rencontré des difficultés économiques mais s'engage à honorer ses engagements locatifs et à régler sa dette locative 'avant l'audience de plaidoirie'.
La société civile France Boutique 2 ne formule aucune observation sur cette demande.
Sur ce,
L'article L145-41 al 2 du code de commerce dispose que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il sera constaté qu'en l'espèce, la SARL Herbio Versailles ne saisit pas la cour d'une demande de délais de paiement de sorte que sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire ne peut qu'être rejetée, étant au surplus observé qu'au jour de l'audience, à savoir le 14 octobre 2020, la SARL Herbio Versailles n'a présenté aucune pièce actualisée pour justifier de l'apurement de sa dette.
- sur les demandes accessoires :
L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la SARL Herbio Versailles ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
Il est en outre inéquitable de laisser à la société civile France Boutique 2 la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance entreprise en date du 24 septembre 2019 en toutes ses dispositions sauf en celles relatives au montant de la provision allouée à la société civile France Boutique 2 ;
statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
DIT que la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire a pris effet au 21 avril 2019 ;
CONDAMNE la SARL Herbio Versailles à payer à la société civile France Boutique 2 une provision d'un montant de 30 103,30 euros, à valoir sur les loyers et charges impayés au 30 mars 2020, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2019, date du commandement de payer ;
DÉBOUTE la SARL Herbio Versailles de sa demande tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire ;
CONDAMNE la SARL Herbio Versailles à payer à la société civile France Boutique 2 une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
DIT que la SARL Herbio Versailles supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président et par Madame Sophie CHERCHEVE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,