COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JANVIER 2021
N° RG 18/04698 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SYTO
AFFAIRE :
Association LEONARD DE VINCI
C/
[H] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Octobre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : E
N° RG : 16/00794
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
ASSOCIATION L & ASSOCIÉS
VAUGHAN - AVOCATS ASSOCIÉS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Association LEONARD DE VINCI
N° SIRET : 402 850 226
POLE UNIVERSITAIRE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Karine LE STRAT de l'ASSOCIATION L & ASSOCIÉS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 60
APPELANTE
****************
Madame [H] [G]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Bruno COURTINE de VAUGHAN - AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094, substitué par Me Lucie MENARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Décembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [H] [G] a été embauchée à compter du 1er novembre 1994 en qualité de secrétaire assistante de bibliothèque par la SEM 92.
À compter du 30 juin 1995, le contrat de travail a été transféré à l'association Léonard de Vinci, gestionnaire de l'établissement d'enseignement supérieur hors contrat du même nom, composé d'une école de management, d'une école d'ingénieurs et d'un institut de l'internet et du multimédia.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat.
Mme [G] a par la suite été promue dans l'emploi de documentaliste (statut de cadre) puis à compter du 1er juin 2012 dans l'emploi de professeur délégué au sein du département culture et communication, commun aux trois écoles.
Par lettre du 21 août 2015, l'association Léonard de Vinci a proposé à Mme [G] une modification de son contrat de travail pour motif économique.
Par lettre du 4 septembre 2015, Mme [G] a refusé cette modification.
Par lettre du 30 septembre 2015, l'association Léonard de Vinci a convoqué Mme [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Par lettre du 15 octobre 2015, l'association Léonard de Vinci a adressé à Mme [G] le motif économique de son licenciement, dans le cadre d'un licenciement portant sur moins de dix salariés sur trente jours, et lui a proposé l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle.
Le 10 novembre 2015, le contrat de travail a été rompu à la suite de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle par Mme [G].
Le 16 mars 2016, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester son licenciement et demander notamment la condamnation de l'association Léonard de Vinci à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts.
Par un jugement du 10 octobre 2018, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :
- dit le licenciement de Mme [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamné l'association Léonard de Vinci à payer à Mme [G] une somme de 50'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- débouté Mme [G] de ses autres demandes ;
- ordonné à l'association Léonard de Vinci de rembourser à Pôle emploi une somme de 4 000 euros au titre des indemnités de chômage versées à Mme [G] ;
- condamné l'association Léonard de Vinci à payer à Mme [G] une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté l'association Léonard de Vinci de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association Léonard de Vinci aux dépens.
Le 13 novembre 2018, l'association Léonard de Vinci a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 18 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, l'association Léonard de Vinci demande à la cour d'infirmer le jugement sur le licenciement et les condamnations prononcées à son encontre et, statuant à nouveau, de :
- dire le licenciement de Mme [G] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouter Mme [G] de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 21'248,22 euros, équivalente à six mois de salaire, et confirmer le jugement sur la condamnation envers Pôle emploi ;
- condamner Mme [G] à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 3 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a statué sur la condamnation envers Pôle emploi et sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner l'association Léonard de Vinci à lui payer les sommes suivantes :
* 84'992,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 10'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement vexatoire et abusif ;
* 10'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien dans l'emploi ;
- subsidiairement, confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;
- ordonner à l'association Léonard de Vinci de lui remettre des documents sociaux conformes à l'arrêt ;
- condamner l'association Léonard de Vinci à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux entiers dépens.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 décembre 2020.
SUR CE :
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :
Considérant que la lettre de licenciement pour motif économique est fondée sur une réorganisation des services pédagogiques communs au trois écoles, passant par la suppression du département culture et communication au sein duquel Mme [G] était affectée, nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'association Léonard de Vinci ;
Considérant que Mme [G] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que la réalité du motif économique de sauvegarde de la compétitivité n'est pas établie et en ce que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement ainsi qu'à son obligation de veiller au maintien à ses capacités à occuper un emploi ; qu'elle réclame en conséquence une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que l'association Léonard de Vinci conclut au débouté ;
Considérant, sur la réalité du motif économique, qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité ; que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment de tableaux relatifs aux effectifs des élèves scolarisés au sein de l'association Léonard de Vinci, de procès-verbaux du conseil d'administration depuis 2013, que l'association, financée essentiellement par les frais d'inscription, était confrontée depuis 2012 à une baisse de 13% du nombre d'inscrits résultant d'une concurrence importante venant des établissements d'enseignement supérieur privés et publics délivrant des diplôme de type 'Masters' ; que la menace sur la compétitivité de l'association Léonard de Vinci est ainsi établie ; que la sauvegarde de sa compétitivité nécessitait la mise en place d'enseignements dans le domaine nouveau des 'soft skills', c'est à dire des compétences humaines et comportementales, désormais recherché par le marché de l'emploi et partant, la création d'un nouveau département consacré à cet enseignement et la suppression du département dans lequel Mme [G] était employée ; que la réalité du motif économique invoqué est ainsi établi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
Considérant, sur le reclassement, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que l'employeur est tenu de rechercher et de proposer aux salariés les postes disponibles, dans l'entreprise mais aussi dans le cadre des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'a pu reclasser le salarié ; qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise, ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient ;
Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment du livre des entrées et sorties du personnel de l'association Léonard de Vinci, ainsi que des fiches de postes relatives aux emplois disponibles au moment du licenciement, que Mme [G] est titulaire d'un doctorat en histoire de l'art et enseignait l'histoire et le marché de l'art, les cultures occidentales et le monde anglo-saxon, les arts et les sciences, la communication écrite et orale ; que les postes disponibles, tels notamment ceux d'assistante pédagogique au sein de l'institut de l'internet et du multimédia ou de chargé de projets internationaux requéraient des compétences techniques dont Mme [G] était dépourvue, étant rappelé par ailleurs que l'obligation de reclassement n'inclut pas l'obligation pour l'employeur de fournir au salarié une formation lui donnant une qualification qu'il ne possède pas ; que l'association Léonard de Vinci n'a donc pas manqué à son obligation de reclassement en ne lui proposant pas ces postes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de Mme [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, contrairement ce qu'ont estimé les premiers juges ; qu'il y a donc lieu de débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;
Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et abusif :
Considérant que, en tout état de cause, le certificat médical versé aux débats se borne à reprendre les dires de Mme [G] relatif à un lien de causalité entre la procédure de licenciement et son état de santé ; que dans ces conditions, il y a lieu de débouter Mme [G] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;
Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de veiller au maintien des capacités à occuper un emploi :
Considérant qu'en tout état de cause, Mme [G] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts ;
Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail :
Considérant qu'eu égard la solution du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner à l'association Léonard de Vinci de rembourser à Pôle emploi une quelconque somme à titre de remboursement les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [G] ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Sur la remise de documents sociaux :
Considérant qu'eu égard la solution du litige, il y a lieu de débouter Mme [G] de cette demande ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant qu'eu égard la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que Mme [G], partie succombante sera déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel et sera condamnée à payer à association Léonard de Vinci somme de 1000 euros à ce titre, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur les dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire et sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de veiller au maintien des capacités à occuper un emploi ainsi que sur la remise de documents sociaux,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [H] [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [H] [G] de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Condamne Mme [H] [G] à payer à l'association Léonard de Vinci une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Condamne Mme [H] [G] aux dépens de première instance et d'appel
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller, en raison de l'empêchement de Monsieur Luc LEBLANC, président, et par Monsieur Mame NDIAYE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,